Je souhaite d'abord rappeler l'utilité de ce travail et de disposer d'un état des lieux des textes réglementaires publiés depuis la loi fraude en 2018. Les travaux de la mission ont été l'occasion de se rendre compte qu'il manque encore certains textes d'application.
Je partage l'esprit du rapport et les recommandations qui y sont formulées. J'ai néanmoins quelques remarques qui viendront à l'appui des conclusions du rapporteur, et d'autres par lesquelles je m'en distinguerai.
Les difficultés d'évaluation du niveau de la fraude et des montants en jeu constituent un vrai sujet. Nous avions travaillé avec Philippe Dominati sur cet enjeu il y a une dizaine d'années. Il nous manque toujours des outils pour évaluer le niveau de la fraude car, évidemment, il n'existe pas de registre officiel, sans quoi on s'y reporterait.
De nombreux agents travaillent à l'évaluation du niveau de la fraude et ils auraient sans doute besoin de davantage d'outils et de moyens, mais il nous manque surtout un instrument de coordination entre l'ensemble des acteurs. Il nous faudrait un outil commun, qui rassemble l'ensemble des services et soit accessible aux parlementaires. La lutte contre la fraude fiscale doit être maintenue en permanence à notre agenda et il est très utile que ce sujet revienne régulièrement à l'ordre du jour de notre commission des finances.
Lors de l'audition du parquet national financier (PNF), j'ai été frappé par les propos qui ont été tenus : il y aurait un manque d'appétence des magistrats pour les sujets fiscaux. Alors que le PNF n'a pas encore dix ans, il a déjà perdu des moyens d'enquête, et je pense que le sujet des poursuites judiciaires et pénales doit être considéré comme prioritaire.
Cette semaine, le Crédit suisse a fait l'objet d'une convention judiciaire d'intérêt public (CJIP) et doit payer une amende de 238 millions d'euros pour blanchiment de fraude fiscale. Ce n'est pas la première affaire : UBS, Macdonald et Google ont également été visés par cette procédure négociée. Même s'il s'agit de belles sommes, les entreprises n'iront pas en procès. J'entends en partie l'argument des ministres : les procédures judiciaires étant longues et incertaines, mieux vaut récupérer tout de suite des sous dans les caisses. Cependant, je ne pense pas que ce soit une bonne chose du point de vue de l'opinion publique.
Je partage le constat des avancées sur le verrou de Bercy mais je pense qu'il faudrait aller jusqu'à la suppression définitive.
Je suis en revanche très réservé sur la révision des conventions fiscales bilatérales. D'abord les conventions n'empêchent pas la fraude : nous avons une convention avec le Luxembourg, et cela n'a pas empêché les LuxLeaks. De plus, la négociation de nouvelles conventions prendrait beaucoup de temps.
Je pense qu'il faut que les solutions reposent sur une structure internationale dédiée à la coopération multilatérale, sous l'égide du fonds monétaire international, de la banque mondiale ou des Nations unies. Il faut impérativement arrêter le mano a mano entre certains États, qui n'empêche rien.
Sur les paradis fiscaux, il faut sortir de l'hypocrisie. La question du Delaware est éclairante : les États-Unis luttent uniquement contre l'évasion fiscale qui nuit à leurs propres intérêts. À l'heure où l'on peut déplacer des milliards d'euros vers ces territoires en une picoseconde - onze zéros après la virgule - il nous faut trouver des solutions efficaces.
Je conclus en rappelant que je suis très satisfait du travail de très grande qualité qui a été mené. Les travaux vont-ils donner lieu à un débat spécifique en séance publique ?