La commission désigne M. François-Noël Buffet rapporteur sur les propositions de nomination, par le Président de la République, de Mme Élisabeth Guigou et de M. Patrick Titiun, et, par le président du Sénat, de Mme Dominique Lottin et de M. Patrick Wachsmann, pour siéger, en tant que personnalités qualifiées, au Conseil supérieur de la magistrature, en application des articles 13 et 65 de la Constitution.
Nous examinons ce matin le rapport de notre collègue André Reichardt sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à protéger les logements contre l'occupation illicite. Nous avons le plaisir d'accueillir Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
L'Assemblée nationale a adopté le 2 décembre dernier une proposition de loi déposée par le député Guillaume Kasbarian, qui traite de deux sujets auxquels notre commission est depuis longtemps attentive : la lutte contre le squat et la sécurisation des rapports locatifs.
Vous vous souvenez certainement que notre commission avait déjà examiné, en janvier 2021, sur le rapport d'Henri Leroy, une proposition de loi de Dominique Estrosi Sassone tendant à garantir le respect de la propriété immobilière contre le squat. Plusieurs dispositions que le Sénat avait alors adoptées sont reprises dans le texte qui nous est transmis. On peut regretter, à cet égard, que le Gouvernement n'ait pas été plus tôt à l'écoute des propositions du Sénat, ce qui nous aurait permis de gagner un temps précieux pour lutter contre ce phénomène. Celui-ci affecte régulièrement de petits propriétaires qui découvrent, par exemple en rentrant de vacances, que leur résidence principale est occupée.
La première partie du texte vise à prévenir et à réprimer plus efficacement le squat. Certaines dispositions, cependant, pourraient s'appliquer aussi à des locataires défaillants qui se maintiennent dans les lieux alors que leur bail est résilié, faute de solution de relogement. Il ne me paraît pas souhaitable d'entremêler les situations du squatteur et du locataire défaillant, qui sont très dissemblables, et je vous proposerai donc quelques amendements pour mieux les distinguer.
J'évoquerai pour commencer l'article 1er, qui tend à alourdir la peine prévue à l'article 226-4 du code pénal pour sanctionner le squat du domicile. Il y a deux ans, le Sénat avait déjà approuvé cette mesure, qui vise à exercer un effet dissuasif contre les squatteurs, et je vous proposerai de l'adopter sans changement.
Le texte reprend une autre disposition que nous avions adoptée, celle qui tend à punir d'une amende la propagande ou la publicité en faveur de méthodes visant à inciter ou faciliter le squat. Vous savez comme moi que l'on peut trouver sur internet de véritables « guides du squat », qui donnent des conseils sur la manière de s'introduire illégalement dans un logement et d'échapper à l'expulsion. C'est ce type de pratiques qui serait désormais pénalisé.
Un troisième article vise à punir celui qui se dit faussement propriétaire d'un bien immobilier pour le louer. Il arrive parfois que des personnes se voient reprocher de squatter un logement alors qu'elles ont cru, en toute bonne foi, le louer à son propriétaire légitime. Cette forme de tromperie doit bien sûr être sanctionnée, mais j'observe qu'il existe déjà dans le code pénal un article 313-6-1 permettant d'appréhender ce type de comportement. Nous y reviendrons au moment de l'examen des amendements.
J'en arrive aux deux dernières mesures pénales, qui sont plus controversées. Actuellement, le code pénal réprime le squat du domicile, au nom du respect de la vie privée, mais pas le squat de locaux qui ne constituent pas un domicile. La proposition de loi entend combler cette lacune afin de mieux garantir le respect de la propriété privée, qui est aussi un principe fondamental dans notre République.
À cette fin, le texte prévoit de créer deux nouvelles infractions : la première punirait de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait de s'introduire ou de se maintenir, sans droit ni titre, dans un local à usage d'habitation ou à usage économique ; la deuxième punirait de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende celui qui se maintient dans un logement alors qu'il est sous le coup d'une décision d'expulsion, qu'il a épuisé toutes les voies de recours et qu'il est arrivé au terme de tous les délais accordés par le juge. Plusieurs interlocuteurs que j'ai auditionnés avec Dominique Estrosi Sassone reprochent à ces dispositions de criminaliser des personnes en grande difficulté sociale, a fortiori dans un contexte de hausse des prix de l'énergie qui pèse sur le pouvoir d'achat des ménages.
En ce qui me concerne, si je partage l'objectif de lutter plus efficacement contre toutes les formes de squat, je pense que le dispositif adopté par l'Assemblée nationale gagnerait à être mieux circonscrit : en effet, le champ d'application des deux infractions qui nous sont proposées se recoupe et la première pourrait concerner aussi bien des squatteurs que des locataires dont le bail a été résilié. Je vous proposerai donc de mieux distinguer ces deux situations, en créant, d'une part, une infraction pour pénaliser le squat de locaux qui ne constituent pas un domicile ; d'autre part, en conservant l'infraction relative aux locataires. Dans mon esprit, cette dernière infraction n'a vocation à s'appliquer que de manière exceptionnelle à des locataires d'une particulière mauvaise foi qui ont abusé de toutes les voies de recours.
J'en arrive à l'article 2 de la proposition de loi, qui tend à retoucher la procédure d'évacuation forcée des squatteurs, sous l'égide du préfet, prévue à l'article 38 de la loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale (Dalo). Cette procédure permet à celui dont le domicile est squatté de saisir le préfet afin qu'il mette en demeure, dans un délai de quarante-huit heures, le squatteur de quitter les lieux. Si ce dernier ne défère pas à la mise en demeure, le préfet peut recourir à la force publique pour qu'il soit procédé à l'évacuation du logement. Cette procédure dérogatoire, qui ne fait pas intervenir une décision de justice, a été utilisée moins de 170 fois au cours de l'année écoulée.
Sur ce point, je vous proposerai d'amender le texte transmis par l'Assemblée nationale afin de réintroduire des dispositions que nous avions adoptées il y a deux ans, mais qui n'ont pas été reprises par les députés. L'objectif est d'élargir le champ d'application de cette procédure à l'hypothèse du squat de logements qui ne constituent pas un domicile, ce qui est cohérent avec les mesures envisagées en matière pénale. Ainsi, un logement qui est squatté, alors qu'il est vide entre deux locations, pourra être libéré rapidement. En l'état actuel, un logement vide entre deux locations n'est pas considéré comme un domicile. Il appartiendra aux préfets de faire un usage proportionné de cette nouvelle faculté, en accordant, par exemple, des délais plus importants lorsque les circonstances l'autorisent.
Toujours dans l'objectif de décourager l'occupation illicite des logements, les députés ont adopté un article qui pérennise un dispositif expérimental, créé en 2009, de mise à disposition temporaire de locaux vacants. Celui-ci permet à des organismes agréés par le préfet, et conventionnés avec le propriétaire, de bénéficier de la mise à disposition de locaux inoccupés, dans l'attente d'un changement d'usage ou de travaux importants, en contrepartie de leur engagement à entretenir ces locaux et à les libérer à l'échéance convenue. Les organismes agréés peuvent y loger des résidents temporaires. C'est une bonne chose : en favorisant l'utilisation de locaux provisoirement inoccupés, ce dispositif permet de lutter, indirectement, contre le squat.
Je regrette que le Gouvernement n'ait pas procédé à l'évaluation qui était attendue avant la généralisation de l'expérimentation. Cependant, les avis des acteurs de terrain que nous avons auditionnés sont très positifs : je vous propose donc de soutenir la pérennisation de ce dispositif.
Un article 2 bis introduit un régime dérogatoire de responsabilité civile pour le propriétaire d'un logement occupé sans droit ni titre, en cas de dommage résultant d'un défaut d'entretien.
Cette mesure répond à une décision récente de la Cour de cassation, qui a décidé, en appliquant à la lettre le code civil, de condamner un couple de propriétaires à verser 60 000 euros à une ancienne locataire qui s'était maintenue dans les lieux et qui avait chuté à la suite de la rupture d'un garde-fou. Il est anormal qu'un propriétaire qui ne peut plus accéder à son bien et, partant, qui ne peut pas effectuer les travaux d'entretien nécessaires, soit condamné en cas de dommage résultant d'un défaut d'entretien. L'article 2 bis prévoit de libérer le propriétaire de sa responsabilité pour défaut d'entretien lorsque le bien est occupé illicitement. Pour éviter tout effet d'aubaine, je vous proposerai néanmoins d'exclure les propriétaires de logements indignes de ce régime dérogatoire.
La seconde partie du texte vise à sécuriser les rapports locatifs en améliorant la procédure contentieuse.
