Intervention de François Braun

Réunion du 14 février 2023 à 21h30
Amélioration de l'accès aux soins — Après l'article 4 ter

François Braun :

Monsieur le sénateur, je vous remercie de poser la question du conventionnement sélectif.

Comme je l’ai déjà indiqué, je suis opposé aux mesures de coercition – le conventionnement sélectif en est une –, non pas par dogmatisme, mais parce qu’elles ne fonctionnent pas. C’est d’autant plus vrai que nous sommes confrontés à une situation de pénurie dans ce domaine, Mme la rapporteure l’a rappelé, ce qui n’est pas le cas pour d’autres professions de santé, pour lesquelles, en conséquence, cette obligation d’installation, pour ainsi dire, pourrait constituer une solution intéressante.

Par ailleurs, on dit souvent que les médecins ne sont pas soumis à une telle obligation. Permettez-moi de m’inscrire en faux : un médecin qui souhaite exercer dans le service public hospitalier ne va pas où il veut, mais là où il y a des postes vacants, ce qui représente déjà une certaine forme d’obligation pesant sur les médecins.

Quelles seraient les conséquences d’une telle décision ? Mme la rapporteure l’a dit, elles seraient extrêmement néfastes ; nous subirions les effets inverses de ceux que nous escomptons.

Premier effet, les jeunes médecins, avec qui j’ai discuté, ne choisiront plus la médecine générale. Comme vous le savez, lorsqu’ils choisissent leur spécialité d’internat, il y a toujours un nombre de postes supérieur au nombre de médecins. Aussi, pour ne pas être contraints de s’installer, ils ne choisiront plus la médecine générale… Ce n’est évidemment pas du tout ce que nous voulons.

Deuxième effet, les jeunes qui ont choisi la médecine générale suivront, à l’issue de leur parcours, les formations spécialisées transversales (FST) permettant d’acquérir des compétences en médecine du travail ou en médecine médico-légale, par exemple, et ils les utiliseront afin de ne pas être obligés de s’installer.

Troisième effet, ceux qui souhaitent faire de la médecine générale, mais qui refusent l’obligation d’installation, préféreront choisir l’exercice salarié dans des maisons de santé – il y en a de plus en plus –, qu’ils plébiscitent. La majorité de ces maisons de santé se situent malheureusement en milieu urbain, plutôt qu’en milieu rural – je ne parlerai pas de zones que l’on qualifie de surdotées ou de sous-dotées, car je ne sais pas à quelle réalité elles renvoient véritablement.

Quatrième effet, dans le grand mercato international des médecins – nous ne sommes pas les seuls à connaître cette situation de déficit –, les jeunes partiront à l’étranger, tout simplement. Des ponts d’or sont en effet offerts à nos médecins, qui sont particulièrement bien formés, pour partir s’installer au Canada, au Luxembourg, en Suisse, en Allemagne, voire aux Émirats arabes unis.

Au total, si cette solution de conventionnement sélectif peut paraître séduisante au premier abord, je suis certain que ses effets seront contre-productifs.

En revanche, il existe d’autres outils pour favoriser l’installation dans les zones sous-denses – je les avais détaillés à l’occasion de l’examen du PLFSS –, dont l’efficacité est plus rapide. Je pense au guichet unique et à la possibilité de favoriser l’installation, mais aussi et surtout le maintien, dans ces zones d’accès plus difficiles pour les médecins.

D’autres mesures peuvent être envisagées à moyen terme, à l’instar des stages des internes au cours de la quatrième année de médecine générale ou de ceux qui sont accomplis plus tôt.

À plus long terme, l’une des mesures est le « parcours réussite » que les jeunes suivent le plus tôt possible, car la meilleure chance pour qu’un médecin s’installe dans une zone sous-dense, c’est qu’il en soit issu – près de sept sur dix reviendront s’y installer. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le voyez, nous avons d’autres solutions.

J’évoquerai un dernier point, qui est pour moi un facteur majeur d’inégalité absolue entre les médecins. Lorsque l’on prévoit qu’un jeune ne peut s’installer dans une zone dite surdense que si un autre médecin s’en va, qu’est-ce qui résulte d’un tel parallèle ? Eh bien, des médecins, dans ces zones agréablement pourvues, disons-le ainsi, vendront leur clientèle… Grand bien leur fasse, mais le médecin qui, lui, est dans une zone déficitaire ne vendra jamais sa clientèle, alors qu’il travaille très dur depuis des années.

Je pense sincèrement que cette solution n’est pas la bonne. Aussi, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur le sénateur. À défaut, mon avis serait défavorable.

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