Madame la rapporteure générale, nous prévoyons un retour à l'équilibre en 2030 en retenant l'hypothèse de productivité dite « centrale ». Un taux de chômage à 4,5 % est effectivement optimiste et, pour l'atteindre, nous devrons poursuivre des politiques d'emploi très actives. Il nous a semblé difficile de retenir un scénario plus pessimiste, impliquant des mesures paramétriques plus rapides et plus amples, à nos yeux difficiles à mettre en oeuvre.
J'en viens à la solidarité interbranches. La branche AT-MP a la caractéristique d'être particulièrement excédentaire. À l'horizon 2026, cet excédent est estimé à 3,3 milliards d'euros, une fois retranché le transfert à la branche maladie traditionnellement adopté dans le cadre des PLFSS. Si 200 millions d'euros sont dépensés en faveur du fonds de prévention de l'usure professionnelle, il restera 3,1 milliards d'euros ; et si nous réduisons de 1 milliard d'euros les cotisations AT-MP des employeurs, l'excédent restera de l'ordre de 2 milliards d'euros, ce qui est raisonnable et même confortable. Cette réduction de cotisations serait compensée par une hausse de 0,12 point de la cotisation Cnav des employeurs, représentant elle aussi 1 milliard d'euros ; la mesure serait donc neutre pour les employeurs, mais elle permettrait de dégager des recettes pour la Cnav.
Les risques ergonomiques sont la priorité des accords de prévention de l'usure professionnelle. Bien sûr, l'exposition aux agents chimiques ne doit pas être sous-estimée. Pour nous, cette question relève plus de la sécurité que de la pénibilité, ce qui suppose avant tout des normes d'interdiction, mais je reste tout à fait ouvert au débat sur ce point.
Si la refonte de l'assiette de cotisations sociales des indépendants ne figure pas dans ce texte, c'est parce qu'elle n'aura pas d'effet sur les comptes sociaux de 2023. En outre, elle exige un travail technique que nous ne pouvions pas mener dans les délais qui nous étaient imposés.
Nous travaillons actuellement avec les partenaires sociaux, en particulier les employeurs les plus impliqués dans la gestion du Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI), pour que les meilleures protections soient assurées. Ces sujets ne sont pas de nature législative, mais réglementaire. Ils supposent un certain nombre d'autorisations ministérielles. Quant aux salariés agricoles, ils bénéficieront pleinement des mesures décidées au titre du régime général.
Monsieur Savary, pour éclairer les débats et ouvrir un certain nombre de discussions, nous avons tenu à fournir le rapport d'évaluation que vous évoquez. De plus, nous avons l'obligation d'assortir chaque mesure d'une fiche d'impact ; c'est le cas pour tout PLFSS. Le secrétariat général du Gouvernement est censé avoir transmis ces documents aux deux assemblées ; je vais m'assurer qu'ils ont bien été communiqués au Sénat.
La garantie de la retraite minimale à 85 % du Smic ne s'applique pas aux micro-entrepreneurs relevant de la Cipav ni aux professions libérales. Ces régimes particuliers n'ont jamais instauré de minimum de pension : il est difficile de relever un minimum qui n'existe pas. C'est peut-être un point à travailler avec eux.
Les régimes complémentaires ne seront pas mis à contribution directement : nous procédons par augmentation du minimum contributif.
Je vous le confirme, d'ici à l'été prochain, nous proposerons au Parlement un texte relatif au travail et à l'emploi. Nous y traiterons non seulement de l'emploi et de la formation des seniors, mais aussi de la mise en oeuvre de France Travail, de l'accompagnement amélioré et renforcé des allocataires du revenu de solidarité active (RSA) ou encore de la formation professionnelle pour compléter l'ouvrage autant que nécessaire.
Au sujet des catégories actives, nous avons raison tous les deux. Certains cadres d'emploi de la fonction publique territoriale et certains corps de l'État sont soumis à la clause d'achèvement, d'autres non. En la supprimant, nous permettrons à tout agent public travaillant dans une catégorie active de finir sa carrière dans un emploi dit « sédentaire » sans perdre ses droits au départ anticipé.
