Intervention de Bernard Buis

Réunion du 9 février 2023 à 14h30
L'état territorial entre mirage et réalité — Débat organisé à la demande de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales

Photo de Bernard BuisBernard Buis :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il me semble que, en 2023, l’État territorial en France relève davantage de la réalité que du mirage. En effet, ces dernières années, nous avons assisté au réarmement de l’État dans les territoires, un réarmement concret et financier.

Sur le plan concret, tout d’abord, comment débattre de l’État territorial sans évoquer les 2 538 maisons France Services ? Elles représentent à mes yeux le symbole d’une proximité retrouvée, dans nos territoires ruraux, entre l’État et nos concitoyens.

Comme l’a souligné le récent rapport de notre collègue Bernard Delcros, l’intérêt du programme France Services est désormais indéniable. Il réside essentiellement dans la proximité et la dimension humaine de l’accompagnement apporté aux usagers, grâce aussi au déploiement de 4 000 conseillers numériques, à l’heure où le numérique exclut encore parfois une partie de la population de l’accès aux services publics.

Force est de constater que le réseau France Services est aujourd’hui salué par une majorité d’usagers et d’élus locaux. Pas moins de 93, 4 % des usagers sont satisfaits de leur démarche dans ces espaces. Quant aux 520 élus locaux interrogés par la plateforme de consultation du Sénat, seuls 6, 5 % d’entre eux considèrent que le dispositif n’est pas pertinent. Même certaines communautés de communes, pourtant réticentes en 2019 lorsque le réseau fut créé, ont pu constater que les espaces France Services répondaient aux besoins et aux attentes de la population.

Mes chers collègues, lors du lancement de l’agenda rural, le programme France Services était une priorité. Aujourd’hui, ses maisons sont une réalité et, surtout, le programme est un franc succès, à l’image de l’espace France Services de Die, dans mon département de la Drôme, qui enregistre 5 580 demandes annuelles, justifiant ainsi la demande d’une nouvelle labellisation dans le territoire du Diois.

Le renforcement de l’État territorial s’illustre également depuis ces dernières semaines dans certains territoires. Nantua dans l’Ain, Rochechouart en Haute-Vienne, Château-Gontier en Mayenne, Clamecy dans la Nièvre, Montdidier dans la Somme, Saint-Georges-de-l’Oyapock en Guyane : fin 2022, nous avons été témoins de la réouverture ou de la création de sous-préfectures en France.

Quand je parle du réarmement de l’État territorial, je pense également à la création de 200 brigades de gendarmerie prévue dans la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) promulguée en janvier 2023. La cartographie des implantations réalisée en lien avec les préfets et les collectivités sera d’ailleurs publiée très prochainement.

Je pense enfin à la relocalisation des services de la direction générale des finances publiques (DGFiP) dans 50 villes médianes sélectionnées depuis 2021. Nous avons pu en bénéficier dans la Drôme et en Ardèche – je salue au passage notre collègue Mathieu Darnaud. Autant d’exemples concrets qui montrent que l’État territorial est non plus un mirage, mais bel et bien une réalité perceptible et saluée.

Toutefois, comme chacune et chacun d’entre nous le sait, le réarmement de l’État territorial ne peut être complet que s’il est financé. Cette question est d’ailleurs un marronnier dans cet hémicycle !

Ainsi, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, la mission « Administration générale et territoriale de l’État », qui porte notamment les moyens du réseau préfectoral, des services placés sous l’autorité des préfets de région et des directions départementales interministérielles, a connu une hausse de crédits de 13, 3 % par rapport à 2022. Une telle augmentation viendra renforcer de manière inédite les moyens et les effectifs de l’administration territoriale de l’État, à hauteur de 2, 79 milliards d’euros.

Cette évolution met fin à plus de vingt années de réduction systématique des effectifs départementaux et – nous le souhaitons – à la lente érosion des liens entre l’État et ses citoyens.

Autre motif de satisfaction de ce budget : le nombre d’apprentis dans le réseau de l’administration territoriale devrait continuer à croître en 2023. Rappelons que 622 apprentis étaient présents dans ce réseau au 31 décembre 2021 ; ils étaient deux fois moins nombreux en 2020.

Quelle ne fut pas notre surprise lorsque nous avons assisté au rejet des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » par le Sénat… Toujours est-il que l’État territorial dispose aujourd’hui de moyens financiers supplémentaires non négligeables. Et c’est ce choix budgétaire qui permet le déploiement concret du réarmement sur tous les territoires !

Cela étant, il reste encore beaucoup à faire, et de nombreux progrès peuvent être réalisés pour renforcer l’État territorial dans notre pays.

Que pourrions-nous améliorer ? Nous avons des marges de manœuvre en matière d’ingénierie de l’État. L’ANCT doit, je le crois, renforcer ses liens avec les élus.

En réponse à la remise du rapport d’évaluation de notre délégation, hier, vous avez, madame la ministre, souhaité un nouveau souffle pour l’ingénierie des collectivités, afin de faire de l’ANCT un interlocuteur de proximité et du quotidien pour les élus locaux. Comment ce nouveau souffle pourrait-il se concrétiser ?

Par ailleurs, l’efficacité est bien évidemment au cœur de la perception en matière de service public. Le baromètre de l’action publique a été une formidable création. Mais dans quelle mesure les citoyens se saisissent-ils de cet outil ? Comment pourrions-nous le développer ?

J’envisage enfin l’État territorial, qui est un vecteur de cohésion sociale, comme un État facilitateur, travaillant de manière complémentaire avec tous les acteurs locaux au service premier de nos administrés. Dans quelle mesure l’État territorial pourrait-il aller davantage vers ces derniers ?

Ce sont autant de réflexions que je souhaitais partager avec vous à l’occasion de ce débat, mes chers collègues, et qui rappellent que l’État territorial n’est ni un mirage ni une chimère : il est bel et bien une réalité, dont nous devons renforcer l’existence.

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