Commission des affaires sociales

Réunion du 1er février 2023 à 9h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Nous auditionnons ce matin la professeure Christèle Gras-Le Guen, cheffe de service de pédiatrie générale et des urgences pédiatriques au centre hospitalo-universitaire (CHU) de Nantes et présidente de la Société française de pédiatrie (SFP), en visioconférence, et M. Adrien Taquet, tous deux coprésidents du comité d'orientation des Assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant. Cette audition fait l'objet d'une captation vidéo retransmise en direct sur le site du Sénat.

Nous accueillons par ailleurs une délégation de fonctionnaires de l'Assemblée nationale d'Arménie, conduite par son secrétaire général, qui assiste à nos travaux de ce matin. Je les salue.

Les Assises de la pédiatrie ont été lancées en décembre 2022 dans un contexte de tension extrême des services d'urgences pédiatriques, dû à une épidémie de bronchiolite très virulente et très précoce et à une situation structurelle très dégradée. Des membres de la commission se sont rendus à l'hôpital Necker, en décembre, pour constater la situation.

Le champ de ces assises englobe tous les professionnels intervenant dans la santé de l'enfant, en ville et à l'hôpital, ainsi que les services de médecine scolaire et de protection maternelle et infantile (PMI).

Au printemps, les assises doivent aboutir à l'adoption d'une feuille de route en six points, dont je ne relèverai qu'un seul : relever le défi de la santé mentale des enfants. De nombreux travaux ont été consacrés par le Sénat à ce sujet, qui tous ont souligné l'ampleur du défi à relever.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet, coprésident des Assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant

Mon intervention s'attachera à vous présenter les grands axes, la méthode et les attendus de ces assises, lancées par le ministre Braun le 29 novembre dernier, en pleine crise des urgences. Les travaux sont en cours, les sujets de fond sont en train d'être examinés. Il s'agit de voir comment vous pouvez, mesdames et messieurs les sénateurs, contribuer à cette réflexion collective, dans les semaines à venir, et sous quelle forme.

L'hiver dernier, notre pays a été confronté à une nouvelle crise des urgences, qui chaque année se répète. Elle fut particulièrement aiguë cette année, à cause d'une triple épidémie - bronchiolite, grippe et covid - associée à une dette immunitaire. Urgences saturées, manque de lits d'hospitalisation conventionnelle, secteur périnatal en difficulté et équipes éprouvées en sont les symptômes. Ce n'est que la partie émergée de l'iceberg ; le mal-être est plus profond, à l'instar de la PMI, qui est en grande difficulté - les moyens font défaut et les professionnels manquent de temps médical, alors que 75 % à 80 % des médecins de PMI partiront prochainement à la retraite, comme l'indiquait déjà le rapport de Michèle Peyron Pour sauver la PMI. Par ailleurs, avec seulement 800 médecins scolaires dans notre pays, reste-t-il encore une médecine scolaire en France ? Le manque de pédopsychiatres est aussi criant - il n'y en a que quelques centaines. Les délais d'attente dans certains centres médico-psychologiques infanto-juvéniles (CMPIJ) sont de 6 à 12 mois.

Les difficultés sont systémiques. Une refondation est nécessaire. Telle est l'ambition de ces Assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant. Leur objectif est de dépasser le constat, déjà dressé depuis dix ans, pour construire le plan d'action pluriannuel de refondation de la santé de l'enfant.

Nous nous intéressons aux enfants de 0 à 18 ans, et portons une attention particulière aux périodes de transition, trop souvent synonymes de rupture. Nous envisageons la santé globale au sens de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) - physique, mentale, sociale, culturelle, environnementale -, avec une approche axée sur le parcours de santé et les besoins de l'enfant et des parents. Nous voulons faire des enfants et des parents des acteurs de leur santé, autour de propositions concrètes, à court et moyen termes, pour inclure des mesures dès le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Notre méthode est celle d'une concertation la plus large possible, en associant tous les professionnels de santé et toutes les parties prenantes, dont les élus locaux. Les assises auront lieu avant l'été, une feuille de route sera annoncée dans la foulée.

Nous avons déterminé 6 axes de travail, animés par 18 copilotes, qui sont coordonnés par les 2 coprésidents.

Notre premier axe est de garantir à tous les enfants un parcours de santé de qualité et sans rupture. Il s'agit ici d'évaluer le droit commun. De 0 à 18 ans, chaque enfant doit avoir un parcours de santé de qualité et sans rupture - les ruptures des parcours de soin sont un trait français trop connu. Se posent les questions de la naissance, de la PMI, de la médecine scolaire et la formation des professionnels de santé. La médecine scolaire fait l'objet d'un rapport prévu dans la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite 3DS ; une mission de l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR) et de l'inspection générale des affaires sociales, l'Igas, est en cours et ses conclusions seront intégrées à la réflexion. L'équipe chargée de cet axe est représentative des domaines de la PMI, de la médecine scolaire, de l'hôpital et de la médecine libérale.

Le second axe est d'améliorer le parcours en santé des enfants les plus fragiles : les enfants qui souffrent de maladies chroniques, rares et complexes, et ceux qui sont en situation de handicap. Pour ces derniers, l'accès aux soins est souvent problématique : par exemple, un enfant autiste, qui craint le rapprochement physique, aura plus de difficulté à subir un rendez-vous dentaire. La formation des professionnels est un enjeu important. Nous devons aussi lutter contre la précarité en santé - la pauvreté est un facteur aggravant - et répondre aux besoins des enfants en outre-mer - des tabous existent, il faudra les briser, comme celui de la prévalence. J'ai sollicité les délégations aux outre-mer du Sénat et de l'Assemblée nationale pour qu'elles contribuent à la réflexion - j'attends une réponse de la part de la délégation sénatoriale. Nous devons également améliorer la santé des enfants protégés au titre de l'aide sociale à l'enfance (ASE), ainsi que mieux soigner et prendre en charge les enfants victimes de violences, sexuelles ou non ; ASE, enfants en situation de handicap, outre-mer, autant de sujets où le Sénat pourra apporter son expertise.

Le troisième axe est de relever le défi de la santé mentale des enfants. Ce sujet de préoccupation majeure impose des réflexions en amont et en aval ; la prévention et une bonne articulation entre pédopsychiatrie et psychiatrie sont essentielles. Des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, en novembre 2021, conclues par le Président de la République, ont permis de faire des annonces, que mon ministère a tenté de mettre en oeuvre ; mais il reste beaucoup à faire.

Le quatrième axe est la prévention, sujet qui rejoint toutes les grandes politiques publiques en santé : addictions, santé physique, lutte contre l'obésité, addiction aux écrans, sommeil et autonomisation, pour faire des enfants des acteurs de leur santé.

Le cinquième axe porte sur la formation professionnelle et les carrières : délégations de compétences, maquettes universitaires, pratique avancée, gradation des soins et rôle du généraliste sont abordés.

Le sixième axe est celui de la recherche et de la promotion des pratiques innovantes, notamment à l'heure du numérique.

J'en viens à la méthode. Le rôle des pilotes est de mener des concertations les plus larges possible. Ils sont assez libres dans leur travail et la méthode employée. Il est possible de faire des contributions écrites, sur le site de la SFP - nous en avons obtenu 600. Nous prenons aussi en compte la parole de l'enfant, potentiellement sur le sujet de l'activité psychique, en faisant travailler le conseil de l'enfance et de l'adolescence du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA), selon une méthodologie inspirée par le défenseur des droits auprès des enfants. Nous consultons aussi les parents, via l'Union nationale des associations familiales (Unaf). Enfin, nous partageons l'état d'avancement des travaux devant un comité des parties prenantes, qui se réunit toutes les 6 à 8 semaines.

Le calendrier est le suivant : recueil des contributions de janvier à mi-mars ; mise en cohérence et rédaction du plan d'action en avril et en mai ; tenue des assises entre la mi-mai et la mi-juin.

J'ai sollicité une audition devant votre commission, mais aussi devant la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale et les délégations aux outre-mer des deux assemblées, ainsi que devant l'Assemblée des départements de France (ADF). Régions de France, l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) et l'Association des maires ruraux de France (AMRF) ont aussi été contactées. Une contribution du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) est attendue et le HCFEA a été sollicité.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Avant de céder la parole à Mme Gras-Le Guen, je précise que notre commission a lancé une mission d'information sur les troubles du neurodéveloppement, pilotée par Jocelyne Guidez, Laurent Burgoa et Corinne Imbert. Nous avons aussi créé un groupe d'étude sur le handicap, à la demande du Président Larcher, qui est présidé par Philippe Mouiller.

Voici ma première question : quelle est l'articulation de vos travaux avec les ministères ? Comment collaborez-vous avec Charlotte Caubel, secrétaire d'État chargée de l'enfance ?

