Séance en hémicycle du 3 décembre 2009 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • délinquance
  • gendarmerie
  • l’agriculture
  • producteur
  • pêche

La séance

Source

La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Catherine Tasca.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

J’informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de deux sénateurs appelés à siéger au sein du Conseil national des villes.

Conformément à l’article 9 du règlement, j’invite la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire à présenter une candidature.

Les nominations au sein de cet organisme extraparlementaire auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Madame la présidente, mes chers collègues, comme vous l’avez constaté, la mission « Plan de relance de l’économie » n’a pas pu être examinée hier soir, ainsi que cela était initialement prévu par l’ordre du jour, et ce en raison du retard que nous avons pris dans l’examen des autres missions.

Après discussion avec les différentes parties intéressées, un accord se dessine pour que nous procédions demain, probablement en début d’après-midi, à l’examen des crédits de cette mission, après la discussion des crédits de la mission « Aide publique au développement » et avant l’examen des crédits de la mission « Provisions ».

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Très bien ! Merci, monsieur le président de la commission des finances !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Demain nous examinerons donc les missions suivantes :

- « Aide publique au développement » ;

- « Plan de relance de l’économie » ;

- « Provisions » ;

- « Engagements financiers de l’État » ;

- « Sport, jeunesse et vie associative » ;

- « Solidarité, insertion et égalité des chances » ;

- « Ville et logement ».

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Nous reprenons la discussion des articles de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2010.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Dans l’examen des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte spécial « Développement agricole et rural », la parole est à M. Raymond Vall.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l’examen du budget de l’agriculture intervient à un moment où la crise agricole connaît une ampleur sans précédent. Cela a été dit, toutes les filières sont concernées, et, dans nos campagnes, la détresse de beaucoup d’agriculteurs atteint son paroxysme. De fait, nous sommes dans l’obligation de les entendre et d’être solidaires.

Monsieur le ministre, permettez-moi de vous parler plus particulièrement du département du Gers, que vous connaissez bien. Celui-ci, marqué par le poids de son activité agricole, qui représente plus de 20 % des emplois, n’échappe pas aux difficultés. Dans ce département, comme dans d’autres, nous avons eu à affronter, à canaliser et à comprendre la colère des agriculteurs, en particulier celle des plus jeunes d’entre eux et des producteurs laitiers.

Je n’insisterai pas sur les chiffres, qui ont été largement cités. Le département du Gers cumule les difficultés : ses productions connaissent des baisses de rendement, la fièvre catarrhale entraîne une diminution des naissances dans le cheptel ovin et la vigne subit les effets de l’esca, maladie qui détruit 10 % du vignoble chaque année.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

S’agissant de ce dernier point, nous avions instamment demandé à votre prédécesseur, Michel Barnier, de tout faire pour que la recherche débouche sur des solutions nous permettant de sortir de cette dramatique impasse.

Malheureusement, les perspectives ne sont pas de nature à rassurer durablement ni les agriculteurs gersois ni ceux des autres départements. Le plan de soutien exceptionnel, annoncé par le Président de la République à Poligny, semblait prometteur. Mais, alors que les agriculteurs sont déjà très endettés et qu’ils ont du mal à rembourser leurs échéances, on leur propose 1 milliard d’euros sous forme de prêts bonifiés. Cela revient à leur demander de s’endetter pour se désendetter, ce qui est incompréhensible pour eux.

Les 650 millions d’euros restants ne suffiront pas pour les aider à se remettre des pertes enregistrées en 2009. Même s’il vous sera certainement difficile d’accéder à cette requête, monsieur le ministre, ils demandent à pouvoir bénéficier d’une exonération complète de la taxe sur le foncier non bâti. Ils fondent de grands espoirs sur cette mesure.

Je me permets de signaler que nos communes, en ce qui les concerne, ont souvent accordé des exonérations de taxe professionnelle.

Au-delà de ce plan d’urgence, on attendait du budget pour 2010 qu’il accompagne les orientations majeures pour l’avenir de l’agriculture, car la crise est bien structurelle. Or on constate une stagnation des crédits de paiement par rapport à l’exercice précédent !

Mais, rassurons-nous, car, en réalité, cette stagnation cache, nous dit-on, une hausse. La programmation 2009-2012 de la mission prévoyait en effet une diminution marquée des crédits en 2010 et en 2011. Le Gouvernement aurait donc pris la mesure de la situation puisque les crédits augmentent de 10 % par rapport aux prévisions. Soyons objectifs, cette programmation triennale n’était déjà pas réaliste l’an dernier, elle ne peut donc l’être aujourd’hui !

Quant aux majorations décidées par l’Assemblée nationale, elles sont certes positives, mais correspondent à des mesures conjoncturelles du plan annoncé, sans incidence sur le fond.

Quoi qu’il en soit, monsieur le ministre, vous avez été conduit à opérer certaines réductions sur des actions qui, dans un contexte de crise et, surtout, de mutation de grande ampleur, se révèlent pourtant essentielles.

Que dire, en effet, de l’insuffisance des moyens du plan de modernisation des bâtiments d’élevage, dont les crédits enregistrent une baisse de 43 %, du programme de maîtrise des pollutions d’origine agricole et du plan végétal pour l’environnement ? Ces outils permettent aux agriculteurs de rester compétitifs et de pérenniser leurs entreprises, mais aussi de relever le défi des exigences environnementales. Ce n’est donc pas le moment de baisser la garde.

Que penser également de la baisse de 15 % de la dotation aux ADASEA, qui condamne la politique d’accompagnement de l’installation en agriculture ? Ainsi, mon département a enregistré, entre 2004 et 2007, 388 départs pour 134 installations et l’on sait que 26 % des exploitants cesseront leur activité dans un délai de cinq ans.

L’installation de nouvelles générations est pourtant primordiale pour notre agriculture. Rappelons qu’on ne compte plus que 350 000 agriculteurs en France !

Enfin, je dirai un mot sur la prime herbagère agro-environnementale. Celle-ci sera désormais cofinancée à 75 % par le budget européen. Les crédits pour 2010 seront-ils suffisants pour honorer les demandes éligibles en cours ? Qu’en est-il pour les nouveaux ? L’absence d’autorisation d’engagement interpelle fortement les éleveurs.

Je terminerai mon propos sur une note positive. En effet, j’ai relevé avec satisfaction la revalorisation de l’indemnité compensatoire de handicap naturel. Comme vous le savez, le Gers se trouve en zone défavorisée intermédiaire en raison de son relief de coteaux et de la qualité moyenne de ses sols. Aussi, j’espère qu’il bénéficiera de cette revalorisation.

J’ai néanmoins une inquiétude : il semble que les critères retenus par la Commission européenne pour une nouvelle classification des zones agricoles à handicaps naturels excluent ce département. Pouvez-vous rassurer les agriculteurs du Gers sur ce point, monsieur le ministre ?

Le Président de la République a fait part de son engagement à défendre sans faille une régulation rénovée. Alors qu’il nous a expliqué, pendant des années, que le marché réglerait tout, je me réjouis de ce changement de philosophie et j’espère qu’elle trouvera une traduction dans la politique agricole commune.

Monsieur le ministre, dans ces moments difficiles, en dépit du mécontentement des agriculteurs, jamais je n’ai entendu à votre égard le moindre propos désagréable.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Tout le monde considère que vous êtes un homme d’écoute, que vous vous battez pour l’agriculture. Je tenais à vous le dire, même si la majorité des membres du groupe RDSE ne voteront pas votre budget.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Muller

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » du projet de loi de finances pour 2010 appelle, de ma part, deux observations majeures.

Tout d’abord, une analyse attentive des propositions faites par le Gouvernement laisse à penser que la page du Grenelle de l’environnement est bel et bien tournée !

En témoigne l’absence d’efforts significatifs en direction de la recherche-action en matière d’agriculture intégrée, c’est-à-dire de systèmes de production agricole réduisant à la source leurs besoins en intrants, et dont l’optimum économique est recherché non plus en poussant les rendements, mais en réduisant les charges : rotations des cultures, variétés résistantes, pratiques culturales innovantes, etc. Il est vrai que ce concept, considéré par l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, comme fondateur de l’agriculture durable sur le plan environnemental, fait toujours figure d’épouvantail dans certains milieux professionnels agricoles, et que la majorité en a fait un véritable tabou lors des débats sur les lois Grenelle.

