Cet amendement vise à mettre en évidence la véritable portée du chapitre II, intitulé Sécuriser les rapports locatifs. Comme je l’ai expliqué lors de la discussion générale, loin de sécuriser quoi que soit, les articles de ce chapitre viennent rompre l’équilibre patiemment élaboré au cours des années par le législateur, toutes tendances politiques confondues, entre les droits des propriétaires, d’une part, et la protection des locataires, d’autre part.
De nombreuses associations de lutte contre la précarité ont pourtant alerté les membres du Sénat sur ce sujet, en indiquant notamment que les dispositions envisagées viennent mettre en cause l’équilibre des rapports locatifs mis en place en 1989, patiemment améliorés depuis par tous les acteurs – institutionnels, privés, publics –, ainsi que toutes les solutions proposées par les dispositifs de prévention des expulsions.
Pensé au seul et unique profit des propriétaires et de la propriété, le texte altère considérablement le corpus de normes visant à apporter des garanties à la partie réputée la plus faible, le locataire, et met en œuvre ce que le Secours catholique appelle une « industrialisation de l’expulsion locative ».
De son côté, la Fondation Abbé Pierre estime que ces dispositions provoqueront jusqu’à 30 000 décisions d’expulsion supplémentaires, soit autant de personnes qui risquent de se retrouver à la rue.
Mises bout à bout, ces différentes mesures permettent d’expulser un locataire en difficulté même passagère, en moins de trois mois à partir de la constitution de l’impayé de loyer, et suppriment la possibilité pour le juge d’accorder d’office des délais supplémentaires.
Avec des délais aussi réduits, le locataire ne sera en mesure ni de payer sa dette locative, ni d’obtenir des rendez-vous avec les services sociaux, ni de bénéficier d’une aide du fonds de solidarité pour le logement, ni d’obtenir de l’aide d’une association. En d’autres termes, le texte supprime toute possibilité pour un locataire défaillant temporairement de régulariser sa situation ou de trouver une situation de relogement.
Ce durcissement sans égal des rapports locatifs traduit une déconnexion des situations de vie dramatiques des locataires, mais également des attentes des propriétaires eux-mêmes, dont l’intérêt réside non pas dans l’expulsion de leur locataire, mais dans le paiement de la créance locative.