Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre débat en séance publique sur l’avenir de Frontex, l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, est bienvenu.
En effet, le Gouvernement présente un nouveau projet de loi relatif à l’immigration, en particulier pour réformer le régime de l’asile et pour régulariser les travailleurs sans-papiers présents sur notre territoire. Or, notre politique migratoire, mais aussi notre politique de l’asile et de contrôle de nos frontières, relèvent désormais de compétences partagées avec l’Union européenne. De fait, ces politiques se jouent aujourd’hui, en grande partie, aux frontières extérieures de l’Union européenne. En effet, l’existence de l’espace Schengen, espace de libre circulation dont tous nos concitoyens profitent pour étudier, travailler ou voyager, dépend d’une surveillance efficace de ces frontières extérieures.
Si cette mission de gestion et de surveillance relève en premier lieu des États membres, ces derniers peuvent faire appel au soutien opérationnel de Frontex. Cette agence incarne alors la solidarité européenne en déployant des agents et des équipements pour le contrôle des voyageurs aux frontières ou la lutte contre l’immigration irrégulière.
La France bénéficie de cet appui, par exemple sur la côte d’Opale, dont je suis originaire, pour surveiller les embarcations de migrants essayant de traverser la Manche vers le Royaume-Uni, ou pour organiser des opérations de retour des migrants irréguliers dans leur pays d’origine.
Frontex dispose à cet égard des moyens nécessaires pour assurer ce soutien : elle est dotée, cette année, d’un budget de 845 millions d’euros et elle emploie environ 2 000 personnes, ce nombre devant progressivement augmenter pour arriver à un contingent permanent de 10 000 officiers en 2027.
Cependant, l’agence Frontex a été paralysée pendant de trop longs mois par une double crise.
Elle a d’abord été confrontée à une crise de croissance : l’Agence, dotée de moyens importants à compter de 2019, n’a pas eu le temps de procéder aux recrutements nécessaires et de mettre en place des procédures d’audit et de contrôle suffisantes.
Elle a ensuite dû affronter une crise de confiance : l’Agence a été accusée de manquements dans son fonctionnement interne, mais aussi de complicité de refoulements illégaux de migrants en mer Égée. Elle a alors fait l’objet d’un nombre inédit d’audits et d’enquêtes, qui ont conduit à la démission de son ancien directeur, M. Fabrice Leggeri, en avril dernier, puis à une longue phase transitoire de huit mois, qui s’est enfin terminée le 20 décembre dernier avec la désignation d’un nouveau directeur, le Néerlandais Hans Leijtens, qui devrait, nous l’espérons, ouvrir une nouvelle ère.
Il est en effet urgent de réagir : 330 000 franchissements irréguliers des frontières extérieures de l’Union européenne ont été recensés en 2022, soit une hausse de 64 % par rapport à 2021 et une augmentation inédite depuis 2016.
Frontex doit se remettre très vite au travail. Il y va de la crédibilité de l’Union européenne et de l’avenir de l’espace Schengen. C’est l’objet de la proposition de résolution européenne que François-Noël Buffet et moi-même avons déposée.
Nous avons ainsi entendu formuler plusieurs recommandations simples pour que l’action de Frontex représente une valeur ajoutée et non une source supplémentaire de complexité, voire de contentieux. Je veux d’ailleurs remercier nos collègues rapporteurs, Arnaud de Belenet et Claude Kern, qui ont souhaité préserver la cohérence de notre dispositif. J’insisterai sur trois points.
D’abord, l’agence Frontex doit exercer sa mission, à savoir soutenir les États membres dans la surveillance des frontières extérieures de l’Union européenne. Il s’agit pour l’Agence de le faire en respectant bien évidemment les droits fondamentaux, mais sans pour autant se transformer en agence des droits fondamentaux ou en agence de l’asile. De telles structures existent déjà au niveau européen.
Ensuite, Frontex n’a pas vocation à remplacer les services douaniers et policiers des États membres. Toutefois, pour agir en totale complémentarité avec ces derniers, elle doit faire l’objet d’un pilotage politique plus musclé par les ministres de l’intérieur des États membres, auxquels il revient de lui fixer des priorités claires.
Enfin, ce pilotage politique doit aussi passer par un suivi et un contrôle de Frontex par le Parlement européen et par les parlements nationaux. Il s’agit d’un enjeu démocratique et d’une demande récurrente de notre commission des affaires européennes sur laquelle, je pense, nous pouvons tous nous retrouver.
Nous autres, parlementaires nationaux, sommes plus au fait des attentes de nos concitoyens. Nous devons donc prendre toute notre part à ce contrôle pour obtenir des résultats concrets, sinon les États membres se détourneront de Frontex.