Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les retraites agricoles sont une problématique importante, dont nous discutons depuis de nombreuses années déjà.
Pour mémoire, le régime de retraite des non-salariés agricoles s’est construit en marge du régime général de la sécurité sociale.
Créé en 1952, le régime de base comporte deux niveaux : un dispositif forfaitaire – l’assurance vieillesse individuelle – et un dispositif proportionnel – l’assurance vieillesse agricole. Cette pension de retraite proportionnelle fonctionne sur un principe d’acquisition de points cotisés, dont le mécanisme diffère selon le statut de l’assuré.
Je vous perds ?… C’est normal ! Le régime agricole est incompréhensible, en total décalage avec la réalité et d’une grande complexité, qui n’est en rien justifiée par les spécificités du monde agricole.
Les agriculteurs sont désormais les derniers à voir leur retraite calculée sur l’intégralité de la carrière. Ce mode de calcul est une double peine pour celui qui ne peut faire autrement que subir les aléas climatiques et sanitaires et qui subit, en sus, les conséquences de ces aléas dans le calcul de sa retraite.
Rappelons que la retraite des indépendants se calcule sur les vingt-cinq meilleures années et celle des fonctionnaires sur leurs six derniers mois d’activité.
Les gouvernements successifs n’ont eu de cesse de repousser la demande légitime des agriculteurs de voir le calcul de leur retraite fondé sur les seules vingt-cinq meilleures années de leur carrière. En 2021, au salon de l’agriculture, le Président de la République estimait impossible de revaloriser ces pensions de retraite.
Non, les agriculteurs ne sont pas des actifs de seconde zone !
La première loi Chassaigne prévoyait la revalorisation des pensions de retraite agricole à hauteur de 85 % du Smic agricole, soit 1 045 euros net. La seconde effectuait un pas supplémentaire afin de revaloriser les pensions de retraite des conjoints et aides familiaux – frères, sœurs et enfants – des exploitants agricoles.
Aujourd’hui, permettons aux jeunes agriculteurs qui s’installent d’avoir des perspectives meilleures ! Faisons cesser cette injustice qui veut qu’une disposition bénéficiant à la quasi-totalité des retraités de notre pays soit refusée aux agriculteurs, alors même que ceux-ci cumulent déjà des difficultés tout au long de leur carrière.
Pour mémoire, les agriculteurs sont les actifs travaillant le plus, avec cinquante-quatre heures de travail par semaine en moyenne ; neuf sur dix travaillent le week-end et les deux tiers d’entre eux ne partent pas plus de trois jours consécutifs par an en vacances. Cherchez l’erreur !
Cherchons encore l’erreur, quand on sait que cette même injustice induit une différence de 930 euros entre les retraites des agriculteurs et celles des retraités du régime général : 1 810 euros brut de pension pour les seconds, dès lors qu’ils ont travaillé toute leur vie et validé l’ensemble de leurs droits ; 880 euros brut pour les premiers, dans la même situation.
Les agriculteurs se retrouvent donc sous le seuil de pauvreté, après une carrière complète passée à nous nourrir.
Alors que 50 % des actifs agricoles prendront leur retraite dans les dix ans, sachons rendre ce secteur plus attractif. La question du renouvellement des générations en agriculture est en effet essentielle.
Nos collègues Laurent Duplomb, Pierre Louault et Serge Mérillou, dans leur remarquable rapport d’information sur la compétitivité de la ferme France, dressent un constat terrible sur la lente érosion de notre agriculture. Certes, la balance commerciale est encore excédentaire de 8 milliards d’euros en 2021, mais pour combien de temps ?…
En vingt ans, la France est passée du deuxième au cinquième rang des exportateurs mondiaux de produits agricoles. Nous sommes l’un des seuls grands pays agricoles dont les parts de marché reculent. Plus inquiétant, en trente ans, plus de 57 % des exploitations ont disparu. Les surfaces agricoles utiles se réduisent et les investissements sont en berne, sans compter les difficultés liées à la transmission des terres et des exploitations.
Il nous faut rendre attractifs les métiers de l’agriculture. Ce soir, nous en avons rappelé les difficultés ; reconnaissons aussi que ce sont des métiers indispensables, merveilleux, porteurs de sens et d’avenir.
Oui, ces métiers demandent des efforts, mais ils sont passionnants et nos agriculteurs font notre alimentation, en nous vendant des produits de très grande qualité.
La guerre en Ukraine nous le rappelle tous les jours depuis bientôt un an : nous avons besoin d’une souveraineté alimentaire solide et effective, laquelle passe notamment par une politique de protection de ceux qui nous nourrissent, par la revalorisation de leur métier et de leur retraite. Ce soir, sachons protéger les sortants et donnons des garanties aux entrants !