En témoigne également la faiblesse des crédits dédiés à la conversion des exploitations à l’agriculture biologique et au développement de celle-ci. Le déficit structurel de notre balance agroalimentaire en produits biologiques démontre pourtant, s’il en était encore besoin, que c’est au niveau de l’offre que les pouvoirs publics doivent agir en priorité.

Ensuite, dans un autre registre, je constate qu’une fois de plus les crédits européens mobilisés par le Gouvernement au profit du secteur agricole échappent au contrôle parlementaire, alors qu’ils pèsent trois fois plus lourd que ceux de la mission que nous examinons aujourd’hui.

Certes, Michel Barnier, alors ministre de l’agriculture, avait annoncé le 23 février dernier une réorientation de 18 % des aides perçues par les agriculteurs au titre de l’article 63, en prélevant indirectement sur la manne touchée par les céréaliers pour revaloriser les droits à paiement unique, les DPU, des exploitations herbagères. Je m’en félicite : sur le plan environnemental, c’est un premier pas dans la bonne direction, c’est-à-dire vers le soutien à des systèmes de production globalement moins intensifs.

Les modalités d’application retenues par le Gouvernement, dans la plus grande opacité, posent cependant un vrai problème. En effet, cette redistribution au sein du premier pilier s’est accompagnée d’une disparition implicite de la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE : s’il existe une enveloppe de 60 millions d’euros pour les contrats en cours, il n’y a aucune trace de dotation en autorisations d’engagement pour les quelque 10 000 contrats arrivant à échéance en 2010.

Ainsi, sous le prétexte que le soutien légitime aux exploitations herbagères reposerait désormais sur les nouveaux DPU revalorisés, au lieu des PHAE, le Gouvernement prend une disposition qui constitue un recul sur le plan de l’agriculture durable – l’éco-conditionnalité liée aux DPU n’étant pas à la hauteur des décisions contractualisées dans le cadre des mesures agri-environnementales, les MAE ! – et qui pénalise objectivement les exploitations herbagères extensives au détriment des autres.

Il en résulte, au final, que les zones défavorisées, notamment de montagne, seront pénalisées : c’est le monde à l’envers, notamment sur le plan de l’aménagement durable du territoire ! Le Grenelle de l’environnement est décidément bien loin...

À cet égard, je voudrais tout particulièrement attirer votre attention, monsieur le ministre, sur le devenir de la politique agricole conduite au niveau de la montagne vosgienne, sous l’impulsion de la direction départementale de l’agriculture et de la forêt, la DDAF, du Haut-Rhin.

Bien avant la concertation du Grenelle de l’environnement, cette politique exemplaire avait su associer tous les acteurs du monde rural montagnard vosgien : élus, profession agricole, autres usagers de l’espace, associations de protection de l’environnement...

Cette démarche de concertation exemplaire avait permis d’élaborer une véritable politique de revitalisation de l’espace rural, en proie à la déprise agricole. Réouverture de paysages, installation des jeunes agriculteurs, développement de filières courtes de produits de qualité, généralisation de pratiques agricoles exemplaires du point de vue de l’environnement : le « plan de gestion des espaces ouverts » a tenu toutes ses promesses. La cohérence de cette démarche prenant en compte l’ensemble de l’exploitation agricole, que les terrains soient situés en zone Natura 2000 ou non, a permis la contractualisation de 90 % de la zone Natura 2000, c’est-à-dire quelque 4 300 hectares, avec un taux de renouvellement des contrats de 100 % !

Tout ce travail concerté engagé depuis une quinzaine d’années, tous ces résultats remarquables en termes de développement agricole et de préservation-valorisation de l’environnement sont aujourd’hui menacés : les estimations réalisées font apparaître que, sans les crédits équivalant à la PHAE, la moitié de la surface contractualisée dans le périmètre Natura 2000 de la montagne vosgienne haut-rhinoise, qui est la première de la région Alsace, va disparaître. Je me dois de souligner que ce véritable gâchis prendrait une dimension d’autant plus emblématique que nous sommes au seuil de l’année 2010, décrétée par l’Union européenne « année de la biodiversité »…

Monsieur le ministre, au nom des élus du massif vosgien, de l’ensemble de la profession agricole et des associations de protection de l’environnement, je me tourne vers vous : vous ne pouvez pas sacrifier l’une des plus belles opérations de développement durable concerté, située de surcroît en zone de montagne fragile, sur l’autel de quelques astuces budgétaires qui vous permettent, aujourd’hui, de baisser de 50 % les crédits de paiement consacrés par la France aux PHAE !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Gérard Le Cam applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis en service commandé, j’interviens au nom de Daniel Laurent, qui est retenu dans sa commune où il assiste aux obsèques d’une conseillère municipale.

Sa question porte sur la fiscalité des vins de liqueur à appellation d’origine contrôlée ; elle s’adresse, certes, au ministre de l’agriculture, mais elle concerne tout autant les ministres chargés du budget et de la santé.

En France, les produits issus de la vigne sont soumis à une fiscalité variable selon leur mode d’élaboration. Les produits dits intermédiaires, comme le pineau des Charentes, le floc de Gascogne, le macvin du Jura et le pommeau de Normandie, …

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

… chers à mes collègues des régions concernées, sont soumis à une fiscalité différenciée.

En revanche, les produits industriels concurrents sur ce marché des apéritifs, élaborés sans contraintes d’origine ou de production, ont su faire évoluer la fiscalité en leur faveur, en modifiant leur procédé technique, ce qui est impossible pour le pineau. Depuis 2003, certains d’entre eux sont taxés comme le vin, soit 63 fois moins que le pineau. Le résultat est que, depuis trois ans, les ventes totales ont baissé de plus de 15 %.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a mis en œuvre un principe d’indexation systématique des produits soumis à accises, contre lequel Daniel Laurent et nombre de nos collègues s’étaient élevés, mais en vain. Le résultat ne s’est pas fait attendre : en 2009, les accises ont augmenté de 1, 50 %, et pour 2010, elles devraient croître de 2, 80 %, comme l’a confirmé l’arrêté du 19 octobre 2009 fixant les tarifs des droits d’accises sur les alcools et les boissons alcooliques pour 2010.

La seule hausse pour 2010 de l’accise sur les produits intermédiaires équivaut au double de la taxation totale de ces apéritifs concurrents. Vous comprendrez dès lors, monsieur le ministre, l’ire de nos viticulteurs.

Depuis de nombreuses années, MM. Laurent et Doublet se battent à leurs côtés pour interpeller les pouvoirs publics sur l’iniquité de cette fiscalité. On ne compte plus les questions écrites, orales, les courriers aux ministres et les rendez-vous ministériels, dont le dernier, en date du 26 novembre, au sein de votre ministère, n’a rien apporté de concret, si ce n’est la programmation d’un nouveau rendez-vous le 16 décembre… 2009, tout au moins, je l’espère !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

En 2004, lorsque Dominique Bussereau, président du conseil général de Charente-Maritime, était secrétaire d’État au budget et à la réforme budgétaire, la profession avait réussi à obtenir des aides annuelles aux vins de liqueur, preuve que la demande de la profession est légitime ; depuis, il n’y a plus aucune avancée sur le dossier.

Aujourd’hui, selon M. Laurent, nous sommes en train de perdre toute crédibilité et la profession s’exaspère. Elle évoque même l’éventualité d’un recours à la grève du paiement des taxes

Exclamations au banc des commissions

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Daniel Laurent a bien conscience que le poids économique du pineau des Charentes n’est rien à côté de celui des « géants industriels », mais vous comprendrez aisément que cet état de fait ne peut perdurer et qu’il devient impérieux de clore ce dossier et d’obtenir une réponse immédiate.

Qu’entendez-vous faire, monsieur le ministre, pour mettre fin à cette inégalité fiscale qui pénalise la compétitivité de ces produits ? Je rappelle, une nouvelle fois, que je suis intervenu au nom de Daniel Laurent.

Applaudissements sur plusieurs travées de l ’ UMP. – M. Didier Guillaume applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

M. Didier Guillaume. Et vous, monsieur César, quel est votre point de vue ?

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’ensemble de nos territoires est concerné par la crise sans précédent que traverse actuellement le monde agricole. Ce cri d’alarme ne doit toutefois pas devenir un lieu commun, qui pourrait justifier l’inaction face à cette crise.

« Aucun secteur n’est épargné, aucune région n’est épargnée », a déclaré le Président de la République à Poligny, il y a quelques semaines.

Nous devons affirmer, dans cette enceinte, que l’agriculture, sa défense et sa modernisation, ce n’est pas un combat d’arrière-garde. Bien au contraire !

