La décision fut prise immédiatement après le vote des lois dites Grenelle 1 et Grenelle 2. Quel grand écart !
À la fin de l’année 2010, la découverte de la délivrance de ces permis a suscité une très forte mobilisation citoyenne sur les territoires concernés. Les manifestations ont été et sont toujours très nombreuses. Celle du 26 février 2011 à Villeneuve-de-Berg, en Ardèche, a ainsi rassemblé plus de 20 000 personnes.
En effet, le retour d’expérience des États où se pratique l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels a fait prendre conscience des dangers de la technique utilisée : la fracturation hydraulique, car c’est d’elle qu’il s’agit, est énormément consommatrice d’eau et fait courir le risque d’une pollution de la nappe phréatique par les adjuvants chimiques utilisés dans le processus.
Au Sénat, nous avons été plusieurs à poser des questions au Gouvernement, et le groupe socialiste, apparentés et rattachés a déposé, le 24 mars 2011, une proposition de loi dont les principaux points étaient les suivants : la reconnaissance de la distinction entre les hydrocarbures dits « conventionnels » et « non conventionnels » ; l’abrogation, avec effet rétroactif, des permis exclusifs de recherches ; l’obligation de conditionner la délivrance de tels permis au respect de certaines règles, à savoir la réalisation d’une enquête publique préalable et d’une étude d’impact ainsi que la consultation du public.
Cette remise à plat nous apparaît, en effet, comme une nécessité et un préalable à la révision du code minier et à un débat sur la politique énergétique de la France.
D’autres propositions de loi ont suivi, notamment à l’Assemblée nationale : celle, d’abord, du groupe socialiste, celle, ensuite, de Christian Jacob, président du groupe UMP, celle, enfin, de Jean-Louis Borloo, ce qui ne manque pas de sel quand on sait qu’il a lui-même signé les permis contestés !
Pris, en quelque sorte, la main dans le sac, le Gouvernement a décidé de mettre en place une mission appelée à rendre un rapport et, dans l’intervalle, a suspendu les recherches et travaux en cours. Puis il a fait en sorte que la proposition de loi Jacob, mais pas les autres textes, soit examinée sans délai.
Dans sa version initiale, cette proposition de loi prévoyait l’interdiction générale de l’exploration et de l’exploitation des huiles et gaz de schiste. Toutefois, au cours des débats à l’Assemblée nationale, l’article en question a été modifié, l’interdiction générale étant transformée en une simple interdiction de l’utilisation de la technique de la fracturation hydraulique.
Le texte, ainsi modifié, a été examiné par la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire du Sénat. Les socialistes, les Verts, les communistes, les sénateurs du parti de gauche et les radicaux de gauche ont voté contre, d’autant qu’un amendement centriste, adopté par la majorité, est venu autoriser l’expérimentation de la fracturation hydraulique à des fins de recherche scientifique.
Lors de l’examen en séance publique ici même, les 1er et 9 juin, nous avons déposé des amendements reprenant les principaux points de notre proposition de loi qui n’avait pu être examinée. Ceux-ci ayant été tous rejetés par la majorité sénatoriale, nous avons voté contre le texte.
La version du Sénat différant quelque peu de celle de l’Assemblée nationale, une commission mixte paritaire a été réunie au Sénat en vue d’élaborer un texte commun. Lors de cette réunion, les deux rapporteurs ont proposé de supprimer l’amendement centriste à l’article 1er, c'est-à-dire l’expérimentation de la fracturation hydraulique.
Toutefois, une telle possibilité a été réintroduite à l'article 1er bis, où elle figure cependant d’une manière beaucoup plus voilée. C’est probablement l’une des raisons pour lesquelles Alain Fauconnier, ici présent, sénateur de l’Aveyron, qui représentait avec moi le groupe socialiste du Sénat en tant que membre titulaire la commission mixte paritaire, s’est livré au commentaire suivant : « Le débat était gazeux, il est devenu fumeux. »