Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 2 novembre 2022 à 9h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Nous examinons les amendements de séance sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

EXAMEN D'UN AMENDEMENT DU RAPPORTEUR

Article 3

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

L'amendement n° 77 vise à corriger une erreur matérielle.

L'amendement n° 77 est adopté.

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION

La commission a donné les avis suivants sur les amendements dont elle est saisie, qui sont retracés dans le tableau ci-après :

TABLEAU DES AVIS

Photo de Claude Raynal

Nous examinons maintenant, comme chaque année, les grandes lignes du projet de loi de finances (PLF) pour 2023 et son contexte économique et financier.

Photo de Jean-François Husson

Après avoir eu l'occasion d'examiner, la semaine dernière, le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 en commission, et débuté depuis quinze jours l'examen des missions budgétaires, je vous présente ce matin mon analyse concernant les principaux éléments de l'équilibre sur le projet de loi de finances pour 2023.

Un certain nombre des observations que j'avais formulées restent les mêmes en particulier en ce qui concerne le scénario macroéconomique proposé pour l'année 2023. Il apparaît trop optimiste, voire d'ores et déjà dépassé.

Le Gouvernement retient donc la prévision d'une croissance du PIB de 2,7 % en 2022 et de 1 % en 2023. Ces prévisions ont certes été révisées depuis la présentation du programme de stabilité cet été. Le Gouvernement est un peu plus optimiste qu'il ne l'était s'agissant de l'année 2022 et il l'est un peu moins concernant l'année 2023.

Dans le détail, le Gouvernement estime que la croissance sera principalement portée par la consommation des ménages et, dans une moindre mesure, par les dépenses des administrations publiques.

Avant de dire plus précisément ce que je pense de ces prévisions, je veux rappeler qu'en 2022 et - pour ce qu'il nous est permis d'en savoir - en 2023, l'économie française a été et demeurera soumise à de nombreux chocs exogènes.

Le plus important d'entre eux est, bien sûr, la hausse des prix de l'énergie. L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) nous a indiqué ici même lors d'une table ronde organisée à l'initiative de notre commission que, entre 2021 et 2023, la croissance économique aura été amputée d'environ 2,5 points de PIB sous l'effet de l'augmentation des prix de l'énergie. D'autres chocs doivent être considérés, à commencer, par exemple, par l'effet de la remontée des taux d'intérêt qui, en cumulé, pourrait représenter une perte de croissance de près de 1 point de PIB.

Je considère toujours que la prévision de croissance retenue par le Gouvernement pour l'année 2023 est trop optimiste. Ainsi, elle se situe aujourd'hui près de 0,7 point au-dessus de la moyenne du Consensus Forecasts et dans la fourchette haute des prévisions. Plus encore, cette prévision, qui, je le rappelle, n'a pas été révisée depuis la fin du mois de septembre, apparaît très fragilisée par les récents développements conjoncturels.

Au niveau national, l'Insee vient de faire paraître les comptes nationaux au troisième trimestre de l'année 2022, qui montrent un ralentissement de la croissance du PIB. En outre, dans sa note de conjoncture du début du mois d'octobre, l'Insee considérait que la croissance du PIB serait nulle au quatrième trimestre, ce qui implique que l'acquis de croissance en 2023 serait égal à zéro.

Au niveau international, les prévisions de croissance concernant nos principaux partenaires sont mauvaises. Ainsi, la zone euro, dans son ensemble, devrait connaître une croissance égale à zéro en 2023, tandis que l'Allemagne serait tout bonnement en récession de près de 1 %. Je rappelle que la stagnation pour la zone euro et la récession en Allemagne n'étaient absolument pas anticipées lors de la construction du PLF l'été dernier. Ainsi, le rapport économique, social, et financier (RESF) mentionne l'hypothèse d'une croissance du PIB en zone euro de 1,5 % et de 0,8 % en Allemagne. Il m'apparaît donc très clair que le PLF pour l'année 2023 est construit sur des hypothèses de croissance trop fragiles.

Je souhaite faire un point concernant l'évolution des prix.

Contrairement à la prévision de croissance, il me semble que la prévision d'évolution de l'inflation présente un caractère relativement central en comparaison du consensus économique. En 2023, elle devrait, selon le Gouvernement, atteindre environ 4,3 %, ce qui est significatif. L'inflation en France demeure très majoritairement importée et c'est ce qui justifie, je crois, de continuer à mettre en oeuvre et à améliorer les dispositifs de soutien.

Ainsi, le prix des ressources en comptabilité nationale - il mesure le prix de la valeur ajoutée produite sur le territoire et le prix des importations - a progressé d'un peu plus de 7 % au troisième trimestre 2022 par rapport à l'année dernière. Sur cette forte progression, environ 6,7 points s'expliquent par la seule hausse du prix des importations. Cette hausse s'explique, quant à elle, pour près de 60 %, par l'augmentation des prix de l'énergie et, dans une moindre ampleur, par celle des produits manufacturés. Pour beaucoup, cette hausse des prix à l'importation provient des tensions d'approvisionnement liées à la guerre dans le cas de l'énergie. Toutefois, une autre explication peut être recherchée dans la dépréciation très rapide de l'euro face au dollar et d'autres monnaies qui lui sont liées. En effet, l'euro a perdu en un an près de 20 % de sa valeur face au dollar et près de 15 % face à l'ensemble des monnaies mobilisées pour payer les importations françaises. Pour mémoire, plus du quart des importations françaises et la quasi-totalité des importations d'énergie sont réglées en dollar.

Cette forte hausse du prix des importations et particulièrement de l'énergie entraîne une « dégradation des termes de l'échange », c'est-à-dire qu'à quantité égale nos importations nous coûtent plus cher que ce que nos exportations nous rapportent. D'après l'Insee, en 2022, la hausse des prix de l'énergie devrait ainsi représenter un prélèvement net sur le revenu national d'environ 1,5 point.

Le caractère encore très largement importé de notre inflation justifie, je le disais, que nous continuions à mettre en oeuvre des dispositifs de soutien en faveur des ménages, des entreprises et des collectivités locales. En effet, ces mécanismes ont jusqu'ici montré des résultats probants même si c'est - il faut le dire clairement - au prix fort pour les finances publiques.

Ainsi, les dispositifs mis en oeuvre depuis cette année auraient, d'après le Gouvernement, permis de réduire l'inflation totale en France de 2 à 3 points.

De fait, les prévisionnistes considèrent que l'inflation en France sera en 2022 et 2023 bien plus faible que dans la plupart des économies développées. Cela a un coût : près de 50 milliards d'euros en 2022 et probablement plus de 56 milliards d'euros en 2023. Pour nécessaires qu'elles soient, ces dépenses doivent nous rappeler à observer une grande vigilance puisque, comme vous le savez, les conditions de financement de la France ne sont plus exactement les mêmes que par le passé.

En effet, l'inflation a également contribué à une augmentation rapide des taux nominaux sur le marché des obligations souveraines.

Depuis octobre 2021, c'est-à-dire il y a environ un an, le taux des obligations assimilables du Trésor (OAT) françaises à dix ans a augmenté de 290 points de base. Ce mouvement a été observé dans d'autres pays, à commencer par nos partenaires de la zone euro et au Royaume-Uni.

Pour autant, la perception que les investisseurs ont du risque des obligations françaises s'est détériorée. Ainsi, depuis janvier 2021, l'écart entre le taux des obligations à dix ans françaises et allemandes s'est accentué de 0,4 point de pourcentage. La situation est encore plus préoccupante en Italie, où cet écart s'est accentué de 1,5 point, laissant craindre un risque de fragmentation du marché obligataire en zone euro, qui a contraint la Banque centrale européenne (BCE) à réagir l'été dernier. D'après les prévisions dont nous disposons, et sans doute grâce à l'action de la BCE, les écarts de taux devraient se stabiliser. D'après le Consensus Forecasts, les écarts français et italiens devraient diminuer d'environ 0,1 point d'ici à un an.

J'en viens maintenant à la présentation de la situation des finances publiques.

Je veux alerter sur le fait que les mesures de crise ne peuvent pas expliquer toute la dégradation de nos comptes publics et qu'il est urgent de mettre en oeuvre une stratégie de maîtrise des dépenses ordinaires. En 2023, le déficit du solde public devrait atteindre 5 % du PIB et l'endettement environ 111,2 %.

S'agissant des recettes publiques, j'observe qu'elles progresseront d'environ 137 milliards d'euros entre 2021 et 2023. La majorité de cette hausse s'observera en 2022 avec une progression de 80 milliards d'euros des prélèvements obligatoires, contre « seulement » 43 milliards d'euros en 2023. Cette différence s'explique par un ralentissement des perspectives de croissance, mais aussi par une hypothèse d'élasticité des recettes plus forte en 2022 : 1,5 contre 0,6 en 2023.

Plusieurs mesures nouvelles viendront réduire le rendement fiscal, à commencer par la suppression de la contribution à l'audiovisuel public, la poursuite de la suppression de la taxe d'habitation et, sauf s'il en est décidé autrement, la suppression de la part communale et intercommunale de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

Les recettes liées à la crise de l'énergie apporteront une contribution positive à l'évolution des recettes. Cela peut sembler paradoxal à première vue, mais cette situation s'explique par le fait que l'État va bénéficier de versements, pour environ 20 milliards d'euros sur deux ans, de la part des producteurs d'énergie. En temps normal, en effet, l'État verse des subventions à ces producteurs, dont le montant est calculé en fonction de la différence entre un prix de référence et le prix de marché de l'électricité. Actuellement, le prix de marché est au-dessus de ce prix de référence. En conséquence, l'État ne verse plus de subventions et il encaisse des recettes. Ces dernières permettront d'ailleurs de financer les mesures qui, elles, présentent bien un coût pour l'État que ce soit en recettes - comme la baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) - ou en dépenses - comme la remise à la pompe.

Les dépenses vont également progresser de 111 milliards d'euros environ entre 2021 et 2023, avec une plus forte contribution de l'année 2022.

En réalité, la hausse des dépenses est beaucoup plus importante, car l'État - je viens d'en donner l'exemple avec le cas des subventions aux producteurs d'énergie - bénéficie de moindres dépenses tout à fait conjoncturelles.

Les dépenses primaires retraitées du coût des mesures de crise progresseront ainsi de 137 milliards d'euros sur les deux années, dont 65 milliards d'euros en 2023. En parallèle, les dépenses de crise diminueront d'environ 27 milliards d'euros sous l'effet, principalement, de l'extinction des mesures liées au covid et au plan de relance. En outre, les administrations bénéficieront d'une moindre dépense de l'ordre de 26 milliards d'euros liée au non-versement des subventions au profit des producteurs d'électricité. Les mesures de revalorisation des pensions et du traitement des fonctionnaires contribueront à augmenter la dépense d'environ 16 milliards d'euros. Enfin, la charge de la dette progresserait d'environ 10 milliards d'euros sous l'effet, pour l'instant, du renchérissement des intérêts versés au titre des obligations indexées sur l'inflation.

Il me semble utile de préciser que la hausse des dépenses primaires hors coût des mesures de crise en 2022 et en 2023 est particulièrement sensible en comparaison historique.

Ainsi, en 2022, les dépenses primaires, hors mesures de crise, augmenteront d'environ 2,6 points de PIB, ce qui n'a pas été constaté depuis 1993 et qui plaide pour engager rapidement une trajectoire de consolidation des comptes publics.

Pour votre information, le solde public restera particulièrement dégradé en raison de la situation financière de l'État.

Les comptes des administrations publiques locales seront à l'équilibre en 2023, et j'observe même que les collectivités locales présenteront un excédent. En effet, le déficit des administrations publiques locales s'explique par la prise en compte de certains organismes comme la Société du Grand Paris (SGP) - largement pilotée par l'État - et qui eux sont en déficit.

Les administrations sociales parviendraient à l'équilibre grâce à l'amélioration du solde du régime général. Pour autant, malgré l'extinction des dépenses liées au covid, la progression des dépenses reste forte en raison, notamment, de la revalorisation des prestations sociales et des retraites.

Ce tableau des années 2022 et 2023 doit être replacé dans la perspective plus longue que trace le projet de loi de programmation des finances publiques. La trajectoire que nous y proposait le Gouvernement n'était pas raisonnable. En effet, elle consistait à laisser filer la dépense de l'État et à n'imposer d'efforts réels qu'aux administrations locales. La semaine dernière, notre commission des finances a donc adopté une trajectoire d'évolution des dépenses plus ambitieuse, qui prévoit que les administrations centrales réaliseront une baisse de dépense primaire hors mesures de crise de l'ordre de 0,5 % en volume chaque année. Cette trajectoire nous permettra de revenir en dessous de 3 % de déficit public dès 2025 ; il me semble que c'est la direction qu'il faut suivre.

Comme je vous l'avais indiqué, cette trajectoire implique la réalisation d'efforts dès le PLF pour 2023. En l'occurrence, une économie de l'ordre de 3 à 4 milliards d'euros doit être recherchée. Je souhaite qu'elle préserve les dépenses sociales, les dépenses de sécurité ainsi que celles qui sont relatives à l'éducation. J'aurai l'occasion, en séance, de vous présenter les mesures d'économies par mission que je propose d'appliquer.

La seconde partie de cette présentation sera centrée sur le budget de l'État, qui fait l'objet de l'autorisation en loi de finances. En un mot, le déficit comme les dépenses restent sur les sommets atteints pendant la crise sanitaire, et le Gouvernement ne semble pas trouver, voire même chercher, les moyens d'en redescendre.

Voyons d'abord où nous en sommes pour l'année en cours. La situation n'a guère évolué par rapport au collectif budgétaire de l'été : le déficit serait un peu moins élevé que prévu grâce à de bonnes rentrées fiscales et en raison d'un prélèvement sur recettes en faveur de l'Union européenne moins important que prévu. Le déficit budgétaire de l'État dépasserait donc les 170 milliards d'euros, comme en 2020 et 2021.

Ces éléments sont toutefois provisoires et ne prennent pas en compte les mouvements de crédits réalisés par le projet de loi de finances rectificative de fin d'année, qui pourrait modifier de manière significative les conditions de l'équilibre budgétaire en 2022.

En 2023, le projet de loi de finances prévoit une nette diminution du déficit budgétaire par rapport à l'exécution 2022 ; il atteindrait 158,5 milliards d'euros. Toutefois c'était déjà le cas les trois années précédentes et des collectifs budgétaires sont venus, à chaque fois, dégrader les perspectives en cours d'année.

La demi-suppression de la CVAE produit des effets contrastés : d'un côté, une nouvelle part de TVA est affectée aux collectivités territoriales ; de l'autre, la CVAE est désormais affectée à l'État en attendant sa suppression complète en 2024.

Le versement européen annuel au titre du plan de relance devrait être supérieur de 5,3 milliards d'euros à son montant de 2022. Enfin, les dépenses liées à la crise sanitaire devraient bien sûr diminuer considérablement. Les autres dépenses du budget général, elles, devraient augmenter de 14,2 milliards d'euros.

Je reviendrai plus en détail dans un instant sur les recettes comme sur les dépenses, mais un point particulier introduit une certaine confusion entre les unes et les autres : c'est le bouclier tarifaire. En effet, comme je l'ai indiqué précédemment, les producteurs d'énergies renouvelables, qui bénéficient des prix très élevés de l'électricité qu'ils vendent sur les marchés, reversent à l'État la différence entre ces prix de marché et les prix figurant sur leurs contrats. Mais au lieu d'isoler cette recette dans le budget, le programme 345 « Service public de l'énergie » opère une sorte de compensation avec les sommes que l'État verse par ailleurs aux opérateurs afin de compenser le coût du gel des tarifs de l'électricité et du gaz, c'est-à-dire le bouclier tarifaire. Suivant les informations que j'ai obtenues, la procédure de rétablissement de crédits a été suivie, mais les documents budgétaires sont muets sur ces procédures et sur leur justification au point de vue du principe d'universalité budgétaire.

Pour la quatrième année consécutive, le déficit budgétaire devrait donc dépasser le niveau, auparavant jamais atteint, de 150 milliards d'euros. Ce budget est celui de tous les records : jamais un projet de loi de finances n'avait été présenté avec un tel niveau de déficit dès le début de la discussion budgétaire ; jamais un budget n'a prévu un tel niveau d'emprunts nouveaux - 270 milliards d'euros en 2023 - ; jamais non plus la France n'a dû rembourser autant d'emprunts arrivés à l'échéance - 156,5 milliards d'euros. La France décaissera plus, en 2023, pour rembourser des emprunts que pour financer, hors pensions, l'éducation nationale, la recherche et les armées réunies.

L'accumulation des déficits, à laquelle le Gouvernement ne prévoit pas réellement de mettre fin dans le projet de loi de programmation des finances publiques, pousse les curseurs de la dette toujours plus haut. Arrivé à de telles altitudes, l'emprunt toujours renouvelé place le pays sous respirateur artificiel, et la facture commence à être présentée : c'est la charge de la dette qui, dès cette année, dépasse les 50 milliards d'euros en comptabilité budgétaire.