Les agriculteurs nourrissent les Français, entretiennent l’espace et accueillent les citoyens des villes stressés, qui viennent se détendre à la campagne... Sans agriculteurs, il n’y aurait plus de paysages, seulement des friches.

Dans ce contexte économique désastreux, il semble évident qu’il faille redonner aux agriculteurs espoir et optimisme dans l’avenir.

Ce budget, monsieur le ministre, aurait dû être le moyen de remobiliser toute une profession. Malheureusement, à notre avis, ce n’est pas le cas.

Le budget de l’agriculture est certes maintenu au même niveau qu’en 2009 ; mais c’est l’arbre qui cache la forêt, comme l’a dit très justement Odette Herviaux. Ce budget n’est pas à la hauteur des enjeux auxquels le secteur agricole, actuellement en crise, doit faire face.

Monsieur le ministre, nous saluons tous ici votre sincérité, votre engagement et votre mobilisation au service de l’agriculture.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Mais nous constatons, malheureusement, que ce budget ne vous donne pas les moyens de mener la politique agricole que vous souhaitez.

Pourtant, aujourd’hui, de nombreux défis sont à relever : problème de non-renouvellement des générations ; baisse de 10 % des revenus agricoles, qui ont déjà subi une baisse de 20 % en 2008 ; déprise foncière lorsque, tous les dix ans, l’équivalent d’un département agricole disparaît.

Monsieur le ministre, cette crise n’est pas conjoncturelle, elle est structurelle. Nous devons donc rechercher des solutions sur le long terme.

Pourquoi le Gouvernement ne se donne-t-il pas véritablement les moyens d’agir ?

Les crédits de paiement du programme 154 « Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires » ne sont pas à la hauteur. Ce programme a pour finalité de faciliter l’adaptation des filières aux exigences environnementales et sociales. Nous pensons, pour notre part, que ces filières n’y parviendront pas seules. Cet axe devrait donc être privilégié.

De même, pourquoi les crédits de paiement de l’enseignement technique agricole, prévus dans la mission interministérielle « Enseignement scolaire », baissent-ils de 1, 2 % ?

Enfin, le Grenelle de l’environnement a fixé des objectifs ambitieux en matière d’agriculture, notamment un objectif global de réduction de moitié des usages de produits phytopharmaceutiques sur dix ans et le développement de l’agriculture biologique. Je rappelle que 6 % de la surface agricole utile devront être convertis en « bio » en 2012, et 20 % en 2020.

Le Grenelle enjoint le monde agricole de modifier ses pratiques afin de s’adapter aux réalités écologiques de notre planète. Mais comment faire évoluer ces pratiques sans consacrer des moyens et sans faire d’efforts pour former les agriculteurs de demain ? Seuls 3 millions d’euros sont alloués pour la conversion des exploitations au mode de production biologique.

À la lecture de ce budget, nous ne pouvons que constater une évidence reconnue par l’ensemble de la profession : les moyens de mise en œuvre et d’accompagnement de ces objectifs sont très faibles.

Le monde agricole a besoin que soit élaborée une stratégie sur le long terme. Attention à ne pas leurrer les agriculteurs, car ils n’ont plus la force de le supporter !

Nous devons penser, aujourd’hui, à améliorer l’organisation économique du secteur agricole. Nous devons axer nos réflexions sur l’émergence de mesures structurelles. Nous devons, enfin, poser la question qui s’impose : quel type d’agriculture souhaitons-nous soutenir dans les années à venir ?

Si nous avons affaire, comme vous le dites, monsieur le ministre, « à la crise économique la plus grave qu’ait connue le monde agricole depuis ces trente dernières années », croyez-vous sincèrement que ce budget permette d’y apporter des réponses ?

Nous pensons, quant à nous, que ce budget ne permettra pas de redynamiser le monde agricole, car il ne lui alloue pas les moyens nécessaires. Les agriculteurs continueront à courber l’échine et à se battre, mais ils sont bien obligés de constater qu’ils ne parviendront plus à subvenir aux besoins de leur famille.

La loi de modernisation de l’agriculture se profile à l’horizon. Une loi de plus, diront certains.

Monsieur le ministre, notre groupe est prêt à vous accompagner s’il s’agit véritablement d’une nouvelle loi. Oui, la France agricole a besoin d’un nouvel élan pour aborder l’indispensable régulation que vous-même prônez et permettre ainsi à toutes les filières et à l’ensemble des agriculteurs de ne pas être soumis à la loi du marché !

Le Gouvernement évoque la réorganisation des filières, mais, dans le même temps, laisse quasiment à l’abandon les offices agricoles en ne leur allouant qu’un très faible financement.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, l’agriculture biologique est une réponse parmi d’autres à la crise du secteur agricole. Il serait cependant absurde, je le répète, d’opposer les agriculteurs conventionnels et biologiques, dans la mesure où les uns se « nourrissent » des autres. En tout état de cause, l’agriculture biologique doit permettre aux agriculteurs dans certaines filières de disposer d’un revenu supérieur à celui qu’ils perçoivent aujourd’hui.

Pour reprendre ce qu’a exposé si brillamment ce matin mon collègue Yvon Collin, il conviendra, dans le cadre de la loi de modernisation, d’envisager – enfin ! – l’instauration dans notre pays d’une assurance récolte obligatoire mutualisée.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Cela permettrait de donner à tous les agriculteurs les moyens de s’en sortir.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Je n’évoquerai pas le secteur des fruits et légumes, car j’en parlerai plus tard, à l’occasion de l’exercice des questions-réponses-répliques.

Cela étant, je ne saurais terminer mon propos sans vous faire remarquer que la présence du loup est incompatible avec le pastoralisme, très développé dans notre pays. Il faudra bien un jour faire le choix qui s’impose !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun le sait, je suis très attaché à l’agriculture et j’entends participer activement aux débats qui s’annoncent sur le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche actuellement en préparation.

Toutefois, aujourd’hui, en ma qualité de président du groupe d’études du littoral et de la mer au Sénat, j’ai choisi de centrer mon propos sur l’ensemble des enjeux liés à la mer.

La France, qui possède la deuxième zone économique maritime du monde, juste derrière celle des États-Unis, en tire des responsabilités très importantes et toutes particulières, pour elle-même, bien sûr, mais également pour l’ensemble de la planète, et ce dans trois domaines à mes yeux indissociables : écologique, scientifique et économique.

Le premier a été traité de manière très approfondie lors du Grenelle de la mer. Quoi de plus légitime, dès lors qu’il convient de prendre des mesures urgentes en faveur de la protection de l’environnement ?

Les deux autres ne sont pas de moindre importance et, en tout état de cause, sont interdépendants.

Ainsi, la recherche française, avec notamment l’IFREMER, est reconnue comme l’une des plus performantes au monde, qu’elle porte sur la préservation des espèces ou le développement de l’aquaculture, activité à fort potentiel. Sur le plan économique, cela représente un gisement de plusieurs milliers d’emplois.

Pour nourrir une population mondiale qui ne cesse de croître, les productions terrestres vont atteindre leurs limites ; en revanche, nous sommes loin d’avoir exploité tout le potentiel du milieu marin, du point de vue tant de la faune que de la flore. L’IFREMER assure une production importante d’alevins, mais, d’après des informations que j’ai reçues cette nuit par courrier électronique, deux tiers des œufs et larves produits en France sont exportés. Le développement de leur utilisation sur le territoire national permettrait d’améliorer la couverture de nos besoins.

De son côté, l’INRA a mis au point une alimentation à base végétale pour les élevages piscicoles, alors qu’elle est actuellement constituée, pour l’essentiel, de farines de poissons.

Monsieur le ministre, je le répète, les domaines écologique, scientifique et économique sont étroitement imbriqués.

Si la France dispose donc de la deuxième zone économique maritime au monde, est-il vraiment acceptable, comme l’a fait remarquer M. Merceron ce matin, qu’elle ne couvre même pas 20 % de ses besoins en poissons et crustacés ?

Bien sûr, notre pays a le devoir de respecter les règlements imposant des limitations des droits de pêche dans la zone Europe. Soit dit en passant, je ne suis pas sûr que certains de nos partenaires européens aient les mêmes scrupules ! Au demeurant, si ces quotas s’imposent naturellement à nous, la protection de l’environnement, ô combien nécessaire, ne semble pas incompatible avec l’objectif de développement des activités économiques, dès lors que les sites s’y prêtent.