Le contentieux locatif est aujourd'hui soumis à une procédure longue et complexe, dont les objectifs premiers sont, dans l'intérêt du propriétaire comme du locataire, le maintien des rapports locatifs et l'apurement de la dette. L'expulsion reste la solution de dernier recours, a fortiori si le locataire en difficulté est de bonne foi. Le contentieux peut parfois durer des années : cela pose évidemment problème au propriétaire qui ne peut pas récupérer son bien, mais aussi au locataire qui accumule parfois une importante dette locative dans l'attente d'une solution de relogement.
Il s'agit d'un contentieux de masse, qui occasionne chaque année environ 500 000 délivrances de commandement de payer et 150 000 assignations en justice, pour 70 000 décisions d'expulsion ferme, dont 16 000 nécessitent le concours de la force publique. La réforme proposée aura donc des effets tangibles pour des milliers de nos concitoyens.
La proposition de loi vise à accélérer la procédure contentieuse et à accompagner plus tôt les locataires en difficulté.
Dans un souci de sécurité juridique, l'article 4 généralise les clauses résolutoires de plein droit dans les baux locatifs. Celles-ci sont aujourd'hui facultatives, bien que présentes dans la grande majorité des baux. En cas de non-paiement du loyer par exemple, la présence d'une clause résolutoire permet au propriétaire de saisir le juge pour faire constater la résiliation de plein droit du contrat de bail.
Dans le but affiché de responsabiliser les locataires, le pouvoir reconnu au juge de suspendre les effets de la clause résolutoire serait par ailleurs subordonné à une demande expresse du locataire et à la reprise du paiement du loyer avant la date de l'audience. De même, le juge ne pourrait vérifier les éléments constitutifs de la dette locative et la décence du logement que sur saisine du locataire, alors qu'il peut le faire d'office actuellement.
Avec Dominique Estrosi Sassone, nous exprimons des réserves sur cet article 4, qui risque d'aboutir à un plus grand nombre d'expulsions en raison de la méconnaissance, par les locataires, de leurs droits et des règles de procédure. Il nous faut trouver d'autres modalités pour inciter le locataire à régler sa dette locative et son loyer courant, en conditionnant le maintien dans le logement au respect de ses engagements, afin que les intérêts du locataire et du bailleur se rencontrent sans préjudice pour aucune des parties.
Afin d'accélérer la procédure contentieuse, l'article 5 procède à la réduction de plusieurs délais, ramenés de deux mois à un mois ou de deux mois à six semaines. Au total, si nous votons le texte tel qu'il nous est transmis, le délai minimal incompressible entre la remise du commandement de payer et l'expulsion avec le concours de la force publique serait réduit de trois mois et demi en cas de mauvaise foi du locataire. En outre, lorsque le relogement ne peut avoir lieu dans des conditions normales, le délai maximal pouvant être accordé par le juge, avant qu'il ne soit procédé à l'expulsion, serait ramené de trois ans à un an. Je vous proposerai de modifier ces dispositions à la marge, afin que les procédures amiables soient favorisées : celles-ci apportent une solution dans plus des deux tiers des litiges locatifs.
Enfin, l'article 5 tend à améliorer l'accompagnement social des locataires en difficulté en le systématisant et en l'initiant plus en amont. Plus précisément, il prévoit que tous les commandements de payer seront transmis aux commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (Ccapex). En outre, alors que les diagnostics sociaux et financiers (DSF) qui éclairent le juge sur la situation sociale du locataire et sur sa capacité à apurer ses dettes ne sont actuellement élaborés qu'à partir de l'assignation en justice, ceux-ci seraient désormais réalisés dès le stade du commandement de payer, puis mis à jour pour l'audience judiciaire.
Ces objectifs sont louables, mais il semble néanmoins peu réaliste que les services sociaux et les Ccapex puissent s'acquitter de ce fort accroissement de leur charge de travail : à l'heure actuelle, les juges ne peuvent s'appuyer sur un DSF pour rendre leur décision que dans 30 % des cas. C'est pourquoi je vous proposerai d'adopter les amendements présentés par Dominique Estrosi Sassone, qui reprennent l'objectif de renforcement de l'accompagnement social des locataires tout en garantissant une meilleure opérationnalité du dispositif. Donnons une chance au juge de disposer en temps utile du DSF.
Ce texte comporte des dispositions très techniques, mais il soulève des enjeux réels pour les locataires, les propriétaires et pour l'accès au logement de nos concitoyens, notamment les plus modestes.
Je remercie André Reichardt pour le travail que nous avons accompli ensemble. Nous avons mené la plupart de nos auditions en commun, et nous sommes parvenus à un accord parfait. Comme lui, je regrette que l'on ait perdu autant de temps. Ma proposition de loi a été adoptée par le Sénat en janvier 2021 : si le Gouvernement l'avait inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, plusieurs mesures en discussion aujourd'hui seraient déjà appliquées.
Cela dit, nous approuvons sans réserve les mesures contre le squat, que nous avions déjà votées - pour partie. Nous avons réintégré dans le texte celles qui n'ont pas été reprises par l'Assemblée nationale. Nous sommes également favorables à l'accélération de la procédure du contentieux de l'impayé et de l'expulsion. Celui-ci est très long et complexe et il décourage les propriétaires d'investir dans des logements proposés à la location de longue durée, ce qui permettrait pourtant de répondre à la crise du logement.
Nous avons aussi apporté des modifications importantes : nous opérons une distinction claire entre les squatteurs et les locataires en difficulté, car le texte transmis par l'Assemblée nationale crée un amalgame en la matière.
Nous entendons également promouvoir l'occupation temporaire de locaux vacants en suivant la volonté de l'Assemblée nationale de pérenniser ce dispositif. Plusieurs fondations, comme Emmaüs, proposent ces logements à des personnes rencontrant des difficultés ou vivant une mobilité professionnelle, pour une durée maximale de dix-huit mois. C'est un dispositif gagnant-gagnant, à condition que l'on ne transforme pas la convention d'occupation temporaire en bail définitif.
Nous avons également voulu renforcer la prévention avant les expulsions : les locataires peuvent ainsi sortir la tête de l'eau. Cette démarche est insuffisamment précoce : nos amendements tendent à donner plus de moyens d'agir aux Ccapex. Nous souhaitons aussi améliorer les outils d'accompagnement social.
Nous sommes parvenus à un équilibre entre le respect de la propriété privée, auquel le Sénat est attaché, et l'esprit de justice et d'humanisme dont nous devons faire montre à l'endroit des personnes frappées par un accident de la vie. Ne les confondons pas avec les squatteurs et autres marchands de sommeil. Cela dit, ne faisons pas porter la charge de la solidarité sur les propriétaires : au contraire, nous considérons que l'État devrait les aider plus activement, notamment via le soutien de l'administration fiscale ou le versement des indemnités dues aux propriétaires.
Ce texte complète la volonté du législateur de rééquilibrer les rapports entre propriétaires et locataires. L'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen consacre le droit de propriété, qui est fondamental. Nous constatons tous que certains propriétaires sont désemparés et se retrouvent dans des procédures interminables. Cela n'est pas sans conséquence sur le marché immobilier : les personnes vendent à la fin de la procédure.
Le rapporteur a raison : il convient de distinguer les situations de locataires défaillants et les occupations illicites caractérisées.
La publicité entourant les manuels du parfait squatteur est insuffisamment réprimée. Elle est même promue par une nébuleuse d'associations, et même par la Ligue des droits de l'homme, sous couvert de vouloir protéger les locataires. En évoquant les occupations illicites, certaines parlent de criminalisation, d'acharnement ou de phénomène marginal. La Défenseure des droits reprend elle aussi ce dernier terme dans un avis publié au mois de novembre dernier. Selon elle, la proposition de loi ne changerait rien à la situation actuelle. Je ne souscris évidemment pas à cette analyse, mais, même si celle-ci était vraie, je ne vois pas pourquoi il ne faudrait pas réprimer plus sévèrement ces comportements. Dans les juridictions, le contentieux locatif ne cesse de croître. Tout plaide pour aller dans le sens de nos rapporteurs.
Je salue cette proposition de loi dont notre groupe a soutenu l'inscription à l'ordre du jour des travaux de notre assemblée. Le squat et les impayés à répétition ne sont plus un phénomène marginal ; leurs conséquences sont désastreuses pour les petits propriétaires.
Avec ce texte empreint de bon sens, on cherche à rééquilibrer les forces, en renforçant l'arsenal juridique et en réduisant certains délais dans la procédure judiciaire.
À l'issue des débats à l'Assemblée nationale, marqués par un esprit de compromis, nous souhaitons apporter quelques modifications pour gagner en équilibre et ne pas tomber dans des travers idéologiques entre riches propriétaires et locataires mal logés. Ainsi, nous prônons une échelle de peines plus graduée à l'article 1er A, et nous voulons préciser la notion de locaux à usage économique.
