La séance est ouverte à onze heures.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
L’ordre du jour appelle, en application de l’article 16, alinéa 2 du règlement, la proposition de M. le président du Sénat tendant à créer une commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au Grand Paris (n° 123, 2009-2010).
Je soumets donc cette proposition au Sénat.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les intervenants qui se succèderont ce matin au cours de la discussion des crédits de la mission « Agriculture » sont nombreux. Aussi me permettrez-vous de centrer mon intervention sur sept points principaux, concernant les crédits que vous nous demandez, monsieur le ministre, pour 2010.
Le premier point porte sur le calibrage global de la mission. Je le souligne, notre discussion a pour toile de fond une crise de l’ensemble des filières agricoles qui, comme l’a observé le Président de la République dans son discours de Poligny du 27 octobre 2009, est sans précédent par son ampleur et son caractère généralisé.
La mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » n’est pas en mesure de surmonter par elle-même cette crise. Je rappelle que les montants de ses crédits sont modestes et ne représentent qu’un peu plus de 10 % de l’ensemble des concours publics à l’agriculture.
Doté de 3, 424 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 3, 448 milliards d’euros en crédits de paiement, le projet de budget pour 2010 de la mission présente des évolutions contrastées par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2009 : les autorisations d’engagement progressent de 6, 1 %, tandis que les crédits de paiement sont en baisse de 0, 8 %.
Les crédits pour 2010 se caractérisent surtout par une forte dérogation aux plafonds fixés au niveau pluriannuel : au lieu de décroître, comme le prévoyait la loi de programmation des finances publiques, ils sont supérieurs de 10, 3 % au plafond défini pour 2010. Cet écart se justifie pleinement par les difficultés traversées par l’ensemble des filières agricoles que j’évoquais à l’instant.
Surtout, j’observe que, dans le contexte de crise généralisée du monde agricole, l’Assemblée nationale a majoré de 228, 89 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 163, 43 millions d’euros en crédits de paiement les crédits de la mission, principalement au titre du plan exceptionnel en faveur de l’agriculture annoncé par le Président de la République.
Le budget 2010 de la mission est donc porté à 3, 653 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 3, 611 milliards d’euros en crédits de paiement.
Je sais que les crédits de cette mission sont, année après année, « budgétés au plus juste ». Ce plan exceptionnel devrait donc apporter un peu d’air au cours de l’exécution, même si je vous redis, monsieur le ministre, que notre commission des finances préfère une prévision la plus fiable possible plutôt que des redéploiements en cours d’exercice ; il est toujours difficile pour les parlementaires d’assurer un suivi rigoureux de ces mouvements en gestion.
Je rappelle d’ailleurs qu’il est malheureusement d’usage d’abonder de nouveau en gestion la mission « Agriculture », souvent au gré d’événements exceptionnels, comme les crises subies par le monde agricole, de nature climatique, économique ou sanitaire. L’exécution budgétaire en 2008 et en 2009 présente ainsi, une fois de plus, un profil perturbé, résultant de la survenue de crises, mais aussi de la budgétisation insuffisante de certains postes.
La question des aléas ne fait pas l’objet d’une prise en charge satisfaisante par les différents programmes de la mission. Je regrette notamment que, une fois de plus, il ne soit pas prévu de doter en loi de finances initiale le Fonds national de garantie des calamités agricoles.
Je relève que l’examen du projet de loi de modernisation agricole devrait être l’occasion d’un enrichissement des dispositifs de gestion des aléas.
Le projet de loi de finances pour 2010 a cependant déjà ouvert la voie, puisqu’un amendement de l’Assemblée nationale tend à élargir aux risques économiques la déduction pour aléas. Notre commission des finances s’est déclarée avant-hier favorable à un tel dispositif.
Le deuxième point a trait aux dépenses fiscales. En dépit de la remise au Parlement par le Gouvernement d’un rapport spécifique sur la fiscalité agricole, dont nous avons pris connaissance avec intérêt, j’observe que les dépenses fiscales, concentrées sur le programme 154, ne sont toujours pas récapitulées à l'échelle de la mission. Leur présentation doit donc encore être améliorée dans le projet annuel de performance.
De manière plus générale, il me semble que l’évaluation de ces dispositifs est lacunaire et qu’un effort considérable doit être fourni à cet égard. Leur coût, de l’ordre de 3 milliards d’euros, est sujet à caution selon la Cour des comptes. Leur efficacité reste à démontrer, à l’image du crédit d’impôt pour le remplacement des agriculteurs en congé. C’est pourquoi notre commission des finances a souhaité limiter la prorogation de ce dispositif à un an, au lieu de trois.
Le troisième point concerne le programme 154 et ses opérateurs. Monsieur le ministre, lors de votre audition devant notre commission, le 14 octobre 2009, vous êtes largement revenu sur les crédits de ce programme, qui est le support privilégié de la politique d’intervention de votre ministère et qui reçoit, à lui seul, la moitié des crédits de paiement de la mission.
Vous vous êtes montré rassurant sur l’indemnité compensatoire de handicaps naturels, l’ICHN, sur la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE, sur les aides à l’installation ou encore sur le fonds d’allégement des charges. Nous reviendrons sur certains de ces dispositifs lors de la discussion des amendements et je ne m’y attarderai donc pas.
Monsieur le ministre, le montant des subventions allouées aux opérateurs du programme augmente en 2010. La révision générale des politiques publiques, ou RGPP, appelait des fusions, qui ont été réalisées sous l’égide de votre ministère, mais je note l’augmentation marquée en 2010 des subventions allouées à l’Agence de services et de paiement, soit plus 11, 5 millions d’euros ; à FranceAgriMer, soit plus 2, 1 millions d’euros, et à l’Office de développement de l’économie agricole dans les départements d’outre-mer, l’ODEADOM, soit plus 820 000 euros.
Seule la dotation destinée aux Haras nationaux est en baisse ! Cette observation montre que la réforme des principaux opérateurs du programme doit se poursuivre et, surtout, permettre de réaliser des économies.
Le quatrième point porte sur le programme 149, « Forêt », qui vise un double objectif : valoriser la ressource « bois » et préserver la biodiversité.
Je retiens que, en 2010, le renforcement du soutien à cette filière aura principalement pour objet de surmonter les graves conséquences du passage de la tempête Klaus. Une grande partie des dépenses du programme est destinée à son opérateur principal, l’Office national des forêts, l’ONF.
Notre commission des finances a confié cette année à la Cour des comptes une enquête sur l’office. Or, comme nous avons pu le constater lors de l’audition pour suite à donner à cette enquête, le 21 octobre dernier, la situation financière de l’ONF est préoccupante.
J’estime toutefois qu’elle ne doit pas conduire à abandonner la trajectoire définie par la RGPP s’agissant de l’amélioration de la gestion de l’office ; nous aurons l’occasion de revenir sur ce point.
Le cinquième point a trait au programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation ». La nouvelle priorité donnée à l’alimentation par le ministère se traduit par une hausse de 33 %, par rapport à la loi de finances initiale pour 2009, de l’action 8 « Qualité de l’alimentation et offre alimentaire ».
J’ai cru comprendre, et vous nous le confirmerez peut-être, monsieur le ministre, que la réduction des crédits du programme, de l’ordre de 10 %, n’était qu’apparente : la plupart des actions bénéficient en fait de moyens renforcés en 2010.
Cette diminution apparente semble surtout résulter de l’extinction progressive de la dotation consacrée à l’élimination des farines animales, en raison de la baisse annuelle des stocks à détruire. Je m’inquiète tout de même du montant attendu pour la lutte contre les maladies animales, en particulier contre la fièvre catarrhale ovine.
Une somme d’un peu plus de 11 millions d’euros sera-t-elle suffisante pour assurer, en 2010, la poursuite de la politique de vaccination, que l’État s’est engagé à prendre de nouveau en charge ?
Si tel n’était pas le cas, ce serait la quatrième année que notre commission devrait regretter la sous-budgétisation affectant le financement de la lutte contre les maladies animales, en particulier contre la fièvre catarrhale ovine.
L’autre facteur de réduction des crédits du programme 206, même si c’est dans une moindre mesure, réside dans la réforme du service public de l’équarrissage, qui était réclamée depuis longtemps par notre commission des finances.
La libéralisation du service public de l’équarrissage, effective depuis le 18 juillet 2009, devait conduire les filières à assurer elles-mêmes la gestion et le financement de l’équarrissage. Or il semble que cette réforme connaisse quelques difficultés à aboutir. En 2010, L’État ne devrait rester payeur que du seul service public résiduel.
Monsieur le ministre, je serais heureux que vous puissiez éclairer le Sénat sur le calendrier de résorption de la dette du service public de l’équarrissage, ainsi que sur les négociations en cours au sein des filières concernant l’instauration des cotisations volontaires utilisées pour financer, à l’avenir, les missions d’équarrissage.
Les crédits restent assez importants en 2010, en raison de la poursuite du paiement par l’État de la dette des éleveurs auprès des équarisseurs. Pour ma part, je plaide pour que cet apurement se fasse le plus rapidement possible, de manière à réduire substantiellement les dépenses consacrées au service public de l’équarrissage.
