Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, le calcul de la retraite des non-salariés agricoles est un sujet qui préoccupe les acteurs de la filière depuis plusieurs mois. Ils nous ont alertés à diverses reprises, avec le sentiment de faire face à une injustice depuis de trop nombreuses années.
Selon la MSA, 48 % des actifs agricoles pourront faire valoir leurs droits à la retraite d’ici à dix ans. Face à ce défi démographique sans précédent pour l’agriculture française, il était temps d’apporter une réponse à cette injustice.
Créé en 1952, le régime de retraite des non-salariés agricoles s’est historiquement construit en marge du régime général de la sécurité sociale. À ce jour, il reste le seul régime à ne pas avoir été aligné sur le mode de calcul de la moyenne des vingt-cinq années de carrière les plus rémunératrices depuis l’intégration des artisans et des commerçants dans le régime général de la sécurité sociale en 1973. Comment un agriculteur peut-il se satisfaire d’une telle situation ?
En 2016, la France comptait 1, 3 million d’anciens agriculteurs non-salariés, dont 56 % de femmes, pour une retraite moyenne de 900 euros brut par mois.
Alors que la pension moyenne de l’ensemble des retraités s’établissait à 1 430 euros brut mensuels sur cette même période, celle des anciens exploitants agricoles apparaît très nettement insuffisante, loin de la moyenne des retraités.
Par ailleurs, le faible montant des retraites agricoles renforce les inégalités territoriales en engendrant davantage de pauvreté dans les espaces ruraux, où un retraité sur quatre était un ancien agriculteur en 2017.
Mes chers collègues, vous le savez tous, être chef d’exploitation agricole exige une capacité de travail hors normes, une abnégation sans pareille pour se lever à n’importe quelle heure et une pugnacité remarquable face aux aléas et caprices climatiques.
La demande des agriculteurs est donc parfaitement audible. C’est la raison pour laquelle mes collègues Bernard Buis, Patricia Schillinger, Jean-Baptiste Lemoyne et moi-même avons souhaité présenter un amendement en ce sens, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, à l’automne dernier, jugé à l’époque irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution.
Je me réjouis donc que nous examinions cette proposition de loi, adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 1er décembre dernier.
L’objectif de ce texte est clair : faire converger le régime de retraite des agriculteurs et ceux des salariés et des indépendants au travers du calcul de la pension sur les vingt-cinq années civiles d’assurance les plus avantageuses.
Toutefois, pourquoi ne pas prendre en compte les vingt-cinq meilleures années de revenus ?
Comme vous l’avez souligné, madame la rapporteure, le système d’information de la MSA conserve l’historique des assiettes de cotisations pendant huit ans au maximum. Or reconstituer le revenu moyen des années antérieures sur la base des points attribués reviendrait à mettre en place une nouvelle injustice.
Comme vous l’indiquez dans votre rapport, madame Gruny, trente points sont accordés indistinctement à des assurés dont les revenus diffèrent de plus de 7 000 euros par an. Autrement dit, un revenu de 14 000 euros procurerait autant de points qu’un revenu de 7 000 euros.
Par ailleurs, un rapport de l’Igas démontrait déjà, en 2012, que le passage d’un régime par points à un régime par annuités favoriserait les pensions les plus élevées au détriment des plus modestes. Un tel régime ne permettrait donc pas d’apporter une réponse juste et convenable.
Dans le cadre d’un système par points, appliquer la règle des vingt-cinq meilleures années reviendrait à identifier les vingt-cinq années d’assurance les plus avantageuses. Comment y parvenir ? En calculant le nombre annuel moyen de points obtenus au cours de ces années et en l’appliquant à chaque année de la carrière de l’assuré, dans la limite de la durée d’assurance requise pour une pension à taux plein.
En résumé, le montant de la pension correspondra donc au produit d’un nombre total de points, calculé selon une méthode basée sur la valeur du point.
Un accord a été trouvé sur une réécriture de l’article 1er et un mode de calcul qui tienne compte des vingt-cinq années civiles d’assurance les plus avantageuses et non plus des vingt-cinq meilleures années de revenu, avec un alignement sur le régime général à compter du 1er janvier 2026, délai nécessaire pour assurer la mise en œuvre du nouveau dispositif.
En adoptant les lois Chassaigne, le Parlement a permis de revaloriser les petites pensions agricoles de plus de 100 euros par mois en moyenne pour 340 000 retraités. Il est temps désormais de voter en faveur d’une nouvelle méthode de calcul pour que l’ensemble des salariés non agricoles puissent percevoir une retraite plus juste.
Dans le contexte politique actuel, que chacune et chacun connaît, je pense que le vote de notre assemblée enverra un signal plus que positif.
Le groupe RDPI votera donc pour cette proposition de loi, symbole d’une reconnaissance attendue par toute une profession, qui fait la fierté de notre pays.