Debut de section - Permalien
Christèle Gras-Le Guen, coprésidente des Assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant

Fin 2022, la santé de l'enfant a été particulièrement malmenée. Nous souhaitons des mesures rapides pour éviter une même crise en 2023. Toutefois, les embouteillages aux urgences pédiatriques ne sont que la partie la plus visible ; la santé de l'enfant relève d'un problème beaucoup plus vaste, que nous devons résoudre de manière collective. Nous souhaitons, par notre travail, rassembler le plus possible d'acteurs, disposer de perspectives générales sur la santé de l'enfant et ainsi proposer des mesures qui concerneront tous les parcours de soin.

Les initiatives en France sont nombreuses ; nous souhaitons coordonner toutes les bonnes idées. Nous ne repartons pas de zéro. Nous cherchons toutes les solutions à court et moyen termes, pour les 5 ou 10 prochaines années. Des réformes de fond sont nécessaires, alors que les parcours de soins sont très vastes et que le calendrier est contraint : il faudra se mettre en ordre de marche rapidement.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet, coprésident des Assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant

Le sujet est intrinsèquement interministériel : nous travaillons avec Jean-Christophe Combes, Geneviève Darrieussecq, Pap Ndiaye, Sylvie Retailleau, Charlotte Caubel et bientôt avec Jean-François Carenco. Le rôle des coprésidents et d'assurer la coopération et la fluidité des travaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

La méthode me paraît très claire et collégiale. L'Igas a fait 21 recommandations dans son rapport sur la pédiatrie et la santé de l'enfant de mai 2021. Quelle sera la plus-value des assises par rapport à ces recommandations ?

Quel est le bilan du projet Bronchiolib, mis en place à Nantes en 2019 ? A-t-il été reconduit cet hiver ? Produit-il encore des effets ? A-t-il contribué, Madame la Professeure, à une meilleure résilience de votre service ?

Beaucoup de secteurs rencontrent un déficit d'attractivité - les conseils départementaux ont du mal à recruter des médecins de PMI. Êtes-vous assurés de pouvoir proposer des mesures qui seront suivies par des efforts budgétaires ? Le Gouvernement s'est-il engagé en la matière ? Quels seront les impacts des mesures que vous envisagez sur les conseils départementaux ?

En matière de prévention, quel est le bilan de l'extension de la vaccination obligatoire de l'enfant, étendue en 2018 ?

Enfin, nous nous réjouissons de l'attention particulière que vous porterez à l'outre-mer, compte tenu des spécificités que présentent ces territoires. Une délégation s'est rendue à Mayotte, et elle a par exemple constaté que toute la chirurgie infantile repose sur des transferts vers la Réunion. Quelle attention porterez-vous à ce problème ?

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Vous avez évoqué la santé physique des enfants - manger, bouger, dormir. Prévoyez-vous des recherches sur le temps scolaire et sur son impact sur le rythme de vie de l'enfant et sur son sommeil ? Le cadre interministériel y serait propice. Cette question est déterminante.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Bonne

Les 1 000 premiers jours prévoyaient en renforcement des moyens de la PMI. Où en sommes-nous, Monsieur le Ministre, depuis votre départ du Gouvernement ? Les services semblent encore relativement défaillants.

Vous vous intéressez au suivi des enfants protégés, tout au long de leur parcours de protection. Depuis 2016, les bilans de santé à l'entrée dans le dispositif de l'ASE sont obligatoires : constatez-vous une meilleure mise en oeuvre de cette obligation ? Quels sont les obstacles rencontrés ? De manière plus générale, comment améliorer la coordination du parcours de soins des enfants protégés ? Envisagez-vous la généralisation de l'expérimentation Santé protégée, qui permet, grâce à une rémunération forfaitaire, d'identifier des médecins qui acceptent de structurer les parcours de soins des enfants ?

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet, coprésident des Assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant

Madame Imbert, le rapport de l'Igas, qui avait suscité de nombreux débats, alimente notre réflexion : nous ne partons pas de zéro. Le périmètre des assises est cependant bien plus large ; il inclut par exemple la santé mentale et les populations spécifiques.

Le ministre Braun affiche une très grande ambition. J'ai accepté sa proposition de présider cette instance parce que j'ai compris qu'il voulait une refonte systémique. Nous évitons pour le moment toute autocensure, nous travaillons sans a priori budgétaire, même si les administrations préparent d'ores et déjà des scénarios budgétaires afin de mieux anticiper les arbitrages futurs.

Concernant les initiatives locales, nous sommes très demandeurs de vos retours du terrain, mesdames et messieurs les sénateurs. J'espère que ces initiatives inspireront nos propositions.

En matière de vaccination obligatoire, nous envisageons d'aller encore plus loin - les discussions sont en cours. Si un bilan existe, mes services vous le transmettront.

Enfin, au sujet de la chirurgie infantile à Mayotte et des transferts, des professionnels de santé, des personnels de l'agence régionale de santé (ARS) et des élus seront auditionnés ; ils sont déjà identifiés.

Madame Poncet Monge, le rythme scolaire a effectivement un impact sur l'ensemble des autres sujets. Les assises abordent des sujets vastes et l'ambition est grande, ce qui comporte deux risques : ne pas répondre aux attentes et se noyer dans des thématiques trop diverses. Je ne sais pas si nous refonderons les rythmes scolaires, mais nous en parlerons avec le ministre Pap Ndiaye. Le sujet est très vaste, ce qui demande sans doute des évaluations préalables.

Monsieur Bonne, j'insiste constamment sur les 1 000 premiers jours. Une équipe très transversale poursuit ses travaux, sous la tutelle du ministre de la santé et du ministre des solidarités. Pour la PMI, des délégations de compétences ont été inscrites au PLFSS pour 2019, afin de dégager du temps médical ; le remboursement des actes a été systématisé au profit de la PMI, lorsqu'elle intervient en lieu et place de la médecine scolaire ; enfin, dans le cadre de la contractualisation de l'État avec les départements, au sein de la stratégie nationale de prévention et de protection de l'enfance, l'un des critères de contractualisation était que les départements investissent dans leur PMI. L'État a ainsi investi à hauteur des 100 millions d'euros perdus au cours des dix années précédentes.

Le problème du recrutement est vaste et les réflexions sont en cours, par exemple sur la pratique partagée. Les départements devront être associés.

Le bilan de santé pour les enfants de l'ASE est bien une obligation légale depuis 2016. Ces bilans de santé sont loin d'être systématiques, l'inscription dans la loi n'a pas suffi. Ces assises tenteront d'apporter une réponse.

Quant aux expérimentations Santé protégée, nous verrons s'il faut les généraliser.

Debut de section - Permalien
Christèle Gras-Le Guen, coprésidente des Assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant

Le dispositif Santé protégée, financé grâce à l'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, est porté par le CHU de Nantes et par l'équipe du docteur Nathalie Vabres. Le travail avance bien, 3 000 enfants ont été suivis de manière régulière par les médecins. Le 24 mars prochain, à la faculté de médecine de Nantes, nous présenterons un premier bilan. Cette expérimentation est très attendue, parce qu'elle permet de pallier le fait que la loi de 2016 n'a pas été mise en oeuvre sur le terrain. Médecins généralistes, pédiatres, médecins de PMI et professionnels du secteur médicosocial pourront ainsi être formés et travailler ensemble ; la plus-value pédagogique pour les professionnels est immense et les données épidémiologiques recueillies seront très utiles, pour définir une meilleure prise en charge.

Le réseau Bronchiolib permet d'organiser la prise en charge des enfants au sein d'un réseau de pédiatres libéraux qui s'appuient sur des puéricultrices à domicile, pour éviter les passages aux urgences ou raccourcir des délais d'hospitalisation. La mise en place, à l'hiver 2019, dans une situation déjà difficile, a été précipitée, et seulement 50 enfants ont été suivis : il est difficile d'en tirer des conclusions. Ensuite, il n'y a pas eu de bronchiolite à l'hiver 2020, et, en 2022, le chaos était immense, si bien que nous n'avons pas pu reconduire cette expérimentation. Cependant, nous souhaitons explorer cette piste plus avant. L'articulation des puéricultrices avec la médecine libérale est indispensable. Nous devrions, à terme, étendre cette expérimentation à tous les professionnels de la santé de l'enfant. Nous pourrons mener ces travaux dans le cadre du cinquième axe de travail.

Le rapport de l'Igas de 2021 n'est pas passé inaperçu. Si 90 % des propositions étaient très consensuelles, d'autres le sont moins : il faut les retravailler. La Cour des comptes et le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) font aussi des propositions. Les assises ne se contentent pas d'appliquer les recommandations évoquées, mais de cibler les plus consensuelles et les plus adaptées, dans un périmètre beaucoup plus vaste.

