Intervention de Patricia Schillinger

Réunion du 7 février 2023 à 22h00
Compétitivité : une urgence pour redresser la ferme france — Débat sur les conclusions d'un rapport d'information de la commission des affaires économiques

Photo de Patricia SchillingerPatricia Schillinger :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec 70 milliards d’euros d’exportations dans les secteurs agricole et agroalimentaire, la France demeure un grand pays d’agriculture. Elle reste le principal producteur européen, loin devant l’Allemagne et l’Italie.

Pourtant, le rapport dont nous débattons ce soir dresse un constat alarmant : la ferme France serait en déclin.

Si nous pouvons être en désaccord avec un certain nombre de préconisations figurant dans ce rapport, je tiens néanmoins à reconnaître et à saluer sa grande qualité. De ce point de vue, je remercie les rapporteurs pour leur travail.

Cela étant, le rapport met en cause la montée en gamme promue par les pouvoirs publics. Elle mettrait en péril notre potentiel productif, rendrait l’alimentation d’origine française inaccessible aux plus modestes, sans pour autant favoriser son exportation, puisqu’on assisterait au contraire à une explosion des importations.

La France serait donc coupable d’avoir sacrifié la compétitivité de son agriculture à sa montée en gamme, coupable de privilégier la qualité de son alimentation à la quantité.

La question que ce rapport semble poser en filigrane est celle, dépassée selon moi, de l’arbitrage entre production de masse et production de qualité, quand il nous faudrait plutôt nous interroger sur les moyens de concilier ces deux objectifs.

Le secteur agricole est aujourd’hui au carrefour de nombreux enjeux, dont on ne peut faire abstraction.

En plus de devoir garantir la souveraineté alimentaire de notre pays, il doit répondre à une exigence croissante de qualité et s’orienter vers des pratiques plus durables et soucieuses du climat. Cela correspond à une attente sociétale forte que le monde agricole aussi bien que politique ne peut ignorer. Mais elle constitue également la condition de la survie et de la pérennité même de la ferme France.

Aussi, dissocier la question des volumes de production de celle de la manière de produire conduirait immanquablement à revenir sur les nombreuses transitions engagées, sans compter qu’en plus de sa compétitivité cela mettrait en péril notre modèle agricole lui-même.

Alors que les contraintes auxquelles sont confrontés nos agriculteurs sont déjà nombreuses, répondre à ces enjeux suppose, il est vrai, d’importants efforts de leur part qui, à défaut d’accompagnement, grèveraient considérablement leur compétitivité.

Car, si l’on demande aux agriculteurs de s’adapter et d’anticiper les bouleversements qu’engendre le changement climatique, c’est avant tout pour leur permettre de les surmonter.

La survie et la pérennité de notre modèle agricole sont au cœur de la politique du Gouvernement.

C’est notamment pour mieux protéger les agriculteurs face à ces changements et à leurs conséquences qu’a été engagée une réforme de l’assurance récolte. Ce sont près de 560 millions d’euros qui sont consacrés à sa mise en œuvre.

Accompagnés, les agriculteurs le sont aussi dans le cadre européen, un niveau qui leur permet non seulement d’emprunter la voie nécessaire des transitions, mais de le faire en préservant leur compétitivité. Un tel cadre sécurise financièrement ceux d’entre eux qui s’inscrivent dans cette démarche.

Je veux souligner, à titre d’exemple, le soutien apporté au développement de l’agriculture biologique par la nouvelle PAC, avec pas moins de 340 millions d’euros alloués en moyenne par an.

Plus largement, l’Union européenne contribue à établir les fondements d’une concurrence équitable entre ses États membres. La France, lors de sa présidence de l’Union européenne, en a profité pour faire de la question de la réciprocité des normes un impératif.

Le rapport dresse donc un bilan juste et sans appel des politiques menées depuis les années 1990, mais occulte le tournant pris depuis 2017 pour renforcer notre agriculture, soutenir nos agriculteurs dans leur transition et préparer la ferme de 2030.

Préparer la ferme France de demain implique d’investir.

Il faut tout d’abord investir pour innover. Avec les plans France Relance et France 2030, plus de 4 milliards d’euros sont dédiés à l’innovation.

Il convient aussi d’investir pour produire en quantité et en qualité : je pense évidemment aux 150 millions d’euros mobilisés dans le cadre du plan Protéines, mais également à la mise en œuvre du plan de souveraineté pour la filière fruits et légumes, qui doit contribuer à une hausse de la production.

Préparer la ferme France de demain, c’est sécuriser les revenus agricoles et garantir des prix rémunérateurs à nos agriculteurs. Depuis les lois Égalim 1 et 2, nous faisons de la question du revenu agricole une priorité.

Préparer la ferme France de demain, c’est aussi veiller à l’accès de tous, dont les ménages les plus modestes, à une alimentation de qualité. Le « chèque alimentation durable » ou encore les dispositions adoptées dans le cadre de la loi Égalim et de la loi Climat et résilience vont dans ce sens.

Préparer la ferme France de demain, c’est enfin veiller au renouvellement des générations. Cela passe par la formation, le soutien à la transmission et à l’installation, car il n’y aura pas de ferme France sans agriculteur.

Face à ces nombreux chantiers, l’État, plus que jamais, se doit d’accompagner et de soutenir les acteurs dans leur transformation. C’est le sens de l’action que mène la majorité, aux côtés du Gouvernement.

Donc, oui au choc de compétitivité et au soutien aux exportations, mais sans pour autant revenir sur notre ambition, celle de favoriser une agriculture plus innovante, durable et performante.

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