La France dédie 13,6 % de son PIB au financement des retraites, ce qui représentait 345 milliards d'euros en 2021. C'est moins que l'Italie, qui y consacre 15,6 % de son PIB, mais plus que la plupart des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), dont l'Allemagne, la Belgique ou l'Espagne, pour lesquelles cette part est inférieure à 11 %.
L'équilibre actuel de notre système de retraites devrait se dégrader dès 2023 et jusqu'au milieu des années 2050, dans le meilleur des cas. Au regard de cette dégradation des comptes et si l'on s'accorde sur l'objectif d'éviter une baisse du niveau des pensions comme une hausse des prélèvements, la réforme semble indispensable. Celle-ci devrait se limiter à redéfinir les paramètres en jouant principalement sur deux critères, qui peuvent être combinés. En premier lieu, l'âge d'ouverture des droits pourrait passer de 62 à 65 ans d'ici à 2031, en suivant une progression de quatre mois par an. En second lieu, la majoration de la durée de cotisation inscrite par la réforme Touraine prévoit que, pour les personnes nées en 1973 ou après, la durée d'assurance requise pour obtenir une retraite sans décote augmente progressivement d'un trimestre tous les trois ans entre 2020 et 2035, pour atteindre 43 ans soit 172 trimestres.
Cependant, il convient de s'entendre au préalable sur la convention d'équilibre choisie. D'une part, il pourrait s'agir d'un effort de l'État constant en pourcentage du PIB, quel que soit le besoin du CAS « Pensions » et des régimes spéciaux déficitaires. D'autre part, un équilibre permanent des régimes permettrait à l'État de combler les besoins chaque année ; la convention actuellement retenue correspond à ce dispositif, dictant un âge moyen de départ à 64 ans dès 2030, porté à 66,5 ans d'ici à 2060, pour atteindre le retour à l'équilibre du système de retraite.
Néanmoins, l'augmentation de l'âge de départ en retraite pose question au regard d'une possible baisse de la durée de retraite, les gains d'espérance de vie n'étant plus systématiques. En outre, une attention particulière doit être portée à la pénibilité des métiers, aux dispositifs carrières longues, à la prévention de l'usure au travail, mais aussi à l'aptitude des entreprises à employer des seniors.
Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a indiqué que la réforme des retraites pourrait induire « 8 à 9 milliards d'euros d'économies au bout du quinquennat » ; j'aimerais beaucoup disposer des éléments de calcul ayant conduit à cette estimation, que je suis aujourd'hui incapable de décrypter. À ce titre, je rappelle que la fermeture du régime des retraites de la SNCF a induit la dépense de 4,1 milliards d'euros pour financer des mesures d'accompagnement entre 2011 et 2020 ; je me demande parfois pourquoi les syndicats redoutent tant les réformes !
En outre, le gouvernement table sur une entrée en vigueur de la réforme en juillet 2023, mais les documents transmis pour le PLF ne la mentionnent pas. À l'évidence, la réalisation budgétaire pourrait être bien différente de ce qui est prévu.
Nous allons néanmoins examiner le détail de cette mission en vous rappelant qu'elle comprend les régimes de retraite des mines, de la Seita, des régimes ferroviaires d'outre-mer (39 pensionnés) et de l'ORTF (34 pensionnés) au programme 195 ; les régimes de retraite et de sécurité sociale des marins (25 328 cotisants pour 102 914 pensionnés) au programme 197 ; ainsi que les régimes sociaux et de retraite des transports terrestres au programme 198, principalement les régimes de la SNCF (114 840 cotisants pour 233 354 pensionnés) et de la RATP (42 444 cotisants pour 52 257 pensionnés), mais aussi le réseau franco-éthiopien (3 pensionnés).
De nouveau, je déplore que la mission « Régimes sociaux et de retraite » ne couvre pas l'ensemble des régimes spéciaux de retraite pour lesquels l'État verse une subvention d'équilibre ou qui sont financés au moyen de taxes. Ainsi, il manque toujours les régimes de l'Opéra de Paris, de la Comédie française, des Industries électriques et gazières de France, des non-salariés agricoles, des avocats, des clercs et employés de notaires. Près de 5,4 milliards d'euros de contributions échappent ainsi à la mission, ce qui nuit considérablement à la lisibilité du système et à celle de sa réforme.