Le sixième point concerne le programme 215, qui est en fait le programme support de la mission. Je souligne la stabilité des crédits qui lui sont consacrés, à l’exception de la hausse liée au financement du recensement général agricole, dont le coût devrait toutefois rester faible. Le plafond d’emplois baisse de 613 équivalents temps plein travaillé en 2010, après avoir été réduit de 1 124 équivalents temps plein travaillé en 2009. La démarche de suppressions d’emplois est donc poursuivie.
J’observe en outre que la concentration des crédits du titre 2 de la mission au sein d’un unique programme ne se justifie pas. Une ventilation des dépenses de personnel entre les différents programmes serait donc souhaitable pour la présentation du projet de loi de finances pour 2011.
Le septième et dernier point porte sur le compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural », dit « CAS-DAR ». Évaluées à 114, 5 millions d’euros en 2010, ses recettes augmentent année après année, alors que les dépenses du compte leur sont toujours inférieures. Cet écart persistant plaide pour une meilleure utilisation des crédits ou pour une baisse de la fraction du produit de la taxe affectée au CAS-DAR.
Enfin, monsieur le ministre, je maintiens que la justification des crédits de ce compte d’affectation spéciale est insuffisante pour avoir l’assurance que ces ressources ne sont pas distribuées en vertu d’une logique d’abonnement des organisations par lesquelles ils transitent, en l’espèce les chambres d’agriculture et les instituts techniques agricoles. Il faut, à tout le moins, accroître la part des actions financées par le biais de procédures d’appel à projets.
En conclusion, je souhaite aborder la question de la politique agricole commune. L’accord européen sur le bilan de santé de la PAC, signé il y a un an, le 20 novembre 2008, a permis d’exprimer le refus par les États membres de l’Union européenne d’une transformation de la PAC en une simple politique de développement rural. L’accord a donc finalement garanti le maintien des instruments de régulation des marchés. Surtout, il a instauré une plus grande flexibilité dans la mise en œuvre des règles en fonction des choix nationaux. Monsieur le ministre, cette inflexion révèle-t-elle une évolution vers la renationalisation de la PAC ?
Cette perspective peut paraître séduisante à certains qui imaginent que notre pays disposera de plus grandes marges d’action, mais je dois reconnaître que, pour ma part, elle a plutôt tendance à m’inquiéter. Je rappelle que notre pays reçoit, à lui seul, 75 % des crédits de la PAC. Nous sommes en effet, et de loin, les premiers bénéficiaires de cette politique en Europe. Au regard du montant des dépenses communautaires agricoles engagées en France, de l’ordre de 10 milliards d’euros, je me demande comment nos finances publiques pourront absorber ce choc.
La commission des finances recommande l’adoption des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural ». Je souligne que je préférerais que cette mission s’intitule « Alimentation et agriculture ».
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après la présentation habituellement brillante du rapporteur spécial de la commission des finances, M. Joël Bourdin, je formulerai, au nom de la commission de l’économie, quelques observations sur la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » et le compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural ».
Tout d’abord, ce budget s’inscrit dans un contexte très différent du précédent. Comme vous le faites souvent remarquer, monsieur le ministre, l’agriculture française traverse certainement la plus grave crise depuis trente ans. Fait nouveau, celle-ci touche à peu près toutes les filières en même temps et se traduit par une chute spectaculaire du revenu agricole, de l’ordre de 20 % en un an, ainsi que le soulignait le Président de la République à Poligny voilà un peu plus d’un mois.
Au moment de son dépôt, le projet de budget était déjà un budget de réponse à la crise, dans la mesure où, avec 3, 4 milliards d’euros, il se situait au-dessus des engagements pris dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.
Certaines lignes de ce budget s’expliquaient déjà par une logique d’aide exceptionnelle en situation de crise. Ainsi, les crédits du programme 149 « Forêt » sont en forte augmentation – de l’ordre de 25 % en autorisations d’engagement –, dans le but de faire face aux conséquences de la tempête Klaus qui a balayé le sud-ouest le 24 janvier dernier : 234 000 hectares de parcelles ont été ravagés, alors même que les dégâts de la tempête de 1999 n’ont pas encore été tous réparés.
En cours de discussion à l’Assemblée nationale, ce budget a évolué avec l’adoption de 200 millions d'euros de crédits supplémentaires, sans compter quelques moyens ajoutés au programme d’opération spécifique à l’éloignement et à l’insularité des DOM, POSEIDOM, qui entrent dans le cadre du plan du Président de la République pour l’outre-mer.
Pour l’agriculture, ce sont au total 100 millions d’euros en autorisations d’engagement et 50 millions d'euros en crédits de paiement dans le cadre du dispositif AGRIDIFF et 100 millions d'euros de plus dans le cadre du fonds d’allégement des charges, le FAC, qui ont été débloqués. Toutes ces mesures pour 2010 sont complétées par des crédits de bonifications de prêts de consolidation ou de trésorerie et par des allégements de charges sociales dues à la Mutualité sociale agricole, la MSA, qui figurent dans le collectif budgétaire de 2009.
Mais le projet de budget pour 2010 n’est pas seulement conçu pour faire face à la crise. Il se fixe les objectifs traditionnels de notre politique agricole : soutien à l’installation des jeunes agriculteurs, malgré une baisse préoccupante des crédits pour les associations départementales pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles, les ADASEA, appui économique aux filières, soutien à l’agriculture extensive.
Le projet de budget pour 2010 est également destiné à préparer l’avenir avec un soutien plus marqué à l’assurance récolte, dans le droit-fil de l’accord européen sur le bilan de santé de la PAC. Je note aussi que les mesures adoptées à l’Assemblée nationale permettront de renforcer le système de la déduction pour aléas en l’étendant à l’aléa économique.
Bien sûr, tout n’est pas parfait. Certes, en 2010, la nouvelle contribution carbone est redistribuée aux agriculteurs à 75 % sous forme de remboursement d’impôt et à 25 % par l’abondement des crédits du plan de performance énergétique, mais rien n’est garanti en 2011.
La fin de l’exécution du plan pêche conduit à une baisse significative des crédits de la pêche, filière qui ne se porte pourtant pas très bien en France, comme le précisera certainement Charles Revet.
Le plan de modernisation des bâtiments d’élevage voit ses crédits baisser, ce qui est surprenant en pleine crise laitière.
Cette analyse a conduit la commission de l'économie à déposer trois amendements. Le premier vise à minorer cette réduction, le deuxième tend à préserver le financement des associations foncières pastorales, le troisième a pour objet d’établir un reversement de ressources des chambres départementales d’agriculture vers les chambres régionales d’agriculture et à permettre aux chambres départementales d’agriculture, comme en 2009, d’augmenter de 1, 5 % au maximum le produit de la taxe pour frais qui les finance.
Enfin, le projet de budget pour 2010, dans la continuité des précédents, fait participer le ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche aux efforts demandés à l’ensemble des administrations en termes de modernisation et de maîtrise budgétaire, mais de manière raisonnable. Il est vrai que quelques charges supplémentaires interviendront en 2010, notamment avec le recensement général agricole.
Je ne conclurai pas mon intervention sans évoquer la filière vitivinicole, durement affectée par la crise économique mondiale. Ses exportations sont en baisse de 12 % en volume et de 18 % en valeur. Des mesures énergiques, notamment un soutien à l’exportation, doivent permettre de redresser la barre.
En outre, je souhaite mettre l’accent sur deux chantiers importants pour la filière.
D’une part, il faut accroître les efforts en matière de lutte contre les aléas climatiques. Les deux épisodes de grêle du mois de mai dernier dans le Bordelais ont montré la nécessité de mettre en place une combinaison de solutions assurantielles et d’épargne individuelle, chère à M. le président de la commission de l'économie, Jean-Paul Emorine.
D’autre part, la lutte contre les maladies de la vigne, par exemple l’esca, nécessite des efforts supplémentaires de recherche de la part de l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, pour aboutir à des solutions adaptées.
Monsieur le ministre, vous nous présentez un bon budget. Dans quelques semaines, vous nous soumettrez un non moins bon projet de loi de modernisation agricole. Attendu par la profession, en particulier par les jeunes, ce texte sera l’occasion de dresser des perspectives nouvelles pour le monde agricole, aujourd’hui un peu déboussolé.
La commission de l'économie émet un avis favorable sur les crédits de la mission.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera plus spécifiquement sur les crédits du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation ».
Pour la deuxième année consécutive, ce programme est intégré pleinement au sein de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » et non plus dans une mission interministérielle précédemment intitulée « Sécurité sanitaire ». Avec 540 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 560 millions d'euros de crédits de paiement, il se situe à peu près au même niveau que l’année dernière.
La sécurité sanitaire est en effet devenue un enjeu essentiel des politiques agricoles. Comme en matière de santé humaine, la santé animale est surveillée et la prévention constitue désormais un outil essentiel de gestion des risques.
Le budget pour 2010 solde la crise de la vache folle, qui avait débuté en 1996, à travers l’extinction de deux dispositifs. Le stockage des farines animales s’achèvera en 2010 par l’élimination des derniers stocks de farine, qui coûtaient 50 millions d’euros par an jusqu’en 2009, coûteront encore 15 millions d'euros en 2010 et ne coûteront plus rien en 2011.
Le transfert de la gestion de l’équarrissage aux filières, sauf outre-mer, et le recentrage de la mission de service public sur les animaux morts abandonnés sur la voie publique constituent aussi un retour à la normale, prouvant que la confiance est revenue dans ce secteur.
