Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en cinquante ans, nous avons davantage artificialisé dans notre pays qu’en cinq cents ans. Concrètement, entre 20 000 et 30 000 hectares sont artificialisés chaque année en France.
L’artificialisation augmente quasiment quatre fois plus vite que la population, ce qui a des répercussions directes sur la qualité de vie de nos concitoyens, mais aussi sur l’environnement. Ce phénomène est préjudiciable à la biodiversité et au climat.
Parmi les vices de l’artificialisation des sols, on rappellera, par exemple, qu’un sol artificialisé n’absorbe plus ni le CO2 ni l’eau de pluie. Le danger est réel : en cas de fortes intempéries, les phénomènes de ruissellement et d’inondation sont amplifiés. Les nappes phréatiques se renouvellent plus difficilement du fait de cette imperméabilisation des sols, et les fortes pluies emportent tout sur leur passage.
Il nous faut également veiller au développement durable de notre agriculture et à notre souveraineté alimentaire. Nous défendons tous le développement d’une agriculture nationale, garante de notre indépendance alimentaire. Pour cela, il faut agir !
Voté dans le cadre du projet de loi Climat et résilience et traduisant la feuille de route européenne, l’objectif du zéro artificialisation nette est ambitieux et à la mesure de l’urgence.
Pour l’atteindre, la réduction de moitié du rythme de la consommation d’espaces dans les dix prochaines années nous paraît une mesure de bon sens. Mais elle doit se faire dans la concertation, avec pragmatisme, souplesse et en lien direct avec les élus de nos territoires. Tel est l’objet de cette proposition de loi sénatoriale, fruit de consultations et de travaux expertisés par notre assemblée depuis la promulgation de la loi Climat et résilience.
La présente proposition de loi permet de prendre en compte un certain nombre d’évolutions et les préoccupations des élus locaux. Car, je vous rejoins en cela, mes chers collègues : quand il s’agit de légiférer, il faut trouver la juste mesure, afin de ne pas imposer à quiconque un effort qu’il ne serait pas en mesure d’atteindre.
Je tiens tout de même à rappeler que la loi Climat et résilience avait fait l’objet d’un important accord en commission mixte paritaire. Et je n’oublie pas que ceux qui appellent aujourd’hui à revenir sur le compromis trouvé dans ladite loi se réjouissaient, hier, d’avoir abouti à une rédaction équilibrée…
En cela, le ZAN représente toute la complexité du défi de la transition écologique. Tout le monde s’accorde sur le constat et la nécessité d’agir, mais personne ou presque sur les moyens d’y parvenir. La clé réside dans la juste mesure des objectifs que nous nous fixons et dans une gouvernance suffisamment souple et proche du terrain pour accompagner le changement et ajuster les efforts aux moyens de chacun, sans pour autant perdre le cap !
Je le dis ici avec force, il nous faut modifier la proposition de loi sur le ZAN. Nous avons entendu les inquiétudes des élus locaux au cours des auditions que nous avons menées au sein de la mission de contrôle. Lors de son audition, M. le ministre a également rejoint notre volonté d’agir, faisant d’ailleurs la part belle à notre travail sénatorial.
Mon groupe, le RDPI, partage un grand nombre des préconisations de ce texte. Nous avons toutefois quelques interrogations sur l’article 7 relatif à la garantie rurale.
Favorables au principe d’une garantie rurale, nous restons toutefois dubitatifs quant à l’attribution, de manière arbitraire, d’un hectare à toutes les communes sans prendre en compte les réalités locales.
C’est une bien curieuse manière de répartir l’effort au plus près des territoires ! Je le vois bien chez moi, dans la Drôme, que ce soit pour la commune de Rochefourchat, qui compte un seul habitant, celle de La Bâtie-des-Fonds, qui en compte deux, ou bien ma commune de cinquante habitants, Lesches-en-Diois. À quoi rimerait donc une telle proposition ?
En l’état, nous sommes donc globalement favorables à une grande partie des mesures visant à répondre aux interrogations des maires. Je pense, par exemple, à la prise en compte des projets d’envergure nationale, qui seraient décomptés des autres projets. N’oublions pas, d’ailleurs, que les délais fixés dans la loi Climat et résilience ont déjà commencé à courir depuis deux ans.
Je rappelle également que nous considérons comme essentiel de disposer d’un document d’urbanisme contraignant. Il doit subsister un lien de comptabilité entre le Sraddet et le Scot : c’est nécessaire si nous voulons respecter nos objectifs de réduction de l’artificialisation.
Mes chers collègues, attention à ne pas perdre de vue notre cap et à ne pas abandonner aujourd’hui nos préoccupations d’hier. Je partage l’esprit et l’ambition de cette proposition de loi, mais je m’étonne des propositions de certains de nos collègues, qui reviendraient à balayer purement et simplement nos engagements.
Je me souviens de ce que l’un de vous déclarait à ce sujet lors de l’examen du projet de loi Climat et résilience : « Oui, il y a des impacts ! Oui, il y a des résistances ! Oui, il y a des enjeux économiques et sociaux ! Oui, il y a des adaptations complexes ! Mais c’est un mal nécessaire, une dette que nous détenons envers les générations futures. » Que diriez-vous aujourd’hui ?
Une autre de nos collègues nous reprochait au contraire des « renoncements », nous accusant de « briser les promesses et de ne pas nous donner les moyens de répondre à la feuille de route initiale ».
Un autre, enfin, affirmait : « L’examen sénatorial de la loi Climat et résilience devait avoir une seule finalité : le rehaussement de son ambition. »
Attention donc à ne pas balayer d’un revers de main ces belles déclarations et à procéder aux ajustements nécessaires sans perdre de vue l’ambition initiale.
Pour toutes ces raisons, nous soutiendrons les mesures d’adaptation des objectifs du ZAN aux réalités territoriales et les assouplissements bienvenus au service des élus locaux. Mais nous resterons vigilants quant au respect des grands objectifs que je viens de rappeler.
Notre groupe ajustera son vote en fonction du sort des amendements discutés en séance et des évolutions du texte.