Intervention de Florence Lassarade

Réunion du 14 février 2023 à 14h30
Amélioration de l'accès aux soins — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Florence LassaradeFlorence Lassarade :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, face à la désertification médicale et à l’insuffisance de l’offre de soins, cette proposition de loi cherche à renouveler notre façon d’aborder la prise en charge médicale. L’esprit du texte est de favoriser l’accès aux soins pour nos concitoyens. Nous ne pouvons que partager un tel objectif, tout en nous interrogeant sur les modalités retenues et les choix mis en œuvre par le Gouvernement et sa majorité.

Il y a bien urgence, car 6 millions de Français sont aujourd’hui dépourvus de médecin traitant ! Et 600 000 d’entre eux sont atteints d’affection de longue durée, alors que leur maladie chronique exige prévention, dépistages et soins. Cette absence de médecin traitant entraîne des complications et des hospitalisations, ce qui est très grave.

La présente proposition de loi cherche à pallier de telles difficultés en ouvrant l’accès direct et en élargissant les compétences de plusieurs professionnels de santé. L’objectif est de fluidifier le parcours de soins du patient et de libérer du temps médical.

Le texte donne la possibilité aux patients de consulter en première intention un professionnel de santé sans devoir passer par un médecin. Trois professions sont concernées par cet accès direct : les IPA, les masseurs-kinésithérapeutes et les orthophonistes.

Il propose aussi d’étendre le champ de compétence des IPA à la prescription de produits de santé et de prestations soumises à des prescriptions médicales obligatoires. N’aurait-il pas été préférable d’attendre la fin de l’expérimentation en cours pour envisager une telle extension ? Ce texte ne précise d’ailleurs pas les conditions d’exercice et les protocoles de prises en charge. Concrètement, comment se ferait cette ouverture ?

Il ne s’agit pas de contester les compétences des IPA, mais je voudrais partager mes inquiétudes, en ma qualité de médecin ayant exercé de longues années en milieu hospitalier et en libéral. Jusqu’où les IPA et les masseurs-kinésithérapeutes pourront-ils aller avant de pratiquer la médecine ? Comment pouvons-nous déterminer leurs responsabilités en cas d’erreur médicale ? Qui endossera la responsabilité d’un acte qui aura été mal effectué ? Les médecins devront-ils endosser la responsabilité des actes réalisés en premier recours par les IPA ? Vous évoquez une responsabilité collective, mais comment cela se traduira-t-il juridiquement ? Ce n’est pas clair du tout ! Il convient d’encadrer formellement le dispositif. J’aurais aimé que nous puissions être éclairés sur cet aspect avant de voter le texte.

Les IPA pourront donc intervenir en premier sur des pathologies courantes et bénignes. Mais, pour affirmer que c’est bénin, il faut poser un diagnostic, donc intervenir comme un médecin. La bénignité apparente peut aussi parfois cacher une pathologie grave.

Madame la ministre, il faut également entendre les médecins sur ces évolutions du système de santé.

En premier lieu, je m’étonne que l’examen de ce texte coïncide avec les négociations sur la revalorisation du tarif de la consultation. Cette revalorisation est d’autant plus nécessaire que l’inflation est importante. Or, la seule hausse tarifaire proposée est de 1, 50 euro pour l’acte de base ! Cela ne rattrape même pas l’inflation liée au blocage des honoraires depuis 2016… C’est inacceptable ! De surcroît, aucune valorisation financière n’est prévue dans le texte, car il est impossible de créer une charge pour les finances publiques dans une proposition de loi. Ainsi, la revalorisation des actes reste encore dans les limbes.

Sans exclure la nécessité de mieux considérer les professions paramédicales, je considère que le médecin doit rester au cœur de notre système de santé.

Je rappelle que dix années à quinze années sont nécessaires pour former un médecin, afin de lui permettre de poser des diagnostics, d’éliminer des diagnostics différentiels et de donner la bonne indication au bon moment. Les infirmiers font les soins pour lesquels ils ont été formés. C’est très différent, et les formations sont différentes ! Nous sommes complémentaires, mais pas substituables. Les soins peuvent être partagés avec d’autres professionnels de santé, à condition de travailler en coordination avec les médecins.

Enfin, cette proposition de loi met bel et bien en œuvre une santé à deux vitesses. Il y aura ceux de nos concitoyens qui auront un médecin et ceux qui auront accès à des non-médecins pour établir un diagnostic et prescrire un traitement. C’est le choix du Gouvernement et de sa majorité.

Sur l’initiative de la rapporteure Corinne Imbert, dont je salue le travail, le texte que nous allons examiner a fait l’objet de nombreuses modifications bienvenues, notamment pour conserver le rôle central du médecin dans la coordination et le suivi des patients.

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