Les auditions que nous avons menées révèlent une prise de conscience et une vision enfin commune partagée par la Commission sur l'usage des données. Je constate cet heureux changement, qui contraste avec les auditions que j'avais menées il y a quatre ans, en ma qualité de rapporteur, au nom de la commission des lois, sur le projet de loi « pour une République numérique », premier texte d'ampleur embrassant le champ de la règlementation du numérique en France. Le RGPD a joué un rôle important dans cette convergence des points de vue.
L'annonce, au niveau européen, de plusieurs textes d'ampleur, dont le DSA et le DMA, nous a conduits, en accord avec Catherine Morin-Desailly, à revoir notre stratégie. Nous avons ainsi décidé, dans un premier temps, d'affirmer la position générale de notre commission à travers un avis politique. Par la suite, nous remettrons sur le métier des propositions de résolutions européennes à l'aune des nouveaux textes européens qui nous auront été soumis. Je partage d'ailleurs pleinement le point de vue de Jean Bizet, estimant qu'un règlement européen serait largement préférable à des directives.
Pour illustrer les véritables enjeux de nos travaux, un de nos interlocuteurs citait Vladimir Poutine, pour qui « celui qui maîtrise la donnée est maître du monde ». En effet, ce qui importe n'est pas tant la localisation et le stockage des données sur le territoire européen que l'exploitation de ces données. La clé de la souveraineté de l'Union européenne en matière numérique réside dans le développement de l'intelligence artificielle permettant d'exploiter ces données. D'où l'enjeu, évoqué par Pascal Allizard, de la maîtrise des flux de données et de leur cryptage plutôt que de leur stockage. Nous, Français de l'étranger qui votons électroniquement, nous savons que la confidentialité et la validité de notre vote reposent sur la fiabilité des systèmes de protection des flux contre l'espionnage ou la malveillance de certains pays.
C'est l'ensemble des 27 États membres, conjointement, qui doit apporter des réponses, en particulier en jugulant la tendance de certains des plus petits États à recourir à des prestataires extra-européens pour le stockage de leurs données. Plus des deux tiers des données de l'Union européenne sont aujourd'hui stockées aux États-Unis. Les textes sur les données qui vont prochainement être publiés ont pour objectif commun de rapatrier sur le sol européen les données numériques européennes personnelles et non personnelles aujourd'hui stockées hors de l'Union. Afin de remplir cet objectif, nous appelons dans cet avis politique, au plan technique, à favoriser l'interopérabilité des systèmes et la portabilité des données, et au plan stratégique, à recourir à des mesures incitatives plutôt que coercitives. Or pour inciter, il faut être attractif et compétitif.