Nous proposons aussi de faire un geste envers les locataires de bonne foi, qui doivent être effectivement informés par le préfet de leur droit à demander au juge de leur accorder des délais de paiement. Ce dernier pourra aussi suspendre la résiliation du bail si le locataire est de bonne foi. Nous voulons revenir sur la réduction du délai du commandement de payer passé de deux à un mois.
Nous soutenons pleinement cette proposition de loi. Ne stigmatisons pas les locataires en grande difficulté économique en les assimilant à des squatteurs.
Les bras m'en sont tombés lorsque j'ai lu le texte adopté par l'Assemblée nationale, qui disait tout et son contraire et opérait un amalgame entre le locataire entré légalement dans un logement, victime ensuite d'un accident de la vie, et le squatteur installé après une effraction. Certes, nous ressentons tous de l'émotion envers les propriétaires victimes d'un squat, mais les députés ont légiféré sous le coup de l'émotion. Je salue le travail nuancé de nos rapporteurs.
J'approuve l'idée de sanctionner plus durement celui qui se fait passer pour le propriétaire d'un logement et qui fait deux victimes : le locataire de bonne foi et le vrai propriétaire.
Je salue aussi la pérennisation du dispositif d'occupation temporaire de locaux vacants, précieux pour loger des populations vivant dans des copropriétés particulièrement dégradées, notamment.
Nous soutenons la philosophie avec laquelle nos rapporteurs ont examiné ce texte.
À l'instar d'Hussein Bourgi, je salue le travail de nos rapporteurs, qui ont bien distingué le cas des squatteurs de celui des locataires en difficulté.
Avant cela, le texte était fondamentalement antisocial. Monsieur Bonhomme, la Défenseure des droits n'est pas la seule à dire que le texte adopté par l'Assemblée nationale est malvenu alors que tant de nos concitoyens sont victimes de la crise du logement et du mal-logement. Le Gouvernement, le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées (HCLPD), la Fondation Abbé-Pierre, tous le reconnaissent. Je ne comprends pas la position de l'Assemblée nationale.
Malgré les améliorations introduites par les rapporteurs, certaines mesures nous paraissent toujours disproportionnées, tandis que d'autres ont un périmètre d'application trop large. Nous avons donc déposé plusieurs amendements. L'un tend à exclure les logements vides de la notion de domicile ; un autre supprime l'impossibilité pour le juge de se saisir d'office pour accorder des délais supplémentaires. Il nous paraît également important de rétablir un délai de deux mois entre le commandement de payer et la résiliation automatique du bail. Il est primordial de faire la différence entre les locataires de bonne foi et les autres.
À Marseille, dans mon département, de nombreuses personnes n'ont pas signé de baux en bonne et due forme : la loi poserait de nombreux soucis à des personnes sincères.
Je vous remercie pour tous ces satisfecit. Je tiens à rassurer MM. Bourgi et Benarroche : nombre de nos amendements répondent à leurs interrogations.
En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que le périmètre de la proposition de loi comprend les dispositions relatives à la lutte contre le squat et contre le maintien sans droit ni titre dans un logement ; au régime de responsabilité extracontractuelle en cas de dommage résultant d'un défaut d'entretien d'un bien immobilier ; au dispositif de mise à disposition temporaire de locaux vacants, défini à l'article 29 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Élan) ; aux modalités de résiliation des baux d'habitation ; à la procédure d'expulsion locative, de la phrase précontentieuse jusqu'à l'éventuelle expulsion avec le concours de la force publique ; enfin, à l'accompagnement social des locataires en situation d'impayés locatifs.
Je vous félicite pour la lecture de cette récapitulation, qui, comme vous le savez, est contraire au droit d'amendement, inscrit dans la Constitution.
Le périmètre est adopté.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er A (nouveau)
Nos collègues du groupe socialiste souhaitent supprimer l'article 1er A. J'y suis défavorable, car je crois utile de mieux protéger l'ensemble des logements contre le squat, ainsi que les locaux à usage économique, et non le seul domicile. Je vous présenterai dans quelques instants un amendement qui répondra sans doute à une partie de leurs préoccupations, en distinguant plus nettement le cas du squat de celui du locataire défaillant. Avis défavorable.
L'amendement COM-14 n'est pas adopté.
L'article 1er A vise à punir de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le squat d'un local qui n'est pas un domicile. L'amendement COM-49 rectifié de nos collègues du groupe RDPI tend à fixer la peine à deux ans d'emprisonnement et à 30 000 euros d'amende, afin de préserver une gradation entre la sanction encourue pour le squat de domicile et celle prévue pour les locaux qui ne sont pas un domicile. Avis favorable : il est logique que la peine soit plus sévère en cas de squat d'un domicile qu'en cas de squat de locaux commerciaux, qui sont parfois inoccupés depuis des années. Je vous propose en conséquence de modifier les deux amendements suivants pour les rendre formellement compatibles avec celui-ci.
L'amendement COM-49 rectifié est adopté.
S'inspirant des dispositions de la proposition de loi visant à garantir le respect de la propriété immobilière contre le squat, adoptée par le Sénat en janvier 2021, les amendements identiques COM-34 et COM-52 tendent à clarifier la rédaction proposée pour le nouvel article 315-1 du code pénal.
La rédaction de cet article peut être améliorée : d'abord, pour éviter que la sanction pénale proposée ne puisse s'appliquer tant à des squatteurs qu'à des locataires défaillants, alors que ces personnes sont dans des situations bien différentes ; ensuite, pour bien délimiter les champs d'application des nouveaux articles 315-1 et 315-2, qui tendent aujourd'hui à se chevaucher.
Dans cet esprit, l'amendement précise le champ d'application de l'article 315-1 : il s'agit de sanctionner pénalement le squat de locaux qui ne constituent pas un domicile, au nom du respect du droit à la propriété privée, sans viser le locataire défaillant qui s'est introduit régulièrement dans les locaux, mais dont le bail aurait été résilié. L'amendement reprend les critères qui figurent à l'article 226-4 du code pénal, relatif au squat du domicile, à savoir l'utilisation de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte.
Les amendements identiques COM-34 et COM-52 modifiés sont adoptés. En conséquence, l'amendement COM-50 rectifié devient sans objet.
L'amendement COM-1 de notre collègue Nathalie Goulet vise à étendre le champ d'application du nouvel article 315-2 du code pénal, afin qu'il s'applique aussi à l'occupation illicite de terrains ou bâtiments agricoles.
Cette extension ne nous paraît pas opportune, car l'amendement de notre collègue est largement satisfait : l'occupation illicite de terres agricoles, par exemple par des gens du voyage ou à l'occasion d'une rave party, est déjà pénalement sanctionnée ; le squat d'un bâtiment agricole, qui est un local à usage économique, pourra être sanctionné sur le fondement du nouvel article 315-1 du code pénal. De plus, l'article 315-2 a été conçu pour traiter de litiges nés à l'occasion de l'occupation de locaux d'habitation : il n'est pas sûr que ce dispositif puisse être transposé à l'identique à l'hypothèse d'une occupation de locaux à usage commercial. Demande de retrait, sinon avis défavorable.
Je le retire.
L'amendement COM-1 est retiré.
L'article 1er A est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Après l'article 1er A (nouveau)
L'amendement COM-29 rectifié vise à modifier l'article L. 412-3 du code des procédures civiles d'exécution. Cet article permet au juge d'accorder à la personne sous le coup d'une décision d'expulsion des délais à chaque fois que son relogement ne peut avoir lieu dans des conditions normales.
Notre collègue Catherine Procaccia propose d'écarter ces délais en cas de squat, c'est-à-dire lorsque l'occupant est entré dans les lieux à l'aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte.
Cette proposition est cohérente avec position que je défends : mieux distinguer la situation du locataire défaillant, qui est entré dans les lieux régulièrement et qui a subi ensuite un accident de la vie, de celle du squatteur, qui se place d'emblée dans l'illégalité. Elle complète la mesure que je vous propose dans mon amendement COM-44, qui tend à supprimer, dans le même article L. 412-3 du code des procédures civiles d'exécution, la mention selon laquelle les occupants n'ont pas à justifier d'un titre à l'origine de l'occupation pour bénéficier d'un délai. Avis favorable.
L'amendement COM-29 rectifié est adopté et devient article additionnel.
Notre collègue Catherine Procaccia propose maintenant de fixer dans la loi un délai de soixante-douze heures qui serait laissé au préfet pour mettre à exécution, par le recours à la force publique, une décision d'expulsion. Il est vrai que les préfectures tardent parfois à mettre à exécution les décisions judiciaires d'expulsion. Parfois, celles-ci ne sont jamais appliquées, ce qui ouvre droit pour le propriétaire lésé à une indemnisation aux frais de l'État.
La rédaction de l'amendement soulève cependant de nombreuses interrogations : avis défavorable.
