Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous le savons, et depuis fort longtemps, notre système de santé a dépassé le stade de la crise pour entrer dans une phase de réel effondrement, que nous mettrons des décennies à dépasser, même en faisant preuve de la meilleure volonté politique du monde et en réalisant les investissements nécessaires.
En effet, l’enchaînement de décisions politiques à courte vue, articulées autour d’une idéologie considérant que les services publics doivent coûter le moins cher possible à court terme, que le secteur privé et le marché sont par nature plus efficaces, qu’il faudrait « marchandiser » les soins et rentabiliser la santé, a eu raison de la force de nos services publics.
Les personnels de santé ont ainsi vu leurs conditions de travail se dégrader fortement, accélérant d’autant plus cet effondrement.
Tant d’entre eux renoncent et partent, quand trop peu arrivent, et ceux qui restent sont en proie à l’épuisement ainsi qu’au terrible sentiment d’impuissance face aux conséquences désastreuses pour leurs vies, mais surtout pour celles des patientes et des patients, mis en danger par les politiques menées jusqu’ici.
Dans ce contexte, revaloriser ces métiers est l’une des batailles à mener.
En permettant l’accès direct aux IPA, aux masseurs-kinésithérapeutes et aux orthophonistes dans le cadre de structures d’exercice coordonné, la proposition de loi vise à élargir les responsabilités de ces derniers et contribue à améliorer l’accès aux soins, à l’heure où 6 millions de Français, dont 600 000 souffrant d’une affection de longue durée, n’ont pas de médecin traitant et, de façon réaliste, ne peuvent matériellement pas en trouver, à court ou moyen terme.
Mon groupe salue évidemment la montée en responsabilité de ces professionnels, qui participe à la reconnaissance de leurs qualifications.
Nous sommes cependant surpris que ces propositions ne soient pas accompagnées d’une importante revalorisation salariale. Si l’idée est de remplacer des infirmières sous-payées par des infirmières sous-payées avec plus de responsabilités, je ne suis pas sûre que nous allions bien loin dans la résolution du problème.
De la même manière, nous savons qu’une des clefs pour améliorer réellement l’accès aux soins réside dans les effectifs. Investir dans nos services publics pour former davantage de personnels de santé et, surtout, construire un système de santé fondé sur les besoins de la population est bien plus important que d’avoir directement accès à des séances de kinésithérapie.
Cet impératif d’investissement public doit se retrouver dans les décisions à venir, faute de quoi la proposition de loi examinée aujourd’hui ne fera office que de fragile rustine posée sur un navire déjà à moitié englouti.
Nous regrettons par ailleurs l’adoption en commission d’un dispositif de sanction des rendez-vous non honorés, laissé à la discrétion de la convention médicale et sans cadre légal très précis.
Naturellement, les rendez-vous doivent être honorés et en réserver un sans s’y présenter pose plusieurs problèmes, aussi bien au médecin privé de la consultation qu’aux autres patients privés d’accès aux soins faute d’avoir pu profiter de ce créneau de rendez-vous, et ce d’autant plus dans un contexte de pénurie de médecins.
Néanmoins, l’alternative est soit de définir un dispositif réellement juste, s’appliquant uniquement aux annulations véritablement illégitimes – ce qui n’est pas explicitement prévu dans la version actuelle du texte –, assorti d’une sanction financière ne représentant pas une charge disproportionnée pour les patients concernés, ce qui aboutira à coup sûr à une « usine à gaz », soit de s’exposer à la mise en place d’une double peine pour de nombreux malades, accompagnée d’un mécanisme à peu près inapplicable.
Nous avons d’ores et déjà du mal à trouver des créneaux de rendez-vous pour être soignés en payant, évitons peut-être de faire payer les gens pour ne pas l’être. D’autant que, pour plusieurs raisons, il est statistiquement prouvé que les publics les plus précaires sont les plus susceptibles de ne pas honorer leur rendez-vous.
Encore une fois, je suis tout à fait consciente du problème, de son ampleur et de la nécessité d’y remédier, mais je veux croire que des dispositifs différents de la sanction financière ou du non-remboursement de soins ultérieurs, auxquels personnes n’a intérêt, peuvent être trouvés.
Enfin, je voudrais dire quelques mots sur la philosophie générale du texte, illustrée de manière assez limpide par son titre : « Proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé » : nous savons parfaitement que les problèmes d’accès aux soins dans notre pays n’ont pas beaucoup à voir avec la confiance dans les professionnels de santé, que ce soit celle que les pouvoirs publics ou que les patients leur portent.
La raison majeure de ce problème d’accès aux soins est le désinvestissement public dans notre système de santé. Réinvestir dans les services publics, revaloriser les rémunérations, construire un système de santé fondé sur les besoins et accordant toute sa place à la prévention doit rester notre cap.
D’ici là, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’abstiendra sur ce texte, eu égard à son équilibre général.