Ainsi la promotion de l’aquaculture est-elle de nature à entraîner la création de nombreux emplois et à participer à la couverture de nos besoins alimentaires, voire plus. En effet, non seulement notre pays doit couvrir ses besoins alimentaires en poissons et crustacés, mais il pourrait, à long terme, répondre en partie à la demande mondiale, à condition, bien sûr, de ne pas créer nous-mêmes nos propres limites en classant prématurément des sites qui se prêteraient à cette activité. Ne l’oublions pas, les parcs d’aquaculture français, loin de se développer ces dernières années, ont vu leur superficie régresser !

À cet égard, je dois l’avouer, les projets de classement concernant notre littoral et nos espaces fluviaux me préoccupent énormément. On me rétorquera que des classements de type Natura 2000 n’interdisent pas des implantations d’activités économiques. Certes, mais ils sont si contraignants que les multiples recours auxquels ils donnent lieu aboutissent, de fait, à bloquer presque tous les projets dans ce domaine ou dans d’autres. Pis encore, je l’ai dit, la superficie de nos parcs d’aquaculture a régressé au cours de ces dernières années.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, je suggère qu’aucun classement ne puisse être finalisé s’il ne s’inscrit pas dans un projet global faisant ressortir, pour un territoire donné, trois types de sites : premièrement, les sites justifiant d’un classement du fait soit de leur qualité même, soit de la préservation de la faune et de la flore ; deuxièmement, les sites devant être réservés à l’activité économique sous toutes ses formes ; et, troisièmement, les sites à conserver pour un classement ultérieur, ne présentant pas de caractéristiques particulières, mais pour lesquels une destination n’est pas envisagée dans l’immédiat. Il faudrait d’ailleurs prévoir, sous réserve de compensation à surface identique, la possibilité de réviser certains classements antérieurs.

Il est temps, monsieur le ministre, mes chers collègues, de mettre fin à ce funeste paradoxe français d’une nation de marins qui a oublié la mer ! Je prendrai trois exemples emblématiques.

Premier exemple : alors que, dans les années quatre-vingt, la flotte de commerce française occupait la quatrième ou la cinquième place mondiale, elle est aujourd’hui située au vingt-neuvième ou trentième rang.

Deuxième exemple, que je ne cesserai de répéter : alors que nous jouissons du deuxième domaine maritime au monde, nous couvrons à peine 20 % de nos besoins en poissons et crustacés.

Troisième et dernier exemple : le trafic portuaire, qui, vous le savez, me tient à cœur. Je rappelle que 85 % du commerce mondial se fait par la mer. L’Europe est la première destination. La France a la meilleure position stratégique, tant au Nord qu’au Sud, mais ce sont des ports étrangers qui assurent en grande partie l’acheminement des containers à destination ou en partance de notre pays. N’oublions pas qu’Anvers est le premier port français !

Monsieur le ministre, j’en ai bien conscience, certains des dossiers que je viens d’évoquer ne ressortissent pas de votre responsabilité, ce qui prouve, d’ailleurs, que notre politique maritime, sous tous ses aspects, doit manifestement être menée avec une meilleure cohérence. C’est, me semble-t-il, ce à quoi M. le Président de la République nous a demandé de travailler. Voilà un ensemble de défis qu’il nous faut relever. Pour ce faire, monsieur le ministre, le groupe UMP vous apporte son soutien !

Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur plusieurs travées de l’Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

Monsieur le ministre, vous en avez vous-même fait le constat : la crise agricole que nous traversons est la plus grave depuis trente ans et a atteint une ampleur rarement observée jusqu’alors. Nous devrions d’ailleurs dire « les crises », au regard de la diversité des filières touchées. Que ce soient le lait, le porc, les céréales, les fruits et légumes, la viticulture, toutes ces productions sont aujourd’hui durement malmenées.

De son côté, la filière avicole, après plusieurs années très difficiles, et malgré une légère amélioration de sa situation, est toujours en panne d’investissement ; le non-renouvellement du parc de bâtiments sera fatalement pénalisant dans l’avenir.

Personne n’est donc épargné.

Chaque situation de crise, nous le savons, bouleverse le paysage et se traduit par des disparitions d’exploitations et de nouvelles concentrations. L’exemple des producteurs de lait illustre parfaitement l’inquiétude qui frappe les agriculteurs. D’après une évaluation des centres de gestion bretons, 20 % d’entre eux sont aujourd’hui au bord du gouffre. Les difficultés, aggravées localement par l’incertitude qui plane sur l’avenir des producteurs d’Entremont Alliance, engendrent des tensions au sein de la filière dont nul ne souhaite qu’elles conduisent à des dérapages.

L’inquiétude est partagée par les salariés, trop souvent oubliés, de l’industrie agroalimentaire : la restructuration en cours aboutira à la suppression de nombreux emplois. Déjà, entre 2007 et 2008, 1 200 suppressions ont été constatées dans les entreprises Gastronome, Doux et Unicopa ; dans le secteur de la salaison, Aoste a fermé son site de Saint-Étienne. Et ce ne sont là que quelques exemples parmi bien d’autres.

Il y a également lieu d’évoquer les menaces de licenciements dans les entreprises de services liées à l’agriculture, telles que les entreprises artisanales de construction, les centres de gestion, les coopératives. À l’inquiétude des exploitants répond celle des salariés. En conséquence, la crise change de nature : d’économique, elle devient sociale.

Dans le secteur du lait, la réorganisation de la filière pourrait aboutir à la concentration en quatre ou cinq grands groupes de transformation et en autant de bassins de production. Elle ne sera d’ailleurs pas sans incidence sur les territoires et sur leur aménagement, entraînant la désertification agricole de vastes régions où la masse critique de la production ne serait plus atteinte pour maintenir la collecte. Aucun élu du monde rural, quel qu’il soit, ne peut envisager une telle perspective d’abandon.

Les conséquences environnementales devront aussi être prises en compte. La concentration des activités impliquera localement leur intensification et une plus grande pression sur les milieux naturels. On exigera d’autres rendements des parcelles agricoles, ce qui poussera les agriculteurs à redimensionner leurs exploitations. Cette évolution de l’agriculture ira-t-elle dans le sens des dispositions du Grenelle de l’environnement, prônant, notamment, la réduction des produits phytosanitaires, le respect de la qualité de l’eau ou la mise en place d’une agriculture plus responsable avec la certification environnementale des exploitations ?

En cette période de crise, toutes les productions sont touchées.

C’est ainsi que les producteurs légumiers, eux aussi, nous interpellent. La profession s’est fortement structurée et organisée, au moins dans certaines régions, afin de s’adapter au marché et à ses fluctuations. Ses responsables, néanmoins, s’interrogent sur d’éventuelles distorsions de concurrence liées à une moindre application de la réglementation phytosanitaire concernant des importations en provenance de pays tiers. À cet égard, ils sont expressément demandeurs d’une réglementation européenne s’appliquant de façon homogène à tous les pays producteurs, sans exception, ce que ne sauraient démentir les consommateurs.

Monsieur le ministre, vous nous présentez un projet de budget en trompe-l’œil, malgré les modifications apportées par l’Assemblée nationale, qui nous paraît en deçà des attentes suscitées par les circonstances graves que nous connaissons. Le contexte actuel aurait justifié un engagement et une anticipation plus déterminés de l’État dans divers champs de son action. Or les crédits de l’action 13 « Appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles » régressent, tout comme ceux de l’action 14 « Gestion équilibrée et durable des territoires ».

Quant à ceux qui auraient pu agir sur le long terme, cela a déjà été souligné, ils sont réduits de façon drastique. Ainsi enregistre-t-on une diminution de 43 % des crédits affectés au plan de modernisation des bâtiments d’élevage, de 12 % des crédits alloués aux programmes de maîtrise des pollutions d’origine agricole, les PMPOA, et de 13, 8 % des crédits consacrés aux investissements stratégiques des industries agroalimentaires.

Comment alors envisager la sortie de crise et préparer l’avenir si l’on n’aide pas les producteurs, laitiers en particulier depuis la fin annoncée des quotas, à faire face aux conditions du marché international ?

Quant au traitement de la crise elle-même, le plan de soutien de 650 millions d’euros d’intervention d’urgence, décidé au mois d’octobre dernier, peine à être opérationnel. Or une meilleure réactivité avait pu être constatée en d’autres circonstances.

Ce projet de budget apporte des palliatifs à des producteurs et à des productions en grandes difficultés. Si les agriculteurs doivent recevoir des réponses ponctuelles aux problèmes du moment, il leur faut aussi des réponses de long terme. Quand viendront les solutions pérennes ? Quelles mesures dignes de constituer un vrai plan de relance pour l’agriculture comportera le projet de loi de modernisation en préparation ?