L'amendement COM-32 n'est pas adopté.
Article 1er
Nos collègues du groupe socialiste proposent de supprimer l'article 1er, qui tend à relever le quantum de peine prévu à l'article 226-4 du code pénal.
En cas de squat du domicile, la peine actuellement encourue est d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ; il est proposé de porter cette peine à trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende. Cette mesure aura d'abord un effet dissuasif qui me paraît bienvenu. C'est ensuite une mesure d'équité puisqu'elle aura pour effet d'aligner la peine encourue sur celle qui est prévue lorsqu'un propriétaire expulse manu militari un squatteur.
Je rappelle enfin que le Sénat a déjà voté cette mesure à deux reprises : d'abord dans la loi d'accélération et de simplification de l'action publique (Asap), puis lors de l'examen de la proposition de loi de Dominique Estrosi Sassone. Par souci de cohérence, j'émets un avis défavorable sur l'amendement COM-19.
L'amendement COM-19 n'est pas adopté.
L'article 1er est adopté sans modification.
Article 1er bis A (nouveau)
L'amendement de coordination COM-35 est adopté.
L'amendement COM-36 vise à ajouter à l'article 1er bis une disposition « standard », qui figure dans plusieurs articles du code pénal, afin de préciser les responsabilités des éditeurs, des auteurs et des imprimeurs quand la propagande ou la publicité en faveur du squat est effectuée par voie de presse écrite ou audiovisuelle.
L'amendement COM-36 est adopté.
L'article 1er bis A est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 1er bis (nouveau)
La proposition de loi tend à créer une nouvelle infraction punissant de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait de se dire faussement propriétaire d'un bien pour le louer. Il arrive en effet que des personnes se retrouvent dans la situation de squatter un logement, alors qu'elles ont cru, en toute bonne foi, avoir affaire à son propriétaire.
Ce type de comportement mérite bien sûr d'être sanctionné. Il existe cependant déjà dans le code pénal un article 313-6-1, qui punit d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende le fait de mettre à disposition d'un tiers un bien immobilier appartenant à autrui. Plutôt que de créer une nouvelle infraction, l'amendement tend à relever le quantum de peine prévu à l'article 313-6-1 afin de l'aligner sur ce qui était prévu par l'Assemblée nationale.
L'amendement COM-37 est adopté.
L'article 1er bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 2
Avec l'amendement COM-20, nos collègues du groupe socialiste proposent de supprimer l'article 2.
J'y suis défavorable, car cet article vise à clarifier la notion de domicile, ce qui me paraît opportun au regard des hésitations doctrinales ou jurisprudentielles qui ont pu se faire jour. En outre, cet article tend à modifier la procédure d'évacuation forcée sous l'égide du préfet en cas de squat prévue à l'article 38 de la loi Dalo. Je vous proposerai dans un instant des améliorations de ce dispositif.
L'amendement COM-20 n'est pas adopté.
Là encore, nous voulons distinguer le squat de la sécurisation des rapports locatifs. Le paragraphe II de l'article 2 de la proposition de loi tend à revenir sur la procédure d'évacuation forcée sous l'égide du préfet, prévue à l'article 38 de la loi de 2007 précitée.
La rédaction transmise par l'Assemblée nationale soulève une difficulté dans la mesure où elle pourrait être interprétée comme autorisant le recours à cette procédure pour obtenir l'évacuation d'un locataire défaillant. Ce risque de confusion doit être écarté : la procédure de l'article 38 est adaptée pour mettre rapidement fin à un squat, mais elle n'est pas appropriée à une expulsion locative, en raison de son caractère expéditif et de l'absence de contradictoire.
Le présent amendement prévoit donc de substituer au dispositif adopté par l'Assemblée nationale les mesures que le Sénat avait approuvées en janvier 2021, lors de l'examen du texte de Dominique Estrosi Sassone. Ainsi, le champ d'application de l'article 38 serait étendu au squat d'un local d'habitation, alors qu'il ne s'applique actuellement qu'au squat d'un domicile ; deviendraient ainsi éligibles à la procédure d'évacuation forcée les logements occupés par des squatteurs entre deux locations ou juste après l'achèvement de la construction, avant que le propriétaire n'ait eu le temps d'emménager. Ensuite, lorsque ce dernier ne peut apporter la preuve de son droit en raison du squat, il reviendrait au préfet de s'adresser à l'administration fiscale pour établir ce droit. Enfin, le délai laissé au préfet pour mettre en demeure le squatteur de quitter les lieux serait réduit de quarante-huit heures à vingt-quatre heures, afin d'apporter une réponse plus rapide à des situations qui peuvent plonger des familles dans une situation très difficile.
L'amendement préserve l'ajout de l'Assemblée nationale tendant à prévoir que l'occupation illicite du logement peut être constatée par le maire ou par un commissaire de justice. Certes, le maire est déjà un officier de police judiciaire (OPJ), mais nous nous rangeons au souhait de l'Assemblée nationale de le mentionner expressément.
Le sous-amendement COM-31 rectifié est adopté. Les amendements COM-38 et COM-53, ainsi sous-amendés, sont adoptés.
En conséquence, l'amendement COM-5 devient sans objet.
Avec l'amendement COM-23, notre collègue Vincent Capo-Canellas souhaite préciser que la procédure d'évacuation forcée prévue à l'article 38 de la loi Dalo concerne non pas les locataires défaillants entrés régulièrement dans les lieux, mais uniquement les squatteurs.
Les amendements COM-38 et COM-53 que nous venons d'adopter lèvent toute ambiguïté en visant clairement les seuls squatteurs. L'amendement de Vincent Capo-Canellas est donc satisfait.
L'amendement COM-23 n'est pas adopté.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 2 bis (nouveau)
L'amendement COM-21 vise à supprimer l'article. Avis défavorable : il est anormal et même injuste qu'un propriétaire ne pouvant plus accéder à son bien soit condamné en cas de dommage.
L'amendement COM-21 n'est pas adopté.
L'amendement COM-48 rectifié tend à introduire la notion d'empêchement pour exonérer le propriétaire de sa responsabilité en cas de dommage résultant d'un défaut d'entretien du bien. Avis défavorable au profit des amendements identiques COM-39 et COM-54 qui visent à exclure du dispositif de l'article 2 bis les propriétaires bailleurs hébergeant dans un logement indigne des personnes dont la vulnérabilité ou l'état de dépendance sont apparents ou lui sont connus.
Cette disposition a pour but d'empêcher les marchands de sommeil qui n'entretiennent pas leur bien de profiter indûment du bénéfice d'une exonération de ce type.
L'amendement COM-48 n'est pas adopté. Les amendements identiques COM-39 et COM-54 sont adoptés.
L'article 2 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 2 ter (nouveau)
L'amendement COM-22 tend à supprimer l'article 2 ter.
Comme vous, je regrette que le Gouvernement ne se soit pas acquitté de la mission de suivi et d'évaluation de l'expérimentation relative à l'occupation temporaire prévue par la loi Élan. Il serait cependant malvenu de refuser sur ce motif la pérennisation d'un dispositif qui fait largement l'unanimité : les auditions que j'ai menées ont permis de dresser un bilan favorable de cette expérimentation. Plus de 1 000 bâtiments vacants ont fait l'objet d'une occupation temporaire depuis la création de ce dispositif, ce qui a permis de loger près de 10 000 résidents temporaires - souvent en grande difficulté.
Ces chiffres démontrent que ce dispositif a trouvé son public : avis défavorable à cet amendement.
L'amendement COM-22 n'est pas adopté.
Les amendements identiques COM-27 rectifié et COM-4 rectifié visent à permettre une simplification des démarches pour aboutir à une éventuelle expulsion des résidents temporaires qui souhaiteraient se maintenir dans les logements occupés dans le cadre de ce dispositif d'occupation temporaire de locaux vacants, après l'expiration du contrat de résidence temporaire. Le dispositif de l'article 29 de la loi Élan ne prévoit rien en la matière. Avis favorable.
Les amendements identiques COM-27 rectifié et COM-4 rectifié sont adoptés.
Avis favorable aux amendements identiques COM-2 rectifié bis, COM-26 rectifié bis, COM-40 et COM-55.
Les amendements identiques COM-2 rectifié bis, COM-26 rectifié bis, COM-40 et COM-55 sont adoptés.
Avis défavorable aux amendements COM-3 rectifié et COM-28 rectifié.
Les amendements COM-3 rectifié et COM-28 rectifié ne sont pas adoptés.
L'article 2 ter est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 3 (Supprimé)
L'article 3 demeure supprimé.
Article 4
L'amendement COM-15 de M. Bourgi sera satisfait par l'adoption de l'amendement COM-41, qui vise à rétablir les pouvoirs d'office du juge pour prononcer une expulsion conditionnelle et vérifier les éléments constitutifs de la dette locative ainsi que la décence du logement - ainsi répondrons-nous également à une attente de M. Benarroche. Je suis donc défavorable à la suppression de l'article 4.