La couverture vaccinale augmente de manière spectaculaire. Nous nous inquiétions des protestations des parents, mais cette vaccination s'est faite dans le calme. De nouveaux vaccins sont apparus - contre le rotavirus, contre le méningocoque B - et nous nous intéressons à de nouveaux produits contre la bronchiolite, notamment au regard du chaos de cet hiver ; cette approche est très intéressante pour protéger les plus fragiles. Depuis la mise en place de l'obligation vaccinale, les difficultés portent sur les 13 vaccins non obligatoires - contre la gastroentérite, contre la méningite -, puisque nous avons du mal à convaincre les parents de leur bien-fondé. De grandes campagnes d'information seraient bienvenues.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Ma question porte sur la santé mentale. Pour que les enfants présentant des troubles du spectre de l'autisme (TSA) soient mieux inclus dans les classes, il faudrait que les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) soient mieux rémunérés et qu'ils puissent prendre en charge les interclasses.

Deuxièmement, dans certains départements, la carence en pédopsychiatres est parfois très grave. Les demandes de l'ASE et des maisons d'enfants à caractère social (Mecs) sont très nombreuses. Que prévoyez-vous ?

Debut de section - PermalienPhoto de Émilienne Poumirol

Il y a un manque d'attractivité des postes en PMI et en médecine scolaire. Un rapport sur la départementalisation de cette dernière était prévu. En effet, si certains départements ont des difficultés à recruter, d'autres y parviennent et seraient volontaires pour reprendre la compétence de la médecine scolaire, qui souffre d'un dramatique manque d'efficacité en matière de dépistage et de prévention. Puisque les départements ont déjà la compétence du collège, cela permettrait une prise en charge au moins jusqu'à 16 ans. Où en est ce rapport sur la départementalisation, dont le délai de six mois est largement échu ? S'ils les exercent, les départements seront-ils dotés des moyens de ces compétences ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jocelyne Guidez

Je souhaite parler du handicap invisible, par nature plus difficile à détecter. De nombreux parents me sollicitent, car tous les frais associés à ces troubles ne sont pas remboursés, ce qui cause une inégalité dès le plus jeune âge. Or, plus l'on tarde à détecter, plus cela crée, durant la scolarité, des retards difficiles à rattraper. Comment agirez-vous en la matière ? Par ailleurs, accepteriez-vous que nous vous auditionnions dans le cadre de nos travaux sur les troubles du neurodéveloppement (TND) ?

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Micouleau

Quelle est la place des cancers pédiatriques dans ces assises ? En effet, l'hôpital des enfants de Toulouse est en difficulté pour remplir ses missions, du fait de la dégradation de ses ressources humaines médicales.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Je m'interroge sur le champ de vos missions. Tout d'abord - il me semble que cela fait l'objet d'une étude du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA) - l'inflation de la prescription de médicaments pour la santé mentale des adolescents et des préadolescents est préoccupante. Le covid et la téléconsultation ont sans doute amplifié ce mouvement. Cela fait-il partie de vos attributions ?

Ensuite, l'académie de médecine a récemment publié un rapport sur les conséquences sur la santé mentale des préadolescents et des adolescents de l'exposition précoce à la pornographie. Le prendrez-vous en compte ?

Enfin, où la question des traitements hormonaux et chirurgicaux des adolescents et des préadolescents en transition de genre se discute-t-elle actuellement ? Il s'agit en effet d'une préoccupation aiguë pour les parents, régulièrement exposés aux statistiques sur le risque de suicide. Ils s'interrogent sur l'opportunité d'accompagner la transition, avec traitement et chirurgie, de leur adolescent. Je connais déjà les conclusions de la HAS sur ce sujet. Relève-t-il de votre mission ? Est-il renvoyé à une autre instance ? Restera-t-il non traité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

J'ai été très sollicitée par les réseaux de masseurs-kinésithérapeutes, qui ne peuvent théoriquement plus s'occuper des enfants souffrant de bronchiolite. Malgré cela, le réseau du Nord-Pas-de-Calais a été largement mobilisé, avec 160 appels du service d'aide médicale urgente (Samu) sur un samedi. Interrogé, le ministre ne m'a pas répondu. J'entends que vous tentez une expérimentation avec les infirmières et les puéricultrices. Les masseurs-kinésithérapeutes connaissent bien le sujet. Même si la peur du clapping existe, ils savent le pratiquer correctement. C'est aussi une question de confiance envers ces professionnels de santé. Or, la HAS et les CPAM recommandent de les éviter, ce qui dirige les parents vers les urgences. Il y aurait plutôt un apprentissage des parents à faire pour la bronchiolite.

Par ailleurs, les cas de troubles « dys » sont très nombreux dans mon département. Les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) n'ont pas les moyens financiers d'y faire face - ils sont obligés de supplier pour obtenir des journées supplémentaires. On manque de professionnels, psychomotriciens en particulier.

Debut de section - Permalien
Christèle Gras-Le Guen, coprésidente des Assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant

Le rôle de la kinésithérapie contre la bronchiolite est une question intéressante. Ainsi, en 2019, la HAS a publié une recommandation qui conclut à l'absence d'indication de kinésithérapie respiratoire pour les formes habituelles de la bronchiolite des nourrissons. Nous étions, en effet, les seuls au monde à le faire, alors qu'aucun travail n'atteste du service rendu, ni pour une moindre hospitalisation ni pour une meilleure qualité de vie. C'est ce qui explique les conclusions de la HAS.

Cela n'exclut cependant pas que les kinésithérapeutes aient un rôle dans des épidémies comme celle que nous avons subie, car leur action, bien au-delà de l'obstruction des voies respiratoires, peut aller de l'aide à l'allaitement à l'environnement de couchage - pour éviter les morts subites du nourrisson - en passant par la pesée. Il faut donc une approche plus globale que celle qui ne retient qu'une technique de kinésithérapie respiratoire. Les kinésithérapeutes peuvent donc être associés à la prise en charge des enfants, non sous un angle technique, mais plutôt en matière d'aide nutritionnelle ou à l'allaitement, qui ne sont actuellement pas enseignées en école de kinésithérapie. C'est déjà possible pour les puéricultrices, mais cela supposerait un enseignement spécifique à destination des kinésithérapeutes.

Vous avez mentionné le manque de ressources médicales de l'hôpital de Toulouse : c'est commun à tous les hôpitaux, universitaires comme généraux. Les gardes et les permanences jouent dans l'attractivité des postes. Les assises aborderont le sujet.

Ensuite, les prescriptions de psychotropes aux adolescents ont un lien attesté avec l'aggravation de leur santé mentale : c'est un point d'alerte majeure. La France est en décalage significatif par rapport aux autres pays européens. Les Français en général consomment plus de psychotropes que leurs voisins, et nos adolescents ne font pas exception.

Enfin, il est compliqué de consacrer beaucoup de temps aux transitions de genre dans les assises en raison du nombre de sujets déjà prévus pour trois mois. La question demeure cependant incontournable. Il faudra l'évoquer avec des psychiatres, mais aussi avec des endocrinologues. Cela suppose un point de vue scientifique, pour accompagner les enfants et les parents.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet, coprésident des Assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant

Les assises ne pourront pas tout régler. Par exemple, pour le plan tabac, nous n'arriverons probablement pas à en déterminer les vingt mesures. La question des traitements hormonaux et des transitions de genre évoquée par Mme Rossignol doit être abordée dans une autre instance. Les assises pourraient évoquer la question, mais il n'y aura pas le temps de déterminer ses cadres et ses principes.

Nous attendons le rapport du HCFE sur les prescriptions médicales en matière de santé mentale.

La question des AESH ne sera pas non plus réglée tout de suite, Monsieur Chasseing, même si nous sommes tous conscients de leur importance.

Ensuite, de façon générale, on manque de pédopsychiatres, surtout pour les enfants de l'ASE. Les professeurs Anne-Catherine Rolland, du CHU de Reims, et Guillaume Bronsard, du CHU de Brest, travaillent beaucoup sur la santé mentale et sur la question des enfants protégés. Cela montre d'ailleurs que, entre les six axes des assises, il y a beaucoup de chevauchement.

Madame la sénatrice Poumirol, l'Igas va publier son rapport sur la médecine scolaire dans les semaines à venir. Je n'en connais pas le contenu. La départementalisation est une option, mais il y en a d'autres, et ne sais pas laquelle sera privilégiée. En tout état de cause, nous intégrerons le rapport dans nos travaux et nous proposerons un plan d'action au ministre, qui tranchera, sachant que l'éducation nationale, le ministère de la santé et les collectivités locales sont impliqués.