La vigilance est cependant toujours indispensable pour faire face à l’apparition et à la propagation de nouvelles maladies.
Plus récente que l’encéphalopathie spongiforme bovine, l’ESB, la fièvre catarrhale ovine, la FCO, qui, ne l’oublions pas, touche aussi les bovins, a eu des effets économiques dévastateurs : les pertes pour les filières ovine et bovine ont atteint 530 millions d’euros en 2008 et 97 000 têtes de bétail bovin et 70 000 caprins et ovins ont été abattus. Je salue l’efficacité de la stratégie de vaccination obligatoire mise en œuvre pour maîtriser l’épidémie, qui a donné des résultats spectaculaires : seulement 73 foyers d’infection en 2009 contre 24 000 foyers en 2008. La vaccination est une dépense intelligente, qui en évite d’autres, liées aux indemnisations pour l’abattage des troupeaux infectés.
La vaccination obligatoire est reconduite pour la campagne hivernale 2009-2010 et des crédits supplémentaires sont prévus dans le projet de loi de finances rectificative. Cependant, certaines inquiétudes ont été exprimées, qui portent notamment sur le coût des visites vétérinaires.
Pour réussir pleinement dans la lutte contre la FCO, il faudrait rassurer les éleveurs et, si cette action revenait chaque année, prévoir peut-être des crédits suffisants dès le projet de loi de finances initiale.
La gestion des risques passe aussi par une attention accrue à la santé des végétaux. Nous avons voté dans les lois Grenelle I et Grenelle II des dispositions qui transforment les conditions des productions végétales, avec un objectif de moindre usage de pesticides, ce qui signifie aussi une plus grande sensibilité aux parasites. Or nous ne pouvons laisser les producteurs sans solutions techniques. Une grande vigilance est donc également nécessaire sur les risques sanitaires touchant les végétaux.
Une part importante du budget du programme 206 est consacrée à l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l’AFSSA, dont le ministère de l’agriculture fournit 85 % de la subvention pour charges de service public. Cette subvention augmente de 5 % pour passer à 55, 5 millions d’euros. Il s’agit là d’un rattrapage de la sous-dotation de 2009 qu’il faut saluer. La fusion de l’AFSSA avec l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, l’AFSSET, programmée par la loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, devrait intervenir l’année prochaine. Si cette fusion conduit à des économies, ce qui est souhaitable, il est tout aussi souhaitable que celles-ci ne se fassent pas au détriment des missions indispensables d’alerte et de contrôle de la sécurité sanitaire des aliments, socle de la confiance des consommateurs.
Enfin, ma dernière remarque porte sur le fonds sanitaire de 40 millions d’euros de crédits communautaires créé en application de l’accord européen sur le bilan de santé de la PAC. Il est utile de prévoir des crédits en cas de crises, celles-ci étant désormais récurrentes. Aucun crédit d’État n’est prévu en complément dans le budget pour 2010. Monsieur le ministre, vous avez affirmé en commission qu’un tel fonds ne serait constitué que si une crise survenait, ce que nous pouvons parfaitement comprendre. Nous voudrions cependant en savoir un peu plus sur les conditions de gestion de ce nouveau dispositif.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le modèle agricole à la française se caractérise, outre la notion d’exploitation familiale qui est en train d’évoluer, par un amont, le monde de la production, et un aval comprenant non seulement la distribution, mais aussi des consommateurs.
Comme vous l’avez dit en commission, monsieur le ministre, l’harmonisation ne peut se faire que par une véritable régulation des marchés, une baisse des coûts d’exploitation par des équipements en commun et une sécurisation plus forte par une réassurance publique.
Ce sont là des propos nouveaux que nous prônons depuis toujours et qui, en période de crise, apparaissent comme la seule voie de sortie.
Parfait, mais où retrouve-t-on tout cela dans le budget pour 2010 ?
Ferez-vous l’impasse sur 2010 pour reprendre toutes les incantations pieuses relatives à la loi de modernisation agricole à venir sans mise en pratique immédiate, alors qu’il y a urgence dans ce domaine ?
Curieusement, vous présentez un budget très orienté sur l’alimentaire. Il est vrai que les consommateurs sont plus nombreux que les agriculteurs – je le comprends bien – et qu’évoquer la voie agricole à travers l’alimentaire n’est pas aberrant, loin de là.
Alors quelle régulation entre agriculteurs et consommateurs, via la distribution, proposez-vous dans ce budget ? Rien !
C’est décevant !
Certes, vous donnez des signes pour augmenter la confiance des consommateurs par des moyens supplémentaires, notamment pour les appellations d’origine contrôlée, les AOC, et les indications géographiques protégées, les IGP. Vous affectez 15, 4 millions d’euros à l’Institut national de l’origine et de la qualité, somme en augmentation. Très bien, monsieur le ministre, tout comme la dotation de trois millions d’euros pour la qualité de l’alimentation et de l’offre alimentaire.
Toutefois, rien n’est prévu pour l’organisation de la relation entre agriculteurs, grande distribution et consommateurs. Car, au nom du libéralisme exacerbé, il faut laisser faire ! Et le laisser-faire dans ce domaine se traduira, une fois de plus, par la disparition d’agriculteurs.
Je n’ai pas le temps d’évoquer la disparition du deuxième pilier de la politique agricole commune, la PAC, qui estompe tous les objectifs spécifiques de la politique de développement rural.
La PAC a pu jouer, avec le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, un rôle de régulateur partiel du marché mondial : pour les céréaliers par une intervention du FEOGA ; pour les éleveurs par la possibilité de se fournir en protéines au prix du marché mondial.
Aujourd’hui, cet équilibre explose. Quelles sont les nouvelles orientations qui permettraient une première approche de régulation ? Rien !
Le revenu agricole, objectif essentiel à toute politique, passe par la formation même du prix agricole.
Je regrette fortement que le budget pour 2010 ne permette pas d’identifier clairement les crédits affectés à l’Observatoire des distorsions de concurrence et à l’Observatoire des prix et des marges.
Au moment même où les prix baissent, se rapprochant parfois des prix mondiaux, malgré des différences énormes de production d’un point à l’autre de la planète, il est nécessaire de disposer rapidement de correctifs, en favorisant au plus près l’équilibre de la production et de la consommation.
Seule la puissance publique peut assurer ce rééquilibrage, avez-vous dit en commission, monsieur le ministre, et j’ai applaudi. Malheureusement, je ne le retrouve pas dans le budget.
Il faudrait éviter qu’aucun acteur de la chaîne ne capte pour lui seul la valeur ajoutée. Qu’en est-il ?
La course aux prix aligne les pratiques agricoles sur des pratiques industrielles, en banalisant les produits et en allant à contresens de l’objectif premier.
En conclusion, monsieur le ministre, le revenu agricole passe plus que jamais par la recherche de nouveaux équilibres entre l’agriculture, la grande distribution et les consommateurs, ou même entre les éleveurs et les céréaliers.
Il passe aussi par la mise en place d’une agriculture qui couvre le territoire, ainsi que par une régulation pour la formation des prix.
De tout cela, on ne voit rien apparaître.
Mes chers collègues, telles sont les raisons qui me conduisent à vous proposer la sagesse, même si, à titre personnel, j’aurais souhaité beaucoup plus.
Applaudissements
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera plus spécifiquement sur les mesures environnementales et le soutien à l’agriculture extensive, en particulier dans les zones de montagne.
Depuis plusieurs années, la politique agricole est marquée par un appui substantiel aux modes de production respectueux de l’environnement.
La politique agricole commune, la PAC, impose l’éco-conditionnalité au sein même du premier pilier, celui des aides directes, désormais largement découplées.
Par ailleurs, les mesures de développement rural contenues au sein du deuxième pilier visent une agriculture durable.
Enfin, les aides nationales, comme le soutien aux mesures agro-environnementales régionales, intègrent de plus en plus la préoccupation environnementale et plus encore après le vote du Grenelle de l’environnement.
En 2010, ce sera la première année d’application du bilan de santé de la PAC. Dans ce cadre, la France a décidé, le 23 février dernier, de réorienter près de 1, 4 milliard d’euros sur les 7, 9 milliards d’euros perçus au titre du premier pilier, soit un prélèvement d’environ 18 % sur les aides directes. La clef de financement de plusieurs dispositifs est modifiée et le budget pour 2010 en est la traduction, avec les mesures que je vais maintenant évoquer.
La création de nouveaux dispositifs, comme la mesure d’aide à la rotation des cultures ouverte dans les départements intermédiaires, vise à encourager la diversité des assolements. Le cofinancement communautaire de cette mesure s’élève à 55 %.
En sens inverse, certaines baisses de crédits traduisent une prise en charge plus importante de l’Union européenne. Ainsi, l’enveloppe nationale des mesures agro-environnementales régionales baisse de 10 millions d’euros, qui sont compensés par l’enveloppe européenne.
Les éleveurs éprouvent cependant des inquiétudes en ce qui concerne la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE. Si la réduction des crédits de paiement s’explique par le passage de la prise en charge européenne de 55 % à 75 %, la suppression des autorisations d’engagement signifie qu’aucun contrat herbager ne pourra plus être signé en 2010, ce qui suscite une inquiétude très vive.
Or 45 % de la surface agricole est couverte par des surfaces herbagères. Sur ces surfaces, l’élevage non seulement contribue au maintien de l’activité et de l’emploi dans des zones sans autre alternative, mais aussi participe à la qualité des paysages, à la biodiversité, à la préservation des nappes phréatiques et à la qualité de l’eau. Au-delà du problème environnemental, ce sont des questions qui touchent tous nos concitoyens.