Or la dette climatique s'ajoute à la dette budgétaire. Les dépenses défavorables au climat doublent de montant en 2023, à un niveau de 19,6 milliards d'euros ; encore ce montant est-il probablement sous-estimé, car, au lieu de prendre en compte la totalité du bouclier tarifaire de 45 milliards d'euros, le rapport « budget vert » ne considère que le coût net, estimé à 8,9 milliards d'euros de crédits budgétaires.

Face à ces dépenses, la fiscalité énergétique est toujours aussi inégalitaire : elle pèse plus sur les ménages à revenus modestes, ainsi que sur ceux qui vivent dans des communes rurales ou dans de petits pôles urbains.

Il ne faut guère espérer des recettes qu'elles aident l'État à infléchir la trajectoire de la dette en 2023, car elles devraient être de 345,1 milliards d'euros, soit en diminution de 5,8 milliards d'euros en valeur ou de 2,7 % en volume.

Les deux principaux phénomènes affectant l'évolution des recettes fiscales sont la suppression progressive de la CVAE et la poursuite du bouclier tarifaire.

Le coût pour l'État de la première phase de la suppression de la CVAE est estimé à 3,6 milliards d'euros avec, d'une part, l'affectation d'une fraction de TVA aux collectivités et, d'autre part, l'affectation de la CVAE au budget de l'État. La poursuite du bouclier tarifaire annule les recettes de la TICFE, alors que ces recettes étaient en 2021 de 7,4 milliards d'euros.

Le produit de la TVA est ainsi de plus en plus émietté entre des affectataires divers, dont l'audiovisuel public depuis l'été dernier. L'État ne perçoit plus que 45,3 % de la TVA nette totale, ce qui aura nécessairement des implications sur la politique fiscale : toute décision relative à la TVA et à l'application de ses taux réduits devra prendre en compte les conséquences éventuelles sur le financement des autres administrations affectataires.

Le produit de l'impôt sur les sociétés devrait diminuer de 3,7 milliards d'euros en 2023, mais cette évolution doit s'apprécier par rapport au niveau exceptionnel attendu en 2022. Celui de l'impôt sur le revenu restera stable, car l'indexation du barème devra annuler à peu près l'évolution spontanée.

Enfin la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), comme la TVA, subit une affectation supplémentaire de son produit à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf). Ses recettes diminueront pour l'État de 1,2 milliard d'euros.

Parmi les recettes non fiscales, l'élément le plus notable ces dernières années est le cofinancement, par l'Union européenne, du plan de relance au titre de la facilité pour la reprise et la résilience. Un versement de 12,7 milliards d'euros est attendu en 2023, après 7,4 milliards d'euros en 2022 et 5,1 milliards d'euros en 2021. Toutefois, alors qu'il était prévu au départ un financement total, sur l'ensemble de la période, de 39,4 milliards d'euros, ce montant a été révisé par la Commission européenne à 37,5 milliards d'euros : en effet, il était en partie indexé sur la reprise de l'activité, qui au cours de l'année 2021 a été plus rapide que prévu.

Enfin, le prélèvement sur recettes à destination de l'Union européenne serait de 24,6 milliards d'euros, en baisse de 0,4 milliard d'euros, mais cette prévision est toujours un peu incertaine, car elle dépend des budgets rectificatifs adoptés au niveau européen. Les prélèvements sur recettes à destination des collectivités territoriales, eux, devraient être à peu près stables à 43,7 milliards d'euros.

Face à la réduction des recettes, le réflexe budgétaire devrait être d'agir sur les dépenses ; c'est bien pour cela que la loi de finances comprend deux parties, et que le vote des recettes précède l'examen des crédits. On en est loin : le Gouvernement choisit les dépenses qui doivent augmenter, mais pas les économies qui devraient les compenser. Il prépare donc la poursuite de la dégradation des finances publiques.

Photo de Claude Raynal

Nous en venons à l'examen du rapport pour avis de notre commission sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023.

Photo de Christian Klinger

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, a été transmis lundi soir au Sénat.

La part de ce texte dans les prélèvements obligatoires et dans les dépenses publiques - 600 milliards d'euros en 2023 -, et par conséquent son impact macro-économique, justifie la saisine pour avis, comme chaque année, de la commission des finances.

La crise sanitaire a provoqué en 2020 un déficit record de la sécurité sociale de l'ordre de 40 milliards d'euros, alors qu'elle finissait à peine d'absorber les conséquences du choc de la crise financière de 2008-2009.

Les années 2021 et 2022 représentent à elles deux 42 milliards d'euros de déficit supplémentaire. C'est 13 milliards de moins qu'on ne le prévoyait il y a un an, mais cela demeure considérable.

Cette situation moins dégradée qu'attendu tient au dynamisme des recettes, lié à une forte progression de l'emploi et de la masse salariale. Les dépenses ont également davantage augmenté que prévu, mais moins vite que les recettes.

Premièrement, l'effet des surcoûts imputables à la crise sanitaire représente encore 30 milliards d'euros sur les années 2021 et 2022. C'est 9 milliards de plus qu'envisagé il y a un an, avant la reprise des contaminations dues au variant omicron.

Deuxièmement, face au changement de contexte économique, marqué par une montée de l'inflation, les prestations sociales et les rémunérations de la fonction publique hospitalière ont été revalorisées cet été. C'est une dépense supplémentaire de plus de 8 milliards d'euros par rapport à la loi de financement initiale.

Au total, le déficit, concentré sur la branche maladie ces trois dernières années, se réduit lentement. Il atteindrait environ 18 milliards d'euros en fin d'année 2022.

Je précise que les résultats des exercices 2021 et 2022 sont retracés dans la première et la deuxième partie du projet de loi. Elles ont été amendées puis supprimées par les députés, et n'ont pas été incluses dans l'engagement de responsabilité du Gouvernement. Le texte qui vient au Sénat est donc privé de ces deux premières parties et ne comporte que les parties recettes et dépenses de l'exercice 2023.

S'agissant de 2023, le projet de loi prévoit très peu de mesures nouvelles. L'évolution des recettes et des dépenses est quasi exclusivement déterminée par les hypothèses macro-économiques pour 2023 et par des paramètres inchangés par rapport à cette année.

En ce qui concerne les recettes, la seule mesure nouvelle significative concerne le relèvement d'environ 5 % des prix du tabac le 1er mars prochain. C'est une recette de 400 millions d'euros en 2023 et de 500 millions d'euros en année pleine.

L'évolution des recettes découle donc surtout de la hausse de la masse salariale que le Gouvernement établit à un peu moins de 5 %. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) juge cette hypothèse « plausible », mais nous savons qu'il existe un aléa sur la prévision de croissance et que des signes de ralentissement apparaissent.

L'objectif de dépenses pour 2023 se caractérise, quant à lui, par une évolution particulièrement modérée, surtout dans un contexte d'inflation. Les dépenses augmenteraient de 2 % seulement, deux fois moins vite que les recettes.

Comme l'a souligné le HCFP, ce ralentissement des dépenses repose sur une estimation optimiste de l'évolution de la situation sanitaire, puisque le Gouvernement propose d'abaisser la provision à moins de 1 milliard d'euros l'an prochain, alors que les surcoûts sont encore de 11,5 milliards en 2022.

Hors effet crise sanitaire, les dépenses progressent de 4 %, à peu près comme les recettes. De manière plus précise, ce sont les dépenses des branches vieillesse et famille qui progressent davantage que la moyenne, malgré des hypothèses de revalorisation des prestations pour l'an prochain sensiblement inférieures à l'inflation. Pour les retraites, c'est l'effet démographique de l'augmentation du nombre de pensionnés. Pour la branche famille, cela résulte de la majoration de 50 %, à compter de ce 1er novembre, de l'allocation de soutien familial attribuée à 800 000 familles monoparentales.

En outre, un transfert de charges de 2 milliards d'euros est opéré vers la branche famille par l'article 10 du projet de loi. Il correspond aux dépenses d'indemnité journalière de maternité pour la période postérieure à la naissance, soit une période de 10 semaines sur les 16 semaines du congé maternité.

Il s'agit évidemment d'alléger artificiellement les dépenses de la branche maladie, qui couvrait depuis l'origine les frais liés à la maternité, en utilisant les excédents de la branche famille.

En effet, l'une des caractéristiques de ce projet de loi est que les dépenses d'assurance maladie seraient en baisse de 3,5 milliards en 2023, le déficit de la branche passant de 20 à moins de 7 milliards.

Le Gouvernement table sur une baisse de 10,5 milliards des dépenses sur les mesures dérogatoires liées au covid. Il allège la charge de la branche maladie de 2,1 milliards d'euros : 2 milliards sont reportés sur la branche famille et 100 millions sont transférés à la branche accidents du travail. Telles sont les uniques raisons de la diminution du déficit de l'assurance maladie en 2023.

Différents facteurs contribuent à alourdir les dépenses d'assurance maladie en 2023, notamment pour les hôpitaux : les revalorisations générales ou spécifiques des rémunérations, l'inflation et l'accroissement tendanciel des dépenses de soin pour des pathologies liées au vieillissement ou associées à des traitements coûteux.

S'agissant de la maîtrise des dépenses, le Gouvernement fait principalement porter l'effort sur le médicament et les produits de santé, à travers une baisse des prix et une clause de sauvegarde plafonnant la progression du chiffre d'affaires des laboratoires pharmaceutiques, qui entraînent des économies d'un montant de 1,1 milliard d'euros. L'article 27 prévoit également la possibilité d'abaisser les tarifs des actes de biologie médicale si les partenaires ne trouvent pas d'accord avec l'assurance maladie, ce qui permettrait d'économiser au moins 250 millions d'euros, ces dépenses ayant fortement augmenté avec les dépistages du covid.

D'autres économies attendues sont peu documentées, comme celles qui concernent les actions relatives à la pertinence des actes et des prescriptions.

Par ailleurs, plusieurs dispositions du texte, dont certaines ont été ajoutées par l'Assemblée nationale, visent à renforcer la lutte contre les abus et les fraudes : une possibilité limitée de prescription des arrêts de travail par téléconsultation ; des pouvoirs de sanction renforcés pour les directeurs de caisses primaires ; une procédure de déconventionnement d'urgence étendue aux pharmacies et aux entreprises de transport sanitaire ; des pénalités majorées incluant le coût de gestion de la fraude ; et le versement de certaines prestations sur des comptes obligatoirement situés en France ou en Europe. Toutefois, il reste difficile d'évaluer le rendement de ces différentes mesures.

Au total, le déficit de 17 milliards d'euros pour 2022 serait réduit à 7 milliards en 2023, cette baisse correspondant à une diminution annoncée des surcoûts liés à la crise sanitaire. Hors crise, le déficit resterait identique à celui de 2022, sous réserve de la réalisation des hypothèses de progression de l'emploi et de la masse salariale.

Selon la trajectoire associée au projet de loi, le déficit de la sécurité sociale se creuserait de nouveau à partir de 2024, pour se situer entre 12 et 13 milliards d'euros à partir de 2026.

Ces prévisions me paraissent inquiétantes à plusieurs titres. D'abord, le déficit persiste et s'accentue alors que les hypothèses de croissance, d'emploi et de recettes sont optimistes, comme l'a démontré le rapporteur général au sujet de la loi de programmation des finances publiques.

Ensuite, les prévisions relatives aux dépenses d'assurance maladie sont elles aussi optimistes, leur augmentation annuelle s'établissant entre 2,6 à 2,7 %, ce qui demeure inférieur à la croissance majorée de l'inflation. Ce résultat supposerait une maîtrise des dépenses particulièrement efficace, mais les instruments choisis pour y parvenir ne sont pas détaillés.

Enfin, la trajectoire des dépenses de retraites, qui connaitra une nette dégradation dès 2024, est d'autant plus préoccupante que le Gouvernement indique avoir en partie pris en compte - à un niveau qu'il ne souhaite pas révéler - les effets d'une nouvelle réforme.

Le Président de la République juge désormais indispensable de relever l'âge de départ à la retraite alors qu'il en écartait l'idée en 2017. Je rappelle que le Sénat a été constant sur ce point puisque, depuis 2014, il inscrit dans chaque PLFSS des mesures allant dans ce sens. Constamment repoussée, cette réforme sera en tout état de cause engagée trop tardivement pour avoir un effet sensible sur le rythme de progression des dépenses liées aux retraites d'ici à 2027.

Le projet et les projections pluriannuelles présentés se placent donc dans une perspective de comptes sociaux dégradés durant plusieurs années. Le schéma de financement des déficits, arrêté en 2020, assure leur reprise par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) jusqu'à l'exercice 2023 inclus, avec une échéance d'amortissement fixée en 2033. Des déficits persisteront au-delà, et ils seront sans doute supérieurs aux 11 à 12 milliards d'euros annuels figurant dans les prévisions du Gouvernement. La question de leur financement se posera donc inévitablement dès 2024.

En résumé, le PLFSS pour 2023 comporte peu de mesures visant à rééquilibrer les comptes sociaux. De plus, l'amélioration annoncée pour l'an prochain n'est due qu'à une quasi-disparition escomptée des mesures spécifiques à la gestion du covid. Enfin, les déterminants des déficits persistent et sont sans doute sous-évalués.

Ainsi, le texte ne paraît pas acceptable en l'état. Il comporte des dispositions très contestables, comme la ponction sur la branche famille quand le fléchissement de la natalité exigerait une politique familiale plus ambitieuse. La commission des affaires sociales, saisie au fond, proposera donc la suppression de cette disposition. Elle souhaite également que les organismes complémentaires contribuent à la maîtrise des dépenses d'assurance maladie.

Enfin, le rapporteur pour la branche vieillesse, René-Paul Savary, réaffirmera la position claire adoptée par le Sénat ces dernières années quant à la nécessaire modification des paramètres du départ en retraite.

C'est sous réserve de ces principales modifications proposées par la commission des affaires sociales que nous pourrions émettre un avis favorable sur le projet de loi.

Photo de Vincent Delahaye

Je remercie notre rapporteur général pour cette analyse du déséquilibre - et non de l'équilibre ! - de nos finances publiques, qu'il a chiffré en valeur absolue, et non seulement en points de pourcentage du PIB : c'est plus clair ! Si l'on regarde bien, le déficit est bien plus important encore. On continue à emprunter non pas pour investir, mais pour financer des dépenses courantes.

Le solde des administrations locales est à l'équilibre, mais les collectivités territoriales présentent un excédent. Cela signifie-t-il que les autres administrations locales sont en déficit ?

Photo de Jean-François Husson

D'abord, en étudiant le graphique sur les déficits, j'observe que la branche autonomie pourrait être contributrice à partir de 2024 ; comment est-ce possible alors que cette branche est déficitaire et que les dépenses liées au vieillissement vont s'alourdir ?

Ensuite, sur la question des retraites, une nette dégradation des comptes est à prévoir à partir de 2024. Si les effets d'une éventuelle réforme ont été intégrés, vous précisez n'avoir pas eu accès à des explications quant aux causes de la dégradation. Quel est votre sentiment à ce sujet ? Qu'est-ce que cela pourrait cacher ?

Photo de Vincent Capo-Canellas

Je souscris à l'analyse de notre rapporteur général. Les dépenses courantes sont trop élevées. Le Gouvernement annonce une baisse des dépenses, mais c'est trompeur, car il prend pour base de comparaison le niveau du budget atteint pour faire face au covid : en définitive, le déficit reste plus élevé qu'avant la crise !

Comme il semble difficile de baisser les dépenses courantes, une solution pourrait être, selon les économistes et le Gouvernement, de « travailler plus » ; c'est le sens de la réforme des retraites, qui vise à augmenter le taux d'emploi des seniors. Pensez-vous que cette réforme dégagerait suffisamment de gains budgétaires ? Mais il convient aussi de trouver le bon réglage budgétaire dans la conjoncture économique actuelle pour éviter la récession. Quelle est la part des dépenses publiques « positives » qui ont permis de réduire l'inflation et eu sur l'économie un effet bénéfique ? Quelle est la rentabilité budgétaire du bouclier tarifaire et des mesures similaires ?

Nul ne sait où se situe le point de bascule en ce qui concerne le déficit. On ne le connaît en général que lorsqu'il est trop tard, comme le montrent le revirement britannique ou la position du nouveau gouvernement italien en faveur de l'orthodoxie budgétaire. Ces expériences doivent nous inciter à la prudence. Les Allemands considèrent qu'il y a un découplage entre leur pays et la France, ils considèrent que la France fait cavalier seul en Europe sur le plan budgétaire et qu'elle dépense trop.

Photo de Hervé Maurey

Je pose cette question régulièrement et depuis longtemps, notamment aux ministres qui se succèdent : savez-vous combien coûte la politique d'incitation à l'installation des médecins ? Selon la Cour des comptes, elle serait très onéreuse, mais le Gouvernement ne donne jamais d'évaluation.

Photo de Marc Laménie

Quelles sont les perspectives d'évolution du déficit budgétaire à court terme ? La mission « Engagements financiers de l'État » est la seconde mission du budget général : quelles sont là encore les perspectives d'évolution ? Quel sera l'impact de la politique budgétaire pour les collectivités territoriales ?