La dotation 2023 de l'État pour les régimes de la mission devrait s'élever à 6,14 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), dont 3,5 milliards pour la SNCF et 0,8 milliard pour la RATP, sommes qui ne tiennent que partiellement compte de l'inflation. La contribution de l'État finance le déséquilibre démographique des régimes, mais également leurs avantages spécifiques (départs précoces, bonifications de durée, avantages familiaux, minima de pensions), pour lesquels la nécessité de solidarité nationale interroge.
Si le régime de retraite SNCF est fermé depuis le 1er janvier 2020, celui de la RATP en prend le chemin avec l'incontournable ouverture à la concurrence pour les bus dès 2025. Néanmoins, les sociétés qui remporteront les appels d'offres hériteront aussi du « sac à dos social », qui maintiendra l'affiliation des agents transférés à leurs nouveaux employeurs au régime des retraites de la RATP.
Concernant le régime des marins, l'État fournit 81 % des ressources, soit 802 millions d'euros. La pénibilité de ces métiers et la compétitivité à laquelle ils sont confrontés dissuadent de toute fermeture du régime, sauf à perdre notre souveraineté nationale dans le domaine. Néanmoins, rien n'interdit de réviser les grilles de métiers ou de mieux prendre en compte le temps passé en mer. De plus, les carrières courtes, inférieures à quinze ans, pourraient être redirigées vers le régime général.
J'en viens au CAS « Pensions », qui comprend le programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité » ; le programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l'État » ; et le programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions ».
Estimées à 64,36 milliards d'euros pour 2023 en AE et en CP - dont 94 % pour les seules pensions civiles et militaires -, les dépenses connaissent une progression de 5,33 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2022, intégrant notamment la revalorisation des prestations de 4 % au 1er juillet dernier.
Si la majoration de 3,5 % du point d'indice de la fonction publique génère des cotisations supplémentaires, celles-ci ne parviennent pas à équilibrer cette hausse des pensions. Ainsi le PLF pour 2023 prévoit-il un solde négatif du CAS « Pensions » de 789,4 millions d'euros.
La baisse des effectifs cotisants et le niveau croissant des pensions ne peuvent que renforcer ce déficit. Les contractuels représentent désormais 21 % de la seule fonction publique d'État, or ceux-ci sont affiliés à la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) ainsi qu'à l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques (Ircantec) pour les agents contractuels de droit public, et à l'Agirc-Arrco pour ceux relevant du droit privé. Les dépenses du CAS ont augmenté de 38,5 % depuis 2007.
Les taux de contribution employeur, qui assurent l'équilibre du CAS « Pensions » à chaque instant, ont toujours permis, depuis sa création en 2006, de dégager des soldes excédentaires, qui atteignent 9,5 milliards d'euros en 2021.
Cependant, ces taux n'ont pas été révisés depuis 2014. L'exercice 2022 inverse la tendance et devrait pour la première fois se clôturer par un déficit de l'ordre de 224 millions d'euros. Par conséquent, sans révision à la hausse des taux de contribution employeur, le solde excédentaire sera consommé d'ici à 2025.
La direction du budget ne prévoit pas de modifier les taux avant l'apurement total de l'excédent, qui n'a pourtant aucune réalité matérielle. Ainsi, les soldes annuels négatifs du CAS dégraderont directement celui de l'État.
La réévaluation des taux de contribution employeur et l'amélioration du solde du CAS étant indispensables, je souhaite que les futurs excédents débouchent sur la création de véritables réserves gérées par le Fonds de réserve pour les retraites (FRR). Celui-ci, dont l'actif net était évalué à 26 milliards d'euros fin 2021, affiche une performance record de 4,7 % depuis 2010. Il serait judicieux que les réserves du régime de la fonction publique nouvellement créées puissent bénéficier de ces excellents résultats.
J'émets un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.