Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun le sait, je suis très attaché à l’agriculture et j’entends participer activement aux débats qui s’annoncent sur le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche actuellement en préparation.
Toutefois, aujourd’hui, en ma qualité de président du groupe d’études du littoral et de la mer au Sénat, j’ai choisi de centrer mon propos sur l’ensemble des enjeux liés à la mer.
La France, qui possède la deuxième zone économique maritime du monde, juste derrière celle des États-Unis, en tire des responsabilités très importantes et toutes particulières, pour elle-même, bien sûr, mais également pour l’ensemble de la planète, et ce dans trois domaines à mes yeux indissociables : écologique, scientifique et économique.
Le premier a été traité de manière très approfondie lors du Grenelle de la mer. Quoi de plus légitime, dès lors qu’il convient de prendre des mesures urgentes en faveur de la protection de l’environnement ?
Les deux autres ne sont pas de moindre importance et, en tout état de cause, sont interdépendants.
Ainsi, la recherche française, avec notamment l’IFREMER, est reconnue comme l’une des plus performantes au monde, qu’elle porte sur la préservation des espèces ou le développement de l’aquaculture, activité à fort potentiel. Sur le plan économique, cela représente un gisement de plusieurs milliers d’emplois.
Pour nourrir une population mondiale qui ne cesse de croître, les productions terrestres vont atteindre leurs limites ; en revanche, nous sommes loin d’avoir exploité tout le potentiel du milieu marin, du point de vue tant de la faune que de la flore. L’IFREMER assure une production importante d’alevins, mais, d’après des informations que j’ai reçues cette nuit par courrier électronique, deux tiers des œufs et larves produits en France sont exportés. Le développement de leur utilisation sur le territoire national permettrait d’améliorer la couverture de nos besoins.
De son côté, l’INRA a mis au point une alimentation à base végétale pour les élevages piscicoles, alors qu’elle est actuellement constituée, pour l’essentiel, de farines de poissons.
Monsieur le ministre, je le répète, les domaines écologique, scientifique et économique sont étroitement imbriqués.
Si la France dispose donc de la deuxième zone économique maritime au monde, est-il vraiment acceptable, comme l’a fait remarquer M. Merceron ce matin, qu’elle ne couvre même pas 20 % de ses besoins en poissons et crustacés ?
Bien sûr, notre pays a le devoir de respecter les règlements imposant des limitations des droits de pêche dans la zone Europe. Soit dit en passant, je ne suis pas sûr que certains de nos partenaires européens aient les mêmes scrupules ! Au demeurant, si ces quotas s’imposent naturellement à nous, la protection de l’environnement, ô combien nécessaire, ne semble pas incompatible avec l’objectif de développement des activités économiques, dès lors que les sites s’y prêtent.
Ainsi la promotion de l’aquaculture est-elle de nature à entraîner la création de nombreux emplois et à participer à la couverture de nos besoins alimentaires, voire plus. En effet, non seulement notre pays doit couvrir ses besoins alimentaires en poissons et crustacés, mais il pourrait, à long terme, répondre en partie à la demande mondiale, à condition, bien sûr, de ne pas créer nous-mêmes nos propres limites en classant prématurément des sites qui se prêteraient à cette activité. Ne l’oublions pas, les parcs d’aquaculture français, loin de se développer ces dernières années, ont vu leur superficie régresser !
À cet égard, je dois l’avouer, les projets de classement concernant notre littoral et nos espaces fluviaux me préoccupent énormément. On me rétorquera que des classements de type Natura 2000 n’interdisent pas des implantations d’activités économiques. Certes, mais ils sont si contraignants que les multiples recours auxquels ils donnent lieu aboutissent, de fait, à bloquer presque tous les projets dans ce domaine ou dans d’autres. Pis encore, je l’ai dit, la superficie de nos parcs d’aquaculture a régressé au cours de ces dernières années.
C’est pourquoi, monsieur le ministre, je suggère qu’aucun classement ne puisse être finalisé s’il ne s’inscrit pas dans un projet global faisant ressortir, pour un territoire donné, trois types de sites : premièrement, les sites justifiant d’un classement du fait soit de leur qualité même, soit de la préservation de la faune et de la flore ; deuxièmement, les sites devant être réservés à l’activité économique sous toutes ses formes ; et, troisièmement, les sites à conserver pour un classement ultérieur, ne présentant pas de caractéristiques particulières, mais pour lesquels une destination n’est pas envisagée dans l’immédiat. Il faudrait d’ailleurs prévoir, sous réserve de compensation à surface identique, la possibilité de réviser certains classements antérieurs.
Il est temps, monsieur le ministre, mes chers collègues, de mettre fin à ce funeste paradoxe français d’une nation de marins qui a oublié la mer ! Je prendrai trois exemples emblématiques.
Premier exemple : alors que, dans les années quatre-vingt, la flotte de commerce française occupait la quatrième ou la cinquième place mondiale, elle est aujourd’hui située au vingt-neuvième ou trentième rang.
Deuxième exemple, que je ne cesserai de répéter : alors que nous jouissons du deuxième domaine maritime au monde, nous couvrons à peine 20 % de nos besoins en poissons et crustacés.
Troisième et dernier exemple : le trafic portuaire, qui, vous le savez, me tient à cœur. Je rappelle que 85 % du commerce mondial se fait par la mer. L’Europe est la première destination. La France a la meilleure position stratégique, tant au Nord qu’au Sud, mais ce sont des ports étrangers qui assurent en grande partie l’acheminement des containers à destination ou en partance de notre pays. N’oublions pas qu’Anvers est le premier port français !
Monsieur le ministre, j’en ai bien conscience, certains des dossiers que je viens d’évoquer ne ressortissent pas de votre responsabilité, ce qui prouve, d’ailleurs, que notre politique maritime, sous tous ses aspects, doit manifestement être menée avec une meilleure cohérence. C’est, me semble-t-il, ce à quoi M. le Président de la République nous a demandé de travailler. Voilà un ensemble de défis qu’il nous faut relever. Pour ce faire, monsieur le ministre, le groupe UMP vous apporte son soutien !