Intervention de Michel Houel

Réunion du 30 juin 2011 à 15h00
Interdiction de l'exploration et de l'exploitation des mines d'hydrocarbures par fracturation hydraulique — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire

Photo de Michel HouelMichel Houel, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vais vous présenter les conclusions de la commission mixte paritaire qui s’est réunie au Sénat le 15 juin dernier afin d’établir un texte commun aux deux assemblées sur la proposition de loi visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique.

Je vous rappelle tout d’abord qu’une proposition de loi déposée par M. Christian Jacob, député, a servi de support aux discussions et aux amendements, mais que quatre autres propositions de loi, déposées au Sénat comme à l’Assemblée nationale, par la majorité comme par l’opposition, ont également nourri nos débats.

Après une lecture dans chaque assemblée, la commission mixte paritaire, saisie dans le cadre d’une procédure accélérée, a trouvé un accord qui constitue, me semble-t-il, le meilleur des compromis. Le texte qu’elle a élaboré et qui est soumis aujourd’hui à votre approbation a déjà été adopté par nos collègues députés le mardi 21 juin.

L’article 1er prévoit l’interdiction sur le territoire national de l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche. Il s’agit de mettre fin à une technique dont nous mesurons encore mal les conséquences environnementales.

Le Sénat avait souhaité qu’il puisse être dérogé à cette interdiction générale pour des projets scientifiques d’expérimentation sous contrôle public, qui auraient permis de mieux connaître l’état du sous-sol et de mettre au point, le cas échéant, des techniques d’exploitation plus respectueuses de l’environnement.

La commission mixte paritaire a retenu la notion d’expérimentation, mais a exclu toute dérogation à l’interdiction générale posée par l’article 1er. Une expérimentation avec fracturation hydraulique ne pourra donc pas être menée si ce texte est adopté et promulgué.

L’article 1er bis a été introduit par le Sénat sur la proposition de notre collègue Claude Biwer, que je salue. Il institue une Commission nationale d’orientation, de suivi et d’évaluation des techniques d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux.

Cette instance, qui réunit les cinq parties du Grenelle de l’environnement, sera un lieu d’approfondissement des connaissances et d’échanges entre toutes les parties concernées. La commission mixte paritaire en a complété la composition en prévoyant la présence d’un député et d’un sénateur, afin de garantir également l’information du Parlement.

Cette commission nationale ne proposera pas, contrairement à ce que le Sénat avait souhaité, des projets scientifiques d’expérimentation, mais elle émettra un avis sur les conditions de mise en œuvre des expérimentations qu’étudiera le rapport prévu par l’article 4.

L’article 2 ne fait pas partie du texte soumis aujourd’hui à notre vote puisque le Sénat l’a adopté sans modification en première lecture. Je rappelle pour mémoire qu’il prévoit l’abrogation des permis de recherches lorsque le titulaire n’est pas en mesure de justifier, dans les deux mois, qu’il n’aura pas recours à la technique de fracturation hydraulique.

De même, le Sénat a confirmé en première lecture la suppression par l’Assemblée nationale de l’article 3. Il faudra toutefois revenir le plus rapidement possible sur la question de la réforme du droit minier, à l’occasion de la ratification de l’ordonnance qui réécrit le code minier.

Enfin l’article 4, introduit par l’Assemblée nationale et modifié par le Sénat, a été adapté par la commission mixte paritaire afin de tirer les conséquences de la modification faite par celle-ci à l’article 1er.

Le rapport prévu par l’article 4 portera donc de manière générale sur les techniques d’exploration et d’exploitation et la connaissance du sous-sol, sur les conditions de mise en œuvre d’expérimentations réalisées à seules fins de recherche scientifique sous contrôle public, sur les travaux de la commission prévue par l’article 1er bis et, enfin, sur le cadre législatif et réglementaire. Il ne permettra pas de mener d’ores et déjà des expérimentations avec fracturation hydraulique : l’interdiction posée par l’article 1er est très claire à ce sujet.

En conséquence, ce texte ne retient que très partiellement l’apport du Sénat, mais il reste centré sur ce qui en constitue la disposition principale : la France interdit l’emploi de la technique de fracturation hydraulique.

Il s’agit d’une position forte et originale sur le plan international. Si certains pays prévoient un moratoire d’une durée limitée, en attendant une amélioration des connaissances scientifiques, d’autres nations voient dans les gaz de schiste une solution alternative au charbon ou aux importations de gaz, une réduction de la dépendance énergétique ou une énergie de transition.

Mais les incertitudes sont nombreuses. Les études se multiplient. Un rapport du MIT, le Massachusetts Institute of Technology, publié il y a peu, voit dans le gaz naturel, notamment le gaz de schiste, la seule solution de rechange au charbon. À l’inverse, une très vaste enquête publiée dimanche dernier par le New York Times rapporte les doutes d’acteurs de la filière sur la rentabilité effective de l’exploitation du gaz de schiste.

Mes chers collègues, l’avenir nous dira si la France a été pionnière en s’engageant de manière résolue, à l’occasion d’un texte de loi adopté définitivement trois mois à peine après son dépôt, sur la voie de l’interdiction de fait de l’exploration et de l’exploitation des gaz et huiles de schiste.

Ce choix ne peut être considéré isolément : renoncer à une source d’énergie, c’est nécessairement en privilégier d’autres, qui la remplaceront, ou s’engager résolument sur la voie des économies d’énergie. Les débats sur les hydrocarbures non conventionnels tout comme l’accident de Fukushima nous obligent à réfléchir à notre bouquet énergétique. Or aucune source d’énergie ne s’impose comme la meilleure sans débat : certaines émettent trop de gaz à effet de serre, d’autres sont intermittentes ou trop chères, ou encore elles accroissent notre dépendance énergétique.

Nous devons donc, n’en doutons pas, mes chers collègues, faire des choix. Mon souhait est que ceux-ci soient éclairés par la recherche scientifique plus que par les passions. Tel est le débat vers lequel devraient nous conduire l’examen et l’adoption de cette proposition de loi.

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