Madame la sénatrice Guidez, les handicaps invisibles sont un sujet connu, mais qui fait partie des angles morts de la République. N'hésitez pas, de même que les associations que vous rencontrez, à évangéliser sur la tenue des assises et le besoin de nous remonter des propositions.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet, coprésident des Assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant

Les parents isolés peuvent eux aussi participer, via la plateforme accessible depuis la page d'accueil du ministère. Je vous garantis que les contributions sont prises en considération. Je serai, avec plaisir, à votre disposition pour vos travaux sur les TND. Ces sujets me sont chers.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Je vous remercie de nous avoir présenté ces assises. Nous n'hésiterons pas à vous faire part de nos contributions. Je précise par ailleurs que la commission de la culture va créer un groupe de travail sur les AESH.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Nous entendons à présent M. Renaud Villard, directeur, et Mme Pascale Breuil, directrice statistiques, prospective et recherche, de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) pour 2023.

Debut de section - Permalien
Renaud Villard, directeur de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

Je vais apporter des réponses au questionnaire écrit que vous m'avez envoyé. Tout d'abord, nous estimons le solde de la branche vieillesse pour 2022, non encore consolidé, à - 1,8 milliard d'euros, contre - 1,1 milliard d'euros en 2021.

Pour mesurer l'incidence de la double mesure paramétrique de l'accélération de la réforme dite Touraine et du report de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans, je vous propose une référence à 2032, année des 64 ans de la génération née en 1968. Ses effets devraient aboutir à une amélioration du solde du régime général de 5,9 milliards d'euros, en euros 2020 : 4,4 milliards d'euros de moindres prestations et 1,5 milliard d'euros de cotisations supplémentaires. Le déficit serait donc de 5 milliards d'euros au lieu de 10,8 milliards d'euros actuellement projetés pour 2032. Je n'ai pas intégré, dans ce calcul, les autres mesures de recettes prévues par la réforme, dont les nouvelles cotisations destinées à la branche vieillesse.

Ensuite, les mesures paramétriques entraîneront, pour la pension moyenne des générations actuellement proches de la retraite, une hausse de 1,5 %, celle-ci étant plus forte pour les petites retraites. On atteint 2 % à moyen terme, pour les générations 1970 et au-delà, avec là encore une hausse plus marquée pour les trois premiers déciles, les plus modestes.

Les départs anticipés sont ainsi ventilés pour 2022 : parmi l'ensemble des départs à la retraite, 18 % ont été anticipés au titre d'une carrière longue ; 0,4 % au titre d'une incapacité permanente ; 0,4 % au titre d'un handicap et 0,3 % au titre de la pénibilité - ces derniers continuent de monter en charge.

Par ailleurs, l'extension du départ anticipé pour incapacité permanente, prévue dans le projet de loi, aboutirait à 1 700 départs annuels supplémentaires, soit une hausse de 50 %. En revanche, nous n'avons pas encore mesuré l'impact de l'élargissement des critères de pénibilité et des plafonds. Enfin, la prise en compte des trimestres validés au titre de l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) pour le bénéfice d'une retraite anticipée pour carrière longue concernerait 2 000 à 3 000 femmes par an.

Comme vous le savez, le PLFRSS relève le minimum contributif (Mico) en deux étapes : une première augmentation de 100 euros pour les nouveaux retraités, et la seconde sous la forme d'une prestation différentielle de 100 euros pour les retraités actuels. Pour les premiers, le coût serait de 500 millions d'euros en 2030, et il continuerait d'augmenter ensuite. Tout compris, à l'horizon 2030, on atteint au total 1,3 milliard d'euros, le gros du coût portant sur le stock. Actuellement, 34 % des retraités, soit 4,8 millions de personnes, bénéficient du minimum contributif, pour un montant moyen de 112 euros, auxquels s'ajouteront les 100 euros que je viens de mentionner, au prorata de la durée d'assurance cotisée.

J'en viens aux trimestres réputés cotisés pour la carrière longue : ils ne sont pas pris en compte pour ce minimum contributif sauf, après réforme, pour les trimestres accordés au titre de l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) et de l'assurance vieillesse des aidants (AVA).

S'agissant de l'articulation entre les 1 200 euros et l'augmentation du minimum contributif, le montant, théorique, de la pension globale perçue à l'issue d'une carrière intégralement effectuée au Smic est actuellement de 1 103 euros bruts. Les 100 euros supplémentaires permettent donc bien d'atteindre 1 200 euros.

Les effets du relèvement, de 39 000 euros à 100 000 euros, du seuil de récupération sur succession de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), c'est-à-dire le minimum vieillesse, sont difficiles à mesurer. Quoiqu'il en soit, en 2022, nous avons collecté 117 millions d'euros à ce titre. Augmenter le seuil réduira sans doute le volume des récupérations de façon significative.

Au total, 1,8 million de personnes bénéficient de trimestres au titre de l'AVPF, tandis que l'AVA, telle qu'elle est instaurée par le PLFRSS, concernerait 100 000 personnes par an.

Vous m'avez interrogé sur les travaux d'utilité collective (TUC) et sur les contrats aidés. Ceux-ci n'apportent pas de droits à retraite, et ces contrats, non traçables, reposent sur une déclaration de l'assuré. Le Gouvernement, dans son étude d'impact, estime le coût de leur prise en compte pour la durée de cotisation à 400 millions d'euros. Il se base, pour cela, sur l'hypothèse d'un taux de recours de 10 %, qui me semble prudente. En effet, une partie des bénéficiaires dispose déjà de tous ses trimestres, et une autre est déjà à la retraite. Nous sommes toutefois susceptibles de le dépasser - j'y suis prêt, en tant que gestionnaire.

J'en viens aux assurés qui se trouvent au chômage lorsqu'ils liquident leurs droits à la retraite - ils étaient 11 % en 2020. L'emploi des seniors relevant du régime général est dans une situation paradoxale : nous sommes au-dessus de la moyenne européenne pour les personnes âgées de 55 à 59 ans, et très en dessous pour les 60 à 64 ans. Cela s'explique à la fois par un manque d'investissement - qu'il faudra combler - dans l'emploi des seniors et par l'effet d'éviction des 62 ans. Ainsi, l'âge l'égal explique en grande partie ces performances relatives. On l'a vérifié avec le report, en 2010, de l'âge légal de 60 à 62 ans, qui a mécaniquement augmenté l'emploi des seniors.

Pas moins de 22 000 assurés bénéficient de la retraite progressive, dispositif relativement confidentiel rapporté aux 850 000 retraites liquidées par an et aux 15 millions de de retraités qui dépendent de nous. Le passage de 60 à 62 ans de l'âge d'ouverture de ce dispositif n'aurait pas d'incidence sur le taux de recours. En revanche, celui-ci pourrait augmenter significativement avec l'inversion de la charge de la preuve prévue par le PLFRSS : le passage à temps partiel associé à la retraite progressive serait opposable à l'employeur, qui devrait faire la preuve de son incapacité à intégrer un travailleur senior à temps partiel.

Ensuite, je vous indique que 580 000 personnes bénéficient aujourd'hui du cumul emploi-retraite, un doublement en dix ans. Le PLFRSS prévoit que ce cumul sera créateur de droits. L'impact final est estimé à 0,3 milliard d'euros.

Enfin, l'effet de l'affiliation au régime général des salariés anciennement affiliés aux régimes spéciaux devrait être relativement transparent, car il s'agit de l'arrivée de nouveaux cotisants, qui s'ouvriront des droits. En revanche, le ratio démographique des régimes spéciaux sera largement dégradé, en raison de la baisse du nombre de leurs cotisants. Une compensation est envisageable, comme c'est déjà le cas pour le régime spécial de la SNCF de la part de la Cnav et de l'Agirc-Arrco. Il me semble toutefois préférable que, si compensation il y a, celle-ci soit déterminée selon un adossement statistique, et non comptable. En effet, le législateur, pour les régimes des industries électriques et gazières (IEG), avait choisi un adossement comptable, dont la conséquence aujourd'hui est de nous faire recalculer une pension fictive pour tous les retraités pour la comparer à celle qu'ils auraient perçue dans le cadre du régime spécial, ce qui aboutit à un double travail. Pour le SNCF, le législateur a prévu un report statistique, tout aussi robuste et plus simple à évaluer.

- Présidence de Mme Chantal Deseyne, vice-présidente -

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

La réforme des retraites est un élément important du collectif. Or, chacun attend une réponse individuelle selon son sort. Comment justifiez-vous le titre du rapport Pour nos retraites : justice, équilibre, progrès ? Ces mots reviennent souvent dans les manifestations contre une réforme jugée parfois injuste et brutale : quel est le sens de la réforme ?

