Intervention de Nathalie Kosciusko-Morizet

Réunion du 30 juin 2011 à 15h00
Interdiction de l'exploration et de l'exploitation des mines d'hydrocarbures par fracturation hydraulique — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire

Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission de l'économie, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous arrivons à la fin d’un véritable marathon législatif sur une question extrêmement sensible.

Les positions des uns et des autres se sont exprimées vivement, que ce soit au Parlement ou sur le terrain, avec une couverture médiatique importante.

La situation était d’ailleurs paradoxale. En effet, nous n’étions pas véritablement en terrain vierge, puisque des autorisations avaient été accordées, mais nous n’étions pas non plus en terrain connu, ce qui m’a fait dire que ces autorisations n’auraient pas dû être accordées avant les travaux que nous avons lancés.

Dès mon arrivée au ministère, j’ai appliqué le principe de précaution sur ce sujet en réclamant et en obtenant une suspension des forages, notamment ceux qui sont suivis de fracturation hydraulique de la roche.

Il m’est en effet très vite apparu que l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels était une activité industrielle qui pouvait présenter de multiples risques ou provoquer des nuisances, en matière de pollution des nappes souterraines et des sols, d’impact paysager, d’augmentation du trafic routier.

En première lecture, Michel Houel, dans le rapport qu’il a rédigé au nom de la commission, a souligné que « les risques que cette technique, utilisée massivement, pourrait faire peser sur l’environnement et, plus généralement, l’incertitude qui entoure ses conséquences s’opposent à son utilisation dans l’état actuel des connaissances ».

En effet, même si certaines technologies utilisées sont, de fait, relativement anciennes, leur utilisation intensive, de manière très dense sur certains territoires, semble extrêmement problématique au regard des expériences en la matière, notamment en Amérique du Nord.

La question s’est aussi révélée difficile, dès le début, en raison de ses enjeux économiques et énergétiques. Les conclusions de la mission conjointe du Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies, le CGIET, et du Conseil général de l’environnement et du développement durable, le CGEDD, comme la mission parlementaire à l’Assemblée nationale, conduite par les députés François-Michel Gonnot et Philippe Martin, ont mis en lumière les débats sur ces projets d’exploitation, susceptibles de modifier profondément et durablement notre production d’énergie et les marchés gaziers à l’échelle mondiale.

Je pose cependant une question qui me semble essentielle : à quoi servent les richesses, sinon à mieux vivre sur une planète dont le climat sera stabilisé, dans un environnement préservé et un climat social serein ?

À cet égard, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à évoquer devant vous l’espace Causses-Cévennes. Ma démarche tendant à interdire la fracturation hydraulique a été d’emblée très cohérente avec ma proposition d’inscrire cet espace magnifique au patrimoine mondial de l’humanité, et je me réjouis de la décision positive qu’a rendue l’UNESCO cette semaine. C’est une victoire pour notre pays, c’est une victoire pour un territoire.

Il s’agit d’un projet qui compte plusieurs d’entre vous parmi ses promoteurs. Il aura une forte incidence en termes de préservation de notre patrimoine mais également en matière touristique.

À l’évidence, cette proposition de loi a contribué à valider le projet de protection des Causses et des Cévennes.

Les débats qui ont eu lieu dans les deux assemblées ont parfois été passionnés. Plusieurs projets ont éclos ici ou là. J’en veux pour preuve le sujet lancé en première lecture par votre collègue Claude Biwer, qui a ouvert une réflexion sur l’expérimentation des forages à des fins scientifiques.

La solution de compromis entre l’Assemblée nationale et le Sénat trouvée par la commission mixte paritaire me semble de nature à rassurer chacune et chacun d’entre nous. Elle est aussi celle que je défends au nom du Gouvernement.

Elle prévoit que l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche sont interdits sur le territoire national.

Elle organise l’abrogation des permis de recherche des hydrocarbures non conventionnels en limitant les risques juridiques et financiers liés à une telle abrogation.

Elle maintient la remise d’un rapport annuel au Parlement par le Gouvernement sur l’évolution des techniques d’exploration et d’exploitation du sous-sol français.

Elle conserve la Commission nationale d’orientation, de suivi et d’évaluation des techniques d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux, introduite au Sénat, qui émettra un avis sur les conditions d’une éventuelle expérimentation aux seules fins de recherche scientifique de la fracturation hydraulique.

Je tiens à souligner que, avec cette solution de compromis, aucune expérimentation scientifique avec fracturation hydraulique ne sera possible sans une nouvelle loi, contrairement à ce que j’ai pu entendre dire ici ou là.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’espère que cette proposition de loi obtiendra l’assentiment du plus grand nombre dans cet hémicycle. Ce texte a quasiment valeur constitutionnelle puisqu’il entend mettre en œuvre le principe de précaution qui est désormais inscrit dans notre loi fondamentale.

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