Intervention de Alain Fauconnier

Réunion du 30 juin 2011 à 15h00
Interdiction de l'exploration et de l'exploitation des mines d'hydrocarbures par fracturation hydraulique — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire

Photo de Alain FauconnierAlain Fauconnier :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec cet examen des conclusions de la commission mixte paritaire, s’achève enfin, ce soir, le « marathon » législatif et médiatique commencé il y a quelques mois.

Votre prédécesseur, madame la ministre, avait cru bon d’autoriser les fameux permis qui ont fait couler tant d’encre et mobilisé, sur le terrain, tant de nos compatriotes, horrifiés à l’idée de voir mener en France une expérience technologique que les Américains regrettent aujourd’hui d’avoir laissée prospérer : ils s’en mordent franchement les doigts !

Réunions publiques et manifestations dans les régions, y compris aux portes de Paris, dans plusieurs départements d’Île-de-France, questions écrites, orales ou d’actualité dans les deux assemblées, propositions de loi de tous bords, rapports, débats se sont succédé pour parvenir à une seule et même constatation : la majorité de droite s’est enferrée dans un dossier dont elle ne sait plus comment se sortir, sauf à multiplier les arguties, les faux-semblants, les contrevérités.

Jamais, en effet, depuis le commencement de cette interminable discussion, n’a été apportée une réponse claire à une question claire : la fracturation hydraulique sera-t-elle, oui ou non, interdite en France après le vote de cette loi ?

Le groupe socialiste a déposé une proposition de loi qui, elle, avait le mérite d’être tout à fait explicite à cet égard.

Je ne voudrais pas me répéter en ressassant les arguments que j’ai moi-même, à plusieurs reprises, développés dans cet hémicycle. Ce n’est pas l’opposition sénatoriale qui a autorisé les recherches de gaz de schiste, encouragé son éventuelle exploitation et, jusqu’au dernier moment, caressé l’espoir, après un repli stratégique, de les reprendre au moment qui paraîtra opportun.

Non, madame la ministre, ce n’est pas une conviction personnelle que vous avez exprimée ici même ; vous avez seulement ouvert une parenthèse pour gagner du temps.

De cela j’ai eu la confirmation hier, dans une assemblée qui débattait des problèmes énergétiques, réunie dans les locaux du Cercle de l’Union interalliée. Un proche conseiller du Président de la République – je pourrai vous donner son nom en aparté, si vous le souhaitez, madame la ministre – a confié, devant un partisan des gaz de schiste qui s’interrogeait sur les conséquences de la loi : « Il ne faut pas voir les choses à l’instant. Dire que jamais on explorera, non ! Pour l’instant, on arrête, mais on continue d’expérimenter... Tout cela se fera dans le temps. »

Madame la ministre, c’est ce que l’on appelle le double langage ! Ce propos, s’il est cynique, a au moins le mérite d’être clair : en conclusion, l’exploitation du gaz de schiste serait pour le moment interdite, mais sa recherche est toujours autorisée… Il n’y a donc pas d’interdiction.

Entre-temps, d’autres institutions, et non des moindres, ont pourtant pris sur le sujet, vous l’avez rappelé, des positions très claires.

Je veux naturellement parler de l’UNESCO, qui, avant-hier, a choisi d’inscrire au patrimoine mondial la zone Causses-Cévennes, qui s’étend sur cinq départements, l’Aveyron, l’Ardèche, l’Hérault, le Gard et la Lozère, ainsi que sur deux régions, Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon. Or c’est l’un des lieux phare sur lesquels des permis avaient été autorisés pour la recherche de gaz de schiste par fracturation hydraulique.

Pourquoi cette décision ? Pour la beauté, bien sûr, de ses paysages naturels – vous l’avez dit – et de son architecture traditionnelle. Mais surtout, et c’est d’ailleurs une première, « pour s’attacher à pérenniser le travail des hommes qui ont vécu sur ces terres », autrement dit pour protéger l’agro-pastoralisme et l’un de ses produits d’excellence sur le plateau du Larzac : le roquefort.

Il s’agit en fait de « sanctuariser » une activité que la fracturation hydraulique eut incontestablement détruite par les conflits d’usage de l’eau, l’altération des écosystèmes, la dégradation de la biodiversité, la pollution et l’assèchement progressif des nappes phréatiques.

Madame la ministre, vous venez de rappeler que vous avez vous-même donné un avis très favorable – j’en prends acte – à l’inscription de ce territoire à l’UNESCO. Cet avis a pesé.

Pour être franc, je ne comprends pas que vous puissiez présenter un tel texte qui autoriserait sur cet espace, non pas l’exploitation de gaz de schiste par fracturation, certes, mais son exploration expérimentale à titre scientifique.

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