Photo de Marc Laménie

Merci à Christian Klinger pour le travail d'investigation qu'il a mené sur un budget de plus de 600 milliards d'euros. La dette sociale atteindrait 160 milliards d'euros fin 2022, contre 115 milliards fin 2019 ; quelles sont les perspectives d'évolution à ce titre ? Par ailleurs, on évoque les quatre branches ; qu'en est-il de la cinquième ?

Photo de Vincent Segouin

S'agissant du budget, les années se suivent et se ressemblent, et la situation s'aggrave. La suppression de la CVAE s'inscrit dans une tendance de diminution des prélèvements directs des collectivités. Pourtant celles-ci sont à l'équilibre. À l'inverse, les dépenses de l'État progressent, mais celui-ci est un mauvais gestionnaire. On invoque souvent la décentralisation, mais en matière fiscale, celle-ci n'existe pas !

Le projet de loi de finances repose sur une prévision de croissance de 1 %. Mais les banques centrales remontent leurs taux d'intérêt : quelles seront les conséquences sur la croissance et nos finances publiques ?

Photo de Vincent Delahaye

J'avais la même remarque que le rapporteur général sur la branche autonomie qui se mettrait à rapporter... Ce n'est pas fréquent et si cela devait arriver, il faudrait la développer !

En ce qui concerne les recettes, vous évoquez des hypothèses très optimistes ; avez-vous procédé au calcul de l'évolution du déficit en partant d'hypothèses réalistes ?

Enfin, je suis très surpris - et ce n'est pas la première fois - d'entendre que la réforme des retraites est ici en partie prise en compte par le Gouvernement sans que l'on sache à quel niveau. Ce manque de transparence me semble invraisemblable.

Photo de Pascal Savoldelli

Connaît-on l'identité de ceux auprès de qui la France emprunte ? Les taux d'intérêt ont longtemps été négatifs. Cela ne constitue-t-il pas un petit matelas financier pour l'État ?

Ensuite, êtes-vous favorable à une hausse des recettes de l'État ? Quelles sont vos préconisations ?

Photo de Sylvie Vermeillet

Je souhaiterais que vous m'éclairiez quant à la trajectoire de la branche autonomie, dont les recettes progressent davantage que les dépenses. Par ailleurs, ces dernières ne semblent pas encore bien identifiées, même si vous évoquez la création de 3 700 emplois dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ainsi que des dépenses supplémentaires de services de soins infirmiers.

En outre, je partage les propos du rapporteur général sur la réforme des retraites. La question du pouvoir d'achat et du niveau de vie des retraités sera centrale. Ainsi, je trouverais dommage que l'on aborde la question des retraites sans prendre en compte celle du financement de l'autonomie.

Photo de Roger Karoutchi

Je partage l'analyse de notre rapporteur général. Le déséquilibre entre l'État et les collectivités territoriales s'accroît, mais le Gouvernement s'en moque. Cela finira mal, car quand les collectivités territoriales ne pourront plus investir, on en verra les conséquences sur l'économie réelle.

Le projet de loi de finances repose sur une prévision de croissance de 1 %. Je ne comprends pas pourquoi l'exécutif ne parvient pas à mieux tenir compte des réalités. Il avait déjà, en dépit de nos mises en garde, sous-estimé l'ampleur et le coût de la crise du covid. Au printemps, j'ai alerté le Gouvernement sur le coût de la guerre en Ukraine. Une crise avec la Corée du Nord est possible ; un conflit entre l'Arabie saoudite et l'Iran semble imminent, qui aura des conséquences sur le prix du pétrole, notamment. Mais on a l'impression que le Gouvernement vit dans une bulle, ignorant la situation internationale : il veut être optimiste comme le dit M. Le Maire, pour ne pas inquiéter les Français, mais, en fait, il ne tient pas compte des réalités.

Photo de Christian Bilhac

La création de 3 700 emplois dans les Ehpad sera-t-elle suffisante ? En effet, ces établissements, surtout lorsqu'ils sont publics, connaissent une situation catastrophique. Ils rencontrent beaucoup de difficultés à équilibrer leurs comptes et à assurer leur mission auprès de leurs pensionnaires.

Photo de Vanina Paoli-Gagin

Les prévisions de croissance de la zone euro tiennent-elles compte du plan de relance de 200 milliards d'euros annoncé par l'Allemagne et des délocalisations industrielles, notamment dans l'automobile, vers l'Asie ?

Photo de Claude Raynal

D'abord, je salue la manière dont le document préparé présente en quelques pages une vision claire de l'usage de 600 milliards d'euros. Cependant, la tonalité du rapport me semble poser problème. En effet, que sont 12,5 milliards de déficit sur 600 milliards d'euros, quand le rapport de M. Husson mentionnait plus de 150 milliards d'euros de déficit budgétaire de l'État pour 500 milliards d'euros de dépenses ? Dans ce dernier cas, 30 % des dépenses sont couvertes par l'emprunt, alors qu'ici il ne s'agit que de 2 %. Certes, nous préférerions que ce chiffre soit nul, mais cela mérite-t-il une tonalité aussi négative ?

Il serait intéressant de savoir quelles décisions ne sont pas couvertes par un financement d'État à travers la TVA. Nous verrions peut-être que les 12,5 milliards d'euros correspondent à des décisions prises par l'État de manière unilatérale, sans l'accord des partenaires sociaux. À titre d'exemple, les charges sociales supprimées pour un certain nombre de contrats de travail représentent un montant considérable ; est-il couvert par une compensation du budget de l'État ?

Pour conclure, j'ai du mal à m'inquiéter de ce déficit par rapport à celui de l'État, pour lequel on ne voit pas comment réaliser des économies alors qu'on refuse d'augmenter les recettes. Dans le cas présent, le problème semble plus simple à résoudre - et plus encore si l'on se souvient de certaines époques. Les impacts de crise sont rapides et les remontées peuvent être assez significatives. Il s'agit donc de ne pas s'affoler et considérer ce problème avec sérénité.

Photo de Christine Lavarde

Quelle est l'évolution du ratio entre les mesures fiscales favorables et les mesures fiscales défavorables au climat ? D'après la trajectoire pluriannuelle des finances publiques, ce ratio devrait augmenter, mais la baisse de la TICFE ne va pas dans le bon sens à cet égard.

Photo de Christian Klinger

Certes, le pourcentage représenté par le déficit paraît peu élevé. Cependant, il s'agit de dépenses courantes, qui devraient être alimentées par des recettes courantes. Trouver un équilibre me semble donc sain, notamment pour éviter de creuser encore le déficit public. Des mesures pourraient notamment être prises pour atténuer le déficit de la branche maladie qui, sans le covid, aurait été quasiment étale à partir de 2020 ou 2021.

En ce qui concerne la branche autonomie, un transfert de recettes est prévu à partir de 2024, une partie de la contribution sociale généralisée (CSG) affectée à la Cades devant lui revenir, ce qui explique son solde positif. Son niveau de ressources passera en effet de 35 milliards d'euros en 2022 à 40 milliards d'euros en 2024.

J'en viens à la dégradation de la branche vieillesse, qui apparaît de façon très nette à échéance de deux ou trois ans. Celle-ci s'explique essentiellement par une augmentation du nombre de bénéficiaires puisque les baby-boomers prennent leur retraite. À cela s'ajoute l'élévation régulière du niveau des pensions. Ces facteurs provoquent une forte dégradation à partir de 2024.

Monsieur Maurey, le PLFSS et ses annexes ne comportent pas de bilan retraçant le coût de l'ensemble des politiques incitatives à l'installation des médecins.

La dette sociale cumule celles de la Cades qui reprend une grande partie des déficits des branches maladie et vieillesse, et celle l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) contractée pour financer son déficit de trésorerie. Pour la Cades, l'échéance de remboursement est prévu en 2033, mais uniquement pour les déficits prévus jusqu'en 2023. Au regard des déficits persistants, il faudra reconsidérer le sujet bien avant. Par ailleurs, on ne peut mesurer l'impact de la hausse des taux sur les remboursements par la Cades dans les prochaines années.

Monsieur Delahaye, l'impact d'un point de croissance est supérieur à 2 milliards d'euros pour le régime général.

Quant aux 3 700 embauches prévues dans les Ehpad en 2023, elles peuvent paraître limitées, mais l'objectif est de 50 000 à l'horizon de 2030. On peut donc aussi s'attendre à un alourdissement des dépenses à ce titre.

Pour finir de répondre au président Raynal, les exonérations de cotisation sociale sont pratiquement compensées à ce jour par une affectation de TVA et des crédits budgétaires.

Photo de Christian Bilhac

Autant je suis critique sur le projet de loi de programmation des finances publiques, autant je serai plus indulgent sur le projet de loi de finances. On ne peut pas tout changer du jour au lendemain. La politique du rabot n'est pas une bonne solution, même si je suis conscient de la nécessité de faire baisser les dépenses de l'État. Pour faire des choix, il faut s'inscrire dans la durée. Les collectivités territoriales seront les premières victimes. Or elles sont déjà étranglées financièrement, et ce n'est pas en éteignant les lumières la nuit qu'elles pourront compenser le surcoût de la facture énergétique ni la hausse du point d'indice des fonctionnaires. Mais dans quelles missions faut-il faire des économies ? Les besoins sont énormes. Seule une nouvelle phase de décentralisation permettrait de faire des économies, et non une politique de rabot.

Photo de Sylvie Vermeillet

Quels seront les effets de la hausse de l'inflation sur l'épargne des ménages ? Comment s'explique la forte hausse de la charge de la dette ? Pourriez-vous aussi nous donner plus de précisions sur la création de 208 équivalents temps plein (ETP) dans les services de la Première ministre ?

Photo de Christian Klinger

Enfin, si la réforme des retraites a bien été intégrée dans la trajectoire de dépenses prévue par le PLFSS, c'est pour un montant « conventionnel » qui est évoqué, sans être chiffré.

Photo de Stéphane Sautarel

Les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » s'élèvent à 60 milliards d'euros : cela suffira-t-il à faire face au renchérissement de notre dette en raison de la hausse des taux d'intérêt ?

L'impact de la fiscalité énergétique est inégal selon les territoires. Les aides de l'État, comme la remise à la pompe ou le bouclier tarifaire, ne dureront pas éternellement. Comment le Gouvernement entend-il aider les ménages ?

Photo de Jean-Claude Requier

Le constat de notre rapporteur général est froid et réaliste. L'évolution de la TVA m'inquiète : celle-ci était un impôt d'État, mais plus de la moitié de son produit est désormais préaffecté. On se souvient que la baisse de la TVA dans la restauration a profité aux restaurateurs, et peu aux clients !

L'État fonctionne grâce à la dette. Mais comment maîtriser la dépense publique ? Quelles dépenses réduire ? En France, dès qu'un problème surgit, on demande à l'État d'agir. La décentralisation constitue une piste ; je rappelle toutefois que lorsque les collectivités ont reçu la charge des lycées, elles ont dû les rénover et mettre à contribution les contribuables locaux. Aujourd'hui les intercommunalités se développent, embauchent et les impôts augmentent. En conclusion, pour prolonger les propos de M. Karoutchi, je rappellerai qu'en 1939, alors que la guerre menaçait, la chanson à la mode était Tout va très bien, Madame la marquise...

Photo de Arnaud Bazin

Le déficit de notre balance commerciale atteint des sommets, ou des abysses... Pourtant la France a un différentiel d'inflation plutôt favorable par rapport à ses voisins. Quel est l'effet de ce déficit sur nos finances publiques ?

Photo de Christian Klinger

Chaque année, nous émettons des doutes quant à la pertinence de cette mission « Santé », qui se trouve déséquilibrée entre l'aide médicale d'État (AME) - dont la maîtrise budgétaire n'est toujours pas assurée - et un programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » peu à peu vidé de toute substance, qui se résume à des actions de santé publique hétérogènes et résiduelles. Cependant, un élément nouveau intervient cette année puisqu'un troisième programme apparaît, doté de près de 2 milliards d'euros. Ainsi, les crédits proposés pour la mission sont deux fois et demie supérieurs à ceux votés en 2022.

Le nouveau programme 379, placé sous la responsabilité du directeur de la sécurité sociale, recueille les crédits européens de la Facilité pour la relance et la résilience destinés à la France, qui soutiennent le volet investissement du Ségur de la santé.

Selon mes informations, la création de ce programme doit intervenir dès 2022 et figurera dans le projet de loi de finances rectificative (LFR) examiné ce matin en conseil des ministres.

Le volet investissement du Ségur de la santé représente un montant total de 19 milliards d'euros, dont 6 milliards proviennent de cette facilité de relance européenne, dont les versements doivent s'échelonner entre 2021 et 2026. Une première tranche de près de 800 millions d'euros a ainsi été versée à la France en 2021. L'État l'a attribuée à l'assurance maladie au moyen d'une majoration d'affectation de la TVA, inscrite dans la LFR de fin de gestion 2021.

La création d'un programme budgétaire spécifique pour recevoir les cinq autres tranches, dont 1,1 milliard d'euros dans le prochain projet de loi de finances rectificative (PLFR) et 1,9 milliard d'euros dans le PLF pour 2023, semble favorable pour assurer la traçabilité de ces fonds.

Ce programme sert toutefois de simple canal de transmission à l'assurance maladie et ne redonne aucune substance particulière à la mission « Santé » en termes de politique publique.

Par ailleurs, s'agissant de la nomenclature budgétaire, je rappelle que, à l'initiative du Sénat, un programme relatif à la carte vitale biométrique a été créé dans le cadre de la mission « Santé » et qu'il s'est vu doter de 20 millions d'euros par la LFR d'août 2022.

Toutefois, nous ne retrouvons pas ce programme dans le PLF 2023. J'ai appris que des actions concourant à l'utilisation de la biométrie pour la bonne identification des assurés sociaux devaient être financées par ces crédits d'ici la fin de l'année. D'autres développements pourraient intervenir, en fonction des conclusions de la mission confiée à l'inspection générale des affaires sociales (Igas) sur ce sujet. Mais le Gouvernement considère que cette réforme devrait être financée par les régimes d'assurance maladie, puisqu'ils gèrent la carte vitale à travers le programme SESAM-Vitale.

J'en viens au programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ». De nombreuses actions financées par ce programme ont été transférées à l'assurance maladie au fil des années. La part restante forme un ensemble hétérogène : dépenses de contentieux, prise en charge du système de santé à Wallis-et-Futuna, subventions pour l'Institut national du cancer (INCa) et l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), qui en reçoivent aussi d'autres missions.

Néanmoins, au cours des trois dernières années, l'État a rapatrié sur ce programme, pour les besoins de la gestion de la crise sanitaire, des crédits provenant de l'assurance maladie, en créant un fonds de concours alimenté par Santé publique France. Plus de 800 millions d'euros ont ainsi été consommés en 2020 et 2021. En outre, 160 millions d'euros ont encore été inscrits sur le fonds de concours en 2022. Le rapport comporte des détails sur les opérations et dispositifs ainsi financés, comme l'achat de matériel, les évacuations sanitaires, les systèmes d'information ou les numéros verts.

Ce fonds de concours doit être mis en extinction. De plus, la répartition des missions entre l'État et Santé publique France en matière de veille sanitaire et de préparation aux crises doit être clarifiée et stabilisée.

L'inscription pour 2023 d'un crédit supplémentaire de 2 millions d'euros constituant une provision pour des évacuations sanitaires, comme celles qui ont été effectuées depuis les Antilles vers l'Hexagone au second semestre 2021, constitue de ce point de vue un timide début de rebudgétisation.

De même, dans un objectif de veille sanitaire, les dotations destinées aux systèmes d'information sont renforcées pour développer une base de données provenant des résultats d'analyses biologiques, qui doit succéder au système d'information national de dépistage (SI-DEP) financé par le fonds de concours.

Globalement, le programme 204 est doté de 216 millions d'euros, ce qui représente une légère augmentation de 1,6 %. En outre, si j'ai mentionné deux mesures nouvelles, les principaux postes de dépenses connaissent une grande stabilité.

Toutefois, je relève une diminution importante de la dotation versée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam), puisque celle-ci passe de 43 à 32 millions d'euros. Il s'agit de tenir compte de la sous-consommation significative des crédits pour le dispositif d'indemnisation des victimes de la Dépakine.

À la fin du mois de septembre, j'ai présenté à la commission les résultats d'un contrôle effectué à ce sujet cette année. Un nouvel ajustement de la dotation - d'autres ayant eu lieu depuis 2019 - paraît cohérent avec les prévisions de consommation. Mais il n'a pas vocation à être pérennisé au-delà de 2023. Le Gouvernement entend revenir dès 2024 au niveau de crédits de cette année, dans l'hypothèse d'un recours plus important au dispositif d'indemnisation.

Comme les années précédentes, le programme 204 finance aussi un grand nombre d'actions extrêmement dispersées, pour des montants généralement faibles. Elles paraissent loin de disposer d'une masse critique suffisante pour prétendre produire un réel impact quant aux objectifs de santé publique poursuivis.