La réforme Touraine de 2013 a porté la durée de cotisation de quarante-deux à quarantetrois ans ; nous en accélérons la mise en oeuvre. Actuellement, pour bénéficier du départ à 58 ans, il faut non seulement avoir travaillé cinq trimestres avant 16 ans, mais aussi présenter une durée de cotisation égale à la durée minimale obligatoire augmentée de deux ans. Nous ramenons cette durée à un an, y compris pour tenir compte de la mise en oeuvre progressive de la réforme Touraine.
En réalité, notre réforme réduit l'écart entre la durée de cotisation minimum pour une pension à taux plein et la durée de cotisation effective des différents actifs : cet écart a pu atteindre huit ans par le passé, notamment avant la reconnaissance des carrières longues, en 2003.
Du reste, la durée d'affiliation au régime permettant de bénéficier d'une pension à taux plein n'a jamais été un plafond, c'est un minimum, un plancher. Dans le système actuel, sur les 800 000 départs par an, 180 000 sont le fait d'assurés ayant plus de trimestres que nécessaire pour avoir une retraite à taux plein. Nous réduisons fortement l'écart entre ceux qui ont commencé à travailler tôt et ceux qui ont commencé plus tard.
Madame Vermeillet, le délai de six mois pour la mise en oeuvre de la réforme est classique pour les réformes des retraites. Cela permet d'atteindre nos objectifs d'équilibre de la réforme ; le relèvement de trois mois de l'âge permettant d'ouvrir les droits n'est pas la seule mesure qui entrera en vigueur le 1er septembre prochain : la disposition concernant le minimum de pension, pour le stock comme pour le flux, celle qui concerne les carrières longues et toutes les mesures de progrès, de justice, le seront également.
Sur le déplafonnement des cotisations, nous ne souhaitons pas aller au-delà de ce qui existe - 2,3 % de plus que le plafond de la sécurité sociale -, parce que cette mesure s'inscrit bien dans un système universel d'acquisition de points mais fonctionne moins bien dans un système fondé sur la validation de trimestres.
Les polypensionnés seront éligibles au minimum de pension, je vous le confirme. J'ai toutefois une incertitude sur ceux dont une partie de la carrière relève de la Cipav ; je regarderai ce point de plus près.
Pour les régimes spéciaux, il n'y a aucun risque de soutenabilité financière. Les flux à organiser seront précisés dans le PLFSS pour 2024. Les régimes spéciaux et autonomes conserveront la pleine possession de leurs réserves, car le fait de ne pas être inclus dans un système universel ne pose pas la question de la mutualisation des réserves.
Enfin, sur les droits familiaux, nous avons prévu la création d'une assurance vieillesse pour les aidants, ainsi que la prise en compte des trimestres cotisés au titre de l'assurance vieillesse du parent au foyer, l'AVPF, pour l'éligibilité au départ anticipé pour carrière longue ou au minium de pension. Il y a des attentes sur certains aspects de la pension de réversion, et le Sénat et l'Assemblée nationale souhaitent majoritairement une harmonisation des droits. La maternité permet de valider quatre trimestres dans le régime général mais seulement deux dans la fonction publique. Cela pouvait s'expliquer quand les carrières de la fonction publique étaient plus linéaires que celles du privé, mais cela se justifie moins aujourd'hui. Ces trimestres de maternité étaient liés à des interruptions d'activité ; aujourd'hui, il peut y avoir cumul de validation de trimestres pendant la même période du fait des systèmes d'indemnisation des périodes de congé maternité. Il y a un travail long et complet à faire sur le sujet. Nous avons saisi le COR sur cette question.
Nous ne toucherons pas au fonds de réserve, qui est très bas, autour de 5 milliards d'euros.
Sur les élus, des dispositions ont été prises. Une lettre ministérielle de mars 2022 a réglé quelques situations mais il faut continuer d'y travailler. Nous étudions la question des rachats de trimestres non cotisés du fait de l'exercice de mandats pour réparer cette inégalité de traitement importante.