Je vais donc vous demander des précisions sur la situation financière de la branche vieillesse. N'est-elle pas seulement en train de traverser une mauvaise passe, comme on l'entend parfois ? En quoi sa trajectoire est-elle inquiétante ?

Par ailleurs, les éléments paramétriques proposés assurent-ils, à long terme, la soutenabilité du système de retraites et, en particulier, du régime général ?

Alors que la Cnav va intégrer les nouveaux salariés des régimes spéciaux, y est-elle techniquement prête ? Cela s'est-il bien passé pour la SNCF ? Cela modifie-t-il le mode de rémunération des entreprises concernées ?

Par ailleurs, nous sommes régulièrement interrogés par des femmes qui, ayant eu des enfants et disposant du nombre de trimestres requis pour l'obtention du taux plein, seront obligées de travailler davantage en raison de l'« écrasement » des trimestres de majoration de durée d'assurance accordés au titre de la naissance et de l'éducation des enfants. Elles ont le sentiment d'être les victimes de ce projet de réforme.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Certaines personnes, arrivant à quarante-trois annuités, alors qu'elles ont commencé à travailler à vingt ans sans pour autant relever d'une carrière longue, vont devoir attendre l'âge légal une année de plus. Ne pensez-vous pas qu'une surcote, établie non en fonction de la durée d'assurance et de l'âge légal, mais uniquement de la durée d'assurance, adoucirait le report de l'âge légal pour les personnes concernées ? Pourriez-vous nous préciser les conséquences financières d'un tel ajustement ?

Les régimes complémentaires seront-ils associés au financement de la revalorisation des minima de pensions ?

Enfin, combien de personnes bénéficieront-elles effectivement d'une pension globale de 1 200 euros bruts ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Vermeillet

Vous avez présenté les effets des mesures paramétriques sur le solde global de la branche vieillesse, mais n'avez que peu parlé des autres recettes susceptibles de lui être affectées. Avez-vous des estimations ?

Les éventuelles compensations versées aux régimes spéciaux pourraient-elles se mettre en oeuvre pour un régime, comme celui de la RATP, qui s'ouvre à la concurrence ? Je pense aussi aux fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, car il y a un débat sur la hausse du taux de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL).

Enfin, sur le cumul emploi retraite, vous avez mentionné un impact de 0,3 milliard d'euros de pensions supplémentaires. Ce montant est-il net des cotisations versées dans le cadre de ce dispositif ?

Debut de section - Permalien
Renaud Villard, directeur de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

Il ne m'appartient pas de justifier l'étude d'impact. Cela étant, le solde financier du régime général se détériore. (M. Renaud Villard présente un graphique.) Comme vous le voyez, la pente de la courbe s'apparente à une piste rouge, voire noire. Nos chiffres sont ceux du Conseil d'orientation des retraites (COR), il n'y a pas l'épaisseur d'une feuille de papier à cigarette entre nous : les faits sont têtus, et la perspective du solde est très dégradée. À l'horizon 2032, la réforme entraîne à la fois des dépenses réduites et des financements nouveaux, mais aussi certaines dépenses nouvelles.

Nos chiffres convergent avec ceux de l'étude d'impact, car ces derniers ont largement été produits par les équipes de Pascale Breuil. Sans prendre position sur la réforme, madame la rapporteure générale, oui, le déficit du régime général, et celui de son agrégat avec le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), est bel et bien croissant. Cette réponse est aussi celle du COR.

L'effet de l'intégration de quelques dizaines de milliers de nouveaux cotisants est relativement simple à gérer, car nous en avons déjà 22 millions. L'intégration du régime de la SNCF s'est d'ailleurs faite sans difficulté. Toutefois, les régimes spéciaux conserveront une identité propre, notamment pour la branche maladie : il faudra donc construire des échanges en gestion, notamment pour les trimestres validés au titre de la maladie et de la maternité. Nous menons déjà de tels échanges avec la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) pour le régime général.

Ensuite, sur les trimestres accordés aux femmes ayant eu des enfants, je rappelle qu'il y a trois types d'avantages liés à la maternité : le congé maternité, le congé parental, c'est-à-dire l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), et la majoration de durée d'assurance. Celle-ci correspond à huit trimestres supplémentaires pour chaque enfant. Le congé maternité est, aujourd'hui, transparent en matière de retraite. En effet, il est recevable en durée d'assurance comme en durée cotisée et, depuis 2010, permet le report au compte des 25 meilleures années d'un salaire égal au Smic.

L'AVPF est transparente en matière de durée d'assurance, mais elle n'est prise en compte ni pour les carrières longues ni pour le minimum contributif. Le PLFRSS prévoit de prendre en compte une partie de ces trimestres de congé parental - ceux pendant lesquels la mère interrompt son activité pour s'occuper de ses enfants, c'est-à-dire l'essentiel des cas - dans le cadre de ces deux dispositifs.

Enfin, la majoration de durée d'assurance s'apparente à un bonus quelque peu hors sol, sur l'ensemble de la carrière, de huit trimestres par enfant. Effectivement, ce bonus n'est pas pris en compte pour les carrières longues, et le PLFRSS ne modifie pas cet état de fait. Ainsi, une mère de trois enfants bénéficie de six années d'assurance supplémentaires, c'est-à-dire qu'elle peut théoriquement atteindre la durée requise pour ce taux plein à 56 ans aujourd'hui et 58 ans demain. De ce fait, les femmes partent globalement plus tôt que les hommes : la réforme n'a pas d'effet sur cet état de fait. La retraite moyenne des femmes augmentera du reste davantage que celle des hommes.

En revanche, leur âge moyen de départ à la retraite tend à se rapprocher de celui des hommes. Cela résulte, non du PLFRSS, mais de l'allongement de la durée de travail des femmes. En 2021, deux courbes se sont croisées, celle de la durée d'assurance des femmes et celle de la durée d'assurance des hommes. Jusqu'en 2021, cette dernière était plus longue. Ainsi, l'âge moyen de départ à la retraite des femmes se rapproche de celui des hommes, parce que leurs carrières se rapprochent aussi, sur le plan de la durée d'assurance.

Le chiffrage de la surcote évoquée par M. Savary est simple : une année de surcote est neutre pour un régime de retraite. Par exemple, une année de surcote de 5 % pour un départ à la retraite à 64 ans équivaut à faire partir la personne à 63 ans - de même pour une surcote de 10 % pour un départ à 64 ans au lieu de 62 ans. Il s'agit d'un calcul actuariel : partir 64 ans revient à bénéficier, en moyenne, de 22 ans de retraite au lieu de 24.

Vous soulevez la question de l'articulation entre retraite de base et retraite complémentaire. La loi de 2003 fixait l'objectif, politique, mais non normatif, d'une pension globale égale à 85 % du Smic pour une carrière complète au Smic. Depuis, on a décroché de 100 euros. Or, une retraite se compose d'une pension de base et d'une pension complémentaire, cette dernière étant gérée par les partenaires sociaux. Le PLFRSS prévoit d'augmenter de 100 euros le minimum contributif, et donc de faire reposer sur la seule pension de base la compensation de ce décrochage, pourtant dû en partie à la pension complémentaire. Cela s'explique parce que le législateur n'est pas décisionnaire en ce qui concerne le régime complémentaire, mais cet effort pose un problème de financement.

Quant au seuil de 1 200 euros, 1,8 million de personnes bénéficieront du coup de pouce de 100 euros.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Parmi eux, quels sont ceux qui toucheront effectivement 1 200 euros bruts ?

Debut de section - Permalien
Renaud Villard, directeur de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

Je n'ai pas la main sur les paramètres de la retraite complémentaire. Le projet de loi prévoit une revalorisation de 100 euros, proratisée en fonction de la durée d'assurance validée et cotisée. Ainsi, certains resteront en deçà des 1 200 euros, même avec la revalorisation, parce que le taux de cotisation de retraite complémentaire varie d'une entreprise à l'autre. C'est pourquoi la loi de 2003 avait fondé l'objectif de 85 % du Smic sur un cas type. Le PLFRSS ajoute 100 euros sur la seule retraite de base pour le flux et pour le stock : l'objectif politique de 2003 devient donc un impératif normatif en indexant le Mico sur le Smic. En revanche, le dispositif légal ne porte que sur la retraite de base : si, demain, les retraites complémentaires décrochent, on reculera à nouveau. Le PLFRSS, qui ne peut s'appliquer à elles, s'appuie donc uniquement sur ce qui relève du législateur.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

À combien estimez-vous le nombre d'assurés qui bénéficieront précisément de 100 euros d'augmentation ? En effet, vous avez mentionné 1,8 million de bénéficiaires au total, mais la revalorisation sera proratisée pour beaucoup d'entre eux.

