Intervention de Pascale Andréani

Commission des affaires européennes — Réunion du 30 avril 2020 à 14h30
Justice et affaires intérieures — Audition de Mme Pascale Andréani ambassadrice de france en hongrie par téléconférence

Pascale Andréani, ambassadrice de France en Hongrie :

S'agissant de la question de l'effectivité du contrôle, le Fidesz détient la majorité des deux tiers au Parlement. C'est ce que répondent d'ailleurs les Hongrois aux critiques qui leur sont adressées, invoquant le jeu de la démocratie.

Quant à la Cour constitutionnelle, elle est composée de juges indépendants aux termes de la Constitution, une révision constitutionnelle ayant porté leur mandat de neuf à douze ans. Ils sont élus par le Parlement, à la majorité des deux tiers. Vous pouvez donc en tirer les conséquences. Personne ne peut contester que le président de la Cour constitutionnelle, excellent juriste, est proche du gouvernement. Il ne s'en cache d'ailleurs pas. De fait, on compte des proches du gouvernement dans les deux organes qui assurent le contrôle.

La Constitution prévoit tous ces contrôles. Elle a été soumise, au moment de sa révision, comme c'est maintenant le cas dans tous nos pays, à la Commission de Venise du Conseil de l'Europe, cette dernière ayant critiqué notamment la procédure accélérée retenue pour la révision mais sans rien trouver à redire à l'état d'exception ni à l'état de danger. Les Hongrois s'estiment donc dans leur bon droit en appliquant la Constitution.

Le gouvernement Orbán veille toujours à ne pas franchir la ligne rouge. D'ailleurs, la vice-présidente tchèque de la Commission européenne a estimé qu'on ne pouvait poursuivre le gouvernement Orbán à propos de la loi instaurant l'état de danger, alors qu'elle attaque le gouvernement polonais qui vient de prendre des dispositions jugées non conformes au droit européen.

Je ne veux pas faire ici de comparaison facile, mais M. Orbán, qui est un homme très intelligent et extrêmement prudent, sait parfaitement jouer avec les règles européennes, comme l'a bien souligné le sénateur Kern.

Concernant les contrôles aux frontières, la Hongrie applique les règles de Schengen. Comme je l'ai dit, il n'y a presque plus de liaisons aériennes. Le pays facilite le passage bilatéral des frontières voisines, comme beaucoup d'autres. Les Hongrois se sont mis d'accord avec les Slovaques et les Roumains pour permettre le transit des personnes qui passent par des corridors de nuit. Le fret est également permis, à condition que les chauffeurs passent moins de 24 heures dans le pays. Les contrôles à l'entrée sont nombreux, et le passage aux frontières ne se fait qu'en voiture.

Même s'il existe une liaison aérienne avec Bâle-Mulhouse, elle est annulée une fois sur deux. Il n'y a plus un seul vol Air France ou Easy Jet. Le problème du contrôle des aéroports ne se pose donc pas vraiment.

Étant donné l'état de danger et l'épidémie, la Hongrie a annoncé qu'elle refuserait dorénavant l'entrée des migrants, même pour les envoyer dans le camp de Röszke, à la frontière avec la Serbie, et écarterait toute demande d'asile.

Concernant les collectivités territoriales, les maires, y compris ceux appartenant au Fidesz, ne se privent pas de s'exprimer ; c'est ce qu'a fait par exemple le maire de Székesfehérvár, très dynamique et proche du ministre des affaires étrangères hongrois. Il a été fortement critique sur le volet financier et a également exprimé son insatisfaction lorsqu'il a été question que le gouvernement contrôle toutes les mesures prises par les mairies.

Une polémique est née il y a quelques jours à propos des établissements de santé et des EHPAD, secteur où les compétences des municipalités ont été renforcées. On a prétendu que le maire de Budapest n'avait pas prévu suffisamment de médecins dans les EHPAD ni commandé assez d'équipements. Celui-ci a bien entendu répondu pour s'en défendre.

Le gouvernement souffle un peu le chaud et le froid sur les relations avec les collectivités territoriales. Il a marqué sa volonté de coopérer, tout en critiquant leur mauvaise gestion.

Les maires le savent bien, et le gouvernement, étant donné l'état de danger, peut décider de taxer les municipalités comme il souhaite. Reste à savoir comment on sortira de l'état de danger. La Constitution dit très clairement que les mesures exceptionnelles devront tomber - mais cela pose la question du contrôle, tant de la Cour constitutionnelle que du Parlement.

S'agissant de la médecine, avec 70 000 lits et environ mille personnes hospitalisées, la marge est grande. Au début de l'épidémie, le gouvernement a demandé de laisser 50 % des lits vacants pour faire de la place aux futurs malades du coronavirus. Cela a pu paraître excessif et les critiques n'ont pas manqué. Les malades qui n'étaient pas obligés d'avoir un traitement à l'hôpital devaient le suivre chez eux, sous contrôle hospitalier. Au moins 30 000 lits ont donc été réaffectés aux malades du coronavirus.

Il n'y a pas, à ma connaissance, de pourparlers avec les pays limitrophes pour qu'ils accueillent des malades hongrois atteints du coronavirus. Le discours et la politique sont au contraire de s'assurer que les choses pourront se faire en Hongrie.

J'ai évoqué les tests, dont le nombre n'est pas très important, comparé aux pays voisins d'Europe centrale. Concernant les masques, on en compte 87 millions. On ne sait combien sont produits en Hongrie. Au début de la crise, le gouvernement affirmait que 25 000 masques par jour étaient produits dans les prisons.

La Chine serait en pourparlers pour offrir une chaîne de production automatisée qui permettrait d'en produire plus d'un million par jour. Il est cependant facile d'en trouver. Les supermarchés et les maires en distribuent. On dénombre par ailleurs environ 5 000 respirateurs.

Rien ne permet donc de dire aujourd'hui qu'il existerait une difficulté en termes de dispositif hospitalier, mais beaucoup de critiques étaient déjà formulées à l'encontre de ce système avant la crise. Je ne peux prévoir ce qui se passera si la situation s'aggrave dans les mois qui viennent.

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