Le nouveau programme recueillant les crédits européens mis à part, l'AME demeure l'élément principal de la mission « Santé ». Au cours de la période 2020-2022, deux facteurs ont joué sur le recours à ce dispositif.

En premier lieu, la crise sanitaire a entraîné une baisse des entrées sur le territoire, mais aussi une diminution du nombre de sorties et des prolongations exceptionnelles de droits. Nous avons observé une moindre consommation de soins pendant le confinement. Cependant, un financement a été garanti aux hôpitaux au niveau des ressources reçues de l'AME en 2019, même en cas de moindre activité.

En second lieu, des modifications législatives et réglementaires ont été adoptées. D'une part, elles restreignent le bénéfice de l'assurance maladie pour les étrangers qui ne sont plus en situation régulière, prévoyant une réduction de 12 à 6 mois du maintien des droits après l'expiration des titres de séjour, avec un effet de report sur l'AME. D'autre part, elles imposent des conditions supplémentaires pour l'accès à l'AME : condition de durée minimale de séjour irrégulier de trois mois et délai d'ancienneté de neuf mois pour l'accès à des soins programmés, sauf accord du contrôle médical. J'ai constaté que l'effet de ces différentes mesures n'a pas été évalué a priori, ni mesuré a posteriori.

En outre, le nombre de bénéficiaires continue d'augmenter, passant de 335 000 début 2020 à près de 400 000 fin juin 2022. Ainsi, la dépense a baissé de 5 % en 2020 en raison du confinement, mais elle a augmenté de près de 10 % en 2021.

En 2023, le Gouvernement propose une majoration de 133 millions d'euros des crédits d'AME, qui portera exclusivement sur l'AME de droit commun, c'est-à-dire hors soins d'urgence délivrés aux non-bénéficiaires. Le montant total de l'AME dépasse ainsi 1,2 milliard d'euros, dont 1,14 milliard est consacré à l'AME de droit commun, ce qui représente une hausse de 13,2 % par rapport au montant inscrit en loi de finances initiale pour 2022.

Cette programmation se fonde sur une prolongation de l'évolution tendancielle du nombre d'étrangers en situation irrégulière, observée avant la crise sanitaire, et l'on peut s'en étonner à plusieurs titres. D'abord, le Gouvernement veut renforcer l'exécution des mesures d'éloignement et annonce un projet de loi pour 2023.

De plus, des mesures de contrôle et de lutte contre la fraude ont été mises en place en 2020 et 2021. Il n'est pas envisagé de les renforcer.

Enfin, la dotation de l'AME de droit commun pour 2023 dépasse de près de 200 millions d'euros la prévision d'exécution pour 2022, alors même que l'État dispose désormais d'une créance sur l'assurance maladie au titre de l'AME, qui pourrait atteindre 45 millions d'euros fin 2022.

Par ailleurs, il faut bien reconnaître que les modifications législatives et réglementaires apportées il y a deux ans n'ont pas produit d'impact significatif et paraissent insuffisantes pour maîtriser la charge budgétaire de l'AME.

Ces éléments conduisent à reposer la question, plusieurs fois abordée dans notre assemblée, de l'étendue des soins pris en charge par l'AME. À ce titre, je rappelle que dans la plupart des pays européens, seuls les soins urgents, les soins liés à la maternité, les soins aux mineurs et les dispositifs de soins préventifs dans le cadre de programmes sanitaires publics sont pris en charge gratuitement pour les étrangers en situation irrégulière. Par l'éventail des soins couverts, l'AME constitue une exception par rapport aux pays voisins. Celle-ci semble difficile à justifier dans un contexte d'augmentation continue et non maîtrisée de la charge budgétaire qu'elle constitue.

En conclusion, les fortes réserves exprimées ces dernières années sur la cohérence et le pilotage de cette mission « Santé » restent valables.

La création d'un programme budgétaire pour diriger vers l'assurance maladie les fonds européens de soutien à l'investissement en santé paraît plutôt opportune.

La forte majoration des crédits d'AME semble difficilement justifiable. Je vous proposerai donc deux amendements. L'un vise à réduire ces crédits de 350 millions d'euros pour les ajuster à une évolution maîtrisée du nombre de bénéficiaires, l'autre à redéfinir le périmètre de la prise en charge par l'État des soins délivrés aux étrangers en situation irrégulière en modifiant le code de l'action sociale et des familles pour transformer l'aide médicale d'État en aide médicale de santé publique.

Je propose donc l'adoption des crédits de la mission, assortis de ces modifications.

Photo de Michel Canevet

J'étais heureux en apprenant que le Gouvernement prévoyait plus de 4 milliards d'euros de recettes supplémentaires dans le projet de loi de finances rectificative, mais la présentation de notre rapporteur général sur le projet de loi de finances me sape le moral ! On peut se demander si nous sommes capables de maîtriser les dépenses ! Serons-nous en mesure de sortir du bouclier tarifaire sur l'énergie ? Nos entreprises sont fragilisées par la hausse considérable des prix de l'énergie.

Les dépenses de personnel augmentent. Quelles sont vos pistes d'économies ? Enfin, les prévisions de recettes non fiscales ne sont-elles pas sous-estimées ? Les entreprises se portent bien ; les recettes liées aux dividendes devraient être meilleures.

Photo de Jean-François Husson

Je souscris à la remarque du rapporteur spécial sur le fonds de concours Santé publique France, qui a vu ses montants augmenter sans aucune intervention du Parlement, ainsi qu'à la proposition qui est faite de le mettre en extinction et de clarifier les responsabilités et les prises en charge budgétaires en matière de veille sanitaire et de préparation aux situations de crise.

Par ailleurs, les crédits d'AME progressent sur le rythme d'augmentation tendancielle de ces dernières années, rien n'étant fait face à cette charge budgétaire non maîtrisée. Pour chaque mission budgétaire, il faut pourtant tenter d'atteindre le niveau de dépense pertinent.

Photo de Daniel Breuiller

Le constat de notre rapporteur général est inquiétant. Je ne comprends pas comment le Gouvernement peut choisir de poursuivre les baisses d'impôt : suppressions de la CVAE, de la redevance audiovisuelle, de la taxe d'habitation, etc. Les boucliers tarifaires bénéficient aussi à celles et ceux qui appartiennent aux déciles les plus élevés. Les baisses d'impôt ne sont pas ciblées. Notre rapporteur général fait la description d'une économie malade, mais les entreprises ont versé 60 milliards d'euros de dividendes... La répartition des richesses est en fait de plus en plus inégalitaire.

La dette climatique est inquiétante. Il importe désormais d'en chiffrer le coût, car les conséquences du réchauffement s'amplifient année après année. On subventionne massivement le pétrole à cause de la crise, mais cela ne fait qu'accroître notre dette climatique.

L'an dernier, la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés s'est accompagnée d'une forte hausse de son produit. Si les recettes baissent, faut-il alors augmenter les taux d'imposition ? Certaines entreprises ont des marges élevées.

Je remercie notre rapporteur général pour son analyse du poids de la fiscalité énergétique en proportion du revenu des ménages en fonction des territoires. J'aimerais avoir la même analyse en fonction des déciles de revenu. On pourrait mieux cibler nos décisions budgétaires en fonction des situations sociales et géographiques des ménages.

Photo de Christine Lavarde

Je voudrais revenir sur l'abandon de la réforme de la carte vitale biométrique. En effet, seuls 20 millions d'euros sont inscrits dans la première LFR de 2022, qui ne seront pas suffisants pour mener ce chantier à terme. Vous avez expliqué que de petites mesures seraient mises en place. Or j'avais compris que cette somme serait utilisée en 2022 pour définir un cahier des charges permettant ensuite la bascule vers un nouveau système. Si ce n'est pas le cas, ces 20 millions d'euros sont dépensés de façon inutile.

Photo de Rémi Féraud

Les éléments fournis par notre rapporteur général n'incitent pas à l'optimisme. Comme chaque année... Mais le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 repose sur des hypothèses optimistes et semble ignorer les risques de crise à cause de la situation internationale.

Nous ne sommes pas d'accord sur les dépenses. Alors que la dette climatique s'accroît, les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » diminuent de 3,2 milliards d'euros en 2023. Notre rapporteur soutient plutôt la politique de l'offre du Gouvernement. Toutefois, nous partageons une même préoccupation quant à la dette et au déficit, notamment à un moment où les taux d'intérêt se tendent. N'est-il pas urgent, dès lors, d'arrêter la baisse des impôts ? La suppression de la CVAE, par exemple, entraîne une hausse des dépenses de l'État, car il faut la compenser.

Photo de Bernard Delcros

M. Savoldelli a posé une question sur les recettes. Symétriquement, il convient de réduire les dépenses. Quelles dépenses proposez-vous de baisser ? Pour quel montant ?

Photo de Isabelle Briquet

L'augmentation significative de l'AME correspond à une situation de fait : le nombre de personnes concernées augmentant, il est normal que cette aide connaisse une hausse. De plus, nous observons un effet rattrapage, que les documents budgétaires montrent bien, à cause de la crise du covid. Je ne vois pas matière à s'alarmer. Au contraire, on pourrait s'enorgueillir du fait que notre pays prenne en charge la santé des personnes vivant en situation irrégulière sur notre sol.

Quant à votre appréciation personnelle de la question, vous semblez vous tromper de sujet. Quand nous sommes un certain nombre à parler de santé, vous parlez d'immigration, ce qui n'est pas le but de cette mission budgétaire. Nous ne sommes pas en accord avec vos conclusions et ne soutiendrons pas les amendements que vous présentez.

Photo de Jean-François Husson

Monsieur Delahaye, les collectivités locales sont en excédent, en effet, mais les autres administrations locales, comme la Société du Grand Paris, sont en déficit.

Monsieur Laménie, le projet de loi de programmation fixe des objectifs de croissance, modérée certes, des crédits de presque toutes les missions, mais il ne prévoit que très peu de baisses. C'est pourtant le rôle de l'exécutif de définir des orientations et de faire des choix. Bruno Le Maire a dit qu'il attendait du Parlement des propositions de réduction des dépenses. J'en ferai. Il faut non seulement examiner les crédits de chaque mission budgétaire, mais il faut aussi s'interroger sur la pertinence de poursuivre des politiques engagées dans le passé, qui ne sont peut-être plus justifiées en raison de l'évolution du contexte.

Les crises s'accumulent : covid, guerre en Ukraine, crise énergétique, désorganisation des circuits d'approvisionnement, tension sur les matières premières, etc. Cette situation pèse sur tous les pays. Nous devons donc coordonner nos actions. Le choix de l'Allemagne de lancer un plan de soutien massif constitue à cet égard un coin dans la construction européenne. On accuse souvent l'Europe de tous les maux, mais celle-ci nous protège aussi, pourvu que l'on parvienne à s'accorder sur des choix convergents.

Si la poursuite de la trajectoire de la programmation militaire me semble justifiée, il faudrait sans doute revoir d'autres programmations ou certaines dépenses fiscales. Il faut analyser les choses avec lucidité. Songez à l'éducation nationale par exemple : le nombre des élèves baisse, le nombre d'enseignants augmente, ainsi que leur rémunération ; pourtant nos résultats dans les tests internationaux mesurant les acquis de connaissances et le niveau scolaire général ne nous placent pas en tête... Il est donc légitime de s'interroger sur ce qui dysfonctionne. Il en va de même dans la santé : les plans se succèdent, mais leurs effets tardent à se faire sentir et certains personnels ont été oubliés. La situation des urgences pédiatriques est préoccupante. Il importe d'identifier nos faiblesses pour essayer de les corriger, mais cela ne signifie pas qu'il faille conserver les acquis dans tous les secteurs ; sinon rien ne bougera et les déficits continueront à se creuser, alors même que les recettes fiscales baissent et que le coût de la dette augmente. La parité entre l'euro et le dollar ne nous est pas favorable non plus. Un mouvement de délocalisation est déjà perceptible, pas seulement vers l'Asie d'ailleurs, mais aussi vers les États-Unis.

Monsieur Capo-Canellas, nous devons réduire nos dépenses, pour sortir de l'effet ciseaux entre un PIB qui augmente peu et des dépenses qui progressent. La remise à la pompe et le bouclier tarifaire ont contribué à contenir l'inflation en France d'environ deux à trois points d'après le Gouvernement.

Monsieur Karoutchi, les règles européennes imposent que les prévisions macroéconomiques soient réalisées par un organisme indépendant : en France, c'est la direction du Trésor...

Photo de Jean-Marie Mizzon

J'aimerais soulever une question qui ne se trouve pas dans le rapport. Je sais que celui-ci n'entre pas dans le concret des mesures de santé, mais il me semblait que la prévention représentait une source d'économies pour le budget de la santé. Les crédits qui lui sont réservés sont-ils majorés dans une perspective de meilleure gestion ?

Photo de Roger Karoutchi

Il y a quatre ou cinq ans, un ministre nous assurait ici même que jamais l'AME n'atteindrait 1 milliard d'euros. Pourtant, nous y sommes. Et à ceux qui pensent que ce dispositif représente une solution miracle, je voudrais dire qu'il sert avant tout d'argument majeur aux passeurs. En effet, il représente une différence cruciale par rapport aux pays tels que l'Espagne, le Royaume-Uni ou l'Allemagne, qui ont tous revu leur système pour réduire leur offre. Si nous n'en faisons pas de même comme le propose le rapporteur spécial, nous continuerons de faire figure de puissance attractive, et nous ne parviendrons pas à réguler l'immigration. En 2020, nous avons retiré des amendements sur l'AME au prétexte que le Gouvernement allait prendre des mesures pour assurer plus de contrôles, ce qui ne s'est pas fait. Il nous faut prendre des décisions et nous verrons si le Gouvernement en tiendra compte, lorsque le projet de loi reprenant ces thèmes sera débattu début 2023.

Photo de Jean-François Husson

Madame Lavarde, le ratio entre les dépenses favorables au climat et les dépenses défavorables se dégrade fortement en 2023, notamment en raison de la mise en oeuvre du bouclier tarifaire : nous l'avions d'ailleurs voté, il est vrai, car il fallait répondre à l'urgence, mais il a pour conséquence de soutenir la consommation des énergies fossiles, ce qui n'est pas très vertueux en effet.

Monsieur Breuiller, il est important, lorsque l'on parle d'écologie ou de transition énergétique, d'en évaluer les enjeux territoriaux et sociaux, de s'interroger, comme le Sénat le fait, sur le coût relatif des énergies fossiles et renouvelables : il convient de clarifier ces points si l'on veut identifier les leviers d'action. Il ne faut pas demander aux collectivités de faire l'effort à la place de l'État. Celui-ci a délégué aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) le soin d'élaborer les plans de protection de l'atmosphère (PPA) ou les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET), mais sans leur octroyer de financements... Le Gouvernement ne doit pas se contenter de distribuer les bons et les mauvais points lorsque la mise en oeuvre ne va pas assez vite. L'instauration du mécanisme des zones à faibles émissions (ZFE) a été très rapide, pour ne pas dire brutale. L'État doit accompagner les collectivités.

En ce qui concerne les données sociales, je ne connais pas la répartition du poids relatif de la fiscalité en fonction des déciles de revenu. Il serait utile de disposer de ces éléments, en effet. En tout cas, selon une étude de l'Insee, une hausse de 3 points de la TVA entraîne une baisse de 2 % du niveau de vie pour les personnes du premier décile et une baisse de 0,6 % pour les personnes du décile 9 ce qui confirme ce que nous savions déjà : la TVA pèse davantage sur les personnes aux revenus les moins élevés.

Monsieur Bazin, le projet de loi de finances tient compte du déficit du commerce extérieur à travers ses effets sur la croissance. Nous avons un problème de compétitivité, car nous sommes les champions d'Europe des prélèvements obligatoires. Ces derniers constituent une contrainte pour notre économie. Une part importante - environ 40 % - de notre déficit commercial est due au coût de l'énergie. De plus, comme la parité de l'euro vis-à-vis du dollar se dégrade et que les achats de pétrole sont effectués en dollars, le déséquilibre de notre balance extérieure s'accroît encore davantage.

Monsieur Canévet, les recettes non fiscales sont difficiles à prévoir. En ce qui concerne les dividendes, je vous renvoie au rapport de notre collègue Victorin Lurel sur le compte d'affectation spéciale relatif aux participations financières de l'État.

La hausse des taux d'intérêt aux États-Unis aurait un effet négatif sur la croissance si la BCE augmentait également ses taux. Si elle ne le faisait pas, toutefois, le risque est que le dollar reste élevé, renchérissant nos importations énergétiques. Le point d'équilibre est difficile à trouver.

Madame Paoli-Gagin, les prévisions de croissance pour l'Allemagne sont celles du Consensus Forecasts. Elles agrègent les prévisions d'une quinzaine d'instituts économiques qui prennent en compte le plan de relance annoncé.

Monsieur Savoldelli, selon l'Agence France Trésor, 49 % de la dette française négociable est détenue par des non-résidents.