Debut de section - Permalien
Renaud Villard, directeur de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

Parmi ces bénéficiaires, on dénombre 1,1 million de femmes, soit 61 % du total, et 700 000 hommes, soit 39 %. L'augmentation moyenne sera de 70 euros. En revanche, je n'ai pas la ventilation fine. Le PLFRSS donne jusqu'à septembre 2024 pour l'achever. La raison en est que nous ne disposons pas des données relatives aux trimestres cotisés pour les pensions liquidées avant la création du Mico majoré, en 2004. Le droit de la retraite était plus simple en 1990 qu'en 2023, donc énormément de données sont encore indisponibles. De nombreuses personnes sont parties à la retraite durant les années 1990 : elles ont travaillé durant les années 1950, avant même les cartes perforées. Reconstituer leurs carrières et leurs cotisations représente beaucoup de travail, et c'est pourquoi nous n'avons qu'un chiffrage global. En effet, c'est la première fois qu'une mesure touche tous les retraités en fonction de leur carrière, qu'il faudra donc partiellement reconstituer.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Pourriez-vous nous donner davantage de précisions sur le stock de retraités ?

Debut de section - Permalien
Renaud Villard, directeur de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

Pour le stock de 1,8 million de bénéficiaires, on atteint 680 euros supplémentaires par an en moyenne, soit 760 euros pour les femmes et 540 euros pour les hommes.

La compensation des régimes spéciaux relèvera certainement du cas par cas, selon le profil des régimes. Par exemple, celui de la RATP est déjà largement compensé par l'impôt, et il n'appartiendra donc pas à la Cnav de faire jouer la compensation démographique. Il faudra une concertation technique avec les régimes. Vous avez toutefois raison, il ne faudra pas fausser l'ouverture à la concurrence.

Sur les agents publics, la hausse du taux de cotisation employeur à la CNRACL est sans incidence sur le régime général.

Enfin, le 0,3 milliard d'euros que j'ai mentionné ne correspond qu'aux dépenses nouvelles. Cependant, les cotisations associées existent déjà et sont perçues : il s'agit donc bien d'une dépense supplémentaire pour notre régime de retraite. En effet, jusqu'alors, ces cotisations, dites de solidarité, n'apportaient aucun droit.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Vermeillet

À quelle hauteur s'élèvent les autres ressources qui seront affectées à la branche vieillesse ?

Debut de section - Permalien
Renaud Villard, directeur de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

Le transfert de cotisations accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) s'élève à 1 milliard d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Plutôt 800 millions d'euros, ce qui n'est pas assez !

Debut de section - Permalien
Renaud Villard, directeur de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

Nous vous transmettrons l'ensemble des éléments, mais nous n'avons pas intégré les attributions de ressources supplémentaires, car cela ne relève pas du pilotage du régime.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Lubin

Vous disiez qu'il n'y avait pas l'épaisseur d'une feuille de papier à cigarette entre la Cnav et le COR, mais celui-ci faisait état d'un excédent de 3 milliards d'euros en 2022, contre 1,8 milliard d'euros de déficit selon vous. D'où cette différence vient-elle ?

Ensuite, vous êtes le directeur de la Cnav : si vous relevez 5,8 milliards d'euros d'amélioration pour 2032, il faut mettre ce montant en rapport avec les dépenses supplémentaires ne relevant pas de la Cnav - je pense aux aides sociales.

Enfin, vous qualifiez le solde futur hors réforme d'« extrêmement dégradé » là où le COR écrit, noir sur blanc, que la trajectoire n'est pas en danger.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Il s'agit de la trajectoire des dépenses, pas du solde...

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Lubin

Certains parlent de solde, d'autres de part des dépenses de retraite dans le PIB... même avec les mêmes chiffres, les interprétations divergent parfois.

Pouvez-vous chiffrer l'impact de l'intégration des trimestres attribués aux femmes au titre, non du congé parental, mais de la naissance et de l'éducation des enfants ? Quel serait l'effet d'octroyer aux femmes le bénéfice de ces trimestres pour prendre leur retraite à 62 ans, plutôt que d'attendre deux ans de plus ? En effet, avec un départ à 64 ans, ce « service rendu à la nation » ne leur sert plus à grand-chose...

Vous avez, par ailleurs, mentionné les TUC : beaucoup de personnes nous ont saisis à ce sujet. Comment cette mesure sera-t-elle concrétisée ?

Enfin, on parle toujours de coûts et de dépenses, mais non de recettes nouvelles. Vous a-t-on demandé de chiffrer d'éventuelles augmentations de cotisations patronales ? Jean-Marie Vanlerenberghe a, lors de l'audition d'Olivier Dussopt, avancé quelques chiffres intéressants à ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Si j'ai bien compris, la mesure de revalorisation du Mico est totalement à la charge du régime de base pour ce qui concerne le stock. Pour ce qui est du flux en revanche, il faut bien tenir compte, dans le calcul, de la retraite complémentaire, si l'on veut connaître le nombre de personnes concernées.

Le groupe d'experts sur le Smic indique que 6 % des personnes touchant moins de 1,1 fois le Smic font une carrière complète. La réforme dégrade leur situation.

Si le coût global que représentent les générations qui sont aux portes de la retraite a été calculé, c'est bien que l'on connaît la distribution des bénéficiaires de la revalorisation du Mico ! Or par deux fois, nous avons posé la question de la distribution sans obtenir de réponse.

Autant nous nous félicitons de la mesure relative au stock - il s'agit d'un rattrapage -, autant nous nous demandons ce qui garantit que la revalorisation du Mico assurerait aux futurs retraités une pension au moins égale à 85 % du Smic, ce qui remet en cause l'importance de cette mesure sociale de la loi que nous allons voter.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Je voulais dire : du projet de loi sur lequel nous allons nous prononcer, si tant est que nous en ayons le temps, vu les délais impartis.

Par ailleurs, vous faites vôtre l'effet « horizon ». Mais l'augmentation du taux d'activité n'est pas liée uniquement à la modification de l'âge d'ouverture des droits. Le taux d'activité a été gonflé également par la durée de cotisation requise pour le taux plein. N'oublions pas non plus l'arrivée massive de femmes sur le marché du travail. Ne serait-ce que par l'effet générationnel, le taux d'activité entre 60 et 63 ans a été mécaniquement poussé. Tout le monde parle de l'effet « horizon », mais personne n'explique comment il a été scientifiquement calculé.

Le taux d'invalidité des Français à 60, 61 ou 62 ans est plus fort que chez nos voisins européens. La situation est peut-être meilleure en France à 60 ans, mais elle se dégrade ensuite. En matière d'espérance de vie en bonne santé, nous accusons ainsi dix ans d'écart avec la Suède.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

Quand la fusée part de biais, il n'est pas simple de la faire arriver à bon port. Une bonne partie des Français doute de l'urgence et de la nécessité de la réforme. Par certaines de ses affirmations, le COR est en partie responsable.

À nous de faire preuve de pédagogie et de montrer que la réforme contient de nombreux éléments de justice. Dans l'opinion s'est répandue l'idée qu'elle serait difficile pour un certain nombre de femmes, qui devraient travailler jusqu'à 67 ans pour prétendre à une retraite à taux plein.

Quel serait le coût en termes de surcote éventuelle - des amendements sur la question ont été déposés à l'Assemblée nationale - des trimestres validés et des trimestres cotisés ? En effet, dans une carrière en pointillés, il peut arriver que des trimestres soient validés, sans avoir été cotisés.

Plus on aborde la question sous l'angle de la solidarité, plus les économies ou les moindres dépenses escomptées diminuent. Or disons-le, l'équilibre du régime est l'objectif majeur. Oui aux mesures de solidarité, à condition que la réforme contribue à l'équilibre du régime !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Je précise à Monique Lubin que, dans le rapport du COR, à la page 11, il est question non pas du solde du système de retraite, mais de ses dépenses en part du PIB, qui seraient sous contrôle. Cela suggère une baisse - certes relative - du niveau des pensions par rapport au revenu d'activité moyen.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

J'estime que ce passage, dont tous les opposants à la réforme s'emparent, est de nature à biaiser complètement notre regard.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Ce n'est pas un problème de dépenses, mais de ressources !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

C'est un problème de ressources, mais aussi de dépenses. Nous sommes dans un système par répartition. Par définition, il faut donc en priorité des cotisations. On peut discuter, ensuite, de la manière dont les mesures de solidarité sont financées (contribution sociale généralisée, impôts, etc.).

Monsieur le directeur, quel serait le rendement d'une augmentation des cotisations de 0,33 %, soit 100 euros en moyenne seulement par an et par salarié ? Quel serait ensuite le coût, pour le système de retraite, des bonifications pour enfant en cas d'allongement de la durée de cotisation à quarante-trois annuités ? Ces mesures - bonification de seize trimestres pour deux enfants, vingt-quatre pour trois enfants - ont inévitablement un coût, puisqu'elles supposent une retraite sans décote et à taux plein.