L'amendement COM-15 n'est pas adopté.
M. Benarroche et ses collègues souhaitent la suppression de la généralisation des clauses résolutoires de plein droit. Je pense au contraire qu'elle est bienvenue : avis défavorable à l'amendement COM-6.
L'amendement COM-6 n'est pas adopté.
Avis défavorable à l'amendement COM-7, aux amendements identiques COM-24 et COM-51 rectifié et aux amendements identiques COM-17 et COM-47 rectifié, qui seront satisfaits par l'adoption des amendements identiques COM-41 et COM-56 ; nous pensons qu'il ne faut pas supprimer les pouvoirs d'office du juge.
L'amendement COM-7 n'est pas adopté. Les amendements identiques COM-41 et COM-56 sont adoptés. En conséquence, les amendements identiques COM-24 et COM-51 rectifié deviennent sans objet, de même que les amendements identiques COM-17 et COM-47 rectifié.
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 5
L'adoption des amendements que Dominique Estrosi Sassone et moi-même présentons à cet article devrait permettre de lever une partie des réserves exprimées par les auteurs de l'amendement de suppression COM-16.
L'amendement COM-16 n'est pas adopté.
L'amendement COM-43 rectifié tend à mettre à jour la dénomination des huissiers de justice, désormais appelés commissaires de justice.
L'amendement COM-43 rectifié est adopté.
Les amendements identiques COM-8 et COM-45 rectifié bis, les amendements identiques COM-25 et COM-46 rectifié et les amendements identiques COM-42 et COM-57 ont trait au délai légal minimal entre le commandement de payer et l'assignation en justice. Avec Dominique Estrosi Sassone, nous proposons de le fixer à six semaines, contre un mois dans le texte transmis par l'Assemblée nationale, et deux mois dans le droit en vigueur.
Les amendements identiques COM-8 et COM-45 rectifié bis et les amendements identiques COM-25 et COM-46 rectifié ne sont pas adoptés. Les amendements identiques COM-42 et COM-57 sont adoptés.
Nous proposons, par l'amendement COM-58 rectifié, de fixer le seuil de transmission des commandements de payer à deux mois d'ancienneté d'impayé ou à deux fois le montant mensuel de la dette locative, ce seuil étant estimé pertinent tant par l'Agence nationale pour l'information sur le logement (Anil) que par la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (Dihal), que nous avons auditionnées. Actuellement, selon les départements, le seuil retenu peut être compris entre trois et six mois.
Cet amendement vise également à permettre la réalisation du diagnostic social et financier dès ce stade. Il est prévu, en outre, que les commissaires de justice devront transmettre à ce stade de la procédure toutes les coordonnées et les informations socio-économiques qu'ils auront pu recueillir sur le locataire, ces données étant essentielles à l'établissement du DSF, outil indispensable à la prévention des expulsions.
C'est un excellent amendement ; de telles procédures existent par exemple en Belgique. La centralisation des informations permet aux services sociaux d'intervenir en amont pour empêcher la spirale de l'exclusion de se former.
L'amendement COM-58 rectifié est adopté.
L'amendement COM-18 tend à supprimer la réduction du délai légal minimal entre l'assignation et l'audience. Avec Dominique Estrosi Sassone, nous avons essayé de trouver un juste équilibre entre l'amélioration de la procédure contentieuse, indubitablement trop longue, et une meilleure prise en charge des locataires en difficulté par les services sociaux et la Ccapex. Avis défavorable.
L'amendement COM-18 n'est pas adopté.
Par l'amendement COM-44, nous clarifions les critères qualifiant le squat dans le code des procédures civiles d'exécution, en reprenant les termes du code pénal.
L'amendement COM-44 est adopté.
J'ai le sentiment que les auteurs de l'amendement COM-9 font une confusion : ils évoquent une expulsion immédiate dès le commandement de payer en cas de mauvaise foi caractérisée de la part du locataire. Or le commandement de payer représente la toute première étape en cas de litige lié à des impayés de loyer, tandis que l'alinéa 15 de l'article 5 est relatif à l'expulsion qui doit suivre un commandement d'avoir à quitter les lieux, après une décision du juge des contentieux. Je vous propose, monsieur Benarroche, de retravailler cet amendement en vue de la séance publique. Avis défavorable.
L'amendement COM-9 n'est pas adopté.
L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Après l'article 5
Avis défavorable à l'amendement COM-10.
L'amendement COM-10 n'est pas adopté.
L'amendement COM-11 devient sans objet.
L'amendement COM-12 tend à supprimer la faculté du juge de supprimer ou de réduire le bénéfice de la trêve hivernale pour les personnes entrées par voie de fait dans tout lieu autre que le domicile. Monsieur Benarroche, la suppression du dernier alinéa de l'article L. 412-6 du code des procédures civiles d'exécution aurait pour conséquence non pas d'empêcher les expulsions lors de la trêve hivernale, qui sont automatiques en cas d'introduction par voie de fait dans le domicile d'autrui, mais de retirer au juge la faculté de supprimer ou de réduire le bénéfice de la trêve hivernale pour les cas d'introduction par voie de fait dans les lieux autres que le domicile. Je ne pense pas que tel soit votre souhait... Avis défavorable.
L'amendement COM-12 n'est pas adopté.
L'objectif des auteurs de l'amendement COM-13 est louable ; nous le partageons tous, dès lors qu'il s'agit des mineurs. Néanmoins, mon avis ne saurait être favorable.
Il convient de rappeler que les demandes de concours de la force publique ne sont pas une compétence liée du préfet. Celui-ci dispose d'un délai de deux mois pendant lequel il s'informe auprès des services sociaux et des services de police quant à la situation économique et sociale des personnes à expulser : par définition, il peut déjà tenir compte de la composition du foyer. Aucun texte ne limite son pouvoir d'appréciation.
Supprimer le pouvoir d'appréciation du préfet permettrait à des parents de mauvaise foi de se maintenir de façon indéfinie dans un logement, sans droit ni titre et sans qu'aucune solution d'expulsion ne soit possible.
L'amendement COM-13 n'est pas adopté.
L'amendement COM-30 crée une obligation nouvelle pour le préfet : avis défavorable.
L'amendement COM-30 n'est pas adopté, non plus que l'amendement COM-33.
En cas de refus de la part du préfet du concours de la force publique pour exécuter une mesure d'expulsion contre un locataire, le propriétaire a théoriquement droit à une indemnisation par l'État de son préjudice. Force est de constater que cette procédure supplémentaire est particulièrement complexe et aléatoire ; de fait, les propriétaires renoncent à l'utiliser.
Un rapport du député Nicolas Démoulin indique que seuls 53 % des propriétaires font une demande d'indemnisation. L'amendement COM-61 vise à améliorer cette situation, étant entendu que l'article 40 de la Constitution empêche d'aller aussi loin que nous l'aurions souhaité, c'est-à-dire d'instaurer une indemnisation intégrale et automatique. Je propose donc de faire définir les modalités d'indemnisation des bailleurs privés par un décret, ce qui permettra de sortir du maquis de la jurisprudence.
L'amendement COM-61 est adopté et devient article additionnel.
Les amendements COM-59 et COM-60 tendent à améliorer la prévention des expulsions en renforçant les moyens des Ccapex, pour qu'elles puissent agir plus en amont et tout au long de la procédure.
Nous proposons, par l'amendement COM-59, d'inclure les métropoles dans la coprésidence des Ccapex, sachant que la plupart d'entre elles ont repris aux conseils départementaux la compétence de la gestion du Fonds de solidarité pour le logement (FSL) ; de rendre les Ccapex décisionnaires en matière de maintien ou de suspension des allocations logement en cas d'impayés locatifs, après avis de la caisse d'allocations familiales ; d'optimiser l'orientation des situations d'impayés locatifs auprès des différents dispositifs d'apurement de la dette, d'accompagnement budgétaire des locataires et de relogement par les Ccapex ; d'assurer l'information complète des Ccapex, notamment par le biais du logiciel Exploc ; de lever les risques en matière de protection des données personnelles liés à la transmission d'informations de la Ccapex aux opérateurs chargés de réaliser les DSF au stade de l'assignation.
Quant à l'amendement COM-60, il vise à donner aux Ccapex et au représentant de l'État la faculté de demander le déclenchement d'une procédure de quasi-tutelle du locataire lorsque les impayés relèvent de difficultés de gestion financière. Ainsi les Ccapex et le préfet pourraient-ils saisir le juge pour que soit octroyé une mesure d'accompagnement social personnalisé (Masp) de niveau 3, afin notamment que soit procédé au versement direct des prestations sociales du locataire sur le compte du bailleur.
