Intervention de Daniel Gremillet

Commission des affaires européennes — Réunion du 25 janvier 2022 à 16h30
Environnement et développement durable — Énergie climat transports - paquet « ajustement à l'objectif 55 » - communication

Photo de Daniel GremilletDaniel Gremillet, rapporteur de la commission des affaires économiques :

Le 14 juillet dernier, la Commission européenne a présenté le paquet « Ajustement à l'objectif 55 », dont l'objectif est de décarboner les politiques publiques de l'Union européenne et de ses États membres, pour réduire les émissions de 55 % d'ici à 2030.

Le volet « Énergie » de ce paquet étant très vaste et très dense, ma collègue Dominique Estrosi Sasonne et moi-même ne vous en présenterons que les aspects les plus saillants : j'évoquerai l'énergie et ma collègue, le bâtiment.

En premier lieu, les textes proposés fixent des objectifs très ambitieux en matière d'énergies renouvelables ou alternatives.

La directive sur les énergies renouvelables relève de 32 % à 40 % la part de ces énergies dans la consommation finale d'ici à 2030, en prévoyant des sous-objectifs par secteur - le bâtiment, l'industrie, le chauffage et les transports. Pour le bâtiment et l'industrie, le sous-objectif est de 50 %. Pour les biocarburants avancés, le sous-objectif est de 2,2 %. De plus, la directive promeut le stockage et l'hydrogène et renforce la durabilité et la traçabilité de la biomasse utilisées à des fins énergétiques.

Les règlements sur les carburants aéronautiques et maritimes durables visent à accroître l'utilisation de carburants alternatifs. Ils consacrent en particulier des exigences, respectivement, d'incorporation de carburants durables pour l'aérien et d'électrification à quai pour le maritime, à compter de 2025. C'est un complément utile au dispositif d'incorporation existant pour les biocarburants routiers depuis dix ans déjà.

En second lieu, les textes proposés comprennent des outils concrets pour réaliser ces objectifs ambitieux.

La directive sur la taxation de l'énergie prévoit une taxation différenciée des carburants ou des combustibles en fonction de leurs émissions, à compter de 2023. En clair, les carburants fossiles (le gazole et l'essence) seront davantage taxés que ceux alternatifs (le gaz naturel, le gaz de pétrole liquéfié - GPL, l'hydrogène fossile) ou que ceux durables (l'électricité, certains biocaburants, le biogaz, l'hydrogène renouvelable). Une exonération fiscale sera supprimée pour l'aérien et le maritime. Les États membres conserveront la faculté de prévoir des exonérations ou des réductions fiscales pour les ménages vulnérables ou dans certains secteurs (l'agriculture, la forêt, l'industrie).

De son côté, le règlement sur les infrastructures pour carburants alternatifs introduit des objectifs en matière d'infrastructures de recharge électrique, pour les véhicules légers comme lourds, ainsi que pour l'aérien et le maritime. Elle prévoit aussi de tels objectifs pour l'hydrogène et le gaz naturel liquéfié (GNL).

Enfin, le paquet gazier promeut, quant à lui, une meilleure intégration du biogaz et de l'hydrogène dans les réseaux de gaz naturel. C'est une nécessité car la stratégie européenne pour l'hydrogène vise à produire 10 millions de tonnes d'hydrogène renouvelable d'ici à 2030.

Enfin, au-delà de ces textes énergétiques, il faut savoir que le paquet renforce les outils « carbone », que je ne ferai que mentionner.

Le système d'échange de quotas d'émission sera renforcé, ce qui aura une incidence forte pour les producteurs d'énergie et les industries énergo-intensives. Un dispositif similaire sera appliqué aux carburants routiers et aux logements, un débat animé existant déjà à ce sujet.

Enfin, un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières de l'Union européenne sera appliqué : c'est un serpent de mer, qui doit protéger effectivement nos industriels et nos entreprises du dumping environnemental.

Je ne pourrais vous donner aujourd'hui qu'une première appréciation sur ces textes, car notre travail est en cours - à ce stade, nous avons organisé six auditions et sollicité une trentaine de contributions.

Je soutiens pleinement la décarbonation cruciale du secteur de l'énergie ; pour autant, plusieurs éléments doivent être rappelés.

Tout d'abord, il faut veiller à la neutralité technologique car toutes les énergies décarbonées, renouvelables comme nucléaires, doivent être mobilisées en faveur du climat. Nous n'avons plus le temps d'ergoter sur ce sujet. Par ailleurs, je rappelle que la définition du mix énergétique relève de la seule compétence des États membres.

Plus encore, il faut veiller à davantage de constance, de lisibilité et de cohérence dans les textes. Ma collègue et moi-même avions transposé en tant que rapporteurs les précédents paquets européens, dans les lois du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat dite « Énergie-Climat », et du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « loi Climat et Résilience ». À la lecture de ce nouveau paquet, tout serait à reprendre... Or, pour réussir la transition énergétique et ses lourds investissements, il nous faut donner du temps et de la stabilité.

Dans le même esprit, il faut veiller à la compensation des effets sociaux et économiques de ces textes. Car la transition énergétique a un coût, qui doit être pris en charge par l'État ou l'Union européenne, au titre de la solidarité. Gardons-nous d'objectifs non financés, ou d'objectifs peu réalistes, dans le secteur si sensible de l'énergie. Si la fiscalité énergétique doit ainsi être verdie, elle ne doit pas être alourdie, a fortiori dans ce contexte de crise. Le coût global du paquet nécessite également d'être évalué...

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