Monsieur Delcros, j'ai évoqué des pistes pour réduire les dépenses. La réforme des retraites a été mentionnée. Il est évident que plus le nombre d'actifs sera élevé, plus la production de richesses sera importante et plus l'équilibre des comptes sociaux sera aisé à trouver. Mécaniquement les déficits publics baisseront. Mais la réforme des retraites doit surtout avoir pour premier objectif de garantir un bon niveau des pensions, cohérent avec le niveau des revenus d'activité.

Nous devrons apporter collectivement des réponses pour réduire le déficit lorsque nous examinerons les missions budgétaires. Je ne suis pas un adepte de la politique du rabot, mais il est temps d'amorcer un mouvement de réduction des dépenses publiques et de ne plus laisser nos déficits dériver.

Madame Vermeillet, les personnes aux revenus modestes doivent puiser dans leur épargne pour faire face à la hausse du coût de la vie. Inversement, les ménages les plus aisés ont tendance à augmenter leur épargne de précaution. Nous devons réfléchir aux moyens de mobiliser cette épargne.

En ce qui concerne les créations de postes dans les services de la Première ministre, le plafond d'emplois augmente bien de 199 équivalents temps plein travaillés, dont 98 pour le programme « Coordination du travail gouvernemental ».

Monsieur Sautarel, je ne saurais dire si le niveau des crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » destinés à financer la dette est sous-estimé. Il est difficile de faire des prévisions dans le contexte actuel ; les économistes reconnaissent eux-mêmes qu'ils n'avaient pas anticipé le retour de l'inflation.

La dimension territoriale des mesures budgétaires représente un vrai enjeu. Nous voulons un traitement équitable des territoires et en même temps on réclame davantage de décentralisation, voire un pouvoir de différenciation. Un pilotage fin s'impose en fonction des lieux et des populations, car la situation est différente dans les territoires d'industrie et en région parisienne, par exemple, où les salaires sont plus élevés, mais où la vie est aussi plus chère.

Photo de Christian Klinger

En ce qui concerne la carte vitale biométrique, la direction de la sécurité sociale reste évasive. Une mission de l'IGAS a été lancée. En tout état de cause, tout développement à venir serait du ressort de l'assurance maladie.

Monsieur Mizzon, la prévention relève pour l'essentiel de l'assurance maladie. La mission « Santé » finance très peu d'actions de prévention.

Vous ne faites pas le lien entre santé et immigration, madame Briquet, mais s'il n'y avait pas d'étrangers en situation irrégulière, il n'y aurait pas d'AME. C'est mathématique et, chaque année, nous observons une augmentation du nombre d'étrangers en situation irrégulière entraînant celle des dépenses d'AME. Nous pouvons continuer à nous voiler la face, ou nous pouvons faire ce que font les autres pays européens : circonscrire le panier de soins. Une personne se présentant à l'hôpital avec un bras cassé sera toujours soignée, mais il faut faire passer le message qu'en France, le tourisme médical n'est plus possible.

Photo de Claude Raynal

La période est d'une rare complexité. Les inconnues sont nombreuses. Il est bien difficile d'élaborer un budget dans ces conditions.

Photo de Claude Raynal

Nous en venons à l'examen du rapport pour avis de notre commission sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023.

Photo de Christian Klinger

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, a été transmis lundi soir au Sénat.

La part de ce texte dans les prélèvements obligatoires et dans les dépenses publiques - 600 milliards d'euros en 2023 -, et par conséquent son impact macro-économique, justifie la saisine pour avis, comme chaque année, de la commission des finances.

La crise sanitaire a provoqué en 2020 un déficit record de la sécurité sociale de l'ordre de 40 milliards d'euros, alors qu'elle finissait à peine d'absorber les conséquences du choc de la crise financière de 2008-2009.

Les années 2021 et 2022 représentent à elles deux 42 milliards d'euros de déficit supplémentaire. C'est 13 milliards de moins qu'on ne le prévoyait il y a un an, mais cela demeure considérable.

Cette situation moins dégradée qu'attendu tient au dynamisme des recettes, lié à une forte progression de l'emploi et de la masse salariale. Les dépenses ont également davantage augmenté que prévu, mais moins vite que les recettes.

Premièrement, l'effet des surcoûts imputables à la crise sanitaire représente encore 30 milliards d'euros sur les années 2021 et 2022. C'est 9 milliards de plus qu'envisagé il y a un an, avant la reprise des contaminations dues au variant omicron.

Deuxièmement, face au changement de contexte économique, marqué par une montée de l'inflation, les prestations sociales et les rémunérations de la fonction publique hospitalière ont été revalorisées cet été. C'est une dépense supplémentaire de plus de 8 milliards d'euros par rapport à la loi de financement initiale.

Au total, le déficit, concentré sur la branche maladie ces trois dernières années, se réduit lentement. Il atteindrait environ 18 milliards d'euros en fin d'année 2022.

Je précise que les résultats des exercices 2021 et 2022 sont retracés dans la première et la deuxième partie du projet de loi. Elles ont été amendées puis supprimées par les députés, et n'ont pas été incluses dans l'engagement de responsabilité du Gouvernement. Le texte qui vient au Sénat est donc privé de ces deux premières parties et ne comporte que les parties recettes et dépenses de l'exercice 2023.

S'agissant de 2023, le projet de loi prévoit très peu de mesures nouvelles. L'évolution des recettes et des dépenses est quasi exclusivement déterminée par les hypothèses macro-économiques pour 2023 et par des paramètres inchangés par rapport à cette année.

En ce qui concerne les recettes, la seule mesure nouvelle significative concerne le relèvement d'environ 5 % des prix du tabac le 1er mars prochain. C'est une recette de 400 millions d'euros en 2023 et de 500 millions d'euros en année pleine.

L'évolution des recettes découle donc surtout de la hausse de la masse salariale que le Gouvernement établit à un peu moins de 5 %. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) juge cette hypothèse « plausible », mais nous savons qu'il existe un aléa sur la prévision de croissance et que des signes de ralentissement apparaissent.

L'objectif de dépenses pour 2023 se caractérise, quant à lui, par une évolution particulièrement modérée, surtout dans un contexte d'inflation. Les dépenses augmenteraient de 2 % seulement, deux fois moins vite que les recettes.

Comme l'a souligné le HCFP, ce ralentissement des dépenses repose sur une estimation optimiste de l'évolution de la situation sanitaire, puisque le Gouvernement propose d'abaisser la provision à moins de 1 milliard d'euros l'an prochain, alors que les surcoûts sont encore de 11,5 milliards en 2022.

Hors effet crise sanitaire, les dépenses progressent de 4 %, à peu près comme les recettes. De manière plus précise, ce sont les dépenses des branches vieillesse et famille qui progressent davantage que la moyenne, malgré des hypothèses de revalorisation des prestations pour l'an prochain sensiblement inférieures à l'inflation. Pour les retraites, c'est l'effet démographique de l'augmentation du nombre de pensionnés. Pour la branche famille, cela résulte de la majoration de 50 %, à compter de ce 1er novembre, de l'allocation de soutien familial attribuée à 800 000 familles monoparentales.

En outre, un transfert de charges de 2 milliards d'euros est opéré vers la branche famille par l'article 10 du projet de loi. Il correspond aux dépenses d'indemnité journalière de maternité pour la période postérieure à la naissance, soit une période de 10 semaines sur les 16 semaines du congé maternité.

Il s'agit évidemment d'alléger artificiellement les dépenses de la branche maladie, qui couvrait depuis l'origine les frais liés à la maternité, en utilisant les excédents de la branche famille.

En effet, l'une des caractéristiques de ce projet de loi est que les dépenses d'assurance maladie seraient en baisse de 3,5 milliards en 2023, le déficit de la branche passant de 20 à moins de 7 milliards.

Le Gouvernement table sur une baisse de 10,5 milliards des dépenses sur les mesures dérogatoires liées au covid. Il allège la charge de la branche maladie de 2,1 milliards d'euros : 2 milliards sont reportés sur la branche famille et 100 millions sont transférés à la branche accidents du travail. Telles sont les uniques raisons de la diminution du déficit de l'assurance maladie en 2023.

Différents facteurs contribuent à alourdir les dépenses d'assurance maladie en 2023, notamment pour les hôpitaux : les revalorisations générales ou spécifiques des rémunérations, l'inflation et l'accroissement tendanciel des dépenses de soin pour des pathologies liées au vieillissement ou associées à des traitements coûteux.

S'agissant de la maîtrise des dépenses, le Gouvernement fait principalement porter l'effort sur le médicament et les produits de santé, à travers une baisse des prix et une clause de sauvegarde plafonnant la progression du chiffre d'affaires des laboratoires pharmaceutiques, qui entraînent des économies d'un montant de 1,1 milliard d'euros. L'article 27 prévoit également la possibilité d'abaisser les tarifs des actes de biologie médicale si les partenaires ne trouvent pas d'accord avec l'assurance maladie, ce qui permettrait d'économiser au moins 250 millions d'euros, ces dépenses ayant fortement augmenté avec les dépistages du covid.

D'autres économies attendues sont peu documentées, comme celles qui concernent les actions relatives à la pertinence des actes et des prescriptions.

Par ailleurs, plusieurs dispositions du texte, dont certaines ont été ajoutées par l'Assemblée nationale, visent à renforcer la lutte contre les abus et les fraudes : une possibilité limitée de prescription des arrêts de travail par téléconsultation ; des pouvoirs de sanction renforcés pour les directeurs de caisses primaires ; une procédure de déconventionnement d'urgence étendue aux pharmacies et aux entreprises de transport sanitaire ; des pénalités majorées incluant le coût de gestion de la fraude ; et le versement de certaines prestations sur des comptes obligatoirement situés en France ou en Europe. Toutefois, il reste difficile d'évaluer le rendement de ces différentes mesures.

Au total, le déficit de 17 milliards d'euros pour 2022 serait réduit à 7 milliards en 2023, cette baisse correspondant à une diminution annoncée des surcoûts liés à la crise sanitaire. Hors crise, le déficit resterait identique à celui de 2022, sous réserve de la réalisation des hypothèses de progression de l'emploi et de la masse salariale.

Selon la trajectoire associée au projet de loi, le déficit de la sécurité sociale se creuserait de nouveau à partir de 2024, pour se situer entre 12 et 13 milliards d'euros à partir de 2026.

Ces prévisions me paraissent inquiétantes à plusieurs titres. D'abord, le déficit persiste et s'accentue alors que les hypothèses de croissance, d'emploi et de recettes sont optimistes, comme l'a démontré le rapporteur général au sujet de la loi de programmation des finances publiques.

Ensuite, les prévisions relatives aux dépenses d'assurance maladie sont elles aussi optimistes, leur augmentation annuelle s'établissant entre 2,6 à 2,7 %, ce qui demeure inférieur à la croissance majorée de l'inflation. Ce résultat supposerait une maîtrise des dépenses particulièrement efficace, mais les instruments choisis pour y parvenir ne sont pas détaillés.

Enfin, la trajectoire des dépenses de retraites, qui connaitra une nette dégradation dès 2024, est d'autant plus préoccupante que le Gouvernement indique avoir en partie pris en compte - à un niveau qu'il ne souhaite pas révéler - les effets d'une nouvelle réforme.

Le Président de la République juge désormais indispensable de relever l'âge de départ à la retraite alors qu'il en écartait l'idée en 2017. Je rappelle que le Sénat a été constant sur ce point puisque, depuis 2014, il inscrit dans chaque PLFSS des mesures allant dans ce sens. Constamment repoussée, cette réforme sera en tout état de cause engagée trop tardivement pour avoir un effet sensible sur le rythme de progression des dépenses liées aux retraites d'ici à 2027.

Le projet et les projections pluriannuelles présentés se placent donc dans une perspective de comptes sociaux dégradés durant plusieurs années. Le schéma de financement des déficits, arrêté en 2020, assure leur reprise par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) jusqu'à l'exercice 2023 inclus, avec une échéance d'amortissement fixée en 2033. Des déficits persisteront au-delà, et ils seront sans doute supérieurs aux 11 à 12 milliards d'euros annuels figurant dans les prévisions du Gouvernement. La question de leur financement se posera donc inévitablement dès 2024.

En résumé, le PLFSS pour 2023 comporte peu de mesures visant à rééquilibrer les comptes sociaux. De plus, l'amélioration annoncée pour l'an prochain n'est due qu'à une quasi-disparition escomptée des mesures spécifiques à la gestion du covid. Enfin, les déterminants des déficits persistent et sont sans doute sous-évalués.

Ainsi, le texte ne paraît pas acceptable en l'état. Il comporte des dispositions très contestables, comme la ponction sur la branche famille quand le fléchissement de la natalité exigerait une politique familiale plus ambitieuse. La commission des affaires sociales, saisie au fond, proposera donc la suppression de cette disposition. Elle souhaite également que les organismes complémentaires contribuent à la maîtrise des dépenses d'assurance maladie.

Enfin, le rapporteur pour la branche vieillesse, René-Paul Savary, réaffirmera la position claire adoptée par le Sénat ces dernières années quant à la nécessaire modification des paramètres du départ en retraite.

C'est sous réserve de ces principales modifications proposées par la commission des affaires sociales que nous pourrions émettre un avis favorable sur le projet de loi.

Photo de Jean-François Husson

D'abord, en étudiant le graphique sur les déficits, j'observe que la branche autonomie pourrait être contributrice à partir de 2024 ; comment est-ce possible alors que cette branche est déficitaire et que les dépenses liées au vieillissement vont s'alourdir ?

Ensuite, sur la question des retraites, une nette dégradation des comptes est à prévoir à partir de 2024. Si les effets d'une éventuelle réforme ont été intégrés, vous précisez n'avoir pas eu accès à des explications quant aux causes de la dégradation. Quel est votre sentiment à ce sujet ? Qu'est-ce que cela pourrait cacher ?

Photo de Hervé Maurey

Je pose cette question régulièrement et depuis longtemps, notamment aux ministres qui se succèdent : savez-vous combien coûte la politique d'incitation à l'installation des médecins ? Selon la Cour des comptes, elle serait très onéreuse, mais le Gouvernement ne donne jamais d'évaluation.

Photo de Marc Laménie

Merci à Christian Klinger pour le travail d'investigation qu'il a mené sur un budget de plus de 600 milliards d'euros. La dette sociale atteindrait 160 milliards d'euros fin 2022, contre 115 milliards fin 2019 ; quelles sont les perspectives d'évolution à ce titre ? Par ailleurs, on évoque les quatre branches ; qu'en est-il de la cinquième ?

Photo de Sylvie Vermeillet

La France dédie 13,6 % de son PIB au financement des retraites, ce qui représentait 345 milliards d'euros en 2021. C'est moins que l'Italie, qui y consacre 15,6 % de son PIB, mais plus que la plupart des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), dont l'Allemagne, la Belgique ou l'Espagne, pour lesquelles cette part est inférieure à 11 %.

L'équilibre actuel de notre système de retraites devrait se dégrader dès 2023 et jusqu'au milieu des années 2050, dans le meilleur des cas. Au regard de cette dégradation des comptes et si l'on s'accorde sur l'objectif d'éviter une baisse du niveau des pensions comme une hausse des prélèvements, la réforme semble indispensable. Celle-ci devrait se limiter à redéfinir les paramètres en jouant principalement sur deux critères, qui peuvent être combinés. En premier lieu, l'âge d'ouverture des droits pourrait passer de 62 à 65 ans d'ici à 2031, en suivant une progression de quatre mois par an. En second lieu, la majoration de la durée de cotisation inscrite par la réforme Touraine prévoit que, pour les personnes nées en 1973 ou après, la durée d'assurance requise pour obtenir une retraite sans décote augmente progressivement d'un trimestre tous les trois ans entre 2020 et 2035, pour atteindre 43 ans soit 172 trimestres.

Cependant, il convient de s'entendre au préalable sur la convention d'équilibre choisie. D'une part, il pourrait s'agir d'un effort de l'État constant en pourcentage du PIB, quel que soit le besoin du CAS « Pensions » et des régimes spéciaux déficitaires. D'autre part, un équilibre permanent des régimes permettrait à l'État de combler les besoins chaque année ; la convention actuellement retenue correspond à ce dispositif, dictant un âge moyen de départ à 64 ans dès 2030, porté à 66,5 ans d'ici à 2060, pour atteindre le retour à l'équilibre du système de retraite.

Néanmoins, l'augmentation de l'âge de départ en retraite pose question au regard d'une possible baisse de la durée de retraite, les gains d'espérance de vie n'étant plus systématiques. En outre, une attention particulière doit être portée à la pénibilité des métiers, aux dispositifs carrières longues, à la prévention de l'usure au travail, mais aussi à l'aptitude des entreprises à employer des seniors.

Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a indiqué que la réforme des retraites pourrait induire « 8 à 9 milliards d'euros d'économies au bout du quinquennat » ; j'aimerais beaucoup disposer des éléments de calcul ayant conduit à cette estimation, que je suis aujourd'hui incapable de décrypter. À ce titre, je rappelle que la fermeture du régime des retraites de la SNCF a induit la dépense de 4,1 milliards d'euros pour financer des mesures d'accompagnement entre 2011 et 2020 ; je me demande parfois pourquoi les syndicats redoutent tant les réformes !