Au plus fort de la crise financière, le Gouvernement s’est mis en capacité de réagir afin de soutenir le secteur bancaire, en allant, ce faisant, à l’encontre de la doctrine libérale, au motif que ce dernier est un vecteur de l’économie.

L’agriculture est une activité économique essentielle à la sécurité alimentaire, à l’aménagement du territoire national, ainsi qu’à l’emploi. Cela nous ramène à une question : quel modèle d’agriculture voulons-nous réellement promouvoir demain ? Monsieur le ministre, il est urgent d’y apporter une réponse, tant le malaise est aujourd’hui profond.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Lefèvre.

Applaudissements sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur spécial, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, nous abordons le budget de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » dans un environnement pour le moins complexe, en pleine crise agricole, alors que tous nos agriculteurs ont vu leurs revenus baisser de 20 % à 60 % selon les filières.

Après la crise financière, voici venue la crise agricole !

Votre tâche est difficile, monsieur le ministre, car le budget pour 2010 doit à la fois tenir compte des décisions prises à partir du bilan de santé de la PAC, poursuivre les efforts entrepris en faveur d’une agriculture durable, répondre aux situations d’urgence et dégager un certain nombre d’économies.

L’ensemble des filières étant affecté, les professionnels sont extrêmement attentifs aux réponses qui leur sont proposées.

En tant qu’élus, nous sentons la détresse de nombreux agriculteurs et entendons leurs préoccupations quant à leur présent et, surtout, leur avenir. Je centrerai plus précisément mon propos sur l’installation de nos jeunes agriculteurs et l’aide susceptible de leur être apportée.

À cet égard, je m’inquiète de la diminution des crédits alloués aux associations départementales pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles, les ADASEA, alors même que d’importants efforts leur sont demandés depuis plusieurs années.

En effet, en cette période de crise et alors que les besoins alimentaires mondiaux croissent, il nous faut soutenir les jeunes agriculteurs désireux de s’installer : aidons-les à franchir le pas !

Dans mon département de l’Aisne, fortement agricole, où sont touchés non seulement les éleveurs laitiers de Thiérache, les producteurs de fruits, mais aussi les céréaliers, …

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

…nous avons néanmoins enregistré une cinquantaine d’installations nouvelles au cours de l’année 2009, contre 43 en 2008.

Le nouveau parcours à l’installation, plus attractif, semble avoir eu un effet accélérateur au second semestre, favorisant l’accès d’un nouveau public au métier d’agriculteur.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, je présenterai tout à l’heure un amendement, largement cosigné par mes collègues, visant à transférer 700 000 euros afin d’aider les ADASEA à accomplir ce service public d’accompagnement des porteurs de projets à l’installation. J’espère que cette proposition, nécessaire, mais raisonnable, recueillera votre soutien.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, que vous êtes en train d’élaborer, revêt, cette année, un caractère d’urgence. Nous souhaitons qu’il soit axé sur la régulation, ainsi que l’a évoqué le Président de la République dans son discours de Poligny.

Par ailleurs, je tiens à vous remercier de votre action inlassable pour tenir les parlementaires informés des progrès, …

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

… mais aussi des difficultés que vous rencontrez dans le cadre des sommets agricoles européens. Je forme des vœux pour le succès de la réunion que vous avez convoquée à Paris à la mi-décembre avec vos homologues européens, en vue de préparer la politique agricole commune de l’après-2013.

À cet égard, je salue votre volonté d’introduire plus de transparence dans la fixation des prix agricoles. Il faut, en effet, instaurer une juste répartition des marges entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.

Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche

Madame la présidente, monsieur le rapporteur spécial, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes nombreux à l’avoir souligné, le Président de la République l’a également dit avec force à Poligny, l’agriculture française traverse la crise la plus grave qu’elle ait eu à connaître depuis plus de trente ans.

Nous en avons tous conscience, le monde agricole est en plein désarroi. Cette crise se traduit par une perte de revenus et, au-delà, par des souffrances personnelles ou familiales. Une vraie inquiétude s’empare de nombreux d’exploitants, qui ne savent pas comment ils pourront boucler leur fin de mois ou poursuivre leur activité économique au début de l’année prochaine.

Face à cette situation, nous avons tous ici un double devoir de responsabilité et de vigilance. Quant au Gouvernement, il a, en outre, un devoir d’action.

À cet égard, je partage les analyses de M. le rapporteur spécial, Joël Bourdin, de M. Guillaume, parlant d’une crise structurelle, et de M. Botrel, rappelant que celle-ci touche toutes les filières. Le monde agricole souffre et les exploitants attendent de notre part des mesures concrètes, rapides et claires. Pour ma part, je suis déterminé à répondre à leurs attentes dans tous les cas.

Je prendrai l’exemple de la crise du lait, évoquée tout à l’heure par M. Le Cam.

Tout au long des derniers mois, les exploitants laitiers que j’ai rencontrés sur le terrain m’ont demandé d’intervenir sur les marchés internationaux, par l’intermédiaire de la Commission européenne, pour faire remonter les prix. Ils ont également émis le souhait que s’instaurent des relations plus structurées, sous l’autorité de l’État, entre les producteurs et les industriels, ainsi qu’une régulation européenne du marché du lait en prévision de la fin des quotas laitiers prévue en 2015.

Aujourd’hui, nous constatons une remontée des prix du lait. Les prix du beurre et du lait écrémé en poudre sont supérieurs de 30 % aux prix d’intervention sur les marchés internationaux. Une régulation européenne est concrètement engagée, avec la mise sur pied, par décision du Parlement européen et de la Commission européenne, d’un groupe à haut niveau. Lundi dernier, avec mon homologue espagnol, nous avons demandé que les premières conclusions soient rendues non pas en juin 2010, mais dès le mois de janvier, …

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

…afin de pouvoir juger sur pièces les conclusions des travaux menés par ce groupe.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, sur lequel je reviendrai ultérieurement, prévoit la signature de contrats écrits, établis sous l’autorité de la puissance publique, entre industriels et producteurs. Afin de répondre à la demande d’un certain nombre d’organisations syndicales, une commission de conciliation, publique, sera chargée de veiller à leur organisation et à leur mise en place.

Par conséquent, j’estime que nous avons rempli la mission qui nous avait été assignée à la fois par les autorités de l’État et les exploitants agricoles, ce qui ne m’interdit pas de rester vigilant sur ce dossier et de surveiller, jour après jour, l’évolution de la situation.

Au regard de l’augmentation des prix que nous avons obtenue, il serait juste que les prix payés aux producteurs en 2010 soient supérieurs à ceux de 2009. Cependant, je le dis très clairement, il revient à chacun de prendre ses responsabilités, car il n’appartient pas à l’État de fixer le prix du lait en France !

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Cette question mérite d’être discutée le plus rapidement possible par les organisations syndicales représentatives, que la Fédération nationale des producteurs de lait a d’ailleurs invitées à se réunir.

En état de cause, l’État a rempli sa part du contrat en obtenant une régulation européenne du marché du lait – il continuera à se battre dans ce domaine ! –, l’augmentation des prix du lait et la mise en place de contrats justes et équitables entre les industriels et les producteurs, contrats, qui, je le répète, trouveront leur concrétisation législative dans le projet de loi de modernisation en préparation.

Mesdames, messieurs les sénateurs, pour en revenir au budget qui vous est soumis, je tiens à dire que celui-ci marque précisément la volonté du Gouvernement de prendre en considération la crise particulière traversée par le monde agricole.

Pour la première fois, le budget du ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche franchit le seuil des 5 milliards d’euros, avec 3, 4 milliards d’euros pour l’agriculture, la pêche, l’alimentation et la forêt et 1, 6 milliard d’euros pour l’enseignement et la recherche. Par rapport aux crédits inscrits au titre de 2010 dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, les autorisations d’engagement augmentent de plus de 10 %, et même de 13, 3 % en tenant compte de l’effet financier du plan d’urgence mis en place en faveur des agriculteurs. Je tenais à apporter cette précision pour répondre à la critique formulée tout à l’heure par M. Guillaume.

Quatre événements majeurs expliquent cette forte hausse et, comme l’a souligné M. le rapporteur spécial, rendent la prévisibilité budgétaire en matière agricole aléatoire.

Premièrement, comme je l’ai déjà indiqué, les crises spécifiques apparues dans de nombreuses filières ont justifié des décrets d’avance.

