Intervention de Catherine Deroche

Réunion du 14 février 2023 à 14h30
Amélioration de l'accès aux soins — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Catherine DerocheCatherine Deroche :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme l’a rappelé Corinne Imbert dans son rapport, la question de la répartition des compétences entre les différentes professions de santé était déjà posée dans le rapport du professeur Yvon Berland, qui invitait à « redéfinir les missions des médecins avec le souci qu’ils soient utilisés de manière optimale à leur juste niveau de formation ». C’était il y a vingt ans !

En 2014, dans un rapport cosigné par Catherine Génisson, notre collègue Alain Milon invitait à ce nouveau partage des tâches, alors que la formation des médecins s’allongeait et que se renforçait dans le même temps celle des paramédicaux.

Il y a donc bien une voie à explorer, dans laquelle notre pays s’est engagé plus tardivement et moins fortement que d’autres du fait de son histoire et, probablement, de l’expérience des officiers de santé, passée à la postérité sous les traits peu flattés de Charles Bovary et l’épisode du pied bot du malheureux Hippolyte.

Pourtant, cette évolution est d’autant plus nécessaire que le temps médical se fait plus rare et que nous souhaitons parallèlement développer la coopération des professionnels de santé autour du patient.

Je crois pouvoir dire que cet objectif est plutôt consensuel ; nous le voyons quotidiennement sur le terrain, au sein des équipes de soins primaires ou des maisons de santé pluriprofessionnelles de nos territoires. Ce qui l’est beaucoup moins, c’est la manière dont cette coopération doit s’opérer concrètement.

Les infirmiers en pratique avancée, créés par la loi de 2016, n’ont connu qu’un développement limité, entravé par des textes réglementaires restrictifs.

Les expérimentations adoptées dans différents projets de loi de financement de la sécurité sociale n’ont pas été jugées suffisamment prioritaires pour se voir dotées d’un décret d’application.

Plus récemment, l’annonce d’un accord intervenu dans le cadre d’un comité de liaison entre les différents ordres, le Clio, a rapidement fait place à un niveau de défiance très élevé entre les professions et à l’égard du Gouvernement.

Pour compliquer encore le dossier, son calendrier est parallèle à celui des négociations conventionnelles entre l’assurance maladie et les syndicats de médecins, ces derniers ayant quitté la table des négociations le 20 janvier dernier.

Tel est le contexte, devenu tendu – chaque partenaire prête à l’autre les intentions les plus sombres –, dans lequel nous sommes appelés à légiférer.

Tout en partageant l’objectif, je ne crois pas que la méthode soit adaptée, notamment lorsqu’il s’agit de pérenniser une expérimentation prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, dont l’encre est à peine sèche, mais aussi d’ajuster, parfois de façon très pointilliste, les compétences de tel ou tel professionnel. Cette matière étant réglementaire, l’intervention du législateur produit des résultats peu concluants dans ce domaine.

Est-ce à la loi d’entrer dans un tel niveau de détail ? Sans doute pas. Faut-il utiliser le débat parlementaire dans le cadre de négociations conventionnelles ? Je ne le crois pas non plus.

C’est pourquoi notre commission a supprimé les dispositions relatives à l’engagement territorial des médecins. Elles étaient trop floues pour produire elles-mêmes des effets normatifs. Par ailleurs, elles sont censées être traitées par la voie conventionnelle ; souvenons-nous de l’article 35 voté en loi de financement de la sécurité sociale. Enfin, elles étaient de nature à agiter inutilement un chiffon rouge dont il serait plus judicieux de se passer.

Rappelons également que notre système de santé est abîmé par une crise structurelle, avec des professionnels confrontés à une perte de sens.

Avec la rapporteure Corinne Imbert, nous aurions préféré un report du texte, le temps qu’un nécessaire apaisement soit obtenu. Cela n’a pas été possible. Nous invitons donc le Sénat à garder le cap d’un nécessaire partage des tâches, à retrouver les conditions d’une indispensable sérénité entre les professionnels et à sécuriser les questions de responsabilité et de formation. C’est toujours l’intérêt du patient qui doit nous guider.

Dans l’intérêt du patient, justement, nous invitons le Gouvernement à changer de méthode, à utiliser prioritairement le levier conventionnel, puis à réinscrire ce texte dans un chantier plus large, qui comprendrait notamment une refonte de l’ingénierie de formation des paramédicaux.

Néanmoins, tout en exprimant un grand nombre de réserves, nous avons trouvé un équilibre fragile. C’est notre rapporteure Corinne Imbert qui a réalisé cet exercice délicat d’équilibriste, et je l’en remercie. Parce qu’il nous semble important de préserver le fruit de ce travail, je vous demande de voter ce texte, mes chers collègues.

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