Intervention de Colette Mélot

Réunion du 2 février 2023 à 14h30
Réhabilitation des militaires « fusillés pour l'exemple » — Discussion générale

Photo de Colette MélotColette Mélot :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la jeunesse du XXIe siècle a connu les confinements. Celle du début du XXe siècle a connu les tranchées, les gaz, les charges à la baïonnette, le feu roulant et les shrapnels.

En un siècle, le monde a évidemment changé, à tel point que nous avons du mal à nous représenter l’horreur des combats. Nous avons reçu en héritage de précieux témoignages. Celui de nos anciens, tout d’abord, au travers de lettres ou de quelques rares discussions. Des écrivains nous ont aussi laissé une trace mémorable de ce qu’ils ont vécu, à l’instar de Maurice Genevoix, Roland Dorgelès ou encore Ernst Jünger.

Ces récits sont difficiles, choquants et marquants, mais ils ne sont que des récits. Ils ne peuvent transmettre la mémoire de la peau, celle de ceux qui ont vécu cette apocalypse. Or celle-ci s’est éteinte en 2008 avec la disparition de Lazare Ponticelli, le dernier poilu. Il nous appartient désormais de maintenir allumée la flamme du souvenir.

Les monuments aux morts de nos communes retiennent les noms de ceux qui se sont battus pour défendre la patrie, des Ardennes aux Dardanelles. Il s’agit de lieux fondamentaux pour la République et pour la Nation.

La Première Guerre mondiale a fait plus de 4 millions de blessés parmi les militaires de notre pays. Elle a tué près d’un million et demi de soldats français. De nos jours, même en ayant ces chiffres en tête, on peine à se représenter l’ampleur du massacre. Nombreux sont ceux qui ont donné leur vie pour défendre la patrie.

Parmi eux, certains sont morts sous les balles françaises, condamnés à mort par une justice de guerre. Une justice qui n’offrait pas de procès équitable à l’accusé et qui a conduit à exécuter des déserteurs, mais aussi des soldats tirés au sort, ou même des fous.

La proposition de loi que nous examinons vise à réhabiliter l’ensemble des militaires condamnés à mort pour désobéissance militaire ou mutilation volontaire par les conseils de guerre spéciaux, c’est-à-dire 639 soldats.

Dès 1916, le Parlement français a décidé de mettre fin aux tribunaux spéciaux, reconnaissant que ces procédures n’avaient pas grand-chose à voir avec la justice.

Dans les années qui ont suivi la guerre, plusieurs vagues de réhabilitations ont eu lieu, mais 639 noms demeurent. Il n’est pas envisageable de les examiner individuellement, car, pour bon nombre d’entre eux, leur dossier est manquant ou inexploitable.

Chacun d’entre nous est soucieux de la mémoire de ces hommes et de la cohésion de la Nation. Mais la réhabilitation générale est ardemment souhaitée par certains, tandis que d’autres craignent qu’elle ne soit porteuse de divisions.

M. le rapporteur évoque des moments de faiblesse pour nous convaincre que ces condamnations étaient injustes. À la guerre, les moments de faiblesse n’ont-ils pas toujours des conséquences tragiques, pour les camarades comme pour la patrie ? Que serait-il advenu si tous nos soldats avaient cédé à des moments de faiblesse ?

Ces exécutions étaient injustes, parce que nul ne devrait être condamné à la peine de mort. Mais qui peut aujourd’hui juger des actions et des décisions qui ont eu lieu il y a plus d’un siècle ?

Nous faisons face à notre conscience ; chacun des membres de notre groupe votera conformément à la sienne.

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