Intervention de André Gattolin

Commission des affaires européennes — Réunion du 25 juin 2020 à 8h35
Justice et affaires intérieures — Adhésion de l'union européenne à la convention européenne des droits de l'homme cedh - examen du rapport d'information de mm. philippe bonnecarrère et jean-yves leconte

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Je veux féliciter les deux rapporteurs pour leur travail, mais j'ai un double regret : nous sommes législateurs, et nous sommes dans un conflit de doctrine sur la hiérarchie des normes en Europe, entre la CJUE et la Cour européenne des droits de l'Homme. C'est un des principaux problèmes. Nous sommes aussi des responsables politiques et à travers nos actes, nous faisons passer un message au niveau européen, de nature géopolitique. Je suis assez désappointé par le choix des rapporteurs, dont je salue la qualité bien sûr, mais je rappelle que nous avons une délégation française à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE), que plusieurs membres de la commission des affaires européennes en font partie et nous aurions pu envisager un binôme membre - non membre. D'ailleurs, plusieurs collègues de l'APCE s'étonnent que la délégation, sur un sujet si important et concernant le Conseil de l'Europe, ne soit pas représentée dans ce rapport. La délégation française à l'APCE comprend deux tiers de députés et un tiers de sénateurs, et nous avons pourtant des difficultés à être reconnus dans notre pays. Donc je trouve vraiment dommage que nous envoyions ce signal, en dépit de la qualité du rapport et du fait que j'approuve l'essentiel des conclusions, y compris des non-conclusions de nos rapporteurs.

Par ailleurs, j'ai un second regret. Nous avons un éminent ancien membre de cette commission, Denis Badré, qui avait fait un travail considérable lorsqu'il avait été nommé parlementaire en mission par le Premier ministre François Fillon et avait remis un rapport sur la relation entre l'Union européenne et le Conseil de l'Europe, dans lequel il abordait cette question de l'adhésion. Il avait proposé des avancées en vue d'une adhésion finale. Je regrette que son nom et ses travaux ne soient pas évoqués.

Ce débat entre la CJUE et la Cour européenne des droits de l'Homme pose des questions de nature juridique, de hiérarchie des normes, voire de conflits entre des juges à la complémentarité évidente parce que la CJUE dispose d'une arme forte - les pénalités économiques - que la Cour EDH n'a pas, mais qui a la capacité géopolitique du « name and shame » qui fait qu'un État condamné par la Cour EDH est pointé du doigt. On l'a vu récemment sur la polémique au sujet de la libération anticipée d'un certain nombre de détenus pendant la crise du Covid-19 ou résultant des condamnations multiples de la Cour à l'égard de la France concernant sa surpopulation carcérale. La Cour repose sur un système de représentation spécifique - un juge par État partie - soulevant des questions géopolitiques. Pour être membre de la commission des questions juridiques et des droits de l'Homme de l'APCE, je peux vous dire qu'avec la montée des États illibéraux, par exemple avec le retour actif de la Russie, nous nous battons à chaque réunion lorsque nous avons des résolutions sensibles à adopter sur des rapports, pour avoir une majorité de deux voix dans cette commission, pour ne pas avoir une majorité russe, turque, azérie ou ukrainienne qui nous conduirait à des résolutions parfois illibérales. Nous sommes sur une question de périmètre de compétence juridique et nous sommes aussi sur des questions géopolitiques. Si nous avons des États illibéraux au sein de l'Union européenne, nous en avons davantage au sein du Conseil de l'Europe. Je rappelle aussi qu'on nous regarde et que si nous voulons avoir une délégation française qui pèse, c'est dans la manière de la traiter et de la représenter au sein de nos parlements nationaux que cela se joue aussi.

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