Intervention de Jérôme Durain

Réunion du 24 janvier 2023 à 14h30
Jeux olympiques et paralympiques de 2024 — Discussion générale

Photo de Jérôme DurainJérôme Durain :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis ce jour pour étudier un projet de loi dont le changement d’intitulé en commission traduit bien la nature hybride. Les sénatrices et sénateurs socialistes commencent cet examen avec un objectif en tête : la réussite des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris.

La victoire de Paris dans le processus d’attribution des Jeux de 2024 a effacé le goût amer de la défaite pour l’organisation des Jeux de 2012. Candidature déposée sous la présidence de François Hollande, victoire décrochée sous la présidence d’Emmanuel Macron : cet événement dépasse les clivages. À droite comme à gauche, on a considéré qu’il ne fallait pas politiser les candidatures visant à accueillir les événements sportifs – si vous me permettez de paraphraser Emmanuel Macron…

Nous sommes donc spontanément favorables à ce texte, car nous souhaitons la réussite des jeux Olympiques et Paralympiques. Le groupe socialiste n’a d’ailleurs pas jugé bon de déposer des amendements sur un certain nombre de dispositions, qui ne posent pas problème.

Toutefois, quelques sujets d’inquiétude demeurent. Ainsi, nombre d’articles de ce texte prévoient des mesures destinées à s’inscrire de manière pérenne dans le droit commun ; d’autres visent à mettre en place des expérimentations et d’autres encore concernent bien exclusivement les jeux Olympiques et Paralympiques. Cela nous incite à nous interroger sur l’application de l’article 45 de la Constitution : en pareil cas, il nous semble bien délicat de définir précisément le périmètre du texte. À cet égard, je remercie la commission des lois de nous avoir octroyé une victoire symbolique en rebaptisant ce texte comme portant « diverses autres dispositions ».

Je regrette cependant que ne figurent, parmi ces diverses autres dispositions, ni le montant de la taxe de séjour pendant les jeux Olympiques ni la privatisation du réseau de bus parisien.

La situation catastrophique des transports en commun franciliens peut perdurer jusqu’en 2024. La privatisation va-t-elle empirer les choses ? « Je ne vous ferai pas croire que nous n’y pensons pas », pour reprendre les termes du ministre des transports, Clément Beaune. Hélas, nous ne pourrons nous prononcer sur cette situation dans cet hémicycle, puisque les amendements du groupe socialiste sur ce sujet, qui a pourtant tout à voir avec l’objet de ce projet de loi, ont été déclarés irrecevables.

Ensuite, ce projet de loi, qui ne parle pas que des Jeux, tout en en parlant, mais sans ne parler que de cela, autorise nombre d’expérimentations. Notre premier souci est de faire en sorte que des garanties suffisantes soient apportées pour maîtriser les dérogations dans leur périmètre, dans leur durée et dans leur objet, et qu’elles soient ainsi parfaitement cadrées.

Le Conseil d’État avait proposé au Gouvernement un vade-mecum de l’expérimentation tant il est rare qu’une expérimentation ne soit pas généralisée. Est-ce à dire qu’elles sont toutes extrêmement efficaces et convaincantes ? Il est permis d’en douter…

Le Conseil d’État a donc recommandé au Gouvernement de définir, en amont des expérimentations, des critères de réussite et des objectifs clairs tout en associant le plus largement possible le public concerné. Après avoir lu l’étude d’impact de ce projet de loi, nous doutons de la définition de ces quelques critères. Mme la ministre serait-elle, par exemple, en capacité de me dire ce qui pourrait conclure à la non-généralisation de l’utilisation de la vidéoprotection automatisée ?

Certains défenseurs des libertés publiques craignent que ne se produise, à la faveur des jeux Olympiques et Paralympiques, par crainte du terrorisme, une accélération de cette évolution dont les conséquences affecteront le champ de l’ordre public et l’exercice des libertés ordinaires. Il est bien difficile de leur rétorquer qu’ils se trompent et que les mesures proposées ne sont que temporaires.

À travers les auditions de la commission, nous avons eu la confirmation que beaucoup d’acteurs se projettent déjà dans une pérennisation. Je ne dis pas que cela est incompréhensible, mais ne serait-il pas plus transparent d’indiquer, dès le départ, que la plupart des mesures proposées sont en réalité destinées à durer ?

C’est aussi l’une des raisons qui nous ont poussés à rejeter la reconnaissance faciale. Nous considérons que le sujet n’est pas anodin et qu’il mérite un débat et une expérimentation assortie de garanties élevées d’encadrement pour rendre le dispositif acceptable.

On ne peut introduire dans le droit positif des dispositions aussi lourdes par le biais d’amendements à un texte qui concerne les jeux Olympiques et Paralympiques. L’intelligence artificielle et la reconnaissance faciale sont déjà présentes dans nos vies, la plupart de nos concitoyens en sont conscients. Faut-il donc leur faire croire que ce sont les Jeux de Paris qui rendent l’expérimentation technologique nécessaire ?

Nous devons veiller à ce que le combat contre le terrorisme, bien légitime, ne conduise pas à des restrictions de libertés en matière d’ordre public.

Il convient aussi de ne pas favoriser l’extension des nouveaux standards de sécurité qui s’imposent pour les jeux Olympiques et Paralympiques à toutes les manifestations sur le territoire national.

Enfin, et ce n’est pas anodin, notamment pour nos collectivités territoriales, nous devons tenir compte des coûts pour que les mesures que nous voterons ne pèsent pas trop lourdement sur les finances locales.

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