Intervention de Mattias Guyomar

Commission des affaires européennes — Réunion du 1er février 2023 à 16h45
Justice et affaires intérieures — Audition de M. Mattias Guyomar juge français à la cour européenne des droits de l'homme cedh

Mattias Guyomar, juge français à la Cour européenne des droits de l'homme :

Commençons par la dernière question. Je préfère être prudent sur ce sujet, afin de ne pas avoir à me récuser, le cas échéant, dans le cadre d'un contentieux. Je ferai donc une réponse issue directement de la lecture du traité.

Notre compétence est liée à deux conditions : que l'État relève du dispositif - depuis le 16 septembre, la Cour n'est plus compétente pour les affaires concernant la Russie à raison d'événements survenus postérieurement à cette date - et que l'État ayant ratifié la Convention ait juridiction sur le requérant. Il y a donc deux conditions. Le cas que vous soulevez pose question sur ces deux niveaux ; je ne peux en dire plus.

Ensuite, la question du parquet n'alimente pas de requête contre la France. L'affaire Moulin, très ancienne, était la dernière sur ce sujet. Nous n'avons jugé de l'indépendance du parquet qu'au regard de l'article 5, paragraphe 3, de la Convention, relatif au droit à la sûreté et à la détention arbitraire. En l'état, nous n'avons pas de jurisprudence générale disqualifiant le parquet à la française pour des raisons d'indépendance. Je n'en dirai pas plus, car, un jour ou l'autre, de nouvelles affaires pourraient avoir lieu - vous avez fait allusion aux interceptions de sécurité. Les jurisprudences de la Cour de Luxembourg ne sont pas sans incidence sur certaines procédures. Je rencontrerai d'ailleurs l'ensemble des procureurs généraux de France en mai, à Colmar. Être au contact des autorités nationales fait partie du travail du juge national, et j'aurai des échanges à froid sur ces considérations, comme j'en ai déjà eus.

Par ailleurs, la « danthonysation », c'est-à-dire la régularisation, s'inscrit dans l'esprit même de la Cour. Nous ne considérons jamais que le constat d'un vice de procédure « plie le match ». Ainsi, depuis certaines affaires - Salduz c/Turquie, Beuze c/Belgique - sur le droit à l'avocat, nous avons mis en place le contrôle de l'équité globale de la procédure. Nous l'examinons dans son ensemble, et apprécions le vice de procédure au regard de son ampleur et de son éventuelle compensation ou purge au cours de la suite de la procédure. Ainsi, dans deux affaires, nous avons constaté une violation pour défaut d'avocat, mais pas dans une troisième, où cela avait été régularisé par d'autres moyens. Nous jugeons une situation, et non un acte ou une norme : c'est notre différence avec le juge national. Cette plasticité est dans notre logiciel.

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