En outre, le gouvernement table sur une entrée en vigueur de la réforme en juillet 2023, mais les documents transmis pour le PLF ne la mentionnent pas. À l'évidence, la réalisation budgétaire pourrait être bien différente de ce qui est prévu.

Nous allons néanmoins examiner le détail de cette mission en vous rappelant qu'elle comprend les régimes de retraite des mines, de la Seita, des régimes ferroviaires d'outre-mer (39 pensionnés) et de l'ORTF (34 pensionnés) au programme 195 ; les régimes de retraite et de sécurité sociale des marins (25 328 cotisants pour 102 914 pensionnés) au programme 197 ; ainsi que les régimes sociaux et de retraite des transports terrestres au programme 198, principalement les régimes de la SNCF (114 840 cotisants pour 233 354 pensionnés) et de la RATP (42 444 cotisants pour 52 257 pensionnés), mais aussi le réseau franco-éthiopien (3 pensionnés).

De nouveau, je déplore que la mission « Régimes sociaux et de retraite » ne couvre pas l'ensemble des régimes spéciaux de retraite pour lesquels l'État verse une subvention d'équilibre ou qui sont financés au moyen de taxes. Ainsi, il manque toujours les régimes de l'Opéra de Paris, de la Comédie française, des Industries électriques et gazières de France, des non-salariés agricoles, des avocats, des clercs et employés de notaires. Près de 5,4 milliards d'euros de contributions échappent ainsi à la mission, ce qui nuit considérablement à la lisibilité du système et à celle de sa réforme.

La dotation 2023 de l'État pour les régimes de la mission devrait s'élever à 6,14 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), dont 3,5 milliards pour la SNCF et 0,8 milliard pour la RATP, sommes qui ne tiennent que partiellement compte de l'inflation. La contribution de l'État finance le déséquilibre démographique des régimes, mais également leurs avantages spécifiques (départs précoces, bonifications de durée, avantages familiaux, minima de pensions), pour lesquels la nécessité de solidarité nationale interroge.

Si le régime de retraite SNCF est fermé depuis le 1er janvier 2020, celui de la RATP en prend le chemin avec l'incontournable ouverture à la concurrence pour les bus dès 2025. Néanmoins, les sociétés qui remporteront les appels d'offres hériteront aussi du « sac à dos social », qui maintiendra l'affiliation des agents transférés à leurs nouveaux employeurs au régime des retraites de la RATP.

Concernant le régime des marins, l'État fournit 81 % des ressources, soit 802 millions d'euros. La pénibilité de ces métiers et la compétitivité à laquelle ils sont confrontés dissuadent de toute fermeture du régime, sauf à perdre notre souveraineté nationale dans le domaine. Néanmoins, rien n'interdit de réviser les grilles de métiers ou de mieux prendre en compte le temps passé en mer. De plus, les carrières courtes, inférieures à quinze ans, pourraient être redirigées vers le régime général.

J'en viens au CAS « Pensions », qui comprend le programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité » ; le programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l'État » ; et le programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions ».

Estimées à 64,36 milliards d'euros pour 2023 en AE et en CP - dont 94 % pour les seules pensions civiles et militaires -, les dépenses connaissent une progression de 5,33 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2022, intégrant notamment la revalorisation des prestations de 4 % au 1er juillet dernier.

Si la majoration de 3,5 % du point d'indice de la fonction publique génère des cotisations supplémentaires, celles-ci ne parviennent pas à équilibrer cette hausse des pensions. Ainsi le PLF pour 2023 prévoit-il un solde négatif du CAS « Pensions » de 789,4 millions d'euros.

La baisse des effectifs cotisants et le niveau croissant des pensions ne peuvent que renforcer ce déficit. Les contractuels représentent désormais 21 % de la seule fonction publique d'État, or ceux-ci sont affiliés à la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) ainsi qu'à l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques (Ircantec) pour les agents contractuels de droit public, et à l'Agirc-Arrco pour ceux relevant du droit privé. Les dépenses du CAS ont augmenté de 38,5 % depuis 2007.

Les taux de contribution employeur, qui assurent l'équilibre du CAS « Pensions » à chaque instant, ont toujours permis, depuis sa création en 2006, de dégager des soldes excédentaires, qui atteignent 9,5 milliards d'euros en 2021.

Cependant, ces taux n'ont pas été révisés depuis 2014. L'exercice 2022 inverse la tendance et devrait pour la première fois se clôturer par un déficit de l'ordre de 224 millions d'euros. Par conséquent, sans révision à la hausse des taux de contribution employeur, le solde excédentaire sera consommé d'ici à 2025.

La direction du budget ne prévoit pas de modifier les taux avant l'apurement total de l'excédent, qui n'a pourtant aucune réalité matérielle. Ainsi, les soldes annuels négatifs du CAS dégraderont directement celui de l'État.

La réévaluation des taux de contribution employeur et l'amélioration du solde du CAS étant indispensables, je souhaite que les futurs excédents débouchent sur la création de véritables réserves gérées par le Fonds de réserve pour les retraites (FRR). Celui-ci, dont l'actif net était évalué à 26 milliards d'euros fin 2021, affiche une performance record de 4,7 % depuis 2010. Il serait judicieux que les réserves du régime de la fonction publique nouvellement créées puissent bénéficier de ces excellents résultats.

J'émets un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.

Photo de Vincent Delahaye

J'avais la même remarque que le rapporteur général sur la branche autonomie qui se mettrait à rapporter... Ce n'est pas fréquent et si cela devait arriver, il faudrait la développer !

En ce qui concerne les recettes, vous évoquez des hypothèses très optimistes ; avez-vous procédé au calcul de l'évolution du déficit en partant d'hypothèses réalistes ?

Enfin, je suis très surpris - et ce n'est pas la première fois - d'entendre que la réforme des retraites est ici en partie prise en compte par le Gouvernement sans que l'on sache à quel niveau. Ce manque de transparence me semble invraisemblable.

Photo de Jean-François Husson

Comme la rapporteure spéciale, je continue de penser que cette réforme des retraites est nécessaire et qu'elle devient urgente. Je m'interroge quant aux difficultés mentionnées par Sylvie Vermeillet dans son rapport, pour avoir accès aux éléments qui pourraient la composer. Dans un temps où le Gouvernement fait des prévisions très optimistes, dont celle du plein emploi à l'horizon de 2027, ne pas engager une réforme qui nous permettrait de franchir un pas décisif représenterait non seulement une difficulté, mais aussi une faute.

Au-delà des observations liées à la mission, je voudrais revenir sur ce raccourci que nous entendons dans le débat public, et qui consiste à présenter la réforme des retraites comme nécessaire pour rétablir les comptes. Je tiens à rappeler que le premier objectif de cette réforme est d'honorer l'engagement pris à l'égard des cotisants. Rappelons cependant qu'il s'agit d'abord d'un système par répartition, ce que nombre de nos concitoyens semblent oublier une fois arrivés à l'âge de la retraite, considérant alors qu'il devrait s'agir d'un système par capitalisation.

Photo de Sylvie Vermeillet

Je souhaiterais que vous m'éclairiez quant à la trajectoire de la branche autonomie, dont les recettes progressent davantage que les dépenses. Par ailleurs, ces dernières ne semblent pas encore bien identifiées, même si vous évoquez la création de 3 700 emplois dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ainsi que des dépenses supplémentaires de services de soins infirmiers.

En outre, je partage les propos du rapporteur général sur la réforme des retraites. La question du pouvoir d'achat et du niveau de vie des retraités sera centrale. Ainsi, je trouverais dommage que l'on aborde la question des retraites sans prendre en compte celle du financement de l'autonomie.

Photo de Michel Canevet

Je voudrais d'abord féliciter la rapporteure pour la qualité de ses analyses et des propositions qu'elle formule.

Dans la partie du rapport intitulée Une dépendance marquée au financement public, je lis que les besoins des quatre principaux régimes spéciaux subventionnés s'élèveraient à plus de 185 milliards d'euros à l'horizon de 2050. S'agit-il du cumul de ce dont nous aurons besoin d'ici à 2050 ? Ou s'agit-il de la somme qui sera nécessaire alors, sachant qu'aujourd'hui elle est de l'ordre de 9 milliards d'euros ?

Par ailleurs, le régime spécifique des marins tient compte de la concurrence internationale, qui justifie le soutien public apporté. Je souscris totalement à l'idée qu'il faut maintenir ce régime, mais des aménagements peuvent être apportés pour le rendre plus efficient, et pour que rentrent dans le régime de droit commun ceux qui ne remplissent pas l'ensemble des conditions.

Enfin, en ce qui concerne le CAS « Pensions », j'identifie deux options : soit on augmente les taux de cotisations, soit on augmente la durée de cotisation et on diminue la durée des bénéfices. Relever l'âge du départ en retraite pourrait-il suffire à équilibrer les comptes ?

Photo de Christian Bilhac

La création de 3 700 emplois dans les Ehpad sera-t-elle suffisante ? En effet, ces établissements, surtout lorsqu'ils sont publics, connaissent une situation catastrophique. Ils rencontrent beaucoup de difficultés à équilibrer leurs comptes et à assurer leur mission auprès de leurs pensionnaires.

Photo de Jean-Marie Mizzon

Ma question n'est pas directement liée aux éléments comptables, mais touche à un sujet récurrent. Le temps pendant lequel nous n'avons pas mis en place la réforme a-t-il été mis à profit pour trouver un début de solution sur la pénibilité du travail ? Il s'agit d'un sujet complexe et s'il est facile de mesurer la pénibilité des métiers physiques, l'exercice est plus délicat quand elle affecte la dimension psychologique du salarié.

Photo de Claude Raynal

D'abord, je salue la manière dont le document préparé présente en quelques pages une vision claire de l'usage de 600 milliards d'euros. Cependant, la tonalité du rapport me semble poser problème. En effet, que sont 12,5 milliards de déficit sur 600 milliards d'euros, quand le rapport de M. Husson mentionnait plus de 150 milliards d'euros de déficit budgétaire de l'État pour 500 milliards d'euros de dépenses ? Dans ce dernier cas, 30 % des dépenses sont couvertes par l'emprunt, alors qu'ici il ne s'agit que de 2 %. Certes, nous préférerions que ce chiffre soit nul, mais cela mérite-t-il une tonalité aussi négative ?

Il serait intéressant de savoir quelles décisions ne sont pas couvertes par un financement d'État à travers la TVA. Nous verrions peut-être que les 12,5 milliards d'euros correspondent à des décisions prises par l'État de manière unilatérale, sans l'accord des partenaires sociaux. À titre d'exemple, les charges sociales supprimées pour un certain nombre de contrats de travail représentent un montant considérable ; est-il couvert par une compensation du budget de l'État ?

Pour conclure, j'ai du mal à m'inquiéter de ce déficit par rapport à celui de l'État, pour lequel on ne voit pas comment réaliser des économies alors qu'on refuse d'augmenter les recettes. Dans le cas présent, le problème semble plus simple à résoudre - et plus encore si l'on se souvient de certaines époques. Les impacts de crise sont rapides et les remontées peuvent être assez significatives. Il s'agit donc de ne pas s'affoler et considérer ce problème avec sérénité.

Photo de Claude Raynal

Je lis ceci dans le dernier paragraphe du document résumant votre rapport : « la réévaluation inévitable des taux et l'amélioration attendue à cette occasion du solde du CAS doivent déboucher sur la création de véritables réserves. ». Cela suppose que la réévaluation des taux soit supérieure à celle qui est nécessaire à l'obtention d'un strict équilibre. Est-ce bien là votre idée : prendre un peu de marge pour créer de la réserve ?

Photo de Christian Klinger

Certes, le pourcentage représenté par le déficit paraît peu élevé. Cependant, il s'agit de dépenses courantes, qui devraient être alimentées par des recettes courantes. Trouver un équilibre me semble donc sain, notamment pour éviter de creuser encore le déficit public. Des mesures pourraient notamment être prises pour atténuer le déficit de la branche maladie qui, sans le covid, aurait été quasiment étale à partir de 2020 ou 2021.

En ce qui concerne la branche autonomie, un transfert de recettes est prévu à partir de 2024, une partie de la contribution sociale généralisée (CSG) affectée à la Cades devant lui revenir, ce qui explique son solde positif. Son niveau de ressources passera en effet de 35 milliards d'euros en 2022 à 40 milliards d'euros en 2024.

J'en viens à la dégradation de la branche vieillesse, qui apparaît de façon très nette à échéance de deux ou trois ans. Celle-ci s'explique essentiellement par une augmentation du nombre de bénéficiaires puisque les baby-boomers prennent leur retraite. À cela s'ajoute l'élévation régulière du niveau des pensions. Ces facteurs provoquent une forte dégradation à partir de 2024.

Monsieur Maurey, le PLFSS et ses annexes ne comportent pas de bilan retraçant le coût de l'ensemble des politiques incitatives à l'installation des médecins.

La dette sociale cumule celles de la Cades qui reprend une grande partie des déficits des branches maladie et vieillesse, et celle l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) contractée pour financer son déficit de trésorerie. Pour la Cades, l'échéance de remboursement est prévu en 2033, mais uniquement pour les déficits prévus jusqu'en 2023. Au regard des déficits persistants, il faudra reconsidérer le sujet bien avant. Par ailleurs, on ne peut mesurer l'impact de la hausse des taux sur les remboursements par la Cades dans les prochaines années.

Monsieur Delahaye, l'impact d'un point de croissance est supérieur à 2 milliards d'euros pour le régime général.

Quant aux 3 700 embauches prévues dans les Ehpad en 2023, elles peuvent paraître limitées, mais l'objectif est de 50 000 à l'horizon de 2030. On peut donc aussi s'attendre à un alourdissement des dépenses à ce titre.

Pour finir de répondre au président Raynal, les exonérations de cotisation sociale sont pratiquement compensées à ce jour par une affectation de TVA et des crédits budgétaires.

Photo de Sylvie Vermeillet

Oui, ce taux de contribution employeur, de l'ordre de 74 % pour les fonctionnaires et de 126 % pour les militaires, permet d'équilibrer à chaque instant le CAS « Pensions ». Cependant, n'ayant pas été révisé depuis 2010, il se montre aujourd'hui insuffisant face à la progression des dépenses.

Nous avons ainsi observé un premier déficit en 2022, qui se confirmera en 2023 et continuera ensuite de se creuser. Depuis la création du CAS, nous avons accumulé un excédent de 9,5 milliards d'euros, qui n'a jamais été matérialisé. Pourtant, la direction du budget affirme aujourd'hui que tant que cette somme n'aura pas été utilisée, les taux de contributions employeurs ne seront pas révisés. Or cette somme n'a pas de réalité et si l'on commence à générer des déficits dès 2022, cela dégradera le solde de l'État. La loi organique oblige cependant à garantir l'équilibre du compte. Ce qui implique de réviser ces taux pour permettre un retour a minima à l'équilibre voire à l'excédent.

À cette occasion, il serait opportun que de véritables réserves soient créées, comme cela a été fait en 2001 lors de la création du FRR, qui était destiné à faire face au papy-boom. Ce fonds était alimenté par des excédents de la Cnav et des produits de privatisations, à l'image du Crédit lyonnais et des Autoroutes du sud de la France. Il a été alimenté jusqu'en 2010 et on a alors décidé que, chaque année, ce fonds verserait 2,1 milliards d'euros à la Cades, ce qui arrange tout le monde aujourd'hui. Ce fonds est très bien géré et il a connu des performances impressionnantes, de plus de 10 %. Il touche ainsi chaque année plus d'intérêts que les 2,1 milliards versés et compte aujourd'hui 26 milliards d'euros, ce qui reste peu par rapport au passé. Certains ont pensé qu'il pourrait servir à pallier le déficit du solde des retraites, mais 26 milliards d'euros ne suffiront pas à y répondre longtemps, compte tenu des déficits qui se profilent. Mais si le CAS « Pensions » se remettait à générer des excédents avec des taux employeur révisés, il faudrait les matérialiser afin de répondre au défi générationnel, à la hausse démographique et à celle du niveau des pensions, afin que l'on puisse constituer des réserves pour ne pas avoir à affronter dans l'urgence des réformes inévitables. Il s'agit donc bien de proposer une matérialisation de l'excédent en même temps qu'une hausse des taux de contribution employeur.

J'en viens aux remarques du rapporteur général. La juste connaissance des éléments qui constituent la réforme des retraites nous aiderait effectivement beaucoup. Il s'agit d'enjeux lourds et de montants énormes, les retraites représentant 345 milliards d'euros en 2021. L'État a décidé de revaloriser les salaires de certaines catégories, notamment des enseignants, ce qui peut apparaître comme une bonne mesure, mais nous n'avons pas accès à l'évaluation de son impact. De la même manière, aucune évaluation n'est disponible sur les avantages spécifiques de certains régimes spéciaux, notamment pour la RATP. Quelles que soient nos opinions, nous devrions avoir accès à ces éléments pour décider en connaissance de cause.

