Monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un contexte de mobilisation inédite contre la réforme des retraites, cette proposition de loi nous rappelle, à l’inverse, les nombreux chantiers menés pour améliorer les régimes, en l’occurrence celui des non-salariés agricoles.
Améliorée par les lois Chassaigne, même si des effets de seuil et des situations d’exclusion des dispositifs persistent, la situation générale demeure difficile pour une grande partie des retraités du régime.
Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), le régime des non-salariés agricoles verse les retraites les plus faibles de France : la pension moyenne de droit direct du secteur, hors réversion, s’élève à 800 euros contre 1 509 euros en moyenne pour l’ensemble des Français.
Selon le rapport de l’Assemblée nationale, un agriculteur ayant validé l’ensemble de ses droits ne touchait, fin 2020, qu’une retraite de 880 euros par mois, quand un retraité du régime général bénéficiait d’une retraite de 1 810 euros.
Toutefois, ces deux systèmes étant difficilement comparables, nous préférons nous référer aux régimes de retraite des indépendants, comme le soulignait très justement l’inspection générale des affaires sociales en 2012.
Dès lors, si l’on compare la situation des monopensionnés de droit direct à carrière complète du régime MSA à celle des retraités de la sécurité sociale des indépendants (SSI) – qui concerne notamment les artisans – à carrière complète, l’écart s’amenuise, mais continue d’exister : la pension moyenne versée par la SSI s’élevait ainsi à 1 320 euros en 2019 selon la Drees.
Longtemps, cette situation relative était tolérée au prétexte, ou par la promesse, d’une compensation par la valorisation de l’exploitation lors de sa transmission. Ce système comportait des biais, dont celui de contraindre les nouveaux exploitants à s’endetter dans un contexte de crise moins propice à toute compensation et protection.
En effet, le système de subventionnement de la politique agricole commune (PAC) incite constamment à l’agrandissement et à s’équiper toujours davantage, dans le cadre d’un modèle productiviste et d’un calcul de court terme de réduction de l’assiette de revenus et des cotisations afférentes, tout en subissant la baisse tendancielle des prix du marché ainsi que l’accaparement de la valeur ajoutée par les transformateurs et la grande distribution. Les agriculteurs ont ainsi vu croître leurs difficultés, leur taux d’endettement atteignant 41 % en 2019, selon le ministère de l’agriculture.
Le remboursement d’emprunts représente parfois, comme pour les éleveurs de bovins, la moitié du solde de l’exploitant, ce qui explique en partie la faiblesse des revenus d’un grand nombre d’agriculteurs, étranglés et piégés par ce modèle agricole promu par la filière.
S’y ajoutent la multiplication et la gravité des aléas climatiques : selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), les pertes de récoltes liées aux sécheresses et aux canicules ont triplé ces cinquante dernières années en Europe. La situation ne peut que s’aggraver, d’autant que le modèle n’est absolument pas remis en question. Dans cette fuite en avant, nous continuons de prôner des solutions de court terme qui ne font que reporter une partie des problèmes – je pense, par exemple, aux mégabassines !