Les amendements COM-59 et COM-60 sont adoptés et deviennent articles additionnels.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Le texte adopté en première lecture le 24 novembre 2022 par l'Assemblée nationale, inscrit à l'ordre du jour des travaux du Sénat sur l'initiative du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, vise à nouveau à inscrire dans la Constitution le droit à l'interruption volontaire de grossesse (IVG).
Il tend à introduire un nouvel article 66-2 au sein du titre VIII sur l'autorité judiciaire, dont les termes seraient les suivants : « La loi garantit l'effectivité et l'égal accès au droit à l'interruption volontaire de grossesse. »
Si les députés ont supprimé la mention de la contraception, cette évolution n'est pas de nature à lever les doutes déjà émis par le Sénat sur la pertinence de la constitutionnalisation du droit à l'IVG.
Notre assemblée a en effet déjà rejeté, le 19 octobre dernier, une précédente proposition de loi constitutionnelle présentée par Mélanie Vogel, visant l'IVG et la contraception. Nous avions jugé que la protection juridique de l'IVG était déjà très solide.
Comme vous le savez, l'IVG est inscrite à l'article L. 2212-1 du code de la santé publique, qui dispose que : « La femme enceinte qui ne veut pas poursuivre une grossesse peut demander à un médecin ou à une sage-femme l'interruption de sa grossesse ».
La liberté de la femme d'avorter est aujourd'hui pleinement protégée par la loi du 17 janvier 1975, qui fut portée par Simone Veil, qui fait désormais partie intégrante de notre patrimoine juridique et à laquelle le Sénat s'est toujours montré fortement attaché.
L'accès à l'IVG n'a jamais cessé d'être conforté par le législateur : allongements successifs des délais, élargissement de la liste des praticiens autorisés à pratiquer des IVG, amélioration de la prise en charge financière, suppression du critère de « situation de détresse » ou encore du délai de réflexion préalable.
Certes, le Conseil constitutionnel n'a jamais consacré de droit constitutionnel à l'avortement, mais il l'a toujours jugé conforme à la Constitution, les quatre fois où il s'est prononcé sur le sujet, en 1975, 2001, 2014 et 2016.
De surcroît, depuis sa décision du 27 juin 2001, il rattache l'IVG à la liberté de la femme, découlant du principe général de liberté posé à l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qu'il concilie avec le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation.
Telle était d'ailleurs la position exprimée par le Gouvernement lors de la dernière législature.
Il est vrai que le Conseil constitutionnel reconnaît une large marge de manoeuvre au législateur sur les questions de société, mais il n'est pas interdit de penser que, s'il était saisi d'une loi interdisant ou restreignant fortement l'IVG, il refuserait probablement de valider une atteinte disproportionnée à cette liberté fondamentale de la femme.
Existe-t-il un danger réel de remise en cause de l'IVG ?
Aucun parti politique n'a jamais indiqué vouloir remettre en question ce principe : il n'est donc pas crédible de soutenir qu'il est menacé en France comme il l'est aux États-Unis ou dans d'autres pays de l'Union européenne.
À cet égard, la situation institutionnelle de la France n'est en rien comparable à celle des États-Unis, où la Cour suprême a renvoyé aux États fédérés la compétence pour légiférer sur l'avortement dans son arrêt Dobbs v. Jackson Women's Health Organization rendu le 24 juin 2022.
En France, la situation est radicalement différente. Nous sommes une République indivisible dans laquelle le législateur national dispose d'une plénitude de compétence et où les lois sont les mêmes pour tous.
Je préfère donc rester fidèle aux conclusions rendues par le comité présidé par Simone Veil qui, en décembre 2008, n'avait pas recommandé de modifier le préambule ni d'intégrer à la Constitution de droits et libertés liés à la bioéthique, notion englobant l'IVG, et qui avait refusé d'y « inscrire des dispositions de portée purement symbolique ».
Il peut toutefois exister des difficultés d'accès à l'IVG ; et je rappelle que nous sommes particulièrement attachés à ce droit à l'interruption volontaire de grossesse. Il est anormal que certaines femmes souhaitant y recourir ne puissent le faire dans de bonnes conditions, en particulier dans certains territoires.
La constitutionnalisation résoudrait-elle ce problème ? Malheureusement non ; cette solution est donc illusoire. La Constitution ne saurait garantir l'effectivité de l'accès à l'IVG.
Il est clair, par ailleurs, que la Constitution du 4 octobre 1958 n'a pas été conçue pour qu'y soient intégrées toutes les déclinaisons des droits et libertés énoncés de manière générale dans son préambule.
De surcroît, pourquoi se limiter à l'IVG et ne pas constitutionnaliser d'autres manifestations de la liberté qui n'ont pas non plus, en tant que telles, valeur constitutionnelle, comme le mariage pour les personnes de même sexe ou d'autres droits liés à la santé ou la bioéthique ?
Au-delà de ces questions de principe, la formulation qui nous est proposée ne me paraît pas aboutie.
La difficulté de trouver une place pertinente parmi les dispositions constitutionnelles témoigne de l'absence de cohérence de l'objet de la proposition de révision avec le texte de la Constitution. Ainsi, l'intégration du droit à l'IVG au sein du titre VIII relatif à l'autorité judiciaire, juste après l'abolition de la peine de mort, a de quoi surprendre.
En outre, dès lors que la loi « garantit » « l'effectivité et l'égal accès au droit à l'IVG », cette formulation laisse entendre que cet accès pourrait être inconditionnel. Or le législateur doit pouvoir en fixer les conditions, comme pour toutes les libertés publiques : l'avortement ne saurait être un droit absolu, sans limites.
Enfin, je réitère les mêmes réserves de procédure qu'en octobre dernier.
Il convient d'avoir un débat serein sur les « mérites » d'une constitutionnalisation de l'IVG. Si ceux-ci étaient réellement démontrés, c'est en tout état de cause la voie d'un projet de loi constitutionnelle qui devrait être recherchée pour éviter de mettre au coeur de l'actualité, par référendum, un sujet sur lequel il n'y a pas aujourd'hui de débat public. La voie de l'initiative parlementaire ne nous paraît absolument pas adaptée à ce débat de fond.
Pour toutes ces raisons, je vous propose de ne pas adopter cette proposition de loi constitutionnelle.
Je me trouve dans la situation quelque peu originale de représenter le groupe qui tient lieu, en quelque sorte, d'auteur de ce texte, qui sera examiné dans le cadre de notre niche parlementaire. Nous avons déjà eu des échanges voilà peu sur ce sujet ; il nous faut y revenir.
Quelques mots, tout d'abord, sur l'argument selon lequel la législation actuelle protégerait déjà suffisamment le droit à l'IVG : nous trouvons étrange de devoir attendre qu'un droit soit menacé pour songer à le protéger. Je fais un parallèle : nous n'avons pas hésité à défendre la constitutionnalisation de l'abolition de la peine de mort alors que cela n'était pas juridiquement nécessaire compte tenu des engagements internationaux de la France.
Vous dites, ensuite, que ce droit n'est pas remis en cause ni en France ni en Europe. Mais voyez la Hongrie, la Suède, l'Italie, après l'épisode espagnol de 2014, sans même pointer les déclarations de certains de nos collègues sénateurs, fort heureusement minoritaires, qui parlent d'« infanticide légalisé » ! Une manifestation a d'ailleurs eu lieu à Paris le week-end dernier sur ce sujet.
J'en viens à l'argument selon lequel le droit à l'IVG serait déjà garanti par la Constitution, au titre des libertés fondamentales. Non, notre rapporteur l'a dit, le fait que le Conseil constitutionnel, saisi, ne l'ait pas déclaré inconstitutionnel ne suffit pas à faire de ce droit un droit constitutionnellement protégé : ce raisonnement a contrario ne suffit pas. Vous avez raison de soulever la question de l'effectivité de l'accès ; mais c'est un autre sujet.
Je tiens à votre disposition le sondage réalisé par l'Ifop voilà six mois sur la question de l'IVG : un tiers des Français pensent qu'une remise en cause du droit à l'IVG est possible. Concernant le principe de son inscription dans la Constitution, 81 % des Français y adhèrent, indépendamment de leur sensibilité politique : 77 % des électeurs de Mme Pécresse et 82 % des catholiques y sont favorables.
Quid, enfin, de l'utilité de cette inscription de l'accès à l'IVG dans la Constitution ? Quelque 77 % des Français la trouveraient utile.
Ces éléments doivent être pris en considération dans notre appréciation du sujet. Nous ne cessons de demander au Gouvernement de prendre la main en déposant un projet de loi. Alors que l'Assemblée nationale a très largement voté en faveur de ce texte, le Gouvernement ne semble pas se décider ; il est incontestable qu'un vote du Sénat le pousserait à agir.