Il en est de même des carrières longues. Je ne comprends pas les hésitations entre quarante-trois ans et quarante-quatre ans. La Première ministre a pourtant annoncé que personne ne partirait à la retraite, sauf voeu contraire, après avoir travaillé plus de quarante-trois ans. Quel serait le coût de l'ouverture du dispositif de retraite anticipée pour carrière longue dès quarante-trois annuités aux assurés ayant commencé à travailler avant 18 ans ?

Enfin, question subsidiaire, quel sera le coût, pour les collectivités locales, de l'augmentation des cotisations à la CNRACL ?

Debut de section - Permalien
Pascale Breuil, directrice statistiques, prospective et recherche de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

Le régime général est un régime de retraite parmi les autres. C'est le plus grand d'entre eux, mais il ne représente que 40 % des dépenses de retraite.

Debut de section - Permalien
Pascale Breuil, directrice statistiques, prospective et recherche de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

Par ailleurs, si je peux vous dire que nous verserons cette année 150 milliards d'euros aux bénéficiaires du régime général, je ne saurais vous répondre sur les questions relatives aux cotisations, qui sont gérées par nos collègues de l'Urssaf caisse nationale.

Debut de section - Permalien
Renaud Villard, directeur de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

Veuillez m'excuser, madame Lubin, d'avoir employé un adjectif péjoratif en évoquant le solde de la branche retraite. Lorsqu'un déficit tutoie, voire dépasse, les 10 %, cela constitue pour moi une alerte. C'était un jugement de valeur de ma part et je le regrette.

En ce qui concerne les majorations de durée d'assurance au titre de la naissance et de l'éducation des enfants, qui deviendraient inutiles, elles le sont en réalité déjà, et massivement. L'Assemblée nationale s'est d'ailleurs saisie à deux reprises, me semble-t-il, d'un rapport sur le thème : « Comment rendre utile ce qui est inutile ? »

Ces majorations visent uniquement à permettre aux femmes de ne pas attendre 67 ans pour bénéficier automatiquement du taux plein. Or il est possible d'atteindre le taux plein d'une autre façon, par la durée d'assurance par exemple. Il s'agit non pas de trimestres qui doivent être absolument valorisés, mais en quelque sorte de trimestres de garantie.

J'ai bien pris soin de le préciser : la maternité et le congé parental rentrent dans le calcul de la pension de retraite « normale ». Nous parlons ici de majorations - deux ans par enfant - qui permettent uniquement de bénéficier du taux plein avant 67 ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Lubin

C'est une façon de voir les choses. Il y a aussi des femmes qui y perdront. C'est à elles que je pense.

Debut de section - Permalien
Renaud Villard, directeur de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

Un certain nombre de femmes, qui ont eu beaucoup d'enfants, se retrouvent avec des « super durées d'assurance ».

Par ailleurs, nous comptons aujourd'hui sept âges de départ à la retraite : âge légal, handicap, carrières longues, invalidité ou inaptitude, Aspa, taux plein et réversion. Sur ces sept âges de départ, deux seulement sont concernés par le PLFRSS. En réalité, beaucoup de sujets dont on parle ne se posent pas. L'âge de départ pour inaptitude, par exemple, demeure inchangé, à 62 ans.

Avec ce PLFRSS, l'âge légal est modifié pour les déciles 3 à 9 et très peu pour les personnes les plus modestes. L'effet financier est en outre majeur pour les déciles 2 à 5 - jusqu'à 1,5 Smic - et assez infinitésimal sur les autres. Finalement, les « perdants » de la réforme n'appartiennent qu'à une seule catégorie, celle des « surcoteurs ». Pour cinq catégories sur sept, la réforme est transparente.

Enfin, plus d'un million de personnes sont concernées par les TUC. En signant leur contrat d'engagement, elles ont eu sincèrement l'impression que l'État cotisait pour elles, même si des dispositions discrètes stipulaient le contraire. Il y a là une forme d'engagement moral juridique à corriger la situation.

Le projet de loi prévoit d'accorder un trimestre par 50 jours de TUC, la difficulté étant de retrouver les personnes concernées.

Debut de section - Permalien
Renaud Villard, directeur de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

Oui. Nous parlons ici des premiers contrats aidés, conclus dans les années 1980 et 1990. Depuis, l'ensemble des contrats aidés ouvrent des droits à retraite. Si l'on parle de formation professionnelle, alors il est possible de valider des trimestres à ce titre.

Le minimum contributif ne vise pas ceux qui ont cotisé au Smic. Il a deux étages : le premier bénéficie à ceux qui ont une petite retraite et le taux plein ; le second, le minimum contributif majoré, ceux qui ont une petite retraite en ayant effectué une carrière complète cotisée, qu'ils aient travaillé au Smic ou non. Cela peut concerner des gens qui ont travaillé vingt ans pour un demi-Smic et vingt ans pour deux Smic, ou encore bien d'autres profils, très divers. Cela explique l'effet assez puissant de la mesure prévue pour le stock, mais surtout pour le flux. Les gros gagnants de la réforme, financièrement, sont les travailleurs modestes des déciles 2 et 3, dont la pension augmentera en moyenne de 7 %. L'impact de la mesure sur le flux sera très progressif, mais net : on estime que 200 000 personnes par an seront gagnantes, dont 130 000 femmes. Tous ne vont pas recevoir 100 euros de plus, mais on veut garantir qu'une pension aujourd'hui fixée à 750 euros passe à 850 euros, auxquels s'ajoute la retraite complémentaire.

Je ne crois pas du tout à l'effet horizon ! Le décalage mécanique du marché de l'emploi postulé dans cette construction intellectuelle n'existe pas. Ce qui existe, ce sont des effets structurels, des politiques des employeurs, ou encore les effets de la réglementation. En 2010, le législateur craignait un afflux de chômeurs parmi les personnes âgées de 60 à 62 ans, mais tel n'a pas été le cas : le taux de chômage des personnes partant à la retraite n'a pas vraiment changé, il a même diminué avec l'amélioration du marché de l'emploi.

Quant à la différence entre trimestres cotisés et trimestres validés, jusqu'aux années 1980, il n'y en avait pas. Depuis lors, beaucoup de dispositifs favorables liés à l'effort contributif ont été mis en place, pour les carrières longues ou le calcul des minima de pension. Aujourd'hui, il n'y a toujours pas de différence pour le minimum « de base », mais il y en a beaucoup au titre de ces majorations.

Enfin, concernant les bonifications pour enfants, offrir deux ans de bonus par enfant aurait un coût colossal. En effet, 82 % des femmes auraient ce bonus : 40 % des assurés verraient leur âge légal de retraite abaissé en moyenne de quatre ans et toutes les mères de trois enfants partiraient à 58 ans... Cela se chiffrerait en dizaines de milliards d'euros !

Debut de section - Permalien
Pascale Breuil, directrice statistiques, prospective et recherche de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

Quant à l'hypothèse d'une hausse des cotisations, vous trouverez dans l'étude d'impact l'effet que cela aurait. Dans le scénario retenu par le Gouvernement, avec un taux de chômage de 4,5 %, pour réduire le déficit prévu, il faudrait une hausse de 442 euros par an en moyenne par personne, soit 0,8 à 0,9 point.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Deseyne

Nous vous remercions de votre participation.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

- Présidence de Mme Chantal Deseyne, vice-présidente -

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Deseyne

Nous entendons à présent M. Christophe Rolin, directeur général de la caisse de retraites du personnel de la RATP (CRPRATP), sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) pour 2023.

Debut de section - Permalien
Christophe Rolin, directeur général de la caisse de retraites du personnel de la RATP

La caisse que je dirige est de bien moindre taille que la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), dont vous venez d'entendre le directeur : elle a quelques dizaines de milliers de salariés, nous n'en avons que 40, signe de notre efficience... Notre caisse a été créée en 2006, elle est indépendante de la RATP et placée sous la tutelle des ministères du budget et des affaires sociales. Jusqu'en 2006, les retraites étaient gérées directement par l'entreprise. Nous versons environ 1,2 milliard d'euros de prestations, en croissance régulière ; nous comptons 52 000 pensionnés et 42 000 salariés cotisant au régime spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Quelles sont les spécificités du régime de retraite des personnels de la RATP par rapport aux régimes obligatoires de base ? Quelle sera l'incidence de la fermeture aux nouveaux entrants de ce régime sur sa trajectoire financière et à quelle échéance son extinction devrait-elle intervenir ? Le versement par le régime général d'une compensation de la perte de cotisations induite par cette fermeture est-il envisagé ?

