Monsieur le ministre, ce n’est pas parce qu’on réécrit l’Histoire que cela devient la vérité…
La réalité, c’est que, en 2017, à la tête de la ferme France, il y avait un Président de la République, dont le propos n’est pas tout à fait le même que celui qu’il tient aujourd’hui, comme c’est d’ailleurs le cas sur plein d’autres sujets…
À cette époque-là, je le rappelle, le Président de la République avait tenu, dans son discours de Rungis, un propos très clair. Malheureusement, nombre d’agriculteurs ou de représentants professionnels n’en ont pas compris le sens. Lorsqu’il parlait de montée en gamme, ce cher Président de la République, il partait du principe que nous ne sommes plus compétitifs, qu’il faut donc accepter que des produits viennent de l’extérieur et recentrer notre agriculture sur la qualité.
Monsieur le ministre, dans notre rapport, mes collègues et moi critiquons non pas la montée en gamme ni les produits de qualité, mais la valse à deux temps, à savoir, d’un côté, dire qu’il faut monter en gamme pour conserver une partie de notre agriculture, tout en acceptant politiquement de laisser tomber des pans entiers de notre production ; de l’autre côté, se gargariser de messages tout faits sur l’agroécologie. C’est ça la réalité du discours de 2017 du Président de la République !
Et je ne parle pas du discours de la Sorbonne du même Président de la République, en 2018, qui était quasiment capable de sacrifier la politique agricole sur l’autel du marché européen – c’est la première fois dans l’histoire de la Ve République qu’un Président de la République parle d’abandonner la politique agricole de son pays. C’est ça la réalité ! Relisez les discours de Rungis et de la Sorbonne, si vous ne l’avez pas déjà fait, vous verrez que tout ce que je viens d’énoncer s’y trouve !
Monsieur le ministre, la réalité, c’est que la France décline ! Cela s’explique à 70 % par la baisse de productivité.
Quatre grandes causes entraînent cette baisse de productivité. La première, ce sont des charges plus élevées, des coûts de main-d’œuvre 1, 5 fois plus élevés qu’en Espagne, 1, 7 fois plus qu’en Allemagne ou encore 12 fois plus qu’en Pologne ; une concurrence avec le Maroc, où l’heure de main-d’œuvre coûte 70 centimes.
Autre cause : la surtransposition de normes – mes collègues l’ont rappelé sans cesse –, qui vient sans arrêt amplifier la réglementation qui s’applique aux agriculteurs européens, et que la France alourdit encore plus.
La réalité de cette baisse de productivité, c’est aussi la guerre des prix – vous avez essayé de l’endiguer, certes, au moyen des différentes lois que vous avez mises en place, monsieur le ministre –, qui a pour seule conséquence d’empêcher, au bout du bout, les industries agroalimentaires de retirer suffisamment de bénéfices pour pouvoir réinvestir et rester compétitives.
La troisième cause, c’est l’insuffisante protection de l’État. Monsieur le ministre, combien d’exemples – je pense en particulier à la production de la tomate – montrent que nous avons laissé des productions, qui proviennent d’autres pays, remplacer les nôtres ? La tomate marocaine, qui au départ devait être ronde, a évolué vers la tomate en grappe, puis vers la tomate cerise. Résultat : au bout du bout, les seuls Français qui produisent des tomates sont quasiment condamnés à ne produire que des tomates anciennes !