Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du 1er février 2023 à 22h20
Retraite de base des non-salariés agricoles — Adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Olivier Dussopt :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux d’être devant vous ce soir pour l’examen de la proposition de loi relative au régime de retraite des non-salariés agricoles, déposée à l’Assemblée nationale par le député Julien Dive.

Nous avons su, grâce à la discussion, poser les bases d’un consensus républicain avec les différents groupes de l’Assemblée nationale, ainsi qu’avec l’auteur de ce texte, ce qui a conduit à son adoption à l’unanimité par vos collègues députés le 1er décembre dernier.

L’adoption conforme de la proposition de loi par votre commission des affaires sociales le 23 janvier dernier permet de prolonger et de renforcer ce consensus, qui nous amène à aborder le débat d’aujourd’hui – et je ne peux évidemment y voir qu’un bon présage pour l’adoption définitive de ce texte.

Je tiens à souligner que les attentes en matière de retraites agricoles sont nombreuses et légitimes. Elles répondent à la volonté de voir nos agriculteurs et nos agricultrices vivre dignement à la retraite, après des années de labeur consacrées à nourrir les autres.

C’est la raison pour laquelle, au-delà du texte qui nous réunit, j’ai pris la question des retraites agricoles à bras-le-corps tout au long de la concertation que nous avons menée lors de la préparation de la réforme des retraites, dont vous connaissez maintenant les résultats. Ainsi, outre les partenaires sociaux interprofessionnels, j’ai associé la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) à l’ensemble des discussions, et nous avons naturellement échangé sur ce sujet des vingt-cinq meilleures années d’assurance.

Je connais également l’attention que porte le ministre de l’agriculture à cette question et je suis convaincu que, si la réforme est juste, c’est aussi grâce à une meilleure prise en compte des spécificités agricoles.

Avant d’entrer dans le détail de la proposition de loi, je souhaiterais replacer cette initiative dans son contexte.

L’attention portée aux retraites agricoles ne date évidemment pas de cette législature. Depuis vingt ans, les réformes et les propositions se sont succédé pour améliorer la situation des retraités agricoles et revaloriser les petites pensions.

L’objectif a toujours été le même : concilier prise en compte des spécificités agricoles et convergence vers les autres régimes.

L’équation n’a pas changé, mais nous avons, à chaque fois, su la résoudre collectivement : il y a près de vingt ans, en créant la retraite complémentaire des exploitants agricoles ; il y a bientôt dix ans, en créant la garantie de retraite minimale pour les chefs d’exploitation, dans le cadre de la réforme alors défendue par Marisol Touraine ; et, plus récemment encore, grâce aux deux lois Chassaigne, qui portent le nom de leur auteur et qui ont permis de revaloriser de manière inédite les pensions des chefs d’exploitation agricole et de leurs conjoints, c’est-à-dire, la plupart du temps, de leurs conjointes.

Ces conquêtes agricoles nous ont rappelé que le consensus ne se décrète pas, mais qu’il se construit. Beaucoup d’entre vous étaient déjà présents sur les bancs du Parlement lors de l’examen des futures lois Chassaigne. Ils se souviennent que les dernières avancées ont été longuement mûries à partir de 2016, faisant l’objet d’une concertation avec l’ensemble des syndicats agricoles ainsi que de discussions avec les représentants des retraités – je pense notamment à l’Association nationale des retraités agricoles de France (Anraf) – et d’un long travail avec les opérateurs, en premier lieu le réseau des mutualités sociales agricoles (MSA) et les services de l’État.

Pas à pas, nous avons su collectivement préparer et financer ces mesures de revalorisation, qui ont finalement été votées par l’ensemble des groupes parlementaires, avec le soutien de la majorité et du Gouvernement.

Ces revalorisations ont produit des effets concrets. Au total, les deux lois les plus récentes, adoptées durant le précédent quinquennat, ont permis de revaloriser les pensions de plus de 330 000 anciens agriculteurs, soit 30 % des retraités de droit direct du régime. Le gain est significatif, puisque les pensions ont augmenté en moyenne d’environ 100 euros par mois, ce dont nous pouvons tous nous féliciter.

Cela signifie-t-il pour autant que la totalité du chemin a été parcourue ? Je ne le crois pas.

Le régime de retraite des non-salariés agricoles est devenu profondément complexe, additionnant les strates de pension et multipliant les paramètres. La sédimentation du régime agricole nuit aujourd’hui à la lisibilité du système, donc à la confiance qu’il doit inspirer, notamment aux jeunes générations d’agriculteurs. Quelle que soit notre appartenance politique, nous le constatons tous dans nos circonscriptions, dans nos départements.

C’est dans ce contexte qu’intervient l’examen de cette proposition de loi. Porter le principe d’un calcul des retraites agricoles en fonction des vingt-cinq meilleures années est en apparence consensuel. Toutefois, comme souvent, je l’ai souligné à l’Assemblée nationale et je le redis ici, le diable est dans les détails.

Les débats en commission des affaires sociales, sous l’autorité de Mme la présidente Deroche, ont permis de soulever un certain nombre de questions, dont celle de la meilleure manière de concilier un calcul sur le fondement des vingt-cinq meilleures années et la protection d’un système devenu très redistributif depuis les lois Chassaigne 1 et 2, celle des solutions à envisager pour permettre l’application d’un système par annuités dans le cadre d’un régime par points ou encore celle de l’entrée en vigueur de la mesure, dernier point qui a suscité de nombreux débats.

Je suis satisfait que les indications de la MSA aient été prises en compte, en particulier le renvoi de la mise en œuvre de ce texte à 2026 plutôt qu’en 2024. Ce délai reste très ambitieux : il faudra une mobilisation collective pour avancer de manière concrète et efficace.

Je souhaite désormais – j’espère que le Parlement partage ce vœu – que nous puissions apporter des réponses à ces nombreuses questions. C’est tout le sens du texte soumis à l’examen de votre assemblée aujourd’hui.

La mission qui verra le jour, si cette proposition de loi est définitivement adoptée à l’issue de nos débats, devra définir dans un délai, lui aussi ambitieux, de trois mois les scénarios permettant d’atteindre l’objectif de transformation du système.

Nous devrons veiller collectivement à ne pas remettre en cause les droits acquis et à ne pas fragiliser des carrières linéaires qui ne bénéficieraient pas de cette mesure.

Aussi, au moment d’engager la discussion, je veux poser, avec l’appui de Mme le rapporteur et des différents groupes du Sénat et, au-delà, avec l’ensemble des parlementaires, les bases d’un consensus que je souhaite le plus large possible.

Nos agriculteurs et nos agricultrices, plus largement les Français et les Françaises, nous attendent sur cet horizon de justice sociale.

Marche après marche, réforme après réforme, nous trouvons ensemble les chemins d’un compromis républicain, qui a su si bien s’illustrer par le passé en matière de retraites agricoles et qui s’illustrera de nouveau ce soir. J’espère que nous franchirons un nouveau pas pour davantage d’égalité et de reconnaissance des agriculteurs.

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