Intervention de Jean-François Husson

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 25 octobre 2022 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2023 — Mission « plan de relance » - examen du rapport spécial

Photo de Jean-François HussonJean-François Husson, rapporteur spécial :

Si la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire », a disparu de la maquette budgétaire, la mission « Plan de relance », elle, existe toujours. Toutefois elle est en voie d'extinction puisqu'elle n'ouvre que des crédits de paiement, d'un montant de 4,4 milliards d'euros, dont 3,6 milliards d'euros sur le programme 362 « Écologie », 0,4 milliard d'euros sur le programme 363 « Compétitivité » et 0,5 milliard d'euros sur le programme 364 « Cohésion ».

Ces crédits de paiement permettront de poursuivre la réalisation de nombreux projets du programme 362 qui prennent naturellement plusieurs années, par exemple des actions de rénovation, de réhabilitation, d'investissement, voire de réalisation d'infrastructures favorables à la transition écologique. Sur le programme 363, il s'agit en majorité d'actions relatives à la relocalisation d'activités. Le programme 364 se limite désormais à des restes à payer sur les primes exceptionnelles en faveur de l'alternance et sur certains dispositifs de soutien aux projets locaux.

Pour rappel, cette mission a été créée par la loi de finances initiale pour 2021 avec 36,2 milliards d'euros d'autorisations d'engagement, soit plus du tiers du plan de relance de 100 milliards d'euros. De nombreux dispositifs ont été regroupés dans les trois grands programmes que je viens de citer, afin de faciliter les réallocations de crédits, au risque de créer des programmes dont l'unité est peu perceptible.

En premier lieu, comme l'année dernière, les crédits réellement gérés sur la mission « Plan de relance » sont assez différents de ceux votés en loi de finances initiale.

D'une part, ils ont été accrus par des reports très élevés. Ainsi, alors que la loi de finances initiale pour 2022 n'avait autorisé que 1,5 milliard d'euros d'autorisations d'engagement nouvelles, c'est au total 7,7 milliards d'euros qui ont été mis à disposition des gestionnaires des trois programmes par la voie des reports. On est passé de la même manière de 13,0 à 18,0 milliards d'euros en crédits de paiements.

D'autre part, des crédits ont été transférés pour leur exécution sur d'autres missions du budget général. Ces transferts, d'un montant de 1,3 milliard d'euros en crédits de paiement, ont été dirigés vers un grand nombre de missions. Je le répète : cette gestion complexe réduit la lisibilité de la gestion des crédits du plan de relance comme des missions qui y contribuent.

En outre la très grande taille des trois programmes et l'extrême diversité des dispositifs qu'ils regroupent permet aux gestionnaires de programme de procéder à des redéploiements en fonction du rythme d'avancement des projets ou des besoins survenant en cours d'année.

En conséquence, le suivi des crédits est insuffisant, comme nous l'a dit la Cour des comptes dans le rapport qu'elle nous a remis au mois de mars dernier sur la mise en oeuvre des crédits du plan de relance, en application de l'article 58-2° de la loi organique relative aux lois de finances. Par exemple, dans le cas où les crédits sont attribués aux bénéficiaires finaux par des opérateurs ou des entités publiques autres que l'État, c'est le versement des crédits aux tiers qui est retracé dans le système d'information Chorus, et non le versement effectif aux bénéficiaires. La nécessité de justifier les dépenses au regard des « jalons » prévus par le plan de résilience européenne est une complexité supplémentaire, mais c'est une formalité nécessaire pour bénéficier du versement des 40 milliards d'euros prévus par ce plan.

À l'heure où les nouveaux engagements sont en voie de s'achever, on peut constater que, comme nous l'avions prévu les deux années passées, un certain nombre de mesures portées par le plan de relance ne sont pas véritablement temporaires, car elles avaient depuis le début vocation à s'inscrire dans la durée. Elles sont en conséquence reprises par d'autres missions du budget général.

Je pense notamment à la rénovation des bâtiments publics et au fonds « friches », qui font désormais l'objet d'un nouveau programme 380 « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires », créé sur la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Les moyens budgétaires qui y sont consacrés n'apparaissent pas clairement ; en revanche, l'ambition de ce fonds semble, elle, clairement établie, puisqu'il tendrait désormais à recycler 1 000 hectares par an au lieu de 3 370 hectares en deux ans sur le plan de relance.

Un autre exemple frappant est celui de la recherche duale civile et militaire. Ce programme doté d'environ 150 millions d'euros, traditionnellement porté par la mission « Recherche et enseignement supérieur », a été transféré pendant deux ans sur la mission « Plan de relance », sans augmentation de crédits. Il revient en 2023 sur sa mission d'origine. C'est avec de tels procédés, sans doute que le Gouvernement parvient à boucler un plan de relance de 100 milliards d'euros.

Enfin l'activité partielle, qui avait été portée à la fois par la mission « Plan d'urgence » et par le programme 364 « Cohésion » de la présente mission, sera à compter de 2023 financée par la mission « Travail et emploi » : on sort de la confusion des genres que nous avions critiquée.

Au total, le projet de budget confirme que la mission « Plan de relance » a été un support de financement pour un certain nombre de mesures qui ne relevaient pas de la relance de l'économie au sortir de la crise du covid 19. Elles avaient vocation à être pérennisées et le sont effectivement dans le PLF 2023.

L'objectif de déploiement rapide lui-même n'a été que partiellement atteint.

Le Gouvernement espérait engager la totalité de cette somme dès 2021 et la consommer progressivement en 2021, puis les années suivantes. Or, le taux d'exécution au début du mois d'octobre 2022 n'était, pour l'année en cours, que de 38,5 % en crédits de paiement et de 48 % en autorisations d'engagement. Il ne serait donc pas étonnant que le Gouvernement, une fois de plus, fasse le choix de reporter des crédits non consommés à 2023. Dans ce cas, malgré l'absence d'ouverture d'autorisations d'engagement nouvelles dans le projet de loi de finances, de nouveaux engagements pourraient bien être pris l'an prochain dans le cadre du plan de relance, alors même que l'activité a repris il y a plus d'un an son rythme antérieur à la crise sanitaire et que, sur le plan de la situation économique, nous sommes passés à une autre sorte d'urgence.

De fait, l'exécution dans le temps du plan de relance se prolongera dans les années à venir. Les restes à payer postérieurs à 2023 devaient être, selon les prévisions initiales, de 2,5 milliards d'euros ; le Gouvernement prévoit à présent qu'ils seront de 3,5 milliards d'euros.

Le plan de relance n'est donc certainement pas la réussite complète que présente le Gouvernement, et il serait d'ailleurs prématuré de porter un jugement définitif sur le fond alors que les travaux d'évaluation sont en cours.

Les crédits restant à ouvrir sur la mission seront donc nécessaires pour assurer le règlement de dépenses déjà engagées par les autorisations d'engagement passées. Pour autant, comme je l'ai indiqué, le rythme de décaissement n'est pas certain et de nombreux reports de crédits sont probables depuis 2022 sur 2023.

Compte tenu de ces éléments, je vous propose que notre commission réserve son vote.

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