Ce sujet est d'apparence technique, mais il est profondément politique.
Je partage les préoccupations qui ont été exprimées et l'idée que les actes régaliens, en particulier en matière de politique étrangère et de défense, doivent être sanctuarisés. En ce qui concerne le statut des militaires ou la lutte contre le terrorisme, par exemple, je crois que la France a péché par insuffisance d'analyse en amont des projets de textes européens - je pense à la directive sur le temps de travail ou au règlement général sur la protection des données (RDPD).
Je crois que l'idée qu'il pourrait y avoir une approche différente sur les valeurs entre la CJUE et la CEDH est un non-sujet. En effet, la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne fait explicitement référence aux droits qui résultent de la Convention européenne des droits de l'homme.
Par ailleurs, l'obligation d'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'homme, telle qu'elle est prévue dans le traité, conduirait la CEDH à traiter de tous les sujets pouvant lui être soumis, sans exclusion ou réserve en ce qui concerne la PESC ou la PSDC. La CJUE avait déjà adressé un tir de barrage à ce sujet en 2014 et elle a renouvelé cette position en 2019 avec des arguments forts : il serait en effet paradoxal, d'une part, que la CJUE ne soit pas compétente en matière de PESC, alors que la CEDH le serait, d'autre part, que des actes et décisions de l'Union européenne, en particulier dans des domaines régaliens, soient soumis à des magistrats ressortissants de pays non membres de l'Union européenne, par exemple la Russie ou la Turquie.
La plupart des États membres ne nous suivent pas. En Europe, l'idée la plus répandue est que le contrôle de l'État de droit doit être confié à des tiers. De ce point de vue, la CEDH est tout indiquée. La proposition de résolution européenne (PPRE) envisagée est donc très bienvenue.
En fait, la Commission essaie de protéger la CJUE. En effet, la CEDH deviendrait compétente sur la PESC. En somme, la Commission pousse la CJUE à outrepasser son mandat pour éviter qu'une autre instance ne devienne compétente à sa place. Au fond, la question est de savoir quelle sera la juridiction faîtière. L'adhésion de l'Union européenne à la CEDH donnerait à cette instance un rôle faîtier, au-dessus de la CJUE, ce qui n'est pas convenable. Bref, si les autres États membres acceptent de ne pas remettre sur le tapis la question de l'adhésion à la CEDH, la Commission n'aura aucun motif d'organiser un contre-feu en donnant à la CJUE des pouvoirs supplémentaires.