Notre système de retraite prévoit une solidarité intergénérationnelle. Cependant, la classe active d'aujourd'hui cotise beaucoup et longtemps, tout en ayant une espérance de vie en progression moindre. On leur demande un effort maximal au nom d'une génération surnuméraire, mais il n'est pas certain que les mêmes efforts seront fournis dans sa direction. D'après les projections du Conseil d'orientation des retraites (COR), le niveau des pensions va s'amenuiser par rapport au niveau de vie des actifs. Ainsi, le niveau de vie des pensionnés correspondrait à 70 % de celui des actifs d'ici à 2070, alors que ce chiffre est de 101 % aujourd'hui. Si l'on ne réindexe pas les pensions à hauteur de la croissance, un appauvrissement des pensionnés en résultera. Cependant, au regard du financement des dépenses de dépendance, l'appauvrissement des pensionnés n'est pas une option. Cette équation est centrale et nous en parlons peu.

En réponse à Michel Canévet, les engagements de 185,74 milliards d'euros représentent bien la somme de tous les engagements prévisionnels.

En ce qui concerne l'avenir du régime des marins, si nous souhaitons maintenir une souveraineté nationale dans le domaine, il faudra prendre en charge l'ensemble de leur protection sociale.

J'en viens au report de l'âge de départ en retraite pour les fonctionnaires. Aujourd'hui, ce départ s'opère, pour les fonctionnaires sédentaires, à l'âge moyen de 63 ans et 4 mois. Un départ à 64 ans ne suffira donc pas. Néanmoins, il n'est pas prévu d'augmenter le taux de cotisation salariale, mais plutôt d'adapter et de prolonger sa durée afin de bénéficier d'une retraite à taux plein.

Monsieur Mizzon, je ne peux vous dire si le temps de pause sur la réforme des retraites a été mis à profit pour avancer sur le sujet de la pénibilité. Nous avons posé des questions à chacun des organismes que nous avons auditionnés. Des avancées intéressantes ont été observées en ce qui concerne le compte individuel, mais pas particulièrement sur la pénibilité. J'insiste aussi sur l'employabilité des seniors. En effet, s'il faut repousser l'âge de départ en retraite, il faudra aussi qu'une certaine culture d'entreprise évolue afin d'employer davantage de seniors.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Klinger

Enfin, si la réforme des retraites a bien été intégrée dans la trajectoire de dépenses prévue par le PLFSS, c'est pour un montant « conventionnel » qui est évoqué, sans être chiffré.

La commission émet un avis favorable sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, sous réserve de l'adoption des amendements de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

J'attire votre attention sur un changement de jurisprudence en matière de recevabilité financière des amendements. En effet, le Conseil constitutionnel a rendu une décision le 16 décembre dernier, visant la LFSS 2022, sur trois articles issus d'amendements adoptés à l'Assemblée nationale, qui autorisaient, à titre expérimental, les masseurs-kinésithérapeutes et les orthophonistes à exercer leur art sans prescription médicale pour une durée de trois ans et dans six départements, et les infirmiers en pratique avancée à réaliser certaines prescriptions médicales.

Le Conseil constitutionnel a confirmé leur place en LFSS « au regard de leur incidence sur les dépenses d'assurance maladie ». Il ressort de cette décision que l'élargissement des droits de prescription doit désormais être considéré comme susceptible d'aggraver une charge pour les organismes de sécurité sociale.

Dans ces conditions, je serai désormais amené à déclarer irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution tout amendement élargissant les droits de prescription.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Klinger

Chaque année, nous émettons des doutes quant à la pertinence de cette mission « Santé », qui se trouve déséquilibrée entre l'aide médicale d'État (AME) - dont la maîtrise budgétaire n'est toujours pas assurée - et un programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » peu à peu vidé de toute substance, qui se résume à des actions de santé publique hétérogènes et résiduelles. Cependant, un élément nouveau intervient cette année puisqu'un troisième programme apparaît, doté de près de 2 milliards d'euros. Ainsi, les crédits proposés pour la mission sont deux fois et demie supérieurs à ceux votés en 2022.

Le nouveau programme 379, placé sous la responsabilité du directeur de la sécurité sociale, recueille les crédits européens de la Facilité pour la relance et la résilience destinés à la France, qui soutiennent le volet investissement du Ségur de la santé.

Selon mes informations, la création de ce programme doit intervenir dès 2022 et figurera dans le projet de loi de finances rectificative (LFR) examiné ce matin en conseil des ministres.

Le volet investissement du Ségur de la santé représente un montant total de 19 milliards d'euros, dont 6 milliards proviennent de cette facilité de relance européenne, dont les versements doivent s'échelonner entre 2021 et 2026. Une première tranche de près de 800 millions d'euros a ainsi été versée à la France en 2021. L'État l'a attribuée à l'assurance maladie au moyen d'une majoration d'affectation de la TVA, inscrite dans la LFR de fin de gestion 2021.

La création d'un programme budgétaire spécifique pour recevoir les cinq autres tranches, dont 1,1 milliard d'euros dans le prochain projet de loi de finances rectificative (PLFR) et 1,9 milliard d'euros dans le PLF pour 2023, semble favorable pour assurer la traçabilité de ces fonds.

Ce programme sert toutefois de simple canal de transmission à l'assurance maladie et ne redonne aucune substance particulière à la mission « Santé » en termes de politique publique.

Par ailleurs, s'agissant de la nomenclature budgétaire, je rappelle que, à l'initiative du Sénat, un programme relatif à la carte vitale biométrique a été créé dans le cadre de la mission « Santé » et qu'il s'est vu doter de 20 millions d'euros par la LFR d'août 2022.

Toutefois, nous ne retrouvons pas ce programme dans le PLF 2023. J'ai appris que des actions concourant à l'utilisation de la biométrie pour la bonne identification des assurés sociaux devaient être financées par ces crédits d'ici la fin de l'année. D'autres développements pourraient intervenir, en fonction des conclusions de la mission confiée à l'inspection générale des affaires sociales (Igas) sur ce sujet. Mais le Gouvernement considère que cette réforme devrait être financée par les régimes d'assurance maladie, puisqu'ils gèrent la carte vitale à travers le programme SESAM-Vitale.

J'en viens au programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ». De nombreuses actions financées par ce programme ont été transférées à l'assurance maladie au fil des années. La part restante forme un ensemble hétérogène : dépenses de contentieux, prise en charge du système de santé à Wallis-et-Futuna, subventions pour l'Institut national du cancer (INCa) et l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), qui en reçoivent aussi d'autres missions.

Néanmoins, au cours des trois dernières années, l'État a rapatrié sur ce programme, pour les besoins de la gestion de la crise sanitaire, des crédits provenant de l'assurance maladie, en créant un fonds de concours alimenté par Santé publique France. Plus de 800 millions d'euros ont ainsi été consommés en 2020 et 2021. En outre, 160 millions d'euros ont encore été inscrits sur le fonds de concours en 2022. Le rapport comporte des détails sur les opérations et dispositifs ainsi financés, comme l'achat de matériel, les évacuations sanitaires, les systèmes d'information ou les numéros verts.

Ce fonds de concours doit être mis en extinction. De plus, la répartition des missions entre l'État et Santé publique France en matière de veille sanitaire et de préparation aux crises doit être clarifiée et stabilisée.

L'inscription pour 2023 d'un crédit supplémentaire de 2 millions d'euros constituant une provision pour des évacuations sanitaires, comme celles qui ont été effectuées depuis les Antilles vers l'Hexagone au second semestre 2021, constitue de ce point de vue un timide début de rebudgétisation.

De même, dans un objectif de veille sanitaire, les dotations destinées aux systèmes d'information sont renforcées pour développer une base de données provenant des résultats d'analyses biologiques, qui doit succéder au système d'information national de dépistage (SI-DEP) financé par le fonds de concours.

Globalement, le programme 204 est doté de 216 millions d'euros, ce qui représente une légère augmentation de 1,6 %. En outre, si j'ai mentionné deux mesures nouvelles, les principaux postes de dépenses connaissent une grande stabilité.

Toutefois, je relève une diminution importante de la dotation versée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam), puisque celle-ci passe de 43 à 32 millions d'euros. Il s'agit de tenir compte de la sous-consommation significative des crédits pour le dispositif d'indemnisation des victimes de la Dépakine.

À la fin du mois de septembre, j'ai présenté à la commission les résultats d'un contrôle effectué à ce sujet cette année. Un nouvel ajustement de la dotation - d'autres ayant eu lieu depuis 2019 - paraît cohérent avec les prévisions de consommation. Mais il n'a pas vocation à être pérennisé au-delà de 2023. Le Gouvernement entend revenir dès 2024 au niveau de crédits de cette année, dans l'hypothèse d'un recours plus important au dispositif d'indemnisation.

Comme les années précédentes, le programme 204 finance aussi un grand nombre d'actions extrêmement dispersées, pour des montants généralement faibles. Elles paraissent loin de disposer d'une masse critique suffisante pour prétendre produire un réel impact quant aux objectifs de santé publique poursuivis.

Le nouveau programme recueillant les crédits européens mis à part, l'AME demeure l'élément principal de la mission « Santé ». Au cours de la période 2020-2022, deux facteurs ont joué sur le recours à ce dispositif.

En premier lieu, la crise sanitaire a entraîné une baisse des entrées sur le territoire, mais aussi une diminution du nombre de sorties et des prolongations exceptionnelles de droits. Nous avons observé une moindre consommation de soins pendant le confinement. Cependant, un financement a été garanti aux hôpitaux au niveau des ressources reçues de l'AME en 2019, même en cas de moindre activité.

En second lieu, des modifications législatives et réglementaires ont été adoptées. D'une part, elles restreignent le bénéfice de l'assurance maladie pour les étrangers qui ne sont plus en situation régulière, prévoyant une réduction de 12 à 6 mois du maintien des droits après l'expiration des titres de séjour, avec un effet de report sur l'AME. D'autre part, elles imposent des conditions supplémentaires pour l'accès à l'AME : condition de durée minimale de séjour irrégulier de trois mois et délai d'ancienneté de neuf mois pour l'accès à des soins programmés, sauf accord du contrôle médical. J'ai constaté que l'effet de ces différentes mesures n'a pas été évalué a priori, ni mesuré a posteriori.

En outre, le nombre de bénéficiaires continue d'augmenter, passant de 335 000 début 2020 à près de 400 000 fin juin 2022. Ainsi, la dépense a baissé de 5 % en 2020 en raison du confinement, mais elle a augmenté de près de 10 % en 2021.

En 2023, le Gouvernement propose une majoration de 133 millions d'euros des crédits d'AME, qui portera exclusivement sur l'AME de droit commun, c'est-à-dire hors soins d'urgence délivrés aux non-bénéficiaires. Le montant total de l'AME dépasse ainsi 1,2 milliard d'euros, dont 1,14 milliard est consacré à l'AME de droit commun, ce qui représente une hausse de 13,2 % par rapport au montant inscrit en loi de finances initiale pour 2022.

Cette programmation se fonde sur une prolongation de l'évolution tendancielle du nombre d'étrangers en situation irrégulière, observée avant la crise sanitaire, et l'on peut s'en étonner à plusieurs titres. D'abord, le Gouvernement veut renforcer l'exécution des mesures d'éloignement et annonce un projet de loi pour 2023.

De plus, des mesures de contrôle et de lutte contre la fraude ont été mises en place en 2020 et 2021. Il n'est pas envisagé de les renforcer.

Enfin, la dotation de l'AME de droit commun pour 2023 dépasse de près de 200 millions d'euros la prévision d'exécution pour 2022, alors même que l'État dispose désormais d'une créance sur l'assurance maladie au titre de l'AME, qui pourrait atteindre 45 millions d'euros fin 2022.

Par ailleurs, il faut bien reconnaître que les modifications législatives et réglementaires apportées il y a deux ans n'ont pas produit d'impact significatif et paraissent insuffisantes pour maîtriser la charge budgétaire de l'AME.

Ces éléments conduisent à reposer la question, plusieurs fois abordée dans notre assemblée, de l'étendue des soins pris en charge par l'AME. À ce titre, je rappelle que dans la plupart des pays européens, seuls les soins urgents, les soins liés à la maternité, les soins aux mineurs et les dispositifs de soins préventifs dans le cadre de programmes sanitaires publics sont pris en charge gratuitement pour les étrangers en situation irrégulière. Par l'éventail des soins couverts, l'AME constitue une exception par rapport aux pays voisins. Celle-ci semble difficile à justifier dans un contexte d'augmentation continue et non maîtrisée de la charge budgétaire qu'elle constitue.

En conclusion, les fortes réserves exprimées ces dernières années sur la cohérence et le pilotage de cette mission « Santé » restent valables.

La création d'un programme budgétaire pour diriger vers l'assurance maladie les fonds européens de soutien à l'investissement en santé paraît plutôt opportune.

La forte majoration des crédits d'AME semble difficilement justifiable. Je vous proposerai donc deux amendements. L'un vise à réduire ces crédits de 350 millions d'euros pour les ajuster à une évolution maîtrisée du nombre de bénéficiaires, l'autre à redéfinir le périmètre de la prise en charge par l'État des soins délivrés aux étrangers en situation irrégulière en modifiant le code de l'action sociale et des familles pour transformer l'aide médicale d'État en aide médicale de santé publique.

Je propose donc l'adoption des crédits de la mission, assortis de ces modifications.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Je souscris à la remarque du rapporteur spécial sur le fonds de concours Santé publique France, qui a vu ses montants augmenter sans aucune intervention du Parlement, ainsi qu'à la proposition qui est faite de le mettre en extinction et de clarifier les responsabilités et les prises en charge budgétaires en matière de veille sanitaire et de préparation aux situations de crise.

Par ailleurs, les crédits d'AME progressent sur le rythme d'augmentation tendancielle de ces dernières années, rien n'étant fait face à cette charge budgétaire non maîtrisée. Pour chaque mission budgétaire, il faut pourtant tenter d'atteindre le niveau de dépense pertinent.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Je voudrais revenir sur l'abandon de la réforme de la carte vitale biométrique. En effet, seuls 20 millions d'euros sont inscrits dans la première LFR de 2022, qui ne seront pas suffisants pour mener ce chantier à terme. Vous avez expliqué que de petites mesures seraient mises en place. Or j'avais compris que cette somme serait utilisée en 2022 pour définir un cahier des charges permettant ensuite la bascule vers un nouveau système. Si ce n'est pas le cas, ces 20 millions d'euros sont dépensés de façon inutile.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Briquet

L'augmentation significative de l'AME correspond à une situation de fait : le nombre de personnes concernées augmentant, il est normal que cette aide connaisse une hausse. De plus, nous observons un effet rattrapage, que les documents budgétaires montrent bien, à cause de la crise du covid. Je ne vois pas matière à s'alarmer. Au contraire, on pourrait s'enorgueillir du fait que notre pays prenne en charge la santé des personnes vivant en situation irrégulière sur notre sol.

Quant à votre appréciation personnelle de la question, vous semblez vous tromper de sujet. Quand nous sommes un certain nombre à parler de santé, vous parlez d'immigration, ce qui n'est pas le but de cette mission budgétaire. Nous ne sommes pas en accord avec vos conclusions et ne soutiendrons pas les amendements que vous présentez.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Mizzon

J'aimerais soulever une question qui ne se trouve pas dans le rapport. Je sais que celui-ci n'entre pas dans le concret des mesures de santé, mais il me semblait que la prévention représentait une source d'économies pour le budget de la santé. Les crédits qui lui sont réservés sont-ils majorés dans une perspective de meilleure gestion ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Il y a quatre ou cinq ans, un ministre nous assurait ici même que jamais l'AME n'atteindrait 1 milliard d'euros. Pourtant, nous y sommes. Et à ceux qui pensent que ce dispositif représente une solution miracle, je voudrais dire qu'il sert avant tout d'argument majeur aux passeurs. En effet, il représente une différence cruciale par rapport aux pays tels que l'Espagne, le Royaume-Uni ou l'Allemagne, qui ont tous revu leur système pour réduire leur offre. Si nous n'en faisons pas de même comme le propose le rapporteur spécial, nous continuerons de faire figure de puissance attractive, et nous ne parviendrons pas à réguler l'immigration. En 2020, nous avons retiré des amendements sur l'AME au prétexte que le Gouvernement allait prendre des mesures pour assurer plus de contrôles, ce qui ne s'est pas fait. Il nous faut prendre des décisions et nous verrons si le Gouvernement en tiendra compte, lorsque le projet de loi reprenant ces thèmes sera débattu début 2023.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Klinger

En ce qui concerne la carte vitale biométrique, la direction de la sécurité sociale reste évasive. Une mission de l'IGAS a été lancée. En tout état de cause, tout développement à venir serait du ressort de l'assurance maladie.

Monsieur Mizzon, la prévention relève pour l'essentiel de l'assurance maladie. La mission « Santé » finance très peu d'actions de prévention.

