Intervention de Amel Gacquerre

Réunion du 24 janvier 2023 à 14h30
Construction de nouvelles installations nucléaires — Vote sur l'ensemble

Photo de Amel GacquerreAmel Gacquerre :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la situation du mix énergétique français est désormais bien connue : à près de 62 %, notre consommation d’énergie repose encore sur les énergies fossiles, qui sont massivement importées.

Le conflit russo-ukrainien, au travers de ses conséquences sur l’approvisionnement en hydrocarbures, a mis en lumière notre dépendance et l’impérieuse nécessité de produire notre énergie de façon autonome.

La question de l’énergie n’est pas nouvelle ; elle est vitale. Sans approvisionnement énergétique, point de transport, point de développement industriel, point d’agriculture ! Au reste, peu d’activités humaines demeureraient possibles…

Pourtant, pour que le sujet soit enfin abordé, il a fallu subir une crise géopolitique en Europe et voir le coût de l’énergie exploser, ce qui a eu des conséquences sur les dépenses des ménages et a placé dans une situation économique délicate, voire catastrophique, nombre de nos artisans et de nos entreprises. Et ce sujet est abordé dans l’urgence, bien sûr…

Face aux multiples enjeux qui s’imposent à nous – la souveraineté énergétique, la baisse programmée de la consommation d’énergies fossiles, la nécessité de développer une énergie bas-carbone et, bien sûr, une plus grande efficacité énergétique –, le nucléaire doit être le fer de lance de la politique énergétique française pour les trente années à venir.

Nous n’avons pas le choix : ce n’est qu’en construisant un mix énergétique alliant un nucléaire pilotable à des énergies renouvelables diversifiées et compétitives que nous pourrons envisager un avenir plus serein pour nos concitoyens, pour nos entreprises et pour notre planète.

Exclusivement technique, ce projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes est naturellement bienvenu. Son examen est l’occasion de mettre en lumière un sujet primordial, mais il reste de regrettables zones d’ombre.

Je ne m’attarderai pas trop longuement sur le joyeux désordre qui règne dans le calendrier parlementaire de la politique énergétique.

Désormais, à chaque saison son projet de loi énergétique : l’automne nous a offert les énergies renouvelables ; l’hiver, le nucléaire ; le début de l’été nous verra examiner une loi de programmation aux contours complètement inconnus.

Cette saisonnalité regrettable conduit notre politique énergétique à être au mieux illisible, au pire incohérente.

Je ne reviendrai pas non plus dans le détail sur les actes manqués de ce texte, d’une technicité rare et au caractère politique limité, voire inexistant. Des questions centrales ne sont pas abordées, notamment le financement des futurs investissements colossaux – je rejoins sur ce point les propos des orateurs précédents.

Quel modèle souhaitez-vous choisir, madame la ministre, sachant que l’un des enjeux est de garantir un coût maîtrisé de l’électricité ?

Quid des réacteurs existants, qui ne pourront pas tourner indéfiniment ? Qu’en est-il de la question des compétences et de la formation du personnel, sans lesquels la relance sera impossible ?

Enfin, je ne m’arrêterai pas non plus longuement sur les questions soulevées quant à l’avenir de notre capacité de production électronucléaire.

Selon RTE, notre mix énergétique devra être composé à 55 % d’électricité, contre 25 % actuellement. L’électricité étant produite à hauteur de 70 % par nos centrales nucléaires, il nous faudra augmenter notre capacité de production. Les quatorze réacteurs annoncés par le Président de la République nous permettraient de le faire légèrement, mais inévitablement les réacteurs construits dans les années 1970 et 1980 fermeront.

Mes chers collègues, vous l’avez compris, le compte n’y est pas. Nous devons donc être bien plus ambitieux afin de relever ce défi.

Je souhaite néanmoins revenir sur le travail sénatorial de fond et de qualité mené à partir du projet de loi initial, travail qui a permis de consolider l’assise juridique du nucléaire existant, ainsi que le cadre des projets à venir.

Je salue également l’excellent travail de nos rapporteurs, Daniel Gremillet et Pascal Martin, ainsi que des commissions des affaires économiques et de l’aménagement du territoire ; ce travail a été effectué, j’y insiste, en un temps record.

Je souhaite relever quelques apports essentiels issus de leurs travaux, notamment la suppression par le Sénat de l’objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire dans la production d’électricité d’ici à 2035.

La suppression du plafonnement de la capacité de production d’électricité nucléaire, qui avait été introduit dans la loi du 17 août 2015, doit également être soulignée. Ce plafonnement, qui ne laissait que peu de marge de manœuvre pour développer le nucléaire en France, était un non-sens face aux défis qui s’imposent à nous : la hausse de consommation d’électricité et la réindustrialisation.

Une autre avancée est l’extension à l’horizon 2050 de la durée d’application des mesures contenues dans ce texte. Cette disposition permettra de doter le nucléaire d’une vision stratégique plus claire et de long terme, et concourra à l’attractivité de la filière, qui est essentielle pour donner envie à nos jeunes de suivre les formations nécessaires à la relance du nucléaire.

Autre point positif : la meilleure prise en compte de l’avis des collectivités territoriales dans la mise en compatibilité des documents d’urbanisme lorsqu’un projet de réacteur est à l’étude. Cette demande venait de nos territoires, c’est désormais chose faite et cela constitue un véritable pas en avant. Nous devons bâtir notre stratégie énergétique avec l’ensemble des acteurs concernés ; cela commence à l’échelon local.

Enfin, la consolidation de la procédure de réexamen des réacteurs nucléaires au-delà de leur trente-cinquième année de fonctionnement est inévitable, afin de garantir un bon entretien du parc existant. C’est un enjeu crucial au regard des polémiques récentes sur l’état de ce parc. D’ailleurs, les risques de délestage évoqués cet hiver sont toujours d’actualité.

Mes chers collègues, sous l’impulsion de nos rapporteurs, nous avons fait évoluer ce texte technique afin de faciliter concrètement la construction de futurs réacteurs.

L’année 2023 doit être celle de la relance du nucléaire et, en parallèle, du développement des énergies renouvelables.

Mes collègues du groupe Union Centriste et moi-même serons particulièrement vigilants sur ces points lors de l’examen de la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie, qui est prévue pour l’été prochain, afin que le Gouvernement passe des paroles aux actes, sans éluder, bien sûr, les questions essentielles d’approvisionnement en uranium, de gestion des déchets, de sûreté et de recherche et développement.

Madame la ministre, nous voterons ce projet de loi amendé, car il a pour objet de participer à la relance de la filière nucléaire en France, mais vous l’avez compris, ce vote n’est ni une carte blanche ni un blanc-seing.

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