Je vous remercie, ma chère collègue, de ces précisions très utiles, et je remercie le groupe Socialiste Écologiste et Républicain d'avoir inscrit ce texte à l'ordre du jour du Sénat, quelques semaines après la discussion de la proposition de loi de Mélanie Vogel. À titre personnel, je voterai pour ce texte ; j'avais d'ailleurs cosigné celui de Mme Vogel : je continue de penser qu'il est nécessaire de rehausser le niveau de protection accordé à l'IVG, qui fait pleinement partie de notre contrat social. Contrairement au texte que nous avons examiné en octobre dernier, le texte adopté par l'Assemblée nationale ne fait pas référence à la contraception ; il est le fruit d'un travail transpartisan dont je me félicite.
La constitutionnalisation du droit à l'IVG devrait s'accompagner de son inscription dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, que le Président de la République et le Parlement européen appellent d'ailleurs de leurs voeux. À cet égard, je me réjouis que la France et l'Allemagne aient engagé très récemment un travail de mise à jour de cette charte. Il faut désormais espérer que le couple franco-allemand réussira à convaincre les États membres les moins respectueux du droit à l'IVG, dans la mesure où toute modification de la Charte ne peut être décidée qu'à l'unanimité.
Considérez, mes chers collègues, qu'un danger imminent pèse sur le droit à l'IVG ; j'invite ceux qui n'en seraient pas convaincus à changer de position.
Je n'ai rien à retrancher à l'analyse présentée par Agnès Canayer, à laquelle je souscris ; je me contente d'y ajouter quelques considérations.
J'exclus totalement l'adoption du texte qui nous est soumis, qui est tout simplement mal rédigé et n'est pas approprié à l'objectif allégué de ses auteurs. Pour qu'une révision constitutionnelle soit adoptée, il faut avant tout que le texte en soit écrit en langue française. En l'espèce, « La loi garantit l'effectivité et l'égal accès au droit... », est-il écrit. « L'effectivité au droit », donc : pour commettre une erreur de syntaxe aussi manifeste et aussi grave, il faut être pratiquement analphabète !
Mes chers collègues qui avez voulu inscrire cette proposition de loi constitutionnelle à l'ordre du jour des travaux du Sénat, à tout le moins, par respect pour le Parlement et pour la Constitution, il eût fallu que vous l'amendiez pour écrire, par exemple, « La loi garantit l'accès effectif et égal au droit à l'interruption volontaire de grossesse », ce qui veut dire la même chose, mais le dit correctement. Je ne voterai jamais un texte de révision constitutionnelle qui n'est pas écrit en langue française. Et je ne comprends pas qu'il ait pu être adopté par l'Assemblée nationale - ce point me paraît dirimant.
Éliane Assassi et Marie-Pierre de La Gontrie. - Amendez-le !
Amendez-le vous-mêmes, puisque vous voulez son adoption !
À supposer même que vous l'ayez réécrit en langue française, ce qui est bien sûr à votre portée, il me semble que ce texte n'est pas approprié, pour une raison très simple : il porte sur une mesure organisationnelle, l'effectivité, et sur les modalités d'accès à ce droit, l'égalité ; or ce sujet-là n'est pas exactement celui que vous voulez traiter.
Vous voulez inscrire dans la Constitution le droit à l'interruption volontaire de grossesse ; mais justement, la disposition dont nous avons à débattre ne définit pas ce qu'est ce droit. Or le Conseil constitutionnel ne parle pas d'un droit, mais d'une liberté, que la décision de 2001 a élevée au rang des libertés constitutionnelles. Bien entendu, le Conseil constitutionnel pourrait un jour faire évoluer sa jurisprudence, mais, en l'état actuel du droit, il s'agit d'une liberté de nature constitutionnelle. Mais toute liberté a des limites ; en l'espèce, ces limites sont définies de manière tout à fait équilibrée par la loi Veil, qui dispose qu'il faut concilier la liberté de la femme enceinte d'interrompre sa grossesse avec les droits de l'enfant à naître, les seconds prévalant sur la première à partir de la quatorzième semaine, sauf motif thérapeutique - jusqu'à la quatorzième semaine, c'est la liberté de la femme qui prévaut sur les droits de l'enfant à naître.
Si vous inscrivez dans la Constitution la liberté de la femme enceinte de mettre un terme à sa grossesse, vous devez aussi assigner au législateur le devoir d'en déterminer les conditions et les limites. Si l'on avait constitutionnalisé la loi Veil, on n'aurait pas pu allonger le délai de dix à douze puis à quatorze semaines sans révision de la Constitution ; on n'aurait pas pu supprimer la condition de détresse sans révision de la Constitution ; on n'aurait pas pu faciliter l'accès des femmes mineures à l'interruption volontaire de grossesse sans révision de la Constitution.
Vous voyez qu'il y a là un débat substantiel, complètement escamoté : dès lors que l'on ne préserve pas les pouvoirs du législateur en matière d'avortement, alors cela se retourne contre toute revendication féministe, et non pas seulement contre ceux qui voudraient mettre en cause la loi Veil.
Par conséquent, j'incite à la plus grande prudence dans l'examen de cette question, qu'il faut traiter sans instrumentalisation politicienne et sans renvoyer ceux qui sont contre à une supposée hostilité à l'avortement tel qu'il est permis par la loi Veil - cela est faux et même offensant. Je considère, comme Mme de La Gontrie, que le Gouvernement et le Président de la République n'assument pas leurs responsabilités dans ce processus de révision constitutionnelle.
Voilà un texte mal fagoté, qui n'a pas même été soumis au Conseil d'État - je ne parle pas de le soumettre à l'Académie française : on peut s'en dispenser... -, dont la qualité juridique est très contestable : tel est le premier défaut d'une révision constitutionnelle dont le Président de la République ne prend pas l'initiative sur proposition du Gouvernement. Son deuxième défaut est le suivant : le champ du possible se referme, puisqu'on n'a plus le choix entre le Congrès et le référendum - si un texte de révision d'initiative parlementaire est adopté en lieu et place d'un projet de loi constitutionnelle, c'est obligatoirement la voie du référendum qui prévaut.
En ce qui me concerne, je ne suis pas fermé à l'idée d'inscrire une telle liberté dans la Constitution, puisqu'elle est déjà reconnue comme étant de rang constitutionnel compte tenu de la décision de 2001. Encore faut-il une rédaction simple, sobre, cohérente. Pareille rédaction est possible : il suffit d'écrire que la loi détermine les conditions et les limites dans lesquelles s'exerce la liberté de la femme enceinte de mettre fin à sa grossesse. Je vous propose, mes chers collègues, que nous y réfléchissions ensemble.
Je remercie Mme Canayer pour son rapport sur ce texte qui porte sur un sujet sur lequel nous avons déjà débattu, et Mme de La Gontrie d'avoir exposé l'essentiel des arguments décisifs.
Je m'étonne de la position de M. Bas : vous êtes fin législateur, et vous vous attardez sur la forme... Il ne s'agit pas de décerner un prix Nobel ou quelque prix littéraire que ce soit ! Cette insistance sur un élément qui n'est d'aucune importance montre que vous n'avez pas d'arguments, s'agissant d'un sujet grave qui concerne les femmes.
Ce n'est pas parce que le droit à l'IVG a été voté il y a cinquante ans qu'il est hors de danger à jamais ; a contrario, jetez un oeil à la législation néerlandaise, particulièrement protectrice. Nous devons entendre les demandes de la population et les exigences du mouvement social : la Constitution n'est pas un texte sacré ou intouchable. Il faudra bien, un jour, voter ce texte, que l'exécutif devrait certes s'approprier sous forme de projet de loi.
Je voterai cette proposition de loi et j'espère, mes chers collègues, que vous changerez de position : je ne souhaite pas que le Sénat donne l'impression qu'il est un lieu de réaction.
Au-delà de la compétence syntaxique forte du questeur Bas, qui empêche manifestement d'étudier le fond du sujet,... la question qui nous est posée est claire.
On nous oppose que le droit à l'IVG n'est pas menacé en France. C'est faux ! L'extrême droite identitaire fait de cette question un combat fondamental. On peut décider de ne pas le voir, mais c'est une réalité : en ce sens, cette liberté est menacée.
Je rappelle que le bloc de constitutionnalité va beaucoup plus loin que le texte de la Constitution proprement dite : il englobe la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ainsi que les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et les principes « particulièrement nécessaires à notre temps » du préambule de 1946. Au sein de ce bloc, l'IVG est considérée comme une liberté de second rang ; nous considérons qu'il n'est pas possible d'en rester là.
