Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je salue le travail de notre rapporteure Corinne Imbert, qui a tenté de repêcher une proposition de loi bien insatisfaisante.
On a tendance à dire que, très souvent, les suites de film sont moins bonnes que la première version. Nous n’étions déjà pas satisfaits de la première proposition de loi Rist ; je dois dire que cette deuxième saison n’est pas plus convaincante !
Sur la forme, cette proposition de loi est en réalité, une fois de plus, un projet de loi déguisé du Gouvernement. C’est pourquoi, madame la ministre, je m’adresserai directement à vous lors de mon intervention, d’autant que vous avez fait adopter plusieurs amendements sur des sujets majeurs, et ce sans étude d’impact ni concertation.
Nous avons de nouveau l’impression d’une loi fourre-tout, visant à réorganiser notre système de santé, mais sans vision d’ensemble, sans réelle ambition.
Depuis 2017, on ne compte plus le nombre de propositions de loi sur la santé censées régler un aspect du problème. Six ans plus tard, la situation est toujours la même : près du quart des Françaises et des Français vivent dans un désert médical ; beaucoup renoncent aux soins ; treize départements n’ont pas de gynécologue médical ; de nombreux patients n’ont plus de suivi psychiatrique. Je pourrai – hélas ! – poursuivre cette triste litanie.
Votre pseudo-réforme du numerus clausus ne produira aucun effet sur la pénurie de professionnels ou sur le développement des déserts médicaux. Les mesures du Ségur de la santé, elles non plus, n’ont eu aucun effet sur l’amélioration des conditions de travail des personnels.
Votre gestion de la pénurie se transforme aujourd’hui en discours pour, supposément, libérer du temps médical et mieux articuler les compétences des professionnels de santé.
Pour notre part, nous sommes favorables à une revalorisation des missions et des professions, notamment paramédicales, ainsi qu’à une reconnaissance des compétences. Mais l’objectif ne peut pas seulement être de remédier au manque de médecins. Il faut un haut niveau d’ambition pour notre système de santé, une vision globale et cohérente, ainsi, surtout, que le souci d’anticiper au lieu de réagir au coup par coup.
Il a été proposé une expérimentation de l’autorisation de la primo-prescription pour les IPA dans le PLFSS pour 2022, et une expérimentation de l’accès direct dans le PLFSS pour 2023. Nous avions soutenu ces dispositions. Mais, quelques mois plus tard, alors que l’expérimentation n’a pas eu lieu, vous nous proposez la généralisation des dispositifs. Notre propos n’est pas d’exprimer de la défiance à l’égard des professionnels concernés. Nous voulons simplement bien comprendre les raisons d’une telle accélération.
Madame la ministre, reconnaissez enfin que les politiques de restrictions budgétaires n’ont fait qu’affaiblir notre système de santé publique et que nous sommes proches de la rupture. Travaillez enfin à une loi sur la santé digne de ce nom, en prenant en compte les revendications, les aspirations et les besoins des professionnels comme des patients. C’est cela, l’urgence !
Or ce n’est pas du tout le chemin que vous empruntez. Sans même attendre la fin des négociations conventionnelles, vous inscrivez à l’ordre du jour du Parlement la présente proposition de loi, qui n’a fait qu’enfler au fil des différentes lectures.
Les conséquences sont immédiates : un arrêt des négociations et l’opposition des différentes professions médicales et paramédicales entre elles, là où il faudrait plus que jamais coordination et complémentarité.
Même les mesures qui pourraient améliorer les prises en charge des patients sont réduites dans leur portée.
Ainsi, que ce soit pour les IPA ou les orthophonistes, l’accès direct tel qu’il est envisagé est plus que restrictif : il serait uniquement autorisé dans les structures d’exercice coordonné. Il y a là une méconnaissance totale non seulement des territoires, mais également des professions concernées. Une telle rédaction ne prend en compte qu’une toute petite minorité des orthophonistes, pour ne pas dire quasiment aucun ! C’est pourquoi nous avions proposé plusieurs amendements en faveur de cette profession ; malheureusement, un seul d’entre eux a été jugé recevable.
En résumé, avec ce texte, les Françaises et les Français auront toujours autant de difficultés à se faire soigner. Ce ne sont pas les dispositions de l’article 4 ter sur la permanence des soins et l’élargissement de cette mission de service public à d’autres professions qui régleront le problème, puisque vous ne revenez pas sur l’obligation de garde.
Le parcours de soins, qui fait du médecin traitant le point d’entrée des patients, ne peut pas être détricoté sans réflexion globale et cohérente pour trouver des solutions immédiates face aux 6 millions de Françaises et de Français qui sont privés de médecin généraliste.
Une nouvelle fois, écoutez nos propositions !
Investissez massivement dans notre système de sécurité sociale pour augmenter les capacités de formation des professionnels de santé et améliorer l’attractivité des carrières, tout en donnant aux universités les moyens d’accueillir plus d’étudiants.
Réorganisez notre système de santé en partant des besoins des usagers, en maintenant les structures d’accès aux soins de proximité et en revoyant la gouvernance des hôpitaux pour une véritable démocratie sanitaire.
Confiez aux autres professionnels de santé une mission d’orientation du patient dans le système de santé, en leur permettant d’assurer une première prise en charge et d’organiser, avec les autres acteurs du territoire, l’orientation vers un médecin traitant, comme cela se fait dans les centres de santé.
En attendant tout cela, nous nous abstiendrons sur cette proposition de loi, qui constitue une nouvelle occasion manquée d’améliorer l’accès aux soins.