La nouvelle prime à l’herbe créée dans le cadre du bilan de santé compensera-t-elle la fin des contrats PHAE ? Il faudrait sur ce point, monsieur le ministre, répondre très précisément aux inquiétudes légitimes des éleveurs.
Reconnaissons, toutefois, que des efforts ont été faits pour l’agriculture de montagne dans le budget pour 2010, l’indemnité compensatoire de handicaps naturels étant augmentée de 8 %. Avec toutes ces mesures, je forme le vœu que le secteur ovin soit en situation moins difficile en 2010 qu’il ne l’a été les années précédentes. Ne l’oublions pas, sur le plan des revenus, les éleveurs ovins se situent en queue de peloton depuis vingt-cinq ans.
Or l’élevage ovin reste bien souvent le dernier rempart avant la friche dans nombre de zones.
Il bénéficie de certains avantages dans le cadre des groupements pastoraux et des associations foncières pastorales. Mon collègue Gérard César défendra cet après-midi un amendement que nous soutenons visant à maintenir les crédits qui leur sont affectés.
J’ajoute qu’il serait utile de maintenir la vente directe, qui est d’un rapport très intéressant. Encore faudrait-il décider de ne pas supprimer les petits abattoirs ! Dans certaines zones, leur disparition ne permet plus de faire de la vente directe.
M. Didier Guillaume s’exclame.
Or une clientèle existe dans ce domaine ; je ne citerai que l’exemple de la vente directe de viande d’agneau.
Je terminerai mon bref propos en soulignant que, au-delà des crédits, nos politiques agricoles doivent faire preuve d’imagination, d’inventivité et avoir une vision à long terme.
La vente directe que je viens de citer, mais aussi l’hydraulique agricole et les bâtiments d’élevage en constituent des exemples.
L’hydraulique agricole, tout d’abord, répond à ce que j’ai appelé une « logique prudentielle » : stocker l’eau lorsqu’elle est abondante, voire surabondante, permet de la réutiliser au moment où l’on en a besoin, …
…parfois même en dehors d’une utilisation agricole, par exemple pour le soutien aux étiages. Le stockage est une opération de long terme – il peut durer plus d’un siècle – et il est relativement bon marché, puisque le stockage d’un mètre cube d’eau coûte à peu près deux euros.
On peut donc regretter que le budget pour 2010 prolonge une fâcheuse tendance engagée l’année dernière consistant à réduire progressivement les crédits de l’hydraulique agricole.
Les bâtiments d’élevage, j’ai eu l’occasion de le souligner en commission, doivent faire l’objet d’une attention particulière. Un plan de modernisation a été mis en œuvre, mais les dotations dans ce domaine sont réduites. Espérons que quelques amendements permettent de les rétablir sensiblement !
Il existe une solution très simple. Les bâtiments d’élevage, généralement assez vastes et d’une architecture dépourvue de caractère exceptionnel, pourraient, pour la plupart, être couverts de panneaux photovoltaïques. Cela permettrait une amélioration incontestable du revenu des agriculteurs et participerait au développement de l’utilisation des énergies renouvelables. Je souhaite que les directions départementales de l'équipement et de l'agriculture, les DDEA, en relation avec les chambres d’agriculture et les syndicats d’électrification, jouent un rôle moteur en la matière afin d’éviter que circulent dans les campagnes des vendeurs peu scrupuleux et de mauvais conseil.
Telles sont les raisons, et les réserves, qui me conduisent, tout en regrettant, comme mon ami Jean-Marc Pastor, de ne pouvoir aller plus loin, à m’en remettre à la sagesse du Sénat.
Applaudissements.
J’indique au Sénat que la conférence des présidents a décidé d’attribuer un temps de parole de vingt-cinq minutes aux groupes UMP et socialiste, de dix minutes aux groupes UC, CRC-SPG et RDSE et de cinq minutes à la réunion des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Le Gouvernement répondra aux commissions et aux orateurs pour vingt minutes.
Puis nous aurons une série de questions avec la réponse immédiate du Gouvernement. La durée de la discussion de chaque question est limitée à six minutes, réparties de la manière suivante : deux minutes trente pour la question, deux minutes trente pour la réponse et une minute pour la réplique éventuelle.
La conférence des présidents a décidé d’attribuer cinq questions aux groupes UMP et socialiste, deux questions aux groupes UC, CRC-SPG et RDSE et une question à la réunion des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Gérard Le Cam.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le contexte global de l’agriculture française pour ce budget 2010 est celui d’une crise quasi générale de l’ensemble des filières, venant s’ajouter à la crise mondiale économique et financière qui poursuit ses effets destructeurs.
C’est aussi avec la perspective de la loi de modernisation agricole et les multiples attentes qu’elle suscite, qu’il faut aborder ce débat budgétaire.
« Que peut faire le budget du ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche, alors que la crise s’étend à tout le secteur agricole et que le revenu des exploitants devrait diminuer de 10 % en 2009, après une baisse similaire en 2008 ? », s’interroge le député Antoine Herth, dans son rapport à l’Assemblée nationale. Ce serait d’ailleurs plus juste de parler de baisse de 20 % du revenu.
Il poursuit : « La crise révèle en premier lieu un défaut de régulation européenne et mondiale auquel il est urgent de répondre. Elle révèle en second lieu des défaillances nationales réelles dans la répartition de la valeur au sein de nos filières agricoles. »
Tout est dit, même si les mots sont feutrés : le « défaut de régulation européenne et mondiale » correspond exactement à la volonté farouche de la Commission de Bruxelles et de l’Organisation mondiale du commerce, l’OMC, de déréguler l’ensemble des échanges agricoles, de les livrer aux lois du marché et de la concurrence libre et non faussée.
Tout cela est particulièrement scandaleux au regard de l’immoralité de la crise, qui prend ses racines dans les modes de spéculation les plus crapuleux et même les plus meurtriers quand il s’agit de nourrir le monde et quand plus d’un milliard d’humains souffrent de la faim.
Quant aux « défaillances nationales réelles dans la répartition de la valeur au sein de nos filières agricoles », il serait temps de s’en rendre compte et d’agir efficacement face aux prédateurs « margivores » que sont la grande distribution et certains segments de la transformation.
La loi de modernisation de l’économie, dite LME, a d’ailleurs contribué à aggraver les relations entre les producteurs et les distributeurs au profit de ces derniers. Les premières constatations établies par l’Observatoire des marges sont éloquentes.
Depuis 2000, les industriels restaurent dès que possible leurs marges aux dépens des éleveurs. Et la grande distribution leur fait souvent supporter les hausses de prix du lait pour préserver ses marges.
Depuis janvier 2008, le prix du litre de lait payé aux éleveurs a baissé de 15 centimes, mais seulement de 1 centime en rayon.
Le prix du lait ne représente que 15 % du prix des yaourts, 34, 1 % de celui de l’emmental, 48, 7 % de celui du beurre. La revue Que choisir ? évoquait ce matin, via les grands médias, une baisse de 25 centimes depuis 1992 du kilogramme de porc payé aux producteurs et une hausse de 26 centimes dans les rayons. Tous ces ratios confirment qu’il existe des marges pour augmenter le prix du lait et de l’ensemble des matières premières payé aux producteurs sans générer une inflation des prix à la consommation.
Il est également inquiétant qu’au niveau national les éléments de régulation, les filets de protection, soient tous en régression, dans le droit-fil du modèle européen de dérégulation. Ainsi, les crédits d’intervention de France AgriMer sont en baisse de plus de 13 % dans ce budget, le dispositif Agridiff voit sa dotation passer sous la barre des 4 millions d’euros, et les dispositifs d’aide à la cessation d’activité ont quasiment tous été supprimés.
Inquiétantes également, pour ne pas dire mortifères, sont les orientations communautaires en faveur de réductions drastiques des crédits de la PAC, en faveur d’une nouvelle réduction de ce qui reste des mécanismes de régulation et de la suppression des quotas laitiers.
Mais rassurons-nous, car Zorro est venu à Poligny. À quelques encablures des élections régionales, il fallait bien tenter de rassurer l’électorat paysan. Le 1, 65 milliard d’euros d’aides qu’il faut rapprocher des 2, 5 milliards d’euros perdus par la ferme France en 2009 sont essentiellement des mesures remboursables. Les déclinaisons régionales qui se mettent en place actuellement à partir du plan de soutien exceptionnel à l’agriculture, PSEA, consistent notamment en prêts de reconstitution de fonds de roulement et en prêts de consolidation qu’il faudra obtenir et rembourser auprès des banques.
À ce sujet, il est légitime de s’interroger sur la propension qu’auront ou non les banques à prêter à des exploitants en grande difficulté. Il y a fort à craindre qu’à nouveau la crise ne pousse des milliers de producteurs vers la porte de sortie et n’accroisse les phénomènes d’intégration et de concentration de l’agriculture au détriment d’un aménagement harmonieux et durable de nos territoires. Certes, ce plan était indispensable au regard de l’ampleur de la crise, mais il ajoute de l’endettement à l’endettement existant.
