Intervention de François-Noël Buffet

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 18 janvier 2023 à 16h40
Justice et affaires intérieures — Enjeux juridiques en matière de politique étrangère et de sécurité commune pesc d'une adhésion de l'union européenne ue à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales cesdh - communication

Photo de François-Noël BuffetFrançois-Noël Buffet, président de la commission des lois :

Ce dossier nous paraît soulever des enjeux d'abord purement juridiques.

En premier lieu, il apparaît contestable de procéder à une extension des compétences de la CJUE, en allant frontalement à l'encontre de ce qui est prévu par les traités par le biais d'une simple déclaration intergouvernementale interprétative.

Même si les déclarations intergouvernementales interprétatives existent en droit international, la particularité de la construction européenne et la sensibilité des sujets en cause doivent conduire à une grande prudence. On assisterait en l'espèce à une forme de révision déguisée des traités, qui ne correspond pas à la procédure prévue par l'article 48 du traité sur l'Union européenne.

Peut-être certains considèrent-ils qu'une révision en bonne et due forme des traités, pourtant demandée par la Conférence sur l'avenir de l'Europe, serait impossible à atteindre. Il reste que ce serait créer un précédent dangereux, qui apparaît contraire à l'État de droit, alors que le traité de Lisbonne a été ratifié par les États membres et a, dans le cas français, donné lieu à une révision de la Constitution.

J'ajouterai, au surplus, que la voie proposée d'une déclaration interprétative n'était absolument pas mentionnée dans les directives de négociation concernant l'adhésion de l'Union à la Convention européenne des droits de l'homme et qu'on peut donc considérer, en pur droit, qu'il n'appartenait pas à la Commission de la formuler.

En second lieu, il faut souligner que, dans une affaire concernant la mission PESC « Eulex Kosovo », le tribunal de l'Union européenne s'est déclaré incompétent au mois de novembre 2021, en se fondant justement sur l'absence d'une base juridique idoine dans les traités. Or la Commission s'est jointe à l'appel formé par les requérants devant la CJUE afin de renverser ce jugement d'incompétence.

Le fait de proposer une déclaration intergouvernementale interprétative en cours de procédure devant la Cour de justice de l'Union européenne pourrait laisser penser à une tentative de la Commission d'instrumentaliser le Conseil dans l'espoir d'obtenir un revirement de jurisprudence de la Cour. C'est une question qui mérite d'être considérée en tant que telle, alors que la prudence voudrait qu'on s'abstienne de prendre position dans ce domaine tant que la CJUE ne s'est pas prononcée dans cette affaire.

Là encore, la France s'est retrouvée isolée lors du Conseil JAI du 9 décembre : seule la Hongrie a soutenu sa position consistant à demander de ne pas adopter une telle déclaration en cours de procédure.

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