Je vais apporter des réponses au questionnaire écrit que vous m'avez envoyé. Tout d'abord, nous estimons le solde de la branche vieillesse pour 2022, non encore consolidé, à - 1,8 milliard d'euros, contre - 1,1 milliard d'euros en 2021.
Pour mesurer l'incidence de la double mesure paramétrique de l'accélération de la réforme dite Touraine et du report de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans, je vous propose une référence à 2032, année des 64 ans de la génération née en 1968. Ses effets devraient aboutir à une amélioration du solde du régime général de 5,9 milliards d'euros, en euros 2020 : 4,4 milliards d'euros de moindres prestations et 1,5 milliard d'euros de cotisations supplémentaires. Le déficit serait donc de 5 milliards d'euros au lieu de 10,8 milliards d'euros actuellement projetés pour 2032. Je n'ai pas intégré, dans ce calcul, les autres mesures de recettes prévues par la réforme, dont les nouvelles cotisations destinées à la branche vieillesse.
Ensuite, les mesures paramétriques entraîneront, pour la pension moyenne des générations actuellement proches de la retraite, une hausse de 1,5 %, celle-ci étant plus forte pour les petites retraites. On atteint 2 % à moyen terme, pour les générations 1970 et au-delà, avec là encore une hausse plus marquée pour les trois premiers déciles, les plus modestes.
Les départs anticipés sont ainsi ventilés pour 2022 : parmi l'ensemble des départs à la retraite, 18 % ont été anticipés au titre d'une carrière longue ; 0,4 % au titre d'une incapacité permanente ; 0,4 % au titre d'un handicap et 0,3 % au titre de la pénibilité - ces derniers continuent de monter en charge.
Par ailleurs, l'extension du départ anticipé pour incapacité permanente, prévue dans le projet de loi, aboutirait à 1 700 départs annuels supplémentaires, soit une hausse de 50 %. En revanche, nous n'avons pas encore mesuré l'impact de l'élargissement des critères de pénibilité et des plafonds. Enfin, la prise en compte des trimestres validés au titre de l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) pour le bénéfice d'une retraite anticipée pour carrière longue concernerait 2 000 à 3 000 femmes par an.
Comme vous le savez, le PLFRSS relève le minimum contributif (Mico) en deux étapes : une première augmentation de 100 euros pour les nouveaux retraités, et la seconde sous la forme d'une prestation différentielle de 100 euros pour les retraités actuels. Pour les premiers, le coût serait de 500 millions d'euros en 2030, et il continuerait d'augmenter ensuite. Tout compris, à l'horizon 2030, on atteint au total 1,3 milliard d'euros, le gros du coût portant sur le stock. Actuellement, 34 % des retraités, soit 4,8 millions de personnes, bénéficient du minimum contributif, pour un montant moyen de 112 euros, auxquels s'ajouteront les 100 euros que je viens de mentionner, au prorata de la durée d'assurance cotisée.
J'en viens aux trimestres réputés cotisés pour la carrière longue : ils ne sont pas pris en compte pour ce minimum contributif sauf, après réforme, pour les trimestres accordés au titre de l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) et de l'assurance vieillesse des aidants (AVA).
S'agissant de l'articulation entre les 1 200 euros et l'augmentation du minimum contributif, le montant, théorique, de la pension globale perçue à l'issue d'une carrière intégralement effectuée au Smic est actuellement de 1 103 euros bruts. Les 100 euros supplémentaires permettent donc bien d'atteindre 1 200 euros.
Les effets du relèvement, de 39 000 euros à 100 000 euros, du seuil de récupération sur succession de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), c'est-à-dire le minimum vieillesse, sont difficiles à mesurer. Quoiqu'il en soit, en 2022, nous avons collecté 117 millions d'euros à ce titre. Augmenter le seuil réduira sans doute le volume des récupérations de façon significative.
Au total, 1,8 million de personnes bénéficient de trimestres au titre de l'AVPF, tandis que l'AVA, telle qu'elle est instaurée par le PLFRSS, concernerait 100 000 personnes par an.
Vous m'avez interrogé sur les travaux d'utilité collective (TUC) et sur les contrats aidés. Ceux-ci n'apportent pas de droits à retraite, et ces contrats, non traçables, reposent sur une déclaration de l'assuré. Le Gouvernement, dans son étude d'impact, estime le coût de leur prise en compte pour la durée de cotisation à 400 millions d'euros. Il se base, pour cela, sur l'hypothèse d'un taux de recours de 10 %, qui me semble prudente. En effet, une partie des bénéficiaires dispose déjà de tous ses trimestres, et une autre est déjà à la retraite. Nous sommes toutefois susceptibles de le dépasser - j'y suis prêt, en tant que gestionnaire.
J'en viens aux assurés qui se trouvent au chômage lorsqu'ils liquident leurs droits à la retraite - ils étaient 11 % en 2020. L'emploi des seniors relevant du régime général est dans une situation paradoxale : nous sommes au-dessus de la moyenne européenne pour les personnes âgées de 55 à 59 ans, et très en dessous pour les 60 à 64 ans. Cela s'explique à la fois par un manque d'investissement - qu'il faudra combler - dans l'emploi des seniors et par l'effet d'éviction des 62 ans. Ainsi, l'âge l'égal explique en grande partie ces performances relatives. On l'a vérifié avec le report, en 2010, de l'âge légal de 60 à 62 ans, qui a mécaniquement augmenté l'emploi des seniors.
Pas moins de 22 000 assurés bénéficient de la retraite progressive, dispositif relativement confidentiel rapporté aux 850 000 retraites liquidées par an et aux 15 millions de de retraités qui dépendent de nous. Le passage de 60 à 62 ans de l'âge d'ouverture de ce dispositif n'aurait pas d'incidence sur le taux de recours. En revanche, celui-ci pourrait augmenter significativement avec l'inversion de la charge de la preuve prévue par le PLFRSS : le passage à temps partiel associé à la retraite progressive serait opposable à l'employeur, qui devrait faire la preuve de son incapacité à intégrer un travailleur senior à temps partiel.
Ensuite, je vous indique que 580 000 personnes bénéficient aujourd'hui du cumul emploi-retraite, un doublement en dix ans. Le PLFRSS prévoit que ce cumul sera créateur de droits. L'impact final est estimé à 0,3 milliard d'euros.
Enfin, l'effet de l'affiliation au régime général des salariés anciennement affiliés aux régimes spéciaux devrait être relativement transparent, car il s'agit de l'arrivée de nouveaux cotisants, qui s'ouvriront des droits. En revanche, le ratio démographique des régimes spéciaux sera largement dégradé, en raison de la baisse du nombre de leurs cotisants. Une compensation est envisageable, comme c'est déjà le cas pour le régime spécial de la SNCF de la part de la Cnav et de l'Agirc-Arrco. Il me semble toutefois préférable que, si compensation il y a, celle-ci soit déterminée selon un adossement statistique, et non comptable. En effet, le législateur, pour les régimes des industries électriques et gazières (IEG), avait choisi un adossement comptable, dont la conséquence aujourd'hui est de nous faire recalculer une pension fictive pour tous les retraités pour la comparer à celle qu'ils auraient perçue dans le cadre du régime spécial, ce qui aboutit à un double travail. Pour le SNCF, le législateur a prévu un report statistique, tout aussi robuste et plus simple à évaluer.