Intervention de Christophe-André Frassa

Commission des affaires européennes — Réunion du 28 juin 2022 à 16h00
Marché intérieur économie finance fiscalité — Proposition de directive du parlement européen et du conseil sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité com2022 71 final - examen de la proposition de résolution européenne et de l'avis politique

Photo de Christophe-André FrassaChristophe-André Frassa :

Je remercie les rapporteurs d'avoir exposé les grandes lignes de cette proposition de résolution, qui appelle, selon moi, plusieurs réserves.

La première concerne évidemment les seuils retenus, qui sont bien plus bas que ceux que prévoit le droit français. L'amendement de Mme Lavarde tend à un relèvement des seuils à au moins 1 000 salariés. Ce serait plus acceptable que le seuil proposé par la Commission, même si cela reste bien en dessous du seuil français.

Comme les obligations de vigilance s'appliqueraient non seulement aux grandes entreprises, mais aussi aux entreprises de taille intermédiaire, voire aux petites et moyennes entreprises, je soutiens un relèvement des seuils : les entreprises de moyennes et de petite taille n'ont absolument pas les mêmes moyens que les grandes entreprises pour mettre en oeuvre de telles mesures de vigilance.

La définition retenue de la chaîne de valeur est, là encore, extensive. Les obligations de vigilance vont donc par ricochet concerner un très grand nombre de petites entreprises. Je rappelle que le droit français ne prend en compte que les relations commerciales directes entre les parties.

Les rapporteurs envisagent d'aller plus loin que la proposition de directive et de faciliter l'engagement de la responsabilité des entreprises en inversant la charge de la preuve. Le droit français comme la proposition de directive imposent au demandeur de prouver qu'une faute de l'entreprise est la cause du préjudice qu'il subit. Renverser la charge de la preuve rendrait la tâche extrêmement difficile aux entreprises qui devraient démontrer qu'elles ont respecté leurs obligations de vigilance. Je n'y suis pas favorable. Le dispositif visé à l'amendement n° 2 est présenté comme une inversion partielle de la charge de la preuve. Mais cela ne change rien aux conséquences de cette inversion, puisqu'il serait très difficile aux entreprises de démontrer qu'elles ont correctement mis en oeuvre leurs obligations. C'est pour cela qu'une telle option ne figure ni dans le droit français ni dans la proposition de directive.

Il est aussi envisagé dans la proposition de résolution de confier de nouveaux pouvoirs à des autorités administratives pour sanctionner les entreprises contrevenantes. On ajouterait donc un nouvel échelon par rapport au droit français qui peut agir rapidement ou à plus long terme dans le cadre d'une action en responsabilité civile... Il me semble que faire intervenir des autorités administratives créera de la complexité inutile et surtout du contentieux.

La proposition de résolution européenne n'évoque pas un sujet important figurant au tout début de la proposition de directive : celle-ci prévoit qu'elle n'a pas pour objet ni pour effet de réduire la protection déjà existante dans les États. Cela revient pour la France à une forme de clause d'irréversibilité du droit national et à ne pas pouvoir assouplir sa législation actuelle en matière de vigilance. Ce point pourrait constituer une vraie difficulté. Les entreprises françaises seront plus exposées que leurs concurrentes, puisque toute violation d'autres normes que celles qui sont juridiquement énumérées par la directive sera potentiellement sanctionnable.

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