Pour Jean-Michel Lemétayer, « ce plan va dans le bon sens, mais jamais un plan d’aides, si important soit-il, ne remplacera une politique de prix ». Il est certain qu’une politique de prix digne de ce nom aurait permis d’éviter l’essentiel de la crise, qui, au-delà du pouvoir d’achat en baisse des consommateurs, trouve ses principales causes dans un système économique déséquilibré où le pillage des producteurs est organisé et toléré, où les profits indécents sont encouragés.
La crise laitière illustre à merveille mes propos, mais c’est la même chose pour les éleveurs de porcs, de bovins, de lapins, de moutons, pour les fruits et légumes, la viticulture ou la pêche.
Mardi, je me trouvais à nouveau dans une exploitation laitière en Côtes-d’Armor, où le prix de revient de la tonne se situe autour de 310 euros, 330 euros étant une moyenne départementale du prix de revient. Les prix proposés oscillent entre 260 et 290 euros. Comment voulez-vous que les exploitants puissent vivre ? Ces chiffres intègrent des salaires inférieurs à 1500 euros pour 60 à 70 heures de travail hebdomadaire. Comble du cynisme, les producteurs laitiers bretons risquent d’être amenés à payer les noces entre Entremont et Sodiaal en 2010.
Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous en dire davantage sur ce dossier, qui désormais semble gêner le Gouvernement ?
Qu’en est-il également du projet de contractualisation entre producteurs et transformateurs, qui semblerait être la panacée pour l’avenir ? Ces contrats seront-ils dépendants du devenir des produits transformés ou du prix de revient réel et rémunérateur des producteurs ? Quels volumes seront garantis et dans quelle proportion, au regard de la taille des exploitations ?
Cette série de questionnements m’amène tout droit au futur projet de loi de modernisation de l’agriculture, qui reste bien secret pour les parlementaires, alors que certains interlocuteurs privilégiés sont déjà en mesure de faire des propositions sur les 23 articles d’un texte non communiqué. Reconnaissez, monsieur le ministre, que la méthode n’est pas très élégante vis-à-vis du Parlement, même si ce texte n’a pas encore l’aval du Conseil constitutionnel.
La loi de modernisation de l’agriculture ne doit pas décevoir, et tout particulièrement en matière de prix rémunérateurs, faute de quoi se profileront la disparition de pans entiers de l’agriculture française, des régions sinistrées, une dépendance alimentaire accrue et des garanties sanitaires affaiblies.
Quand une activité vitale pour un pays est menacée, comme c’est le cas aujourd’hui, tous les mécanismes de sauvegarde et de subsidiarité doivent être actionnés, que cela plaise ou non à l’Europe, téléguidée par les lobbies américains. La première des agricultures durables est celle qui nourrit ses paysans et ses habitants. Les volets environnementaux doivent dépasser l’habillage du politiquement correct. Les objectifs fixés peinent en effet à décoller, dans les domaines tant des énergies que de l’agriculture biologique.
À ce titre, la région Bretagne paie au prix fort, en terme d’images et en terme financier, la prolifération des algues vertes, pour avoir répondu présente aux critères de production et d’économie agricoles. Concernant les algues vertes, le sujet est d’ailleurs récurrent depuis plus de trente ans. Pourtant, depuis, les plans de maîtrise des pollutions d’origine agricole sont passés par là.
La cour administrative d’appel de Nantes vient de condamner l’État à indemniser les associations parties prenantes pour quelques milliers d’euros seulement. C’est une décision forte au plan symbolique, mais dérisoire au plan financier.
Il vous appartient désormais de faire toute la lumière sur la part respective de chaque activité, sur le rôle du réchauffement climatique et sur les adaptations agricoles nécessaires dans les bassins versants concernés. Ce que demande la profession, c’est de conserver une activité agricole et d’en vivre. Pour l’adaptation, ils ont malheureusement l’habitude.
À propos de l’économie de terres agricoles, qui est une vraie question, prenons garde de geler le développement du milieu rural et celui des dizaines de milliers de communes qui la composent.
La loi sur les territoires s’apprête à conforter des métropoles et des pôles métropolitains, grands consommateurs de surfaces routières et industrielles. Le déséquilibre en cours ne ferait qu’accentuer une situation déjà inéquitable, au détriment de la ruralité.
Quant aux retraites, le plan global de revalorisation des petites retraites s’élève à 155 millions d’euros pour 232 000 personnes et cela pour le quinquennat, soit 5 euros par mois en moyenne ou, selon la Mutualité sociale agricole, la MSA, de 0, 1 à 15 euros pour 75 % des personnes dont les retraites moyennes agricoles sont de 370 euros. Je voudrais rappeler, monsieur le ministre, que le seuil de pauvreté est de 817 euros par mois et que la moyenne du montant des retraites agricoles est de 400 euros selon la MSA.
Les revendications des associations de retraités mériteraient d’être globalement chiffrées et leur satisfaction programmée, qu’il s’agisse des 85 % du SMIC pour les carrières complètes, de la parité hommes-femmes, de l’extension de la retraite complémentaire obligatoire, RCO, aux conjoints et aides familiaux, du droit à la réversion des points de la RCO auxquels aurait eu droit le chef d’exploitation décédé.
Monsieur le ministre, le relèvement à 800 euros mensuels du plafond de ressources pour l’accès aux revalorisations et l’amélioration des années de conjoints collaborateurs entreront-ils en vigueur au 1er janvier 2010 comme prévu par décret ?
D’autres sujets liés aux revenus inquiètent particulièrement les retraités de l’agriculture : il s’agit du forfait hospitalier, des franchises médicales, des dépassements d’honoraires, de la diminution du nombre de médecins généralistes et de l’accessibilité financière aux maisons de vie pour personnes âgées, qui pénalisent lourdement le revenu des enfants du monde agricole.
En conclusion, monsieur le ministre, il apparaît qu’au regard du contexte européen et mondial la France doit regagner des marges de manœuvre pour équilibrer son marché et faire vivre son agriculture. Une adéquation doit exister entre les prix producteurs, les prix consommateurs et le niveau de vie moyen de chaque pays. Tout le reste n’est que matière à spéculation, à destruction d’emplois, à parasitisme économique et social.
Persister dans les voies du passé et du libéralisme serait suicidaire pour notre agriculture. La France, premier pays agricole d’Europe, doit montrer l’exemple.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
M. Gérard Bailly. Monsieur le président, je m’adresserai d’abord à notre collègue M. Le Cam, parce que j’ai trouvé ses propos déplacés. Il est inadmissible de traiter le Président de la République de Zorro à cette tribune. M. Sarkozy a été élu au suffrage universel avec une bonne majorité. Aussi de tels propos ne doivent pas être tenus dans cette enceinte.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
Monsieur le ministre, le budget de l’agriculture dont nous débattons aujourd’hui tire toutes ses conséquences des crises sans précédent traversées par le monde agricole ces derniers mois, et nous sommes heureux de constater une hausse des crédits de 5, 9 % par rapport au plafond prévu dans le cadre des perspectives budgétaires pluriannuelles pour la période 2009-2011.
De plus, prenant bien en compte l’urgence créée par ces crises, le Président de la République a annoncé dans mon département, en octobre dernier, 650 millions d’euros de soutien exceptionnel aux agriculteurs. Ces derniers l’attendent, monsieur le ministre, avec impatience.
Pourtant, assistant vendredi dernier à la préfecture à une réunion avec les organismes professionnels agricoles, nous avons pu constater combien il sera complexe de définir en si peu de temps, et surtout en budget prévisionnel, quelles exploitations et quels agriculteurs pourront être aidés.
Vous savez combien j’approuve votre action, monsieur le ministre. J’ai déjà eu l’occasion de vous dire, lors de toutes les rencontres et débats que nous avons eus autour de la crise laitière, combien je vous soutenais, surtout pour les énormes efforts que vous avez déployés au niveau européen pour convaincre la grande majorité de nos partenaires de la nécessité absolue d’une régulation, bousculant au passage les tenants du statu quo de la Commission européenne.
Je pense donc que vous ne m’en voudrez pas trop de souligner, en tant que président du groupe d’études de l’élevage, quelques insuffisances dans ce budget, bien que je connaisse très bien le contexte très difficile dans lequel nous sommes et les priorités que vous avez dû privilégier.
Certaines actions ont des moyens plus réduits, ce qui est assez gênant dans ce contexte de crise. Tel est le cas, comme l’ont rappelé d’autres orateurs, du plan de modernisation des bâtiments d’élevage, ou PMBE, qui baisse de 43 %, ce qui laisse peu de moyens pour moderniser les outils de production afin de permettre aux agriculteurs de rester compétitifs et de pérenniser leurs entreprises tout en relevant le défi des exigences environnementales.
Alors que l’on en rajoute actuellement sur la surenchère pour le bien-être animal, auquel nous ne sommes pas opposés, il me semble qu’un des éléments importants du bien-être des hommes et des animaux est bien de pouvoir disposer de bâtiments d’élevage modernes et conformes aux normes en vigueur. J’appuie par conséquent l’amendement déposé par mes collègues pour abonder ces crédits « bâtiments d’élevage ».
De même, après une année positive en 2009, les crédits d’intervention alloués aux établissements départementaux d’élevage, les EDE, sont à nouveau en forte baisse avec une enveloppe divisée par deux en 2010. Ces établissements réalisent l’identification des animaux dans les élevages, et cette forte réduction des crédits est fort malvenue au moment où se met en place la troisième phase de la réforme de l’identification des ovins et caprins, et où l’État a des exigences de plus en plus grandes sur la qualité des prestations des EDE ; ce qui se traduit pour eux par un important surcoût.