Deuxièmement, l’accord conclu en novembre 2008 entre les membres de l’Union européenne, à l’occasion du bilan de santé de la PAC, a nécessité une compensation de l’État à hauteur de 234 millions d’euros en crédits de paiement.

Troisièmement, l’instauration, l’année prochaine, de la taxe carbone coûtera 172 millions d’euros, dont 43 millions d’euros seront prélevés sur le budget du ministère de l’agriculture.

Quatrièmement, enfin, le passage de la tempête Klaus dans les départements du sud-ouest de la France en janvier dernier a également entraîné un besoin de crédits supplémentaires.

Le manque de prévisibilité budgétaire est un phénomène récurrent depuis plusieurs années. Nous devons poursuivre les efforts engagés pour remédier à ce défaut.

Par ailleurs, la comparaison entre les crédits de paiement prévus pour 2010 et ceux qui ont été inscrits en loi de finances initiale pour 2009 fait apparaître une augmentation plus faible. Cela tient à deux éléments importants que je tiens à souligner.

D’une part, la réforme en cours du service public de l’équarrissage et l’élimination progressive, année après année, des stocks de farines animales permettent de dégager une économie de 41, 6 millions d’euros.

À cet égard, pour répondre de façon précise à l’interrogation de M. le rapporteur spécial, je tiens à dire que nous faisons notre maximum pour rembourser le plus rapidement possible la dette de l’État, qui s’élève à 37 millions d’euros. Ainsi, il est prévu de rembourser 20 millions d’euros en 2010 et 11 millions d’euros en 2011, 9 millions d’euros ayant été remboursés par anticipation en 2009.

D’autre part, l’adoption d’un amendement déposé par votre collègue Françoise Férat dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009 a permis d’augmenter les crédits en faveur de l’enseignement technique agricole…

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

…à hauteur de 38 millions d’euros et de compenser ainsi un certain retard dans ce domaine.

La partie de ces crédits correspondant à la résorption des dettes de 2009 n’a naturellement pas été reconduite en 2010. Cela explique que l’augmentation des crédits de paiement pour 2010 par rapport à la loi de finances pour 2009 soit moindre.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai eu l’occasion de présenter ici même, mardi dernier, avec mon collègue Luc Chatel, le budget de l’enseignement agricole. Sachez que ma détermination à soutenir cet enseignement est totale. Et ce ne sont pas simplement des mots ; nous traduisons notre volonté en actes !

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

C’est ainsi que nous avons rétabli 60 équivalents temps plein travaillé à la rentrée 2009, ce qui a permis d’accueillir 400 élèves supplémentaires.

J’ai personnellement gelé toutes les évolutions de postes dans les établissements de façon à ne pas gêner les travaux des Assises nationales de l’enseignement agricole public. Je me félicite donc de l’adoption par le Sénat, lors de la discussion budgétaire il y a deux jours, d’un amendement déposé sur l’initiative du président du groupe UMP, qui a permis de rétablir 50 équivalents temps plein travaillé pour la rentrée 2010. Cela correspond, très concrètement, à 150 emplois supplémentaires.

L’effort en faveur de l’enseignement agricole est donc réel, chiffré et conforme à ma volonté politique d’offrir à l’agriculture dans son ensemble le meilleur avenir possible.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Au-delà de ces questions budgétaires, vous avez sans doute tous examiné avec attention le plan annoncé par le Président de la République, le 27 octobre dernier, destiné à permettre à tous les agriculteurs de France de passer dans les meilleures conditions possible cette année 2009, qui restera comme une année noire pour le secteur.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Le Président de la République et le Premier ministre ont donc le souci de faire en sorte que chaque agriculteur trouve une solution adaptée à sa situation. L’État a ainsi dégagé un milliard d’euros pour proposer aux agriculteurs des prêts à taux bonifié sur cinq ans, lesquels sont disponibles depuis le 9 novembre dernier. Il a par ailleurs engagé un plan de soutien exceptionnel de 650 millions d’euros.

Contrairement à ce que d’aucuns peuvent dire, il ne s’agit en aucun cas par ces mesures d’ajouter de l’endettement à l’endettement. Le plan de soutien exceptionnel prévoit au contraire l’effacement d’un certain nombre de dettes pour 2009.

Ainsi, sur les 650 millions d’euros annoncés, 210 millions d’euros sont prévus pour prendre à notre charge les intérêts d’emprunt et les cotisations sociales dus par les agriculteurs les plus en difficulté. En l’espèce, nous ne créons donc ni dettes nouvelles ni charges supplémentaires.

Pour répondre à la question de M. Vall, nous avons accepté de supprimer, au cas par cas, en fonction des difficultés des agriculteurs, la taxe sur le foncier non bâti, pour un montant de 50 millions d’euros. Voilà aussi un effort important et, comme vous pouvez l’imaginer, l’arbitrage pour obtenir un chiffrage précis de cette mesure n’a pas été évident.

Je précise que l’intégralité de la taxe sur le foncier non bâti constitue aujourd’hui une recette pour l’État de 850 millions d’euros. Par conséquent, il aurait été difficile de l’effacer totalement.

Dans le cadre des mesures budgétaires prises dans le cadre du plan de relance, nous avons débloqué 100 millions d’euros pour accompagner les agriculteurs les plus en difficulté ; c’est le dispositif AGRIDIFF. J’indique à M. Le Cam que celui-ci fera l’objet d’une dotation supplémentaire, car il permet d’aider les exploitants les plus en difficulté, ceux dont le niveau d’endettement est tel qu’aucune autre mesure ne pourrait leur convenir.

Enfin, 170 millions d’euros ont été débloqués pour prendre en charge la taxe carbone et une partie des autres taxes.

Mesdames, messieurs les sénateurs, au-delà des montants engagés, je voudrais m’attarder un instant sur la méthode employée. À mes yeux, elle est tout à fait essentielle et apporte une réponse à l’une des principales interrogations que vous avez exprimées dans vos interventions.

Je l’ai dit à plusieurs reprises, ici, comme à la tribune de l’Assemblée nationale, cette méthode constitue un changement majeur dans la conduite de ce ministère. Sachez que je ne ferai jamais rien qui soit contraire aux règles européennes !

M. Robert del Picchia applaudit.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

À la suite des critiques que j’ai entendues ici ou là, selon lesquelles le plan que nous avons engagé ne serait pas conforme à la réglementation européenne, je précise que, moins de dix jours après le dépôt de ce plan – c’est une première pour un plan de soutien à l’agriculture ! –, la Commission européenne a répondu qu’il était intégralement conforme à la réglementation européenne !

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

M. Bruno Le Maire, ministre. Pour la première fois, aucun de mes successeurs ne se verra obligé de récupérer l’argent que nous allons verser aux agriculteurs au prétexte la Commission aura jugé cette aide financière contraire aux règles européennes !

Applaudissementssur les travées de l’UMP. – M. Jean-Claude Merceron applaudit également.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

J’en viens à un sujet majeur pour des milliers d’exploitants agricoles en France, la prime herbagère agroenvironnementale, …

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

…pour laquelle, suivant toujours la même méthode, nous nous conformons aux règles européennes. En effet, si celles-ci ne conviennent pas, mieux vaut s’efforcer de les changer. C’est ce que j’ai fait pour la régulation européenne, pour le règlement technique de la pêche, et je suis prêt à le faire aussi sur d’autres sujets.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Ma volonté est simple et claire : chaque exploitant agricole qui touche cette prime aujourd’hui doit continuer à percevoir rigoureusement le même montant jusqu’en 2014.

Pour y parvenir, il convient de surmonter un problème juridique important et un problème budgétaire qui, disons-le, l’est beaucoup moins.

Sur le plan juridique, le renouvellement des contrats contrevient aux règles européennes. Par conséquent, en l’absence de solution, il ne sert à rien d’inscrire à ce titre des crédits dans le projet de loi de finances pour 2010. Ma priorité est donc de trouver une réponse adaptée.

Pour vous raconter toute l’histoire de cette prime ô combien importante pour les agriculteurs, j’ai adressé, voilà une quinzaine de jours, à la Commission européenne, au nom du Gouvernement français, une première proposition qui a été repoussée. La Commission a jugé que cette solution n’était pas la bonne, mais, après avoir noté nos efforts pour parvenir à un accord acceptable, a fait une contre-proposition, que mes services sont en train d’examiner.

