Intervention de Odette Herviaux

Réunion du 3 décembre 2009 à 11h00
Loi de finances pour 2010 — Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Photo de Odette HerviauxOdette Herviaux :

Ce budget semble donc ne pas pouvoir apporter de réponses adaptées aux défis contemporains que sont la baisse des prix agricoles, la baisse des revenus, notamment pour les producteurs de lait, pourtant si nécessaires à l’équilibre et au dynamisme de nos territoires, le non-renouvellement des générations, l’aggravation de la dette, les règles environnementales de plus en plus contraignantes et la multiplication des crises sanitaires.

Il nous faudrait pourtant valoriser notre agriculture et faire de ces contraintes des « aménités positives ». Qualité, traçabilité, sécurité sanitaire, diversité des productions, respect des normes environnementales et du bien-être animal : voilà ce que nous devons mettre en avant auprès des consommateurs en France, en Europe et même au niveau de l’Organisation mondiale du commerce, l’OMC, pour promouvoir et ainsi maintenir notre modèle agricole.

Les crédits de paiement du programme 154 « Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires » chutent également, alors que ce programme est censé contribuer au développement de la compétitivité des filières agricoles et agro-alimentaires et faciliter leur adaptation aux exigences environnementales et sociales.

Les moyens déployés pour accompagner la mise en œuvre des mesures programmées par le Grenelle de l’environnement demeurent ainsi en retrait des ambitions initialement prévues.

Tout d’abord, concernant la production biologique, avec moins de 3 % des surfaces cultivées, atteindrons-nous l’objectif de 6 % en 2012 ?

Ensuite, pour ce qui est de la performance énergétique, 38 millions d’euros ont tout de même été accordés, mais les besoins auraient été estimés à 85 millions d’euros !

Enfin, le manque d’efforts particuliers concerne la formation des agriculteurs, et ce au moment même où chacun s’accorde sur la nécessité de remettre au premier plan l’agronomie, ainsi que la recherche sur la lutte intégrée contre les ravageurs ou sur des pratiques culturales plus économes en intrants.

L’essentiel des ressources provient des aides européennes, pour plus de 10 milliards d’euros. Le budget agricole pour 2010 doit donc tenir compte des décisions prises dans le cadre du bilan de santé de la PAC, qui modifient substantiellement les équilibres entre les secteurs agricoles.

Or il est difficile pour le Parlement d’avoir une vision fine de ces affectations et de leurs évolutions. Cela ne nous permet donc pas d’appréhender globalement la politique menée par le Gouvernement et ses priorités pour le secteur agricole dans son ensemble.

Aussi, je souhaiterais donc que nous disposions, à l’avenir, lors des prochains budgets, du rappel des fléchages des financements européens. Certains de mes collègues le diront d’ailleurs tout à l’heure au sujet de la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE.

Cette exigence concerne également le secteur de la pêche et de l’aquaculture, qui génère un chiffre d’affaires de 1 milliard d’euros et représente 16 000 emplois directs et plus de 5 000 navires actifs. Ce secteur façonne l’économie littorale et permet un aménagement équilibré de territoires qui, très souvent, sont encore structurellement fragiles.

Comme le disait notre collègue Jean-Claude Merceron, 2010 sera une année de transition.

D’une part, le plan pour une pêche durable et responsable arrive à son terme. C’est pour cette raison que les crédits de paiement de l’action 16 « Gestion durable des pêches et de l’aquaculture » chutent de 36, 7 %. Toutefois la situation économique du secteur ne s’est pas améliorée et rend par conséquent nécessaire l’établissement d’un bilan précis. Il conviendrait également d’étudier précisément les conditions de mise en œuvre du Fonds européen pour la pêche, le FEP, afin de mieux préparer sa révision à mi-parcours, d’ici à la fin de cette année.

D’autre part, les assises de la pêche, qui se sont achevées à la fin du mois dernier et dont vous avez présenté les premières conclusions à Brest en début de semaine, auront des conséquences budgétaires, qui ne sont bien sûr pas encore connues.