J’ajouterai aussi qu’en cette période où le prix des animaux est très bas - qu’il s’agisse des veaux, des porcs, des ovins et des bovins - et où les revenus des agriculteurs sont en forte baisse, il est bien dommage de voir l’État se désengager des crédits sanitaires et augmenter encore les charges des exploitations qui, comme nous le savons tous, sont prises dans un ciseau des prix en baisse et des charges en hausse.
Vous connaissez, bien entendu, l’importance de l’herbe pour nos élevages, mais je n’interviendrai pas sur la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE, car mon temps est limité et d’autres collègues le feront. Sachez cependant, monsieur le ministre, que je soutiens cette action.
Je voudrais vous poser une question sur le pastoralisme. Vous savez combien compte le pastoralisme dans nos montagnes. Un crédit de 8 millions d’euros y est alloué dans votre budget. Comme nous ne disposons pas de détails, je souhaiterais vous demander quelle est la part de ce montant réservée à l’indemnisation des dommages causés par les prédateurs.
Il y a quelques jours, à cette même tribune, à l’occasion de la discussion du budget de l’environnement, j’ai attiré l’attention de Mme la ministre sur ce problème.
D’un côté, on finance des associations pour la protection des prédateurs, comme le loup ; de l’autre, on alloue des crédits à l’indemnisation des dommages qu’ils occasionnent. De plus, on risque de décourager les éleveurs dans nos montagnes, qui deviendront demain des terrains en friche, exposés aux feux et aux avalanches.
Monsieur le ministre, ces quelques critiques ne m’empêcheront pas de vous accorder mon soutien global, car je sais bien qu’on ne peut pas faire des miracles dans un contexte d’austérité. Je vous adresse mes remerciements pour votre action.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je consacrerai mon intervention au secteur de la pêche, …
… l’un des grands oubliés dans le contexte de la crise actuelle.
Je dirai quelques mots, tout d’abord, sur l’état de ce secteur. Aujourd’hui la consommation humaine de poissons issus de la pêche ou de l’aquaculture représente 110 millions de tonnes.
La France fait partie des grands pays pêcheurs de l’Union européenne avec le Danemark, l’Espagne et le Royaume-Uni. Le secteur représente encore 16 000 emplois à temps plein. Mais depuis 2007, le bilan des échanges commerciaux français se solde par un déficit de 2, 5 milliards d’euros. La consommation française est composée de 85 % de poissons d’importation.
La raréfaction de la ressource halieutique stigmatise la surpêche. Il serait totalement injuste d’accuser les seuls pêcheurs. En effet, la pollution et les conséquences du changement climatique fragilisent les cycles naturels et provoquent la migration des espèces.
D’importants efforts ont toutefois déjà été consentis par la profession, puisque en vingt-cinq ans le nombre des navires a chuté de 54 %. Ainsi, dans mon département, la Vendée, les marins pêcheurs sont confrontés pour la quatrième année consécutive à la fermeture de la pêche à l’anchois.
C’est l’avenir même de la pêche qui est en jeu, notamment dans le port de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, puisqu’il reste seulement quatre des vingt-quatre bateaux en activité voilà quatre ans.
Quels sont les défis ?
Pour répondre à la constante augmentation de la demande des produits issus de la pêche, il convient de réconcilier la conservation des espèces et leur exploitation. Des mesures de protection doivent être prises pour protéger le milieu marin, c’est-à-dire la biodiversité et les espaces d’habitat.
Les ports de pêche développent une activité économique bien au-delà du littoral français. Les quelque 16 000 marins embarqués induisent, je tiens à le rappeler, trois fois plus d’emplois à terre, que ce soit dans la construction, le ravitaillement ou la production.
La hausse des coûts de production, en raison notamment du coût de l’énergie, impose des économies. Un programme de recherche doit être développé en direction de techniques innovantes plus économes en énergie.
En concurrence avec les importations, dont les contraintes fiscales, sociales et environnementales ne sont pas comparables, toute la filière doit se réorganiser. La pêche durable est au cœur du défi des professionnels et des pouvoirs publics. Nous devons non seulement leur apporter des moyens mais aussi les défendre dans les conseils européens dédiés et auprès des instances internationales.
L’année 2010 sera difficile pour la pêche française. La crise nous oblige à mettre en place les bonnes pratiques. Permettez-moi de vous soumettre quelques propositions.
Nous devons rapprocher les professionnels, les scientifiques et les élus. Il convient de les faire travailler ensemble : le marin est le premier observateur, le scientifique analyse à plus long terme et l’élu aménage les ports.
Il nous faut définir des objectifs stratégiques clairs et à plus long terme. Les mécanismes décisionnels doivent en effet fournir une plus grande visibilité.
Un cadre responsabilisant suffisamment le secteur pour planifier les saisons de pêche doit être établi. La mise en œuvre de la politique européenne de la pêche doit être décentralisée au niveau de régions marines partagées par plusieurs États et confiée aux conseils consultatifs régionaux.
Il faudra encore assouplir la question des quotas. L’anchois a été découvert en abondance cet été dans des zones inhabituelles : le moratoire sur cette pêcherie ne s’explique pas. Le moratoire sur le thon rouge en Méditerranée s’applique de façon abusive dans l’Atlantique, alors que sa présence est abondante et qu’il se nourrit notamment d’anchois.
Il reste, et vous le savez, d’autres sujets que je tiens à rappeler : la réforme des organisations professionnelles, la destruction des navires performants, la suppression en 2010 des contrats bleus favorisant une pêche durable, la création d’un label pour les produits de la pêche française, la réorganisation des circuits de distribution, la croissance de l’algue verte, les difficultés de la conchyliculture à la suite de la mortalité des naissains et des juvéniles des huîtres, ainsi que le développement de l’aquaculture pour rendre la France plus indépendante.
Monsieur le ministre, en vous exprimant mardi à Brest devant les professionnels, vous avez présenté la pêche comme un atout majeur de l’économie française et vous avez déclaré la France chef de file en Europe.
La France s’intéresse enfin sérieusement à son économie maritime trop longtemps délaissée ! Avec le Grenelle de la mer, les assises de la mer, le Livre vert de l’Europe portant les premières réflexions sur la réforme de la politique commune de la pêche et le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, la pêche se retrouve au cœur des débats et des enjeux économiques.
Monsieur le ministre, vous avez mon soutien vigilant et celui du groupe de l’Union centriste pour votre détermination à défendre la pêche, dont je vous remercie.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et sur plusieurs travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de l’agriculture est maintenu en 2010 à peu près au même niveau qu’en 2009, ce qui n’est pas étonnant dans la période actuelle. Mais cette stabilité apparente ne doit pas masquer une tendance baissière structurelle de certains programmes dans le cadre de la programmation pluriannuelle.
En effet, seule la forte augmentation, de l’ordre de 10 %, des crédits de paiement du programme 149 « Forêt », rendue nécessaire après le passage de la tempête Klaus, permet de faire illusion quant au maintien des capacités budgétaires en faveur de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche. Si vous me permettez ce jeu de mots, monsieur le ministre, c’est peut-être l’arbre qui cache la forêt !
Ce budget semble donc ne pas pouvoir apporter de réponses adaptées aux défis contemporains que sont la baisse des prix agricoles, la baisse des revenus, notamment pour les producteurs de lait, pourtant si nécessaires à l’équilibre et au dynamisme de nos territoires, le non-renouvellement des générations, l’aggravation de la dette, les règles environnementales de plus en plus contraignantes et la multiplication des crises sanitaires.
Il nous faudrait pourtant valoriser notre agriculture et faire de ces contraintes des « aménités positives ». Qualité, traçabilité, sécurité sanitaire, diversité des productions, respect des normes environnementales et du bien-être animal : voilà ce que nous devons mettre en avant auprès des consommateurs en France, en Europe et même au niveau de l’Organisation mondiale du commerce, l’OMC, pour promouvoir et ainsi maintenir notre modèle agricole.
Les crédits de paiement du programme 154 « Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires » chutent également, alors que ce programme est censé contribuer au développement de la compétitivité des filières agricoles et agro-alimentaires et faciliter leur adaptation aux exigences environnementales et sociales.
Les moyens déployés pour accompagner la mise en œuvre des mesures programmées par le Grenelle de l’environnement demeurent ainsi en retrait des ambitions initialement prévues.
Tout d’abord, concernant la production biologique, avec moins de 3 % des surfaces cultivées, atteindrons-nous l’objectif de 6 % en 2012 ?
Ensuite, pour ce qui est de la performance énergétique, 38 millions d’euros ont tout de même été accordés, mais les besoins auraient été estimés à 85 millions d’euros !
Enfin, le manque d’efforts particuliers concerne la formation des agriculteurs, et ce au moment même où chacun s’accorde sur la nécessité de remettre au premier plan l’agronomie, ainsi que la recherche sur la lutte intégrée contre les ravageurs ou sur des pratiques culturales plus économes en intrants.
L’essentiel des ressources provient des aides européennes, pour plus de 10 milliards d’euros. Le budget agricole pour 2010 doit donc tenir compte des décisions prises dans le cadre du bilan de santé de la PAC, qui modifient substantiellement les équilibres entre les secteurs agricoles.
