Dès mon arrivée, au mois de juillet, j’ai eu des occasions d’échanger avec vous, et, très tôt, dès le mois de septembre, j’ai donné mon assentiment pour qu’une proposition de loi sénatoriale nous permette d’avancer sur le sujet.
Nous y sommes ! La discussion s’engage. J’ai entendu que l’objectif était de voter un texte non pas pour envoyer un message, mais pour permettre de modifier ou préciser la loi. À ce stade, j’ai identifié les sujets sur lesquels il sera facile d’avancer et ceux sur lesquels je pressens un certain nombre de difficultés, notamment dans la perspective d’une commission mixte paritaire.
Je salue les propos, à la fois écrits et oraux, qui montrent que personne ne discute la nécessité de lutter contre l’artificialisation. Je n’ai pas besoin de revenir devant vous sur le dérèglement climatique ou sur l’urgence d’atténuer notre empreinte environnementale.
Je rappelle juste qu’un sol artificialisé ne stocke plus de CO2, qu’il est un espace stérile pour la biodiversité et qu’il participe massivement au dérèglement du cycle de l’eau en empêchant la recharge des nappes phréatiques et en accélérant les écoulements.
L’artificialisation s’est débridée au cours du dernier demi-siècle et elle s’est totalement décorrélée de la progression de la population. Elle a ainsi été trois fois plus rapide dans cette période qu’au cours des siècles précédents.
Dans ces conditions, la perspective de diviser par deux la consommation d’espaces naturels sur la décennie en cours revient d’abord à prolonger une baisse déjà observée, après le pic atteint dans les années 1980. Nous sommes ainsi passés de 60 000 hectares par année à 30 000 hectares au début de la décennie précédente. Si l’on prend une moyenne annuelle de 25 000 hectares sur les dix dernières années, l’objectif est donc d’arriver à 12 500 hectares par an jusqu’en 2031.
Ensuite, il nous restera du temps pour atteindre la marche d’après, à savoir le ZAN. Je signale au passage que l’on passe parfois plus de temps à discuter de l’après-2050 que de ce qui se passera dans l’intervalle, entre 2031 et 2050. Pourtant, les enjeux me semblent autrement plus importants à court terme ou moyen terme.
Au moment où nous entamons ce débat, je veux aussi vous rappeler qu’il y a en Europe une demi-douzaine de pays qui sont engagés dans des procédures de ce type. C’est ainsi le cas de l’Allemagne, de la Suisse, de l’Espagne, de l’Italie, du Royaume-Uni ou encore des Pays-Bas. Globalement, ces États ont la même philosophie : diminuer d’abord l’artificialisation puis tendre vers un zéro artificialisation nette, dans un contexte où la souveraineté alimentaire de l’Europe et sa réindustrialisation imposent malgré tout de continuer à accueillir des projets qui restent nécessaires, y compris dans une perspective de transition écologique.
L’esprit de responsabilité et le souci de dialogue sont constants au Sénat, et ce texte en porte la marque. Aussi, je tiens à remercier toutes celles et tous ceux qui ont participé à son élaboration. Il témoigne de la convergence de nos objectifs.
Certaines des dispositions de cette proposition de loi ont notre assentiment total.
C’est le cas de la prise en compte de la renaturation avant 2031 et de la mise en place de nouveaux outils pour les communes pour mieux maîtriser les projets avant 2031. Je pense à l’extension du droit de préemption ou à la mise en place de périmètres de sursis à statuer.
C’est aussi le cas de la communication aux communes des données dont elles ont besoin pour mesurer l’artificialisation.
C’est enfin le cas de la possibilité offerte aux communes littorales d’anticiper le recul du trait de côte dans la recomposition urbaine qu’il induit.
Ces ajustements de bon sens nous semblent indispensables, d’autant qu’ils préservent l’esprit du dispositif et qu’ils garantissent la possibilité de tenir nos objectifs.
Comme vous le savez, les principales attentes exprimées par les collectivités portent sur deux sujets particuliers : la prise en compte des grands projets nationaux et la création d’un mécanisme de garantie de développement pour les communes rurales.
Ce sont deux objectifs partagés : reste à trouver le chemin pour les atteindre.
Nous sommes convaincus qu’il y a matière à compter à part les grands projets d’infrastructures d’État, mais nous devons déterminer s’ils doivent seulement faire l’objet d’un décompte à part à l’échelon national ou si nous devons considérer qu’il ne s’agit pas d’artificialisation.
Il va de soi que si nous les sortons de la trajectoire, il devient compliqué d’être crédible sur notre objectif, alors que nous n’avons pas d’étude d’impact sur ce que serait l’ouverture de la porte à ces grands projets d’envergure nationale.