Malgré cela, de nombreux problèmes ne semblent pas avoir été réglés.

S’agissant de l’évaluation de la ressource halieutique, 6 millions d’euros de crédits de paiement financeront le recueil de données statistiques, scientifiques et économiques – heureusement, enfin en concertation entre les scientifiques et les pêcheurs.

Mais il s’agit tout de même d’une baisse d’environ 20 % par rapport au budget 2009, si l’on prend en compte les décalages engendrés par l’adoption du plan pour une pêche durable et responsable, le PPDR. Cette évolution est difficilement compréhensible.

En effet, face aux problèmes spécifiques que traverse par exemple la conchyliculture, les pouvoirs publics doivent massivement se mobiliser. Cette filière, qui compte 3 120 entreprises de la Manche à la Méditerranée, emploie en effet plus de 8 000 personnes à temps complet et 10 000 saisonniers.

L’actuelle surmortalité, qui dure depuis de longs mois, exige des réponses scientifiques rapides. Par ailleurs, je renouvelle la question que j’avais posée à votre prédécesseur, monsieur le ministre : quels sont les projets du Gouvernement pour traiter le problème récurrent de la couverture des risques dans le secteur ostréicole ?

Concernant la pêche de grands fonds, je veux ici insister sur son rôle économique et social, pour tous ceux qui, comme moi, sont originaires de départements littoraux.

Je ne reviendrai pas sur le discours du Président de la République au Havre ni sur tous les événements et les contradictions qui ont suivi. Je forme néanmoins le vœu que le groupe de travail chargé de réfléchir à la pêche au chalut formulera des propositions susceptibles de concilier le maintien de cette activité économique et les exigences du développement durable.

Un premier pas a été franchi en Europe. Les moyens déployés pour le contrôle des pêches, à hauteur de 14 millions d’euros, permettront à ce titre, je l’espère, d’encadrer concrètement cette activité.

Les dépenses d’intervention, de l’ordre de 60 millions d’euros, notamment dans le cadre de cofinancements du FEP, visent à financer des mesures sociales et de modernisation de la flotte. Il convient cependant de relativiser cette somme, près de la moitié de ce montant visant à solder les opérations du PPDR.

En proportion, les 6 millions d’euros pour le plan de sortie de flotte, auxquels s’ajoutent 14 millions d’euros au titre du PPDR, démontrent ainsi la priorité donnée à la casse.

J’exprime, encore une fois, d’importantes réserves sur cette orientation du Gouvernement. Même si elle est parfois absolument nécessaire, cette orientation a des effets pervers sur le prix de l’occasion et des effets néfastes sur l’installation, y compris par le renchérissement du prix des bateaux.

Quitte à devoir sortir de flotte des navires, il semblerait par conséquent plus pertinent de favoriser la sortie de vieux navires peu économes en énergie et peu sûrs, en permettant au contraire d’accorder une prime pour la construction de navires neufs, plus économes en énergie, sous des conditions d’engagement du patron à pratiquer une pêche responsable.

C’est une condition nécessaire pour arrêter la dégradation de l’image du secteur, notamment chez les jeunes, et pour réconcilier performances, durabilité et, surtout, sécurité.

Au moment où il importe de valoriser les productions françaises et les éco-labellisations, je veux également dénoncer la mise à contribution de FranceAgrimer au titre de la maîtrise des dépenses publiques. En effet, 70 suppressions d’emploi sont programmées. La hausse de 6, 9 % du budget de cet organisme ne correspond par ailleurs qu’à un ajustement par rapport à une dotation initiale apparemment insuffisante, comme le reconnaît le rapport de nos collègues.

En conclusion, monsieur le ministre, votre budget, malgré certains aspects qui nous semblent aller dans le bon sens, n’offre pas, en dépit de votre engagement, de perspectives solides, dans un contexte international particulièrement concurrentiel, pour les filières et secteurs qui relèvent de votre ministère. Son inadaptation programmée face à la gravité de ces crises ne nous permettra donc pas de le voter.

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