Je me trouve dans la situation quelque peu originale de représenter le groupe qui tient lieu, en quelque sorte, d'auteur de ce texte, qui sera examiné dans le cadre de notre niche parlementaire. Nous avons déjà eu des échanges voilà peu sur ce sujet ; il nous faut y revenir.
Quelques mots, tout d'abord, sur l'argument selon lequel la législation actuelle protégerait déjà suffisamment le droit à l'IVG : nous trouvons étrange de devoir attendre qu'un droit soit menacé pour songer à le protéger. Je fais un parallèle : nous n'avons pas hésité à défendre la constitutionnalisation de l'abolition de la peine de mort alors que cela n'était pas juridiquement nécessaire compte tenu des engagements internationaux de la France.
Vous dites, ensuite, que ce droit n'est pas remis en cause ni en France ni en Europe. Mais voyez la Hongrie, la Suède, l'Italie, après l'épisode espagnol de 2014, sans même pointer les déclarations de certains de nos collègues sénateurs, fort heureusement minoritaires, qui parlent d'« infanticide légalisé » ! Une manifestation a d'ailleurs eu lieu à Paris le week-end dernier sur ce sujet.
J'en viens à l'argument selon lequel le droit à l'IVG serait déjà garanti par la Constitution, au titre des libertés fondamentales. Non, notre rapporteur l'a dit, le fait que le Conseil constitutionnel, saisi, ne l'ait pas déclaré inconstitutionnel ne suffit pas à faire de ce droit un droit constitutionnellement protégé : ce raisonnement a contrario ne suffit pas. Vous avez raison de soulever la question de l'effectivité de l'accès ; mais c'est un autre sujet.
Je tiens à votre disposition le sondage réalisé par l'Ifop voilà six mois sur la question de l'IVG : un tiers des Français pensent qu'une remise en cause du droit à l'IVG est possible. Concernant le principe de son inscription dans la Constitution, 81 % des Français y adhèrent, indépendamment de leur sensibilité politique : 77 % des électeurs de Mme Pécresse et 82 % des catholiques y sont favorables.
Quid, enfin, de l'utilité de cette inscription de l'accès à l'IVG dans la Constitution ? Quelque 77 % des Français la trouveraient utile.
Ces éléments doivent être pris en considération dans notre appréciation du sujet. Nous ne cessons de demander au Gouvernement de prendre la main en déposant un projet de loi. Alors que l'Assemblée nationale a très largement voté en faveur de ce texte, le Gouvernement ne semble pas se décider ; il est incontestable qu'un vote du Sénat le pousserait à agir.