Intervention de Daniel Salmon

Réunion du 24 janvier 2023 à 14h30
Construction de nouvelles installations nucléaires — Vote sur l'ensemble

Photo de Daniel SalmonDaniel Salmon :

Casser le thermomètre n’a jamais fait tomber la fièvre du malade !

En résumé, des mesures situées strictement à l’opposé de nos recommandations. Rappelons les objectifs de ce texte : un projet de loi visant à gagner du temps en simplifiant les procédures administratives – jusqu’à cinquante-six mois, dites-vous –, même si le Conseil d’État, lui-même, n’est pas véritablement d’accord.

Or, encore une fois, ce ne sont pas les procédures environnementales qui ont fait prendre du retard à la filière. Le problème du nucléaire est bien plus profond et relève notamment d’un problème de compétences, mis en évidence par le fiasco de l’EPR de Flamanville.

Clairement, nous ne cernons toujours pas l’intérêt de ce texte face à l’urgence climatique. En effet, avec de premiers réacteurs opérationnels en 2040, il sera déjà bien trop tard ! Prendre des mesures pour gagner quelques mois ne sert absolument à rien.

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ne cesse de marteler que les principaux investissements dans la transition énergétique doivent être réalisés dans les dix ans.

Pourquoi n’entendez-vous toujours pas cet argument rationnel et scientifique ?

Nous avançons à l’aveugle s’agissant de ce choix de construire plusieurs EPR, qui représentent plusieurs dizaines de milliards d’euros d’investissements. Cet argent, nous en avons besoin, maintenant, pour développer les installations d’énergies renouvelables et pour atteindre les objectifs d’efficacité énergétique, afin d’agir concrètement pour la planète et pour améliorer le portefeuille des Français.

Les énergies renouvelables deviennent très compétitives, et cela en incluant le coût des capacités de flexibilité et de stockage. Chaque année, elles deviennent moins chères. À l’inverse, le nucléaire devient, quant à lui, de plus en plus coûteux, sans parler des dettes laissées aux générations futures, en termes de déchets et de démantèlement. L’avenir n’est pas dans les paris technologiques qui risquent de mettre gravement à mal notre économie.

Si quelques apports positifs sont adoptés, ils demeurent très à la marge. Nous notons, tout de même, à l’article 9 bis, l’ajout du rapporteur en faveur d’une meilleure intégration de la cybersécurité dans la sécurité nucléaire et d’une meilleure prise en compte de la résilience des réacteurs au changement climatique, lors de la demande d’autorisation de création et du réexamen décennal.

Cependant, le risque de l’étude de vulnérabilité ainsi prévue est qu’elle ne porte que sur un temps très court et ne prend pas en compte l’échelle de vie du réacteur.

L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), elle-même, estime que le pas décennal n’est pas adapté à l’anticipation des effets du réchauffement climatique. Il faut se projeter jusqu’à la fin du siècle.

Seul réel motif de satisfaction : l’unique amendement du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires adopté, tendant à renforcer notre sécurité collective, en empêchant la construction de nouvelles centrales nucléaires sur des zones littorales vulnérables aux inondations. Cette mesure de bon sens doit être absolument maintenue !

La problématique de l’eau a des effets aussi bien sur les anciennes centrales que sur le nouveau nucléaire. Le risque d’inondation ou de submersion marine comme la baisse d’étiage des fleuves dans les années à venir, largement démontrés par plusieurs rapports, sont des sujets centraux pour la sûreté et pour la protection des milieux naturels. Ce texte n’anticipe pas suffisamment ces problèmes qui se poseront de plus en plus. Nous constaterons alors que le nucléaire est de plus en plus intermittent.

Pour conclure, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’oppose tant à l’objectif qu’aux modalités de ce texte, largement aggravé par son passage au Sénat : la modification de notre mix énergétique, et donc de notre PPE, s’ajoute au détricotage du code de l’urbanisme et du droit de l’environnement, pour de nouveaux réacteurs dont le Parlement n’a pas même encore validé le principe.

Nous sommes clairement en Absurdie et sommes atterrés par tant de dogmatisme et d’aveuglement.

En conséquence, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera contre ce texte, qui reléguera encore davantage au second plan l’indispensable déploiement des énergies renouvelables et les investissements dans la rénovation thermique, seuls capables de répondre aux enjeux climatiques et de souveraineté.

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