Intervention de Olivier Cigolotti

Réunion du 2 février 2023 à 14h30
Réhabilitation des militaires « fusillés pour l'exemple » — Discussion générale

Photo de Olivier CigolottiOlivier Cigolotti :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la question des fusillés pour l’exemple constitue un volet particulièrement douloureux de la Première Guerre mondiale et n’est pas sans soulever émotion et débats historiques.

Preuve en sont les différents échanges que nous avons pu avoir lors de nos travaux au sein de la commission et les témoignages parfois très forts que nous avons recueillis.

À ce titre, je souhaite saluer le travail précis et documenté de notre rapporteur Guillaume Gontard, qui nous a permis de débattre avec respect de ce sujet particulièrement sensible.

La présente proposition de loi a pour objet de réhabiliter les 639 fusillés pour désobéissance militaire. En 1914 et 1915, ces exécutions concernaient essentiellement des actes individuels, tels que la désertion, l’abandon de poste, les mutilations volontaires ou encore le recul pendant l’assaut. Autant d’actes qui mettaient en péril la mobilisation totale et l’engagement de nos régiments d’artilleurs pour défendre notre pays.

Comme a pu le préciser l’historien Antoine Prost dans le rapport qu’il a remis à Kader Arif en septembre 2013, si de nombreux fusillés l’ont été dans des conditions inacceptables, d’autres l’ont été pour des raisons sérieuses.

La question de la reconnaissance de ces hommes, fusillés pour l’exemple, n’est pas nouvelle. Avant même la fin de la Première Guerre mondiale, des associations de droits de l’homme et d’anciens combattants, ainsi que des élus, toutes tendances politiques confondues, se sont mobilisés sur ce sujet.

Les lois d’amnistie de 1919 et d’avril 1921, qui instaurent un recours contre les condamnations prononcées par les conseils de guerre spéciaux au bénéfice des conjoints, ascendants et descendants jusqu’au quatrième degré, ont été votées à l’unanimité des députés.

Outre ces deux lois d’amnistie, d’autres dispositions ont été votées, le plus souvent de manière transpartisane.

La loi du 9 août 1924 permettant la réhabilitation de soldats exécutés sans jugement, une nouvelle loi d’amnistie votée le 3 janvier 1925, instaurant une procédure exceptionnelle devant la Cour de cassation, ou encore la loi du 9 mars 1932 créant une Cour spéciale de justice militaire, composée de magistrats et d’anciens combattants et compétente pour réviser l’ensemble des jugements rendus par les conseils de guerre.

Les travaux menés durant cette période ont permis la réhabilitation d’une quarantaine de cas – je pense par exemple aux fusillés de Vingré.

D’autres gestes politiques, bien plus récents, ont permis d’encourager la reconnaissance de ces soldats. En 1998, Lionel Jospin a été le premier à rendre hommage aux fusillés pour l’exemple, dans un discours prononcé à Craonne, lors des commémorations de l’armistice de 1918.

Nicolas Sarkozy a rendu un hommage similaire le 11 novembre 2008, lors de la commémoration de l’armistice, au mémorial de Douaumont.

Les travaux menés lors des commémorations du centenaire de la Grande Guerre ont abouti à la création d’un espace consacré aux fusillés au musée de l’Armée, aux Invalides, ainsi qu’à la numérisation et à la mise en ligne des dossiers des conseils de guerre sur le site « Mémoire des hommes ».

Nous saluons l’ensemble de ces démarches et de ces avancées. Le travail historique et judiciaire déjà accompli a permis, durant plus d’un siècle, de revenir en profondeur sur ces réalités de la Grande Guerre, mais également, me semble-t-il, d’apporter un éclairage indispensable sur certaines injustices qui ont pu être commises.

Aujourd’hui, il est question d’aller encore plus loin, en proposant une réhabilitation collective et générale.

Cependant, si nous décidons de réhabiliter ses soldats, cela sous-entend que leurs condamnations ont été prononcées à tort dans la totalité des procédures. Nous ne pouvons pas aujourd’hui établir cette réalité historique.

C’est pourquoi la réhabilitation collective et générale proposée dans ce texte ne nous paraît pas une solution satisfaisante. Une réhabilitation doit être le résultat d’une décision judiciaire et le fruit d’une procédure individuelle, non la résultante d’un texte de portée généralisée. Elle apparaît à la fois politiquement inadaptée à la situation et à la limite des principes de constitutionnalité.

Pour toutes ces raisons, le groupe Union Centriste votera dans sa grande majorité contre cette proposition de loi.

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