Intervention de Alain Richard

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 18 janvier 2023 à 9h00
« éviter la panne sèche — Huit questions sur l'avenir de l'eau » - présentation du rapport d'information

Photo de Alain RichardAlain Richard, rapporteur :

Classiquement, lorsque l'on parle de politique de l'eau, on distingue le grand cycle - l'eau « dans la nature » - du petit cycle - les opérations menées autour des usages domestiques et économiques. Dans notre rapport, nous appelons à ne pas oublier que le petit cycle reste un enjeu important. Ce n'est pas parce que nous avons su nous doter d'un réseau de distribution qui irrigue tout le territoire et de systèmes d'assainissement performants, largement grâce aux efforts des collectivités territoriales, qu'il faut désormais considérer le petit cycle comme secondaire.

Des investissements lourds continuent d'être nécessaires, d'abord pour la maintenance des réseaux, car il ne faut pas oublier que le taux de renouvellement des canalisations est de l'ordre de 0,6 % à 0,7 % par an, ce qui est nettement insuffisant. Des investissements nouveaux sont également nécessaires pour filtrer les nouveaux polluants dans les usines d'assainissement ou encore pour rendre plus robuste notre système de captage et de distribution d'eau, les petits réseaux devenant vulnérables lors des sécheresses. On l'a vu cet été, avec plus d'une centaine de communes qui se sont retrouvées avec des captages à sec et en rupture d'approvisionnement en eau potable.

Dans notre rapport, nous appelons aussi à ne pas négliger la question de la qualité de l'eau. Il s'agit là d'une préoccupation de santé publique et de santé environnementale, et la bataille de la qualité de l'eau n'est pas encore gagnée. Comme tous nos voisins européens, nous n'atteindrons pas les objectifs de bon état des masses d'eau en 2027, fixés par la directive-cadre sur l'eau (DCE) de 2000.

Certes, le traitement des eaux usées s'est bien amélioré, les pollutions industrielles sont mieux maîtrisées, mais des points négatifs restent à corriger : les effluents d'élevage continuent à générer des phénomènes d'algues vertes, les pollutions diffuses agricoles liées aux pesticides sont encore la cause d'une majorité des déclassements des masses d'eau au regard des exigences de la DCE, et nous devons nous attaquer aux micropolluants - microplastiques, résidus médicamenteux, etc.

Nous nous sommes intéressés aux instruments à mobiliser et à renforcer pour une politique de l'eau efficace. En effet, une politique publique performante doit reposer sur des outils adaptés de connaissance, de gouvernance ou encore de financement.

Sur l'appareil de surveillance de la quantité et de la qualité de l'eau, nous sommes relativement bien pourvus, et nous avons fait des efforts de transparence avec des données mises à disposition du public. Mais il convient de veiller à ne pas réduire la voilure, par exemple sur notre réseau de piézomètres ou encore sur la surveillance des débits d'étiage. Les difficultés tiennent au manque de données en temps réel ou encore à la nécessité de disposer d'analyses prospectives plus poussées. De ce point de vue, nous attendons pour 2024 les résultats de la version 2 de l'étude Explore 2070, qui permettra d'affiner les prévisions à long terme.

Sur la gouvernance, nous considérons que le système mis en place avec la loi sur l'eau de 1964 reste pertinent. Les agences de l'eau couvrent chacune un bassin hydrographique cohérent et sont responsables à la fois de la planification, à travers l'élaboration des schémas directeurs d'aménagement et de gestion de l'eau (Sdage), et de la collecte des redevances, puis de leur redistribution pour soutenir des projets de gestion de l'eau, selon une programmation pluriannuelle sur six ans. Les agences ont acquis une technicité incontestable et nous appelons à préserver l'architecture générale de la gouvernance de l'eau.

Sur les aspects financiers, nous sommes plus critiques, estimant que, face à des besoins croissants de financement de la politique de l'eau, il faut trouver des ressources nouvelles, et pas seulement prélever toujours plus sur les usagers du petit cycle pour financer des actions qui relèvent du grand cycle de l'eau. Le Gouvernement a annoncé une hausse bienvenue de 100 millions d'euros du plafond de dépenses des agences de l'eau, mais il faut trouver des ressources pérennes, comme l'affectation aux agences d'une fraction de taxe d'aménagement.

Nous analysons, dans notre rapport, le rôle éminent des collectivités territoriales dans la mise en oeuvre effective des actions en faveur de l'eau. Au-delà du petit cycle, qui constitue une responsabilité historique, les collectivités s'impliquent de plus en plus dans le grand cycle, en participant à des établissements publics territoriaux de bassin ou en mettant en oeuvre la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (Gemapi), désormais confiée aux intercommunalités.

Nous appelons à davantage décentraliser la prise de décision en matière de gestion quantitative de l'eau, car les collectivités ont l'expertise de terrain et doivent pouvoir décider des priorités. Encore faut-il que les moyens techniques et financiers suivent ! Les projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE) en cours d'élaboration constituent une opportunité pour trouver les bons équilibres à l'échelle locale, en impliquant tous les acteurs - agriculteurs, citoyens, élus locaux.

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