Debut de section - Permalien
Christophe Rolin, directeur général de la caisse de retraites du personnel de la RATP

Le régime de la RATP est assez proche de celui de la fonction publique, avec quelques spécificités qui le rapprochent du régime général.

Tout d'abord, notre régime se caractérise par une prise en compte importante de la pénibilité, et ce depuis 1945. C'est le régime qui distingue le mieux entre service sédentaire et service actif ; 90 % du personnel relève de ce dernier. Le service actif se décompose lui-même en plusieurs catégories en fonction de la pénibilité des métiers. De nombreux mécanismes ont été mis en place, depuis longtemps, pour faire bénéficier les agents de droits spécifiques, qui trouvent leur expression dans des abaissements d'âge de départ ou des majorations des durées de service, à due proportion de la pénibilité de leur métier. Ces calculs se font de manière assez fine : un agent peut changer de catégorie ou de sous-catégorie de pénibilité à l'échelle d'un mois, voire d'une semaine : chaque période est prise en compte spécifiquement dans le calcul des droits.

Notre régime se distingue aussi par une assez forte individualisation des droits. Le critère générationnel est très peu pertinent dans ce régime. Chaque salarié, en fonction de son appartenance à tel ou tel tableau, en fonction des périodes passées dans telle ou telle catégorie, peut largement prévoir et individualiser sa pension, même si elle est basée sur les six derniers mois. Chaque salarié peut assez facilement définir le moment et les conditions de son départ en retraite, ainsi que le montant de sa pension. Nous avons à cette fin développé un simulateur, véritable outil de pré-liquidation.

S'agissant de la trajectoire financière, je n'ai pas d'élément à vous apporter, car cela doit être décidé dans le cadre des lois de finances à venir. Je reprendrai simplement un chiffre figurant dans l'étude d'impact : il y a actuellement entre 1 500 et 2 000 embauches sous statut à la RATP, ce qui représente de 20 à 25 millions d'euros de cotisations par an, qui ne seront plus perçues si ces recrutements se font au régime général. Je rappelle que la CRPRATP verse un peu de moins de 1,3 milliard d'euros de prestations, dont 780 millions d'euros subventionnés par l'État.

Je ne dispose pas d'éléments supplémentaires pour ce qui est de la troisième question concernant la garantie donnée par le Gouvernement d'une compensation de la perte de cotisation. Les modalités restent à définir, soit par une majoration de la subvention de l'État, soit dans le cadre d'un transfert des régimes qui seront récipiendaires, c'est-à-dire le régime général et l'Agirc-Arrco.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Quelle échéance est-elle prévue pour l'extinction du régime, concrètement à la fin des pensions de réversion ?

Debut de section - Permalien
Christophe Rolin, directeur général de la caisse de retraites du personnel de la RATP

Pour vous donner un ordre d'idée, j'ai à l'esprit les cas d'une veuve qui bénéficie d'une pension de réversion depuis 1947 et d'un retraité qui perçoit une pension de réforme depuis 1952. On serait donc plus proche des 80 ans que des 40 ans.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

L'extension du dispositif de retraite anticipée s'appliquera-t-elle à votre régime ? Combien d'assurés exercent-ils actuellement en cumul emploi-retraite ?

Debut de section - Permalien
Christophe Rolin, directeur général de la caisse de retraites du personnel de la RATP

Le dispositif de retraite anticipée de carrière longue s'applique, mais est peu utilisé : il concerne actuellement 152 personnes. Cela peut s'expliquer par la possibilité de partir tôt à la retraite.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Les gens qui pouvaient partir à 52 ans ne le pourront-ils désormais qu'à 54 ans et ceux qui pouvaient le faire à 57 ans n'en faire de même qu'à 59 ?

Debut de section - Permalien
Christophe Rolin, directeur général de la caisse de retraites du personnel de la RATP

En réalité, ceux qui peuvent partir à 52 ans - le tableau B - ne le font en moyenne qu'à plus de 56 ans, et ceux qui peuvent le faire à 57 ans - le tableau A - le font à 57 ans et demi. L'âge de départ augmente chaque année d'un trimestre et environ 85 % des salariés de la RATP ne partent que lorsqu'ils n'ont plus de décote.

Debut de section - Permalien
Christophe Rolin, directeur général de la caisse de retraites du personnel de la RATP

En effet, je ne le crois pas, d'autant que la réforme Touraine n'a pas encore produit tous ses effets sur notre régime. Cela pourrait en revanche affecter les montants des pensions, qui ne seront plus calculées sur 168 trimestres, mais sur 172.

Debut de section - Permalien
Christophe Rolin, directeur général de la caisse de retraites du personnel de la RATP

Il y en avait assez peu jusqu'à présent, entre 500 et 600 par an, mais nous sommes passés l'an dernier à 1 477, soit une multiplication par trois, ce qui peut s'expliquer par le fait que de plus en plus de salariés ne partent pas en retraite au taux maximum, mais qu'ils le font relativement jeunes et peuvent facilement reprendre une activité - y compris dans l'entreprise, sous le statut du régime général.

Actuellement, près de 5 000 salariés de la RATP sont contractuels et relèvent du régime général ; ils représentent plus du tiers du recrutement annuel.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Vermeillet

Comment l'ouverture à la concurrence se mêle-t-elle à cette réforme ? Quelle est votre estimation du coût du déséquilibre démographique et de celui des droits spécifiques ? Par ailleurs, nous venons d'auditionner le directeur de la Cnav, qui ne semble pas envisager de compenser les pertes de cotisations liées à la fermeture du régime RATP. Comment envisagez-vous l'avenir de la CRPRATP ? Comment comptez-vous compenser la perte de 20 à 25 millions d'euros par an que vous avez évoquée ?

Debut de section - Permalien
Christophe Rolin, directeur général de la caisse de retraites du personnel de la RATP

L'ouverture à la concurrence est un sujet très important. Si elle a été prévue par la loi d'orientation des mobilités (LOM) au 1er janvier 2025, les décrets d'application n'ont pas été pris. Parmi les presque 43 000 salariés du régime, plus de 40 % vont quitter l'entreprise d'ici à cette date, soit pour des filiales de la RATP, soit pour des organismes qui auront remporté les marchés. Ceux-ci vont perdre leur statut, mais pas leur droit à la retraite au régime spécial. La CRPRATP devra donc gérer, si j'en crois la LOM, quelque 20 000 personnes, réparties dans diverses entreprises relevant du secteur privé et du régime général, en leur garantissant les mêmes droits que s'ils étaient restés dans le régime. C'est un enjeu complexe, à la fois technique et financier : comment récupérer les cotisations et gérer les droits de ces salariés ?

Il est évident que le manque à gagner des cotisations qui ne seront plus perçues en 2023 dégradera fortement les comptes du régime. Pour le moment, nous faisons des prévisions sur les bases existantes. L'année dernière, la subvention de l'État était de 780 millions d'euros. Dans quatre ans, selon les estimations qui ont été faites en septembre - et qui devront être revalorisées -, à régime constant, le besoin de financement sera de 960 millions d'euros, et même plus si on retranche les cotisations actuellement perçues. L'État s'est engagé à compenser, selon des modalités qui seront déterminées par les prochaines lois de finances : cela peut passer par une majoration de la subvention actuelle, ou par un reversement de la Cnav, ce qui serait somme toute logique compte tenu du maintien des droits aux régimes spéciaux des personnes qui cotiseront auprès de celle-ci.

En ce qui concerne les droits spécifiques, je n'ai pas eu de demande ; la Cour des comptes a abordé le sujet il y a quelques années, concluant à la difficulté de chiffrer ceux-ci.

S'agissant du devenir de la CRPRATP, je ne sais pas si elle existera toujours dans 80 ans pour gérer les droits des derniers retraités, mais je conclurai en soulignant deux choses : cet organisme est actuellement très efficient, avec des coûts de gestion de 0,4 %, et la qualité du service est très bonne, selon tous les indicateurs dont nous disposons. Quel que soit le gestionnaire futur, ces éléments devront rester en ligne de mire.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Deseyne

Nous vous remercions de votre participation.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La commission désigne M. Daniel Chasseing rapporteur sur la proposition de loi n° 102 (2022-2023) relative aux outils de lutte contre la désertification médicale des collectivités présentée par M. Dany Wattebled et plusieurs de ses collègues.

La commission soumet au Sénat la nomination de Mmes Catherine Deroche, Pascale Gruny, MM. Laurent Duplomb, Hervé Maurey, Didier Marie, Mmes Corinne Féret et Nicole Duranton comme membres titulaires, et de Mme Chantal Deseyne, MM. Cyril Pellevat, Jean-François Rapin, Michel Canévet, Mme Monique Lubin, M. Stéphane Artano et Mme Cathy Apourceau-Poly comme membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture.

La réunion est close à 12 h 15.