Intervention de André Reichardt

Réunion du 2 février 2023 à 14h30
Protéger les logements contre l'occupation illicite — Après l'article 5, amendement 55

Photo de André ReichardtAndré Reichardt :

L’objectif de l’amendement n° 55 est louable et je ne pense pas me tromper en affirmant qu’ici nous le partageons tous. Néanmoins, je ne pourrai pas émettre un avis favorable sur cet amendement tel qu’il est rédigé.

Je rappelle tout d’abord que les demandes de concours de la force publique ne sont pas une compétence liée du préfet. Celui-ci dispose d’un délai de deux mois pendant lequel il s’informe, auprès des services sociaux et des services de police, de la situation économique et sociale et, bien entendu, de la composition du foyer des personnes à expulser. Aucun texte ne limite son pouvoir d’appréciation. Tout au plus est-il précisé, à l’article L. 153-1 du code des procédures civiles d’exécution, que le bailleur a droit à une indemnité, si le préfet lui refuse le concours de la force publique.

Il n’est ainsi pas rare que les demandes de concours de la force publique soient refusées. D’après les chiffres de la Cour des comptes, en 2019, les préfets ont instruit 52 860 demandes de concours de la force publique, parmi lesquels 35 208 ont été accordés, les 17 652 demandes restantes ayant été refusées, explicitement ou implicitement.

Supprimer le pouvoir d’appréciation du préfet, qui prend déjà en compte les conséquences sociales qu’aurait une expulsion avec le concours de la force publique, permettrait à des parents de mauvaise foi – il en existe peut-être – de se maintenir de façon indéfinie sans droit ni titre dans un logement, sans qu’aucune solution d’expulsion soit possible.

En outre, l’amendement mentionne le relogement des familles, alors qu’il pourrait s’agir de groupes d’occupants illicites, mêlant des adultes et des mineurs sans qu’un lien familial ne les lie véritablement. Dans ce cas, si nous adoptions cet amendement, un tel groupe pourrait se maintenir indéfiniment dans le logement malgré la décision judiciaire d’expulsion.

Je rappelle enfin que le juge peut déjà accorder des délais différant l’expulsion, en prenant en compte la situation de famille – cela est prévu par le code des procédures civiles d’exécution.

Même avis défavorable sur l’amendement n° 52, car la mesure qu’il comporte paraît disproportionnée, mais aussi susceptible de provoquer une explosion des contentieux. En cas de contentieux locatif, le juge peut d’ores et déjà vérifier d’office les éléments constitutifs de la dette locative, ainsi que le caractère décent du logement.

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