Or il est difficile pour le Parlement d’avoir une vision fine de ces affectations et de leurs évolutions. Cela ne nous permet donc pas d’appréhender globalement la politique menée par le Gouvernement et ses priorités pour le secteur agricole dans son ensemble.
Aussi, je souhaiterais donc que nous disposions, à l’avenir, lors des prochains budgets, du rappel des fléchages des financements européens. Certains de mes collègues le diront d’ailleurs tout à l’heure au sujet de la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE.
Cette exigence concerne également le secteur de la pêche et de l’aquaculture, qui génère un chiffre d’affaires de 1 milliard d’euros et représente 16 000 emplois directs et plus de 5 000 navires actifs. Ce secteur façonne l’économie littorale et permet un aménagement équilibré de territoires qui, très souvent, sont encore structurellement fragiles.
Comme le disait notre collègue Jean-Claude Merceron, 2010 sera une année de transition.
D’une part, le plan pour une pêche durable et responsable arrive à son terme. C’est pour cette raison que les crédits de paiement de l’action 16 « Gestion durable des pêches et de l’aquaculture » chutent de 36, 7 %. Toutefois la situation économique du secteur ne s’est pas améliorée et rend par conséquent nécessaire l’établissement d’un bilan précis. Il conviendrait également d’étudier précisément les conditions de mise en œuvre du Fonds européen pour la pêche, le FEP, afin de mieux préparer sa révision à mi-parcours, d’ici à la fin de cette année.
D’autre part, les assises de la pêche, qui se sont achevées à la fin du mois dernier et dont vous avez présenté les premières conclusions à Brest en début de semaine, auront des conséquences budgétaires, qui ne sont bien sûr pas encore connues.
Malgré cela, de nombreux problèmes ne semblent pas avoir été réglés.
S’agissant de l’évaluation de la ressource halieutique, 6 millions d’euros de crédits de paiement financeront le recueil de données statistiques, scientifiques et économiques – heureusement, enfin en concertation entre les scientifiques et les pêcheurs.
Mais il s’agit tout de même d’une baisse d’environ 20 % par rapport au budget 2009, si l’on prend en compte les décalages engendrés par l’adoption du plan pour une pêche durable et responsable, le PPDR. Cette évolution est difficilement compréhensible.
En effet, face aux problèmes spécifiques que traverse par exemple la conchyliculture, les pouvoirs publics doivent massivement se mobiliser. Cette filière, qui compte 3 120 entreprises de la Manche à la Méditerranée, emploie en effet plus de 8 000 personnes à temps complet et 10 000 saisonniers.
L’actuelle surmortalité, qui dure depuis de longs mois, exige des réponses scientifiques rapides. Par ailleurs, je renouvelle la question que j’avais posée à votre prédécesseur, monsieur le ministre : quels sont les projets du Gouvernement pour traiter le problème récurrent de la couverture des risques dans le secteur ostréicole ?
Concernant la pêche de grands fonds, je veux ici insister sur son rôle économique et social, pour tous ceux qui, comme moi, sont originaires de départements littoraux.
Je ne reviendrai pas sur le discours du Président de la République au Havre ni sur tous les événements et les contradictions qui ont suivi. Je forme néanmoins le vœu que le groupe de travail chargé de réfléchir à la pêche au chalut formulera des propositions susceptibles de concilier le maintien de cette activité économique et les exigences du développement durable.
Un premier pas a été franchi en Europe. Les moyens déployés pour le contrôle des pêches, à hauteur de 14 millions d’euros, permettront à ce titre, je l’espère, d’encadrer concrètement cette activité.
Les dépenses d’intervention, de l’ordre de 60 millions d’euros, notamment dans le cadre de cofinancements du FEP, visent à financer des mesures sociales et de modernisation de la flotte. Il convient cependant de relativiser cette somme, près de la moitié de ce montant visant à solder les opérations du PPDR.
En proportion, les 6 millions d’euros pour le plan de sortie de flotte, auxquels s’ajoutent 14 millions d’euros au titre du PPDR, démontrent ainsi la priorité donnée à la casse.
J’exprime, encore une fois, d’importantes réserves sur cette orientation du Gouvernement. Même si elle est parfois absolument nécessaire, cette orientation a des effets pervers sur le prix de l’occasion et des effets néfastes sur l’installation, y compris par le renchérissement du prix des bateaux.
Quitte à devoir sortir de flotte des navires, il semblerait par conséquent plus pertinent de favoriser la sortie de vieux navires peu économes en énergie et peu sûrs, en permettant au contraire d’accorder une prime pour la construction de navires neufs, plus économes en énergie, sous des conditions d’engagement du patron à pratiquer une pêche responsable.
C’est une condition nécessaire pour arrêter la dégradation de l’image du secteur, notamment chez les jeunes, et pour réconcilier performances, durabilité et, surtout, sécurité.
Au moment où il importe de valoriser les productions françaises et les éco-labellisations, je veux également dénoncer la mise à contribution de FranceAgrimer au titre de la maîtrise des dépenses publiques. En effet, 70 suppressions d’emploi sont programmées. La hausse de 6, 9 % du budget de cet organisme ne correspond par ailleurs qu’à un ajustement par rapport à une dotation initiale apparemment insuffisante, comme le reconnaît le rapport de nos collègues.
En conclusion, monsieur le ministre, votre budget, malgré certains aspects qui nous semblent aller dans le bon sens, n’offre pas, en dépit de votre engagement, de perspectives solides, dans un contexte international particulièrement concurrentiel, pour les filières et secteurs qui relèvent de votre ministère. Son inadaptation programmée face à la gravité de ces crises ne nous permettra donc pas de le voter.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, une nouvelle fois l’agriculture traverse une crise affectant l’ensemble de ses filières. Après deux années consécutives de hausse des revenus agricoles, en 2006 et 2007, l’embellie fait place au marasme depuis 2008. Cette année, le recul des revenus agricoles devrait osciller entre 10 % et 20 %.
La situation est particulièrement critique pour le secteur des fruits et légumes. Ainsi, les prix agricoles de fruits frais ont baissé de 34 % par rapport à 2008. Il arrive souvent que les prix ne couvrent même plus les coûts de production.
J’assiste dans mon département à des dépôts de bilan et à des reports d’investissement. Au final, le potentiel de production s’amoindrit, les emplois disparaissent, la désertification s’installe. Et dans ce cas de figure, il serait vain de mettre en œuvre des politiques d’aménagement du territoire sans un soutien actif à l’emploi agricole.
Notre pays compte actuellement 350 000 actifs mais pour combien de temps encore ?
En réponse à ces difficultés, malheureusement récurrentes, le Président de la République a annoncé, en octobre dernier, un plan de soutien de 650 millions d’euros. Le projet de loi de finances pour 2010 concrétise une partie de cet effort financier, qui sera poursuivi dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2009.
Pour autant, la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » ne répond pas totalement aux attentes du monde agricole. Certes, ses crédits dépassent les plafonds prévus par la loi de programmation pluriannuelle. On pourrait y voir un volontarisme certain. En réalité, cette hausse des crédits s’explique aussi par des obligations telles que l’accroissement du cofinancement national au bilan de santé de la PAC, la gestion des conséquences de la tempête Klaus, ou encore le programme informatique et le recensement imposés par la RGPP.
Par conséquent, sans oublier la diversité des concours publics à l’agriculture qui relativise la présente mission, je m’interroge tout de même : faisons-nous suffisamment pour ces milliers d’hommes et de femmes qui sacrifient beaucoup de leur vie pour un secteur de moins en moins rentable ?
Faisons-nous assez pour tous ces exploitants à qui l’on impose régulièrement de nouvelles normes sanitaires et environnementales avec, en contrepartie, la promesse de revenus tout juste décents ?
Hélas non ! Je crois que l’on peut aller plus loin que les prêts bonifiés et les allégements de charges sociales.
Selon moi, deux dispositifs mériteraient d’être renforcés afin de mieux sécuriser les exploitations et les revenus agricoles.
Vous connaissez sans doute, monsieur le ministre, mon attachement à la question de l’assurance récolte. Nous avons eu l’occasion d’en débattre, ici, l’année dernière, avec votre prédécesseur à l’occasion de l’examen d’une proposition de loi que j’avais déposée. Je forme de nouveau aujourd’hui le vœu de voir instaurer un dispositif suffisamment incitatif pour que davantage d’exploitants soient couverts contre les aléas climatiques.
Je pense, en particulier, aux cultures fruitières, dont le taux de couverture est de seulement 11 %, contre 45 % pour les grandes cultures.
En attendant, je regrette que le Fonds national de garantie des calamités agricoles ne soit pas doté par le projet de finances pour 2010, alors que le code rural prévoit l’inscription de cette subvention au budget de l’État. Mes collègues rapporteurs, toujours très vigilants, le déplorent depuis trois ans.
Le problème de la formation des prix me tient également à cœur, et je salue au passage l’initiative, à laquelle je m’associe pleinement, de notre excellent collègue Didier Guillaume en faveur de la création d’une commission d’enquête sur l’organisation de la chaîne de commercialisation des produits agricoles et le mécanisme de formation des prix agricoles. En effet, il est temps de se pencher sur un système opaque qui conduit, depuis deux décennies, à un écart grandissant entre les prix agricoles et les prix en rayon. Conscient que ce sujet n’entre pas dans le cadre du budget de l’État, je souhaitais néanmoins d’ores et déjà l’évoquer dans la perspective de l’examen du projet de loi de modernisation de l’agriculture.