Vous ne faites pas le lien entre santé et immigration, madame Briquet, mais s'il n'y avait pas d'étrangers en situation irrégulière, il n'y aurait pas d'AME. C'est mathématique et, chaque année, nous observons une augmentation du nombre d'étrangers en situation irrégulière entraînant celle des dépenses d'AME. Nous pouvons continuer à nous voiler la face, ou nous pouvons faire ce que font les autres pays européens : circonscrire le panier de soins. Une personne se présentant à l'hôpital avec un bras cassé sera toujours soignée, mais il faut faire passer le message qu'en France, le tourisme médical n'est plus possible.

Article 27

L'amendement n° 1 est adopté.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Santé », sous réserve de l'adoption de son amendement.

EXAMEN DE L'ARTICLE ADDITIONNEL RATTACHÉ

Article additionnel après l'article 46

L'amendement n° 2 est adopté.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de cet article additionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Vermeillet

La France dédie 13,6 % de son PIB au financement des retraites, ce qui représentait 345 milliards d'euros en 2021. C'est moins que l'Italie, qui y consacre 15,6 % de son PIB, mais plus que la plupart des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), dont l'Allemagne, la Belgique ou l'Espagne, pour lesquelles cette part est inférieure à 11 %.

L'équilibre actuel de notre système de retraites devrait se dégrader dès 2023 et jusqu'au milieu des années 2050, dans le meilleur des cas. Au regard de cette dégradation des comptes et si l'on s'accorde sur l'objectif d'éviter une baisse du niveau des pensions comme une hausse des prélèvements, la réforme semble indispensable. Celle-ci devrait se limiter à redéfinir les paramètres en jouant principalement sur deux critères, qui peuvent être combinés. En premier lieu, l'âge d'ouverture des droits pourrait passer de 62 à 65 ans d'ici à 2031, en suivant une progression de quatre mois par an. En second lieu, la majoration de la durée de cotisation inscrite par la réforme Touraine prévoit que, pour les personnes nées en 1973 ou après, la durée d'assurance requise pour obtenir une retraite sans décote augmente progressivement d'un trimestre tous les trois ans entre 2020 et 2035, pour atteindre 43 ans soit 172 trimestres.

Cependant, il convient de s'entendre au préalable sur la convention d'équilibre choisie. D'une part, il pourrait s'agir d'un effort de l'État constant en pourcentage du PIB, quel que soit le besoin du CAS « Pensions » et des régimes spéciaux déficitaires. D'autre part, un équilibre permanent des régimes permettrait à l'État de combler les besoins chaque année ; la convention actuellement retenue correspond à ce dispositif, dictant un âge moyen de départ à 64 ans dès 2030, porté à 66,5 ans d'ici à 2060, pour atteindre le retour à l'équilibre du système de retraite.

Néanmoins, l'augmentation de l'âge de départ en retraite pose question au regard d'une possible baisse de la durée de retraite, les gains d'espérance de vie n'étant plus systématiques. En outre, une attention particulière doit être portée à la pénibilité des métiers, aux dispositifs carrières longues, à la prévention de l'usure au travail, mais aussi à l'aptitude des entreprises à employer des seniors.

Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a indiqué que la réforme des retraites pourrait induire « 8 à 9 milliards d'euros d'économies au bout du quinquennat » ; j'aimerais beaucoup disposer des éléments de calcul ayant conduit à cette estimation, que je suis aujourd'hui incapable de décrypter. À ce titre, je rappelle que la fermeture du régime des retraites de la SNCF a induit la dépense de 4,1 milliards d'euros pour financer des mesures d'accompagnement entre 2011 et 2020 ; je me demande parfois pourquoi les syndicats redoutent tant les réformes !

En outre, le gouvernement table sur une entrée en vigueur de la réforme en juillet 2023, mais les documents transmis pour le PLF ne la mentionnent pas. À l'évidence, la réalisation budgétaire pourrait être bien différente de ce qui est prévu.

Nous allons néanmoins examiner le détail de cette mission en vous rappelant qu'elle comprend les régimes de retraite des mines, de la Seita, des régimes ferroviaires d'outre-mer (39 pensionnés) et de l'ORTF (34 pensionnés) au programme 195 ; les régimes de retraite et de sécurité sociale des marins (25 328 cotisants pour 102 914 pensionnés) au programme 197 ; ainsi que les régimes sociaux et de retraite des transports terrestres au programme 198, principalement les régimes de la SNCF (114 840 cotisants pour 233 354 pensionnés) et de la RATP (42 444 cotisants pour 52 257 pensionnés), mais aussi le réseau franco-éthiopien (3 pensionnés).

De nouveau, je déplore que la mission « Régimes sociaux et de retraite » ne couvre pas l'ensemble des régimes spéciaux de retraite pour lesquels l'État verse une subvention d'équilibre ou qui sont financés au moyen de taxes. Ainsi, il manque toujours les régimes de l'Opéra de Paris, de la Comédie française, des Industries électriques et gazières de France, des non-salariés agricoles, des avocats, des clercs et employés de notaires. Près de 5,4 milliards d'euros de contributions échappent ainsi à la mission, ce qui nuit considérablement à la lisibilité du système et à celle de sa réforme.

La dotation 2023 de l'État pour les régimes de la mission devrait s'élever à 6,14 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), dont 3,5 milliards pour la SNCF et 0,8 milliard pour la RATP, sommes qui ne tiennent que partiellement compte de l'inflation. La contribution de l'État finance le déséquilibre démographique des régimes, mais également leurs avantages spécifiques (départs précoces, bonifications de durée, avantages familiaux, minima de pensions), pour lesquels la nécessité de solidarité nationale interroge.

Si le régime de retraite SNCF est fermé depuis le 1er janvier 2020, celui de la RATP en prend le chemin avec l'incontournable ouverture à la concurrence pour les bus dès 2025. Néanmoins, les sociétés qui remporteront les appels d'offres hériteront aussi du « sac à dos social », qui maintiendra l'affiliation des agents transférés à leurs nouveaux employeurs au régime des retraites de la RATP.

Concernant le régime des marins, l'État fournit 81 % des ressources, soit 802 millions d'euros. La pénibilité de ces métiers et la compétitivité à laquelle ils sont confrontés dissuadent de toute fermeture du régime, sauf à perdre notre souveraineté nationale dans le domaine. Néanmoins, rien n'interdit de réviser les grilles de métiers ou de mieux prendre en compte le temps passé en mer. De plus, les carrières courtes, inférieures à quinze ans, pourraient être redirigées vers le régime général.

J'en viens au CAS « Pensions », qui comprend le programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité » ; le programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l'État » ; et le programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions ».

Estimées à 64,36 milliards d'euros pour 2023 en AE et en CP - dont 94 % pour les seules pensions civiles et militaires -, les dépenses connaissent une progression de 5,33 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2022, intégrant notamment la revalorisation des prestations de 4 % au 1er juillet dernier.

Si la majoration de 3,5 % du point d'indice de la fonction publique génère des cotisations supplémentaires, celles-ci ne parviennent pas à équilibrer cette hausse des pensions. Ainsi le PLF pour 2023 prévoit-il un solde négatif du CAS « Pensions » de 789,4 millions d'euros.

La baisse des effectifs cotisants et le niveau croissant des pensions ne peuvent que renforcer ce déficit. Les contractuels représentent désormais 21 % de la seule fonction publique d'État, or ceux-ci sont affiliés à la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) ainsi qu'à l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques (Ircantec) pour les agents contractuels de droit public, et à l'Agirc-Arrco pour ceux relevant du droit privé. Les dépenses du CAS ont augmenté de 38,5 % depuis 2007.

Les taux de contribution employeur, qui assurent l'équilibre du CAS « Pensions » à chaque instant, ont toujours permis, depuis sa création en 2006, de dégager des soldes excédentaires, qui atteignent 9,5 milliards d'euros en 2021.

Cependant, ces taux n'ont pas été révisés depuis 2014. L'exercice 2022 inverse la tendance et devrait pour la première fois se clôturer par un déficit de l'ordre de 224 millions d'euros. Par conséquent, sans révision à la hausse des taux de contribution employeur, le solde excédentaire sera consommé d'ici à 2025.

La direction du budget ne prévoit pas de modifier les taux avant l'apurement total de l'excédent, qui n'a pourtant aucune réalité matérielle. Ainsi, les soldes annuels négatifs du CAS dégraderont directement celui de l'État.

La réévaluation des taux de contribution employeur et l'amélioration du solde du CAS étant indispensables, je souhaite que les futurs excédents débouchent sur la création de véritables réserves gérées par le Fonds de réserve pour les retraites (FRR). Celui-ci, dont l'actif net était évalué à 26 milliards d'euros fin 2021, affiche une performance record de 4,7 % depuis 2010. Il serait judicieux que les réserves du régime de la fonction publique nouvellement créées puissent bénéficier de ces excellents résultats.

J'émets un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Comme la rapporteure spéciale, je continue de penser que cette réforme des retraites est nécessaire et qu'elle devient urgente. Je m'interroge quant aux difficultés mentionnées par Sylvie Vermeillet dans son rapport, pour avoir accès aux éléments qui pourraient la composer. Dans un temps où le Gouvernement fait des prévisions très optimistes, dont celle du plein emploi à l'horizon de 2027, ne pas engager une réforme qui nous permettrait de franchir un pas décisif représenterait non seulement une difficulté, mais aussi une faute.

Au-delà des observations liées à la mission, je voudrais revenir sur ce raccourci que nous entendons dans le débat public, et qui consiste à présenter la réforme des retraites comme nécessaire pour rétablir les comptes. Je tiens à rappeler que le premier objectif de cette réforme est d'honorer l'engagement pris à l'égard des cotisants. Rappelons cependant qu'il s'agit d'abord d'un système par répartition, ce que nombre de nos concitoyens semblent oublier une fois arrivés à l'âge de la retraite, considérant alors qu'il devrait s'agir d'un système par capitalisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Je voudrais d'abord féliciter la rapporteure pour la qualité de ses analyses et des propositions qu'elle formule.

Dans la partie du rapport intitulée Une dépendance marquée au financement public, je lis que les besoins des quatre principaux régimes spéciaux subventionnés s'élèveraient à plus de 185 milliards d'euros à l'horizon de 2050. S'agit-il du cumul de ce dont nous aurons besoin d'ici à 2050 ? Ou s'agit-il de la somme qui sera nécessaire alors, sachant qu'aujourd'hui elle est de l'ordre de 9 milliards d'euros ?

Par ailleurs, le régime spécifique des marins tient compte de la concurrence internationale, qui justifie le soutien public apporté. Je souscris totalement à l'idée qu'il faut maintenir ce régime, mais des aménagements peuvent être apportés pour le rendre plus efficient, et pour que rentrent dans le régime de droit commun ceux qui ne remplissent pas l'ensemble des conditions.

Enfin, en ce qui concerne le CAS « Pensions », j'identifie deux options : soit on augmente les taux de cotisations, soit on augmente la durée de cotisation et on diminue la durée des bénéfices. Relever l'âge du départ en retraite pourrait-il suffire à équilibrer les comptes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Mizzon

Ma question n'est pas directement liée aux éléments comptables, mais touche à un sujet récurrent. Le temps pendant lequel nous n'avons pas mis en place la réforme a-t-il été mis à profit pour trouver un début de solution sur la pénibilité du travail ? Il s'agit d'un sujet complexe et s'il est facile de mesurer la pénibilité des métiers physiques, l'exercice est plus délicat quand elle affecte la dimension psychologique du salarié.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Je lis ceci dans le dernier paragraphe du document résumant votre rapport : « la réévaluation inévitable des taux et l'amélioration attendue à cette occasion du solde du CAS doivent déboucher sur la création de véritables réserves. ». Cela suppose que la réévaluation des taux soit supérieure à celle qui est nécessaire à l'obtention d'un strict équilibre. Est-ce bien là votre idée : prendre un peu de marge pour créer de la réserve ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Vermeillet

Oui, ce taux de contribution employeur, de l'ordre de 74 % pour les fonctionnaires et de 126 % pour les militaires, permet d'équilibrer à chaque instant le CAS « Pensions ». Cependant, n'ayant pas été révisé depuis 2010, il se montre aujourd'hui insuffisant face à la progression des dépenses.

Nous avons ainsi observé un premier déficit en 2022, qui se confirmera en 2023 et continuera ensuite de se creuser. Depuis la création du CAS, nous avons accumulé un excédent de 9,5 milliards d'euros, qui n'a jamais été matérialisé. Pourtant, la direction du budget affirme aujourd'hui que tant que cette somme n'aura pas été utilisée, les taux de contributions employeurs ne seront pas révisés. Or cette somme n'a pas de réalité et si l'on commence à générer des déficits dès 2022, cela dégradera le solde de l'État. La loi organique oblige cependant à garantir l'équilibre du compte. Ce qui implique de réviser ces taux pour permettre un retour a minima à l'équilibre voire à l'excédent.

À cette occasion, il serait opportun que de véritables réserves soient créées, comme cela a été fait en 2001 lors de la création du FRR, qui était destiné à faire face au papy-boom. Ce fonds était alimenté par des excédents de la Cnav et des produits de privatisations, à l'image du Crédit lyonnais et des Autoroutes du sud de la France. Il a été alimenté jusqu'en 2010 et on a alors décidé que, chaque année, ce fonds verserait 2,1 milliards d'euros à la Cades, ce qui arrange tout le monde aujourd'hui. Ce fonds est très bien géré et il a connu des performances impressionnantes, de plus de 10 %. Il touche ainsi chaque année plus d'intérêts que les 2,1 milliards versés et compte aujourd'hui 26 milliards d'euros, ce qui reste peu par rapport au passé. Certains ont pensé qu'il pourrait servir à pallier le déficit du solde des retraites, mais 26 milliards d'euros ne suffiront pas à y répondre longtemps, compte tenu des déficits qui se profilent. Mais si le CAS « Pensions » se remettait à générer des excédents avec des taux employeur révisés, il faudrait les matérialiser afin de répondre au défi générationnel, à la hausse démographique et à celle du niveau des pensions, afin que l'on puisse constituer des réserves pour ne pas avoir à affronter dans l'urgence des réformes inévitables. Il s'agit donc bien de proposer une matérialisation de l'excédent en même temps qu'une hausse des taux de contribution employeur.

J'en viens aux remarques du rapporteur général. La juste connaissance des éléments qui constituent la réforme des retraites nous aiderait effectivement beaucoup. Il s'agit d'enjeux lourds et de montants énormes, les retraites représentant 345 milliards d'euros en 2021. L'État a décidé de revaloriser les salaires de certaines catégories, notamment des enseignants, ce qui peut apparaître comme une bonne mesure, mais nous n'avons pas accès à l'évaluation de son impact. De la même manière, aucune évaluation n'est disponible sur les avantages spécifiques de certains régimes spéciaux, notamment pour la RATP. Quelles que soient nos opinions, nous devrions avoir accès à ces éléments pour décider en connaissance de cause.

Notre système de retraite prévoit une solidarité intergénérationnelle. Cependant, la classe active d'aujourd'hui cotise beaucoup et longtemps, tout en ayant une espérance de vie en progression moindre. On leur demande un effort maximal au nom d'une génération surnuméraire, mais il n'est pas certain que les mêmes efforts seront fournis dans sa direction. D'après les projections du Conseil d'orientation des retraites (COR), le niveau des pensions va s'amenuiser par rapport au niveau de vie des actifs. Ainsi, le niveau de vie des pensionnés correspondrait à 70 % de celui des actifs d'ici à 2070, alors que ce chiffre est de 101 % aujourd'hui. Si l'on ne réindexe pas les pensions à hauteur de la croissance, un appauvrissement des pensionnés en résultera. Cependant, au regard du financement des dépenses de dépendance, l'appauvrissement des pensionnés n'est pas une option. Cette équation est centrale et nous en parlons peu.

En réponse à Michel Canévet, les engagements de 185,74 milliards d'euros représentent bien la somme de tous les engagements prévisionnels.

En ce qui concerne l'avenir du régime des marins, si nous souhaitons maintenir une souveraineté nationale dans le domaine, il faudra prendre en charge l'ensemble de leur protection sociale.

J'en viens au report de l'âge de départ en retraite pour les fonctionnaires. Aujourd'hui, ce départ s'opère, pour les fonctionnaires sédentaires, à l'âge moyen de 63 ans et 4 mois. Un départ à 64 ans ne suffira donc pas. Néanmoins, il n'est pas prévu d'augmenter le taux de cotisation salariale, mais plutôt d'adapter et de prolonger sa durée afin de bénéficier d'une retraite à taux plein.

Monsieur Mizzon, je ne peux vous dire si le temps de pause sur la réforme des retraites a été mis à profit pour avancer sur le sujet de la pénibilité. Nous avons posé des questions à chacun des organismes que nous avons auditionnés. Des avancées intéressantes ont été observées en ce qui concerne le compte individuel, mais pas particulièrement sur la pénibilité. J'insiste aussi sur l'employabilité des seniors. En effet, s'il faut repousser l'âge de départ en retraite, il faudra aussi qu'une certaine culture d'entreprise évolue afin d'employer davantage de seniors.