Monsieur Vanlerenberghe, la pension minimale à l'issue d'une carrière complète cotisée au Smic sera bien fixée à près de 1 200 euros brut, ce qui correspond à 85 % du Smic net à fin 2023. Le montant exact dépendra du montant du Smic année après année. Le seul prélèvement qui s'appliquera sur cette pension sera la CSG. On ne peut pas déterminer, individu par individu, le taux de CSG appliqué, car celui-ci dépend du niveau de ressources du foyer fiscal et non du niveau de la retraite. On peut imaginer que les titulaires de la pension minimale appartiendront plutôt aux foyers assujettis aux taux les plus faibles, mais il peut y avoir des exceptions.
Sur la durée de cotisation, j'ai répondu à votre question précédemment : nous sommes dans une logique de rapprochement maximal des durées de cotisation effectives des assurés, afin que la durée minimale pour accéder à la retraite à taux plein ne soit pas exagérément allongée. La suppression de telle ou telle condition coûterait rapidement plusieurs centaines de millions d'euros.
Vous m'interrogez sur le lien entre la prise en compte des trois nouveaux critères ergonomiques, par la signature d'accords de branche sur la prévention, et le suivi médical permettant des départs anticipés. En effet, le dispositif est organisé autour de la prévention et du suivi médical. Si nous faisions un lien entre ces trois critères ergonomiques et le C2P, cela reviendrait à dire que l'exposition à ces trois risques serait source d'acquisition de points au titre du C2P, ce qui donnerait droit à un départ anticipé sans avis médical. Nous n'avons pas su résoudre ce point de désaccord avec les organisations syndicales réformistes : notre dispositif permet des départs anticipés, donc une forme de réparation, comme l'utilisation des points C2P, en tenant compte de l'effectivité de l'exposition à ces trois critères ergonomiques.
Prenons un exemple, celui du métier de menuisier, qui est concerné par la pénibilité. Quand on l'exerce sur une charpente, dans des chantiers extérieurs, dans le froid ou la chaleur, avec de la manipulation directe, les notions de port de charges lourdes, d'exposition aux vibrations et de postures pénibles sont évidentes et exigent réparation. En revanche, si on l'exerce dans un atelier, avec une température contrôlée et sur une machine à commande numérique, le degré de pénibilité est très différent. Le suivi médical renforcé et individuel permettra de tenir compte de la pénibilité effective. De même, être aide-soignant dans un établissement doté de matériel de transport des malades n'expose pas à la même pénibilité que le fait de travailler dans un établissement sans équipements de ce type. Le suivi médical permet d'apporter une réponse différenciée selon les expériences.
Je vous le confirme aussi, la maquette financière de la réforme intègre bien les recettes liées aux emplois créés dans les recettes de la Cnav.
Sur votre proposition de « clause » de revoyure, le Gouvernement souhaite adopter une trajectoire de relèvement de l'âge permettant d'assurer l'équilibre à l'horizon de 2030. Cela étant dit, le Parlement peut tout à fait prévoir des mécanismes de suivi de l'application de la loi, quel que soit d'ailleurs l'avis du Gouvernement ; pour ma part, j'y suis favorable.
L'application de l'article 40 de la Constitution ne relève pas du Gouvernement. En outre, elle ne dépend non pas de la nature du texte mais de la nature des amendements. Vous me demandez de faire preuve d'ouverture d'esprit ; en effet, certains amendements exigeront une telle ouverture d'esprit. J'ai indiqué hier à l'Assemblée nationale que nous étions ouverts à des systèmes permettant de faciliter le rachat de trimestres pour études longues ou pour les stages. Cette déclaration publique faite au nom du Gouvernement a vocation à lever par anticipation le risque d'irrecevabilité au titre de l'article 40.
Mme Lubin m'a interrogé sur la nature du texte. Si nous avons opté pour un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, c'est que la quasi-totalité des dispositions présentées ont un impact - dépenses ou recettes - sur les comptes sociaux.
Vous demandez l'aménagement de la décote ; elle est déjà aménagée par les mesures que nous proposons. Maintenir l'âge de suppression de la décote à 67 ans, soit trois ans après le nouvel âge d'ouverture des droits, est une première : chaque relèvement de l'âge de départ s'était accompagné d'un relèvement de l'âge de suppression de la décote. Ainsi la décote, qui peut à l'heure actuelle atteindre 25 %, sera-t-elle limitée à 15 %. Voilà un premier aménagement, peut-être insuffisant à vos yeux ; c'est une mesure de protection de celles et ceux qui n'ont pas une carrière complète.
Nous aurons l'occasion de revenir sur la question des trimestres d'apprentissage ; je vois d'ores et déjà deux questions dans votre intervention, madame la sénatrice.
Premièrement, les trimestres d'apprentissage réalisés avant 2014 - à cette date, les rémunérations afférentes ont été relevées de sorte que chaque trimestre d'apprentissage puisse être validé comme un trimestre de retraite - pourront-ils être pris en compte ? Soit les apprentis auront cotisé à hauteur de 150 heures par trimestre au niveau du Smic de l'époque - cela nécessite de reconstituer les carrières -, soit, possibilité peut-être moins attrayante, on pourrait envisager d'autoriser et de faciliter le rachat de trimestres réalisés au titre de l'apprentissage lorsque ceux-ci n'ont pas donné lieu à cotisations ou à des cotisations sur des niveaux de rémunération très bas, comme cela a pu être le cas voilà fort longtemps.
La bonification pour enfant est actuellement de quatre trimestres supplémentaires dans le régime général contre deux dans la fonction publique. Je suis très ouvert à ce qu'une réflexion soit menée sur les droits familiaux de manière générale, y compris sur les pensions de réversion, madame Jacquemet - en la matière, treize régimes coexistent, et autant d'injustices et d'inégalités. Nous avons saisi le COR de cette question.
Concernant le niveau minimum de pension, comme je l'ai dit à M. Savary, il ne s'agit pas d'une allocation ou d'une garantie différentielle, mais d'un relèvement du minimum contributif. Nous faisons le choix de relever de 75 euros le minimum contributif majoré, accessible à tout assuré ayant cotisé 120 trimestres, c'est-à-dire trente ans, et de 25 euros le minimum contributif de base. C'est ce mixte qui permet de couvrir le plus de monde possible, et notamment les carrières hachées : des personnes qui ont connu une carrière incomplète auront accès à tout ou partie de cette revalorisation.
Pour les carrières complètes, la hausse serait de 100 euros, ce qui permet de passer d'environ 1 063 euros actuellement à 1 170 euros immédiatement et, selon nos prévisions, 1 193 euros en septembre ; 7 euros, madame Vogel, nous savons que cela compte. Vous aurez d'ailleurs noté que je prends toujours la précaution d'évoquer une retraite minimale de « près » de 1 200 euros, car je sais pertinemment que le chiffre est plutôt de 1 193 euros.