Mes chers collègues, les agriculteurs ont toujours su faire l’effort d’adapter leur outil de production. Quand il a fallu produire plus, ils l’ont fait. Maintenant, il faut produire mieux, ils le font. Ils acceptent, sans sourciller, les nouvelles exigences sanitaires et environnementales. Pour autant, les agriculteurs ne sont pas les diététiciens ni les jardiniers de la France. Ils sont avant tout des agents économiques qui veulent vivre de la vente de leurs produits. C’est pourquoi, sans nier les avancées du plan de Poligny, le groupe RDSE souhaiterait un effort continu et à la hauteur d’un secteur aussi vital et ne pourra malheureusement pas voter les crédits de cette mission.
Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout le monde le sent bien, l’agriculture est en crise. Les agriculteurs souffrent et sont inquiets pour leur avenir. Sommes-nous aujourd’hui en mesure de répondre à leurs interrogations dans le cadre du débat budgétaire, qui est l’occasion de rappeler un certain nombre d’actions et de perspectives ?
Sur le plan budgétaire, chacun s’accorde à reconnaître que les crédits de la mission augmentent mais que des interrogations subsistent. Je voudrais, dans le temps qui m’est imparti, dépasser l’aspect strictement budgétaire et cibler mon intervention sur quelques points qui me paraissent essentiels.
Je commencerai par évoquer la crise laitière. Il était, certes, important de mettre en place le Fonds spécial et de mobiliser les crédits européens comme vous avez su le faire. Je salue également l’effort national concrétisé dans le plan destiné à porter remède aux situations intenables que connaissent certains agriculteurs.
Mais il y a plus que cela. Je fais allusion à l’action que vous avez initiée avec succès à Bruxelles pour lancer une vraie politique permettant de réguler le marché. Il n’était pas évident de convaincre nos partenaires de la pertinence de ce choix, compte tenu de la mentalité d’un certain nombre de responsables agricoles européens – je pense aux représentants du nord de l’Union, en particulier. Je vous félicite, monsieur le ministre, d’avoir créé le groupe des Vingt qui soutiennent la perspective d’une régulation. Ce qui est vrai pour le lait peut valoir pour de très nombreux secteurs.
Il est donc important de répondre aux attentes des producteurs de lait, singulièrement en zone de montagne où les coûts de ramassage augmentent.
J’attire également votre attention sur l’importance des accords interprofessionnels. Les problèmes de concurrence ne doivent pas empêcher le développement de ces politiques interprofessionnelles qui, conjuguées à la régulation au niveau européen, sont sans doute les seules à même de sécuriser les prix.
Il y a donc eu une réponse immédiate à des situations dramatiques mais aussi la définition de perspectives d’avenir. Cela nous paraît essentiel, afin que ceux qui ont investi puissent continuer à faire face et pour permettre aux jeunes de s’installer.
Si nous relevons des efforts, dans le cadre budgétaire, pour encourager les installations, en revanche, des interrogations demeurent quant à l’accompagnement par les associations départementales d’aménagement des structures des exploitations agricoles, ADASEA, et par les chambres d’agriculture.
Monsieur le ministre, il faut que vous le sachiez, certaines chambres d’agriculture – celle de la Lozère est sans doute, hélas ! exemplaire dans ce domaine – ne peuvent plus trouver des ressources nouvelles. Faute de leur en apporter, la situation sera bloquée. C’est ce qui nous a conduits, pour vous interpeller, à déposer un amendement sur lequel nous reviendrons.
J’en viens au problème herbager et à politique de la montagne.
Les contrats passés au titre de la PHAE vont arriver à terme. Pour l’instant, rien n’est prévu pour que les exploitants concernés bénéficient, au moins jusqu’en 2013, d’assurances financières.
Il y a, c’est vrai, un problème de réglementation par rapport à l’Europe. Il y a également un problème de financement, afin que les titulaires de contrats arrivant à terme cette année puissent, au moins jusqu’en 2013, toucher l’équivalent de ce qu’ils perçoivent actuellement.
Élu d’un département dont la moyenne de chargement par exploitation est inférieure à 0, 5, je voudrais entendre de votre part certaines confirmations. Pourriez-vous nous assurer ici très officiellement du maintien des DPU sur l’herbe pour ces exploitations dont le taux de chargement est inférieur à 0, 5 car elles sont situées en zone de montagne, elles élèvent des ovins et il y a les estives ?
Je terminerai en évoquant l’avenir de la politique agricole commune, la PAC, singulièrement en montagne. Lundi prochain, se tiendra en Autriche une conférence au cours de laquelle la Commission va présenter une analyse de la politique agricole en montagne. Nous avons besoin que vous sécurisiez son avenir.
Peut-être parlera-t-on un jour de politique agricole commune durable. Encore faut-il que les acteurs économiques restent et soient reconnus. En effet, pour assurer l’avenir de notre espace rural, de nos zones de montagne et de notre territoire, il est absolument indispensable d’encourager l’activité des agriculteurs, qui sont les meilleurs garants du développement durable.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur plusieurs travées de l ’ Union centriste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous invite à prendre un peu de recul en remontant l’histoire.
M. Jean Boyer. « Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France »
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste
Certes, à l’époque, les vaches laitières ne produisaient pas 8 000 kilos de lait ou plus et les rendements céréaliers n’atteignaient pas 8 000 kilos de grains à l’hectare. La fertilisation chimique n’existait pas, les herbicides non plus.
II fallait nourrir la France et le monde, ce constat n’avait guère varié après la dernière grande guerre mondiale.
Depuis cinquante ans, monsieur le ministre, les évolutions techniques, humaines et sociales se sont succédé ; une mécanisation performante a remplacé la main-d’œuvre humaine et familiale.
L’agriculture a toujours cette vocation fondamentale qui est de nourrir les hommes, mais le pouvoir de production est devenu très performant et de grands espaces répartis sur tous les continents sont aujourd'hui productifs et compétitifs.
L’agriculture française évolue, nous le savons tous, mes chers collègues, dans une jungle mondiale. La bataille est sans pitié. Certes, ce n’est pas la première fois mais, si un responsable n’a pas le droit d’être désespéré, il a le devoir d’être vrai, et il faut reconnaître que c’est la première fois qu’elle est si terrible.
Monsieur le ministre, vous le savez, on ne peut pas parler d’aménagement du territoire sans évoquer l’agriculture, qui doit en particulier conserver sa vocation de production.
Aujourd'hui, l’inquiétude de nombreux agriculteurs est non pas de ne pas avoir de terres à cultiver, mais de ne plus avoir de voisins dans les villages où ils vivent.
Les agriculteurs souhaitent aussi une parité humaine et sociale.
La mécanisation a réduit la main-d’œuvre ; les hommes et leurs épouses, de plus en plus, travaillent à l’extérieur des exploitations.
Les villages, les communes n’ont souvent plus d’écoles et le ramassage scolaire, pas toujours pratique, est coûteux.
Les agriculteurs risquent de se délocaliser, malgré leur volonté de rester agriculteur.
Lorsqu’il y a un malaise de dimension nationale ou européenne, les problèmes ne sont pas obligatoirement de même gravité, car la stabilité du départ est différente, cependant, mes chers collègues, il ne faut surtout pas opposer telle ou telle filière, car l’agriculture est un tout…
La France est en effet le premier pays producteur végétal et animal de l’Union européenne et elle est le troisième pays exportateur agroalimentaire du monde. C’est important.
L’ancien agriculteur que je suis, éleveur en Haute-Loire, département voisin de celui de Jacques Blanc, se permettra d’évoquer dans son propos une situation spécifique, celles des zones de montagne, confrontées à des handicaps naturels supplémentaires qui aggravent la morosité.
Cette morosité repose sur une réalité : la dureté du climat et de la topographie, les surcoûts d’investissement, l’isolement, la faible rentabilité économique.
La collecte du lait est menacée dans certains secteurs où la densité est trop faible, donc génératrice de frais supplémentaires.
Les restructurations laitières, vous le savez bien, monsieur le ministre, sont inquiétantes, car les repreneurs ne sont intéressés que par les secteurs rentables, et c’est particulièrement vrai alors que la production laitière constitue un brûlant sujet d’actualité.
Monsieur le ministre, peut-on espérer un retour de l’aide à la collecte qui était allouée voilà une quinzaine d’années ?
Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous le savez : le lait, c’est le salaire du paysan !
Par ailleurs, monsieur le ministre, je vous interrogerai tout à l’heure, et j’associerai à ma question mon collègue Jean-Paul Amoudry, sur la PHAE, dont a parlé Jacques Blanc et qui suscite de réelles inquiétudes.
Par ailleurs, nous attendons la revalorisation de l’ICHN, l’indemnité compensatoire de handicaps naturels, à hauteur de 50 % pour les vingt-cinq premiers hectares : certes, les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent, mais je n’en regrette pas moins que cette promesse n’ait pas encore été tenue. C’est, monsieur le ministre, le moment de le faire !
Je terminerai en évoquant les inquiétudes relatives à l’autonomie des chambres d’agriculture. Ce sont des organismes de proximité, à l’échelon départemental, dont les conseils techniques mais aussi les conseils sur tout ce qui gravite autour de l’agriculture sont précieux.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Catherine Tasca.