J'entends les arguments de Mme le rapporteur : après tout, si une menace sur l'IVG venait à se manifester, le Conseil constitutionnel jouerait son rôle. Mais cela veut dire que nous nous remettons dans les mains d'une cour suprême ; or, en fonction de la composition de celle-ci, la jurisprudence peut varier. Et qu'on ne me dise pas que c'est impossible : c'est arrivé aux États-Unis. Le pire peut advenir !
Plus fondamentalement, les constitutions ont deux fonctions. La première est de définir le fonctionnement des pouvoirs publics ; la seconde est d'énoncer des principes déclaratifs, symboliques. Ce n'est pas pour rien que la nôtre a été modifiée vingt-quatre fois, parfois de manière substantielle.
Sur le fond, nous convergeons au moins sur une chose : en effet, la proposition de loi n'était sans doute pas le véhicule le plus adapté et le Gouvernement aurait dû prendre son courage à deux mains en déposant un projet de loi. À cet égard, si le Sénat votait pour le présent texte, il est bien entendu que cela l'obligerait.
Les Français seraient favorables à 80 % à la constitutionnalisation de l'IVG, nous dit-on. Je serais curieuse de savoir si, parmi ce panel de Français interrogés, tous ont connaissance de la hiérarchie des normes et des implications réelles d'une constitutionnalisation.
En revanche, je l'admets aisément, ce chiffre montre combien les personnes interrogées sont attachées à la liberté des femmes de recourir à l'IVG, ce qui confirme qu'il n'y a pas en France, en réalité, d'opposition massive à ces dispositions, contrairement à ce que dit M. Kerrouche. On ne voit pas de manifestation massive d'une telle opposition dans les divers partis politiques. Qui est cette extrême droite identitaire à laquelle il a été fait référence ? En tout cas, l'extrême droite qui est élue au Parlement, c'est-à-dire le Rassemblement national, a exprimé majoritairement, par la voix de ses députés, sa volonté de constitutionnaliser la liberté des femmes de recourir à l'IVG...
Ce problème est un problème américain : il y a là-bas de forts débats, en effet, qui sont peut-être liés au fait que dans certains États l'avortement est possible jusqu'à six mois de grossesse.
En France, je ne vois pas à quel titre nous modifierions notre loi fondamentale pour y inscrire une liberté que personne ne conteste et à laquelle les Français sont attachés. Je voterai contre ce texte.
Ce débat n'est pas si exclusivement américain que cela... Si nous proposons de nouveau, quelques semaines après un premier débat sur la constitutionnalisation de l'IVG, un texte du même esprit, nous restons lucides : nous imaginons bien que la majorité sénatoriale ne changera pas d'avis, mais nous essayons malgré tout de vous convaincre.
Un projet de loi constitutionnelle serait un meilleur véhicule ; mais il faut que le Sénat joue son rôle. Si vous estimez que la rédaction proposée n'est pas idéale, monsieur Bas, amendez-la ! Nous n'avons pas besoin d'un vote conforme, mais d'une amélioration de ce texte. Si la rédaction issue de tels travaux peut ensuite convenir à l'Assemblée nationale, ou au Gouvernement qui déciderait de la reprendre sous la forme d'un projet de loi, nous aurons progressé et notre démarche aura eu du sens - tel est l'objet même de la navette parlementaire.
Je remercie Agnès Canayer pour son travail sur un texte difficile, qui fait l'objet d'interprétations et d'appréciations devant lesquelles je ne suis pas sans éprouver une certaine gêne.
Sur le fond, ceux qui réclament la sacralisation de ce droit que j'approuve totalement nous disent en même temps qu'une Constitution se modifie. Ainsi reconnaissent-ils que la constitutionnalisation ne protège pas de façon pérenne.
Quant au sondage sur la volonté des Français de constitutionnaliser le droit à l'IVG, je partage les réserves exprimées par Muriel Jourda ... La question telle qu'elle est posée peut conduire à se dire favorable à la constitutionnalisation au motif fallacieux qu'être contre reviendrait à vouloir supprimer le droit à l'IVG...
Une menace pèse-t-elle en France sur le droit à l'IVG ? Je crois beaucoup à la souveraineté de la France ; il appartient à chacun d'entre nous de défendre la démocratie et ses valeurs. Je me refuse à intérioriser l'idée qu'en 2027 un tsunami électoral surviendrait forcément qui remettrait en cause ce droit. Le cas échéant, mes chers collègues, le régime dont il est question en menacerait bien d'autres. Quid du droit au logement, par exemple ? Les sénateurs qui ne voteront pas ce texte ne sont pas du tout opposés à l'IVG. Notre devoir est de garantir l'effectivité de ce droit.
Tous les arguments qui ont été échangés sont recevables et respectables. Ne soyons ni excessivement alarmistes ni excessivement confiants. J'ai entendu l'une de nos collègues faire référence aux votes émis par les élus d'un certain groupe politique à l'Assemblée nationale. Restons au Sénat : ce lundi après-midi, ici même, dans la salle Monory, a eu lieu une conférence, parrainée par l'un de nos collègues, dont les participants ont remis en cause l'accès à l'IVG et sa constitutionnalisation...
Je remercie Agnès Canayer pour son rapport.
Je réponds à M. Bourgi : un colloque a en effet eu lieu ce lundi ; un autre avait eu lieu le lundi précédent, organisé par Michelle Meunier, sur la constitutionnalisation de l'IVG, à laquelle assistait l'une de mes consoeurs, gynécologue, qui m'a dit peiner à comprendre la signification et les conséquences de la « constitutionnalisation ».
Certes, les femmes rencontrent des difficultés dans notre pays, mais ces difficultés sont avant tout liées au manque de moyens des plannings familiaux, des médecins scolaires, de la médecine en général. Quand une maternité ferme, c'est dans bien des cas un centre IVG qui ferme aussi.
En ce qui concerne l'extrême droite, notre rôle est celui de la vigilance démocratique : au lieu de faire comme si elle allait accéder au pouvoir en 2027, battons-nous pour que cela n'arrive pas. Car l'inscription dans la Constitution ne l'empêcherait pas de balayer ces droits d'un revers de main.
Je réaffirme fortement qu'il y a une différence entre la question de la constitutionnalisation et celle de l'IVG : ne les amalgamons pas. Le problème n'est pas de savoir si l'on est pour ou contre l'IVG ; il est de savoir si l'on souhaite constitutionnaliser ce droit.
Le Conseil constitutionnel s'est déjà prononcé sur l'IVG ; il l'a reconnue comme une déclinaison de la liberté de la femme. L'inscription dans la Constitution ne présagerait pas de l'avenir : ce texte a déjà été modifié vingt-quatre fois et un renversement de régime conduirait probablement à changer de Constitution ; il ne s'agit pas d'une arme absolue.
A contrario, une inscription mal ficelée, mal rédigée, trop restrictive, viendrait restreindre les libertés et limiter les prérogatives du législateur. Or la rédaction du texte qui nous est soumis n'est pas acceptable à cet égard, au-delà même de la faute de syntaxe qui y figure.
J'ai mené beaucoup d'auditions sur cette question : il y a beaucoup de réserves sur cette proposition de loi. Certains de mes collègues députés m'ont même dit qu'ils avaient voté pour sachant que le Sénat s'y opposerait...
Ce texte tel qu'il est rédigé n'est pas acceptable. Jean-Yves Leconte nous invite à l'amender ; mais le droit d'amendement appartient à tous les parlementaires.
EXAMEN DES ARTICLES
Motion
J'émets un avis défavorable à la motion COM-1 tendant à opposer la question préalable déposée par M. Ravier : ce sujet mérite débat.
La motion COM-1 n'est pas adoptée.
Notre rôle, en tant que législateurs, est d'écrire la loi de façon claire et précise. Chacun a en mémoire, pour ne citer que cet exemple, la si limpide définition de la responsabilité civile contenue dans l'ancien article 1382 du code civil : « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer. »
Il faut redire clairement que nous sommes tous favorables à l'interruption volontaire de grossesse telle qu'elle est reconnue par la loi ; il n'est pas question de faiblir sur ce point.
Éric Kerrouche a dit qu'on ne pouvait pas prévoir, voilà quelques années, qu'un colloque comme celui qui a été organisé au Sénat ces jours-ci aurait lieu. Mais on ne pouvait pas plus prévoir que des propos d'une violence terrible, que je condamne, seraient tenus à l'Assemblée nationale par des députés d'extrême gauche.
Enfin, s'agissant d'un sujet aussi important, il n'est pas acceptable que le Gouvernement n'assume pas sa responsabilité.
Je suivrai notre rapporteur. Un travail plus sérieux serait nécessaire si nous voulions qu'un tel texte puisse prospérer.
Article unique
L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi constitutionnelle n'est pas adopté.
Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte de la proposition de loi constitutionnelle adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture.
Le sort de l'amendement examiné par la commission est retracé dans le tableau suivant :
La réunion est close à 12 h 10.