Elle consiste à remettre les compteurs à zéro pour les contrats qui doivent être renouvelés en 2010 comme pour ceux qui prennent fin en 2012, et à tous les reconduire jusqu’en 2014. Accorder un délai, remettre tous les exploitants agricoles au même niveau et leur donner une visibilité jusqu’en 2014, tout cela me semble être une solution satisfaisante.

Une fois que j’aurai obtenu l’accord définitif de la Commission et que ce sujet aura été arbitré par le Premier ministre, il sera possible de prévoir dans le projet de loi de finances rectificative pour 2010 un financement de l’ordre de 30 millions d’euros pour ce dispositif juridique.

En attendant, je m’engage, avec beaucoup de détermination, à ce que chaque agriculteur touche la prime herbagère agroenvironnementale dont le montant restera inchangé dans les années à venir. Cela s’avère indispensable à l’équilibre économique des exploitations et à l’aménagement d’un certain nombre de territoires en difficulté, en particulier à ceux de montagne.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Ce faisant, je réponds aux propos, auxquels j’ai été sensible, de M. Muller sur l’agriculture dans les Vosges, ainsi qu’à ceux de MM. Bailly et Fortassin, ...

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

... et de M. Blanc, vous avez raison. Tous ont souligné, à juste titre, l’importance de ce sujet.

Mesdames, messieurs les sénateurs, n’oublions pas les mesures complémentaires à ce plan de soutien exceptionnel décidé par le Président de la République. Elles ont été prises cet automne et entraînent de lourdes conséquences sur le plan budgétaire.

Ainsi, 30 millions d’euros de prise en charge d’intérêts d’emprunt ont été annoncés au sommet de l’élevage. De plus, plusieurs d’entre vous l’ont rappelé, 98 millions d’euros sont prévus pour le financement de la vaccination contre la fièvre catarrhale ovine, ou FCO.

Pour répondre aux remarques de M. César, le ministre de l’agriculture que je suis a fait le choix d’une vaccination effectuée par les services vétérinaires, la seule à même de garantir la crédibilité totale de la vaccination et surtout le prix de tous les produits exportés, …

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

…faute de quoi nous aurions couru un grand risque, celui de voir s’effondrer notamment le cours du veau.

Cela permet également un remboursement total, à l’euro près, du coût de la vaccination pour les exploitants et les éleveurs, qui, ainsi, n’auront pas à supporter de charges financières supplémentaires.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Ces 98 millions d’euros proviendront, pour 30 millions d’euros, du budget communautaire, pour 60 millions d’euros, de la loi de finances rectificative, les 8 millions d’euros restants étant disponibles sur le budget pour 2009.

En réponse aux remarques de M. le rapporteur spécial et de M. Soulage, je précise qu’il convient d’ajouter à cet effort financier exceptionnel 11 millions d’euros prévus dans le projet de loi de finances pour 2010 au titre des actions de surveillance biologique du virus et de l’insecte, somme qui, naturellement, participe de la volonté de lutter contre ce fléau.

J’ai également décidé d’organiser au mois de janvier prochain les États généraux du sanitaire, afin que, dans les années à venir, les éleveurs soient davantage impliqués dans ces dispositifs de vaccination.

L'ensemble de ces mesures, obéissant à des logiques différentes, seront mises en œuvre et financées selon plusieurs dispositifs appropriés.

Ainsi, 170 millions d’euros seront inscrits en loi de finances rectificative pour 2009, dont 60 millions d’euros pour la FCO, 60 millions d’euros pour la bonification de prêts et 50 millions d’euros pour l’allégement des cotisations sociales. Il s’agit de dépenses qui doivent être immédiatement engagées pour les exploitants agricoles.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Puis, dans le projet de loi de finances pour 2010, 320 millions d’euros seront portés par amendement gouvernemental : 100 millions d’euros pour le dispositif AGRIDIFF, 100 millions d’euros pour les mesures de prises en charge d’intérêts et 120 millions d’euros pour le remboursement de la taxe carbone.

Enfin, 170 millions d’euros seront consacrés à l’allégement des charges pour les travailleurs occasionnels, mesure pérenne, qui sera donc renouvelée année après année et sur laquelle je reviendrai. Puisqu’il s’agit d’un dispositif structurel, il paraît logique de l’inscrire dans la future loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Cela étant, nous prévoirons les mécanismes techniques nécessaires pour permettre son application dès le 1er janvier 2010.

Naturellement, je veille à la bonne application de ce plan. J’entends ce qui remonte du terrain dans certains départements qui connaissent encore des difficultés, s’agissant notamment des contacts avec les réseaux bancaires.

Régulièrement, je fais un point avec Nicolas Forissier, chargé de la médiation avec les banques, qui me tient informé des différentes demandes auxquelles je suis tout à fait ouvert. Je le rencontrerai de nouveau lundi prochain.

Certains exploitants rencontrent des difficultés particulièrement sensibles et demandent des reports en fin de tableau plutôt que des prêts. Nous verrons dans quelle mesure nous pouvons employer une partie des 100 millions d’euros du dispositif AGRIDIFF pour procéder, au cas par cas, à de tels reports en faveur des exploitations qui en auraient le plus besoin.

J’entends également toutes les remarques relatives, dans nombre de départements, aux contraintes environnementales nouvelles, notamment la question des prairies pour les éleveurs.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

M. Bruno Le Maire, ministre. J’autoriserai que l’on traite les prairies permanentes comme des prairies temporaires et que l’on puisse, de la même façon, les retourner tant que la surface en herbe globale de l’exploitation reste la même.

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

À partir du moment où cette surface reste identique, je ne vois pas pourquoi nous camperions sur des positions bornées et rigides, d’autant que cela garantit la même efficacité environnementale, tout en allégeant les contraintes qui pèsent sur les exploitants agricoles.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Mme la présidente. Monsieur le ministre, je vous prie de vous acheminer vers votre conclusion !

Protestations amusées sur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

M. Bruno Le Maire, ministre. Vous êtes sûre, madame la présidente ?

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Il a encore de bonnes nouvelles à nous annoncer !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Nous l’écoutons avec tellement d’intérêt !

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Le peuple ne va pas être content !

Au-delà de ces mesures conjoncturelles, il faut à l’évidence moderniser l’agriculture et la pêche françaises et prendre les dispositions nécessaires pour engager des réformes structurelles. Et c’est bien ce que nous avons prévu de faire dans la future loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.

J’ai veillé à ce que tous les parlementaires, toutes tendances politiques confondues, soient associés à la préparation de cette loi. Prenant au mot M. Guillaume, je souhaite que nous travaillions attentivement avec le groupe socialiste pour parvenir à un accord. Ce que nous proposerons dans cette loi dépasse, en effet, de loin les clivages politiques et devrait pouvoir recueillir l’unanimité au Parlement, car il va nous permettre d’avancer dans trois directions.

Il s’agit, en premier lieu, d’encourager la stabilisation du revenu des agriculteurs. De ce point de vue, nous souhaitons instaurer des relations plus régulées entre les professionnels agricoles, les industriels et la grande distribution, sous la forme des contrats dont je parlais tout à l’heure.

À cet égard, la reprise d’Entremont Alliance par le groupe Sodiaal, que j’aurai certainement l’occasion d’évoquer plus longuement lors de l’exercice des questions-réponses-répliques, est une bonne illustration de la nécessité d’établir de meilleures relations entre industriels et producteurs.

En outre, nous interdirons les remises, rabais et ristournes en période de crise. Nous encadrerons par écrit la pratique du prix après vente. Nous imposerons des contrats écrits pour la publicité hors du lieu de vente.

Ce ne sont que quelques dispositions parmi d’autres, qui permettront de réguler les relations entre opérateurs.

Par ailleurs, l’observatoire des prix et des marges sera reconnu et généralisé à l’ensemble des filières et doté de pouvoirs plus contraignants.

Il s’agit, en deuxième lieu, de renforcer notre compétitivité et, là aussi, de donner plus de garanties aux agriculteurs.

Nous prévoirons un dispositif assurantiel qui sera, pour le monde agricole, une véritable révolution et une garantie forte en matière de revenus.

M. Gérard César, rapporteur pour avis, et M. Jean Bizet applaudissent.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Nous étendrons la dotation pour aléas, DPA, à l’aléa économique. Nous porterons la subvention du budget européen à 65 % pour l’assurance d’ici à 2011.

Enfin, à la suite d’un arbitrage personnel du Président de la République, nous travaillerons à un dispositif d’assurance universelle porté par une garantie de l’État. C’est la première fois, en France, que nous engagerons cette véritable révolution en matière de dispositif assurantiel pour l’agriculture.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Sur le plan, toujours, de la compétitivité, nous encouragerons la fédération des organisations de producteurs et nous accroîtrons la légitimité des interprofessions en renforçant leur rôle. Je me garderai d’entrer dans le détail, car je tiens à respecter les recommandations de Mme la présidente !

Nous allégerons également, toujours dans une perspective de compétitivité, le coût du travail occasionnel. Pour nous rapprocher de nos grands concurrents européens, nous porterons le coût horaire du SMIC de 12, 53 euros à 9, 26 euros, et ce grâce au dispositif que j’ai évoqué tout à l’heure.

Il s’agit, en troisième lieu, d’engager une véritable préservation des terres agricoles. Nous devons en effet résoudre cette contradiction fondamentale qui veut que la France, première puissance agricole européenne, accepte de perdre tous les dix ans l’équivalent d’un département en surface agricole utile !

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Une telle situation n’est pas acceptable, notamment à proximité des grandes villes. On ne peut pas vouloir construire des circuits courts, pour limiter l’impact de l’agriculture sur l’environnement et, dans le même temps, repousser sans cesse les terres agricoles loin des zones urbanisées.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Je le dis à M. le rapporteur spécial et M. Le Cam, toutes ces mesures structurelles n’ont de sens que dans le cadre d’une meilleure régulation européenne et mondiale des marchés agricoles, qu’il nous faut défendre pied à pied, avec toute la force nécessaire.

À cet égard, nous avons obtenu certains succès dans le domaine du lait. Je réunirai jeudi prochain, à l’Assemblée nationale, le G22 agricole, afin de réfléchir à la modernisation des outils d’intervention de la politique agricole commune…

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

…et de défendre l’idée d’une régulation européenne des marchés agricoles encore plus forte.

C’est à cette condition que nous pourrons maintenir une agriculture performante en France, comme dans les autres pays européens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Nous plaçons beaucoup d’espoir dans cette réunion !

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Il en ira de même pour le secteur de la pêche, évoqué tout à la fois par MM. Revet et Merceron, ainsi que par Mme Herviaux.

Le Premier ministre s’est rendu hier à Brest en vue de clore les Assises de la mer. J’y étais moi-même mardi, pour présenter les objectifs français en matière de réforme de la politique commune de la pêche. Les travaux conduits durant deux mois ont permis d’aboutir à une position commune forte en la matière. La France sera le premier État européen à déposer sur le bureau de la Commission européenne des propositions de réforme émanant non pas du ministère de l’agriculture, mais de l’ensemble des ONG, associations et professionnels de la mer.

Cette régulation doit être conduite à l’échelle mondiale. Personne ne peut l’ignorer, durant cette année, les prix agricoles ont varié de 30 % à 50 % sur certains produits, rendant vaine la production agricole pour des centaines de milliers de paysans à travers le monde. En 2008, 10 millions d’hectares de terres ont été vendus par des pays en voie de développement à des pays plus développés, comme la Chine, le Brésil, l’Arabie saoudite ou la Corée. En 2009, 30 millions d’hectares supplémentaires ont connu le même sort. Il n’y aura pas d’indépendance alimentaire si nous n’encadrons pas la vente des terres agricoles dans le monde.

Marques d’approbation sur plusieurs travées de l’UMP et de l’Union centriste.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Mesdames, messieurs les sénateurs, la régulation mondiale des marchés agricoles est d’une impérieuse nécessité. À l’occasion du sommet de la FAO, la France et le Brésil ont pris une initiative commune pour engager la réflexion à cet égard. Dans le cadre de l’OMC, j’ai proposé à un certain nombre de nos partenaires, notamment au Canada ainsi qu’à plusieurs pays africains et européens, de s’engager dans cette voie. Cette démarche n’en est qu’à ses débuts, mais je ne doute pas que les idées défendues par la France trouveront un écho de plus en plus large !

Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Pastor

Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu à mes questions !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Nous allons maintenant procéder à un échange de questions, de réponses et de répliques, exercice strictement limité dans le temps.

Je tiens en effet à rappeler que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente. Pour lui répondre, M. le ministre dispose également de deux minutes trente. L’auteur de la question dispose enfin, s’il le souhaite, d’une minute pour la réplique.

La parole est à M. Alain Vasselle.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Monsieur le ministre, vous venez de prendre, avec le Président de la République, des mesures conjoncturelles destinées essentiellement à satisfaire les besoins de trésorerie de la profession agricole.

Cette réponse de court terme ne peut suffire, compte tenu du caractère structurel de la crise, lié à une absence de régulation des marchés dont vous venez de faire état dans votre propos.

La situation des éleveurs, des viticulteurs, des producteurs de lait et de fruits et légumes a plus particulièrement retenu votre attention. Mais quelles mesures entendez-vous prendre en faveur des productions céréalières, oléagineuses et protéagineuses ? En effet, il est trop facile de dire que les producteurs céréaliers sont les nantis de l’agriculture française !

M. Didier Guillaume ironise.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Pour s’en convaincre, je citerai un exemple concret qui m’a été donné par le centre de comptabilité agricole de mon département. Une exploitation agricole de polyculture et d’élevage de 300 hectares verra, à la clôture de son exercice au 31 mars 2010, son revenu brut d’exploitation diminuer de 50 % par rapport à l’exercice précédent. À cela s’ajoutera l’effet du bilan de santé de la PAC mis en œuvre par M. Barnier, lequel, en œuvrant à contre-courant, a procédé à certains redéploiements de crédits vers les éleveurs de montagne, et ce au détriment des producteurs céréaliers.

Par ailleurs, comment compenserez-vous les surcoûts de production liés aux nouvelles contraintes environnementales ? Comment réussirez-vous à maintenir le pouvoir d’achat de ces producteurs tout en les incitant à diminuer leur productivité ? Comment rétablirez-vous la préférence communautaire, conforme, selon M. Sarkozy, à la volonté de la France ? Sur toutes ces questions, les producteurs attendent des réponses concrètes !

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Monsieur Vasselle, je n’ignore pas les difficultés de la filière céréalière. En décidant de redistribuer les aides de la PAC, mon prédécesseur, Michel Barnier, a pris, à mon sens, une décision juste et courageuse, à un moment où le cours des céréales était particulièrement élevé. Dès lors que les prix s’effondrent, le partage opéré devient évidemment beaucoup moins acceptable pour le monde céréalier.

Nous devons avancer dans trois directions.

Tout d’abord, il faut lutter contre les conséquences négatives de la parité euro-dollar. S’il s’agit certainement d’un problème majeur, c’est malheureusement aussi celui sur laquelle l’effet de levier est le moins important, dans la mesure où les céréaliers exportent très largement leur production. Les prix observés actuellement en la matière ont des conséquences dramatiques pour eux puisqu’ils se situent aux alentours de 170 dollars la tonne, soit 120 euros.

Ensuite, il est essentiel de maintenir des instruments de régulation dans le domaine céréalier. Toute action visant à les supprimer me paraît aller dans le mauvais sens. C’est d’ailleurs pour cela que je me bats pour instaurer une telle régulation dans d’autres secteurs, au premier rang desquels celui du lait. Vous pouvez donc compter sur ma détermination pour obtenir cette avancée véritablement indispensable.

La réunion du G22 à Paris la semaine prochaine a précisément pour but d’élargir à l’ensemble des marchés agricoles européens la régulation envisagée sur le marché du lait.

Enfin, il convient de promouvoir un dispositif assurantiel. Aujourd’hui, les céréaliers sont les producteurs agricoles les plus assurés, bien que leur taux de couverture soit encore insuffisant. En ce domaine, nous le savons, ils ne pourront pas s’assurer davantage tant que de nouveaux instruments ne seront pas apparus. Or cela ne sera possible qu’à condition de mettre en place un dispositif de réassurance publique.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Je veux souligner à quel point l’arbitrage rendu par le Président de la République, dans le cadre de la LMA, constitue un progrès majeur. En effet, après plusieurs semaines de réflexion, nous avons décidé de réfléchir à la mise en place d’un tel dispositif, qui permettra d’élargir les instruments d’assurance. Nous pourrons ainsi passer d’un taux d’assurance de 30 % dans la filière céréalière et même nul dans de nombreuses autres filières, notamment l’élevage, à des taux qui seront, je l’espère, beaucoup plus proches de 60, 70 voire 80 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier de votre réponse très claire. Vous avez indiqué les orientations qui seront prises par le Gouvernement pour répondre aux attentes de l’ensemble des producteurs, y compris céréaