Intervention de Joël Bourdin

Réunion du 3 décembre 2009 à 11h00
Loi de finances pour 2010 — Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Photo de Joël BourdinJoël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les intervenants qui se succèderont ce matin au cours de la discussion des crédits de la mission « Agriculture » sont nombreux. Aussi me permettrez-vous de centrer mon intervention sur sept points principaux, concernant les crédits que vous nous demandez, monsieur le ministre, pour 2010.

Le premier point porte sur le calibrage global de la mission. Je le souligne, notre discussion a pour toile de fond une crise de l’ensemble des filières agricoles qui, comme l’a observé le Président de la République dans son discours de Poligny du 27 octobre 2009, est sans précédent par son ampleur et son caractère généralisé.

La mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » n’est pas en mesure de surmonter par elle-même cette crise. Je rappelle que les montants de ses crédits sont modestes et ne représentent qu’un peu plus de 10 % de l’ensemble des concours publics à l’agriculture.

Doté de 3, 424 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 3, 448 milliards d’euros en crédits de paiement, le projet de budget pour 2010 de la mission présente des évolutions contrastées par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2009 : les autorisations d’engagement progressent de 6, 1 %, tandis que les crédits de paiement sont en baisse de 0, 8 %.

Les crédits pour 2010 se caractérisent surtout par une forte dérogation aux plafonds fixés au niveau pluriannuel : au lieu de décroître, comme le prévoyait la loi de programmation des finances publiques, ils sont supérieurs de 10, 3 % au plafond défini pour 2010. Cet écart se justifie pleinement par les difficultés traversées par l’ensemble des filières agricoles que j’évoquais à l’instant.

Surtout, j’observe que, dans le contexte de crise généralisée du monde agricole, l’Assemblée nationale a majoré de 228, 89 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 163, 43 millions d’euros en crédits de paiement les crédits de la mission, principalement au titre du plan exceptionnel en faveur de l’agriculture annoncé par le Président de la République.

Le budget 2010 de la mission est donc porté à 3, 653 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 3, 611 milliards d’euros en crédits de paiement.

Je sais que les crédits de cette mission sont, année après année, « budgétés au plus juste ». Ce plan exceptionnel devrait donc apporter un peu d’air au cours de l’exécution, même si je vous redis, monsieur le ministre, que notre commission des finances préfère une prévision la plus fiable possible plutôt que des redéploiements en cours d’exercice ; il est toujours difficile pour les parlementaires d’assurer un suivi rigoureux de ces mouvements en gestion.

Je rappelle d’ailleurs qu’il est malheureusement d’usage d’abonder de nouveau en gestion la mission « Agriculture », souvent au gré d’événements exceptionnels, comme les crises subies par le monde agricole, de nature climatique, économique ou sanitaire. L’exécution budgétaire en 2008 et en 2009 présente ainsi, une fois de plus, un profil perturbé, résultant de la survenue de crises, mais aussi de la budgétisation insuffisante de certains postes.

La question des aléas ne fait pas l’objet d’une prise en charge satisfaisante par les différents programmes de la mission. Je regrette notamment que, une fois de plus, il ne soit pas prévu de doter en loi de finances initiale le Fonds national de garantie des calamités agricoles.

Je relève que l’examen du projet de loi de modernisation agricole devrait être l’occasion d’un enrichissement des dispositifs de gestion des aléas.

Le projet de loi de finances pour 2010 a cependant déjà ouvert la voie, puisqu’un amendement de l’Assemblée nationale tend à élargir aux risques économiques la déduction pour aléas. Notre commission des finances s’est déclarée avant-hier favorable à un tel dispositif.

Le deuxième point a trait aux dépenses fiscales. En dépit de la remise au Parlement par le Gouvernement d’un rapport spécifique sur la fiscalité agricole, dont nous avons pris connaissance avec intérêt, j’observe que les dépenses fiscales, concentrées sur le programme 154, ne sont toujours pas récapitulées à l'échelle de la mission. Leur présentation doit donc encore être améliorée dans le projet annuel de performance.

De manière plus générale, il me semble que l’évaluation de ces dispositifs est lacunaire et qu’un effort considérable doit être fourni à cet égard. Leur coût, de l’ordre de 3 milliards d’euros, est sujet à caution selon la Cour des comptes. Leur efficacité reste à démontrer, à l’image du crédit d’impôt pour le remplacement des agriculteurs en congé. C’est pourquoi notre commission des finances a souhaité limiter la prorogation de ce dispositif à un an, au lieu de trois.

Le troisième point concerne le programme 154 et ses opérateurs. Monsieur le ministre, lors de votre audition devant notre commission, le 14 octobre 2009, vous êtes largement revenu sur les crédits de ce programme, qui est le support privilégié de la politique d’intervention de votre ministère et qui reçoit, à lui seul, la moitié des crédits de paiement de la mission.

Vous vous êtes montré rassurant sur l’indemnité compensatoire de handicaps naturels, l’ICHN, sur la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE, sur les aides à l’installation ou encore sur le fonds d’allégement des charges. Nous reviendrons sur certains de ces dispositifs lors de la discussion des amendements et je ne m’y attarderai donc pas.

Monsieur le ministre, le montant des subventions allouées aux opérateurs du programme augmente en 2010. La révision générale des politiques publiques, ou RGPP, appelait des fusions, qui ont été réalisées sous l’égide de votre ministère, mais je note l’augmentation marquée en 2010 des subventions allouées à l’Agence de services et de paiement, soit plus 11, 5 millions d’euros ; à FranceAgriMer, soit plus 2, 1 millions d’euros, et à l’Office de développement de l’économie agricole dans les départements d’outre-mer, l’ODEADOM, soit plus 820 000 euros.

Seule la dotation destinée aux Haras nationaux est en baisse ! Cette observation montre que la réforme des principaux opérateurs du programme doit se poursuivre et, surtout, permettre de réaliser des économies.

Le quatrième point porte sur le programme 149, « Forêt », qui vise un double objectif : valoriser la ressource « bois » et préserver la biodiversité.

Je retiens que, en 2010, le renforcement du soutien à cette filière aura principalement pour objet de surmonter les graves conséquences du passage de la tempête Klaus. Une grande partie des dépenses du programme est destinée à son opérateur principal, l’Office national des forêts, l’ONF.

Notre commission des finances a confié cette année à la Cour des comptes une enquête sur l’office. Or, comme nous avons pu le constater lors de l’audition pour suite à donner à cette enquête, le 21 octobre dernier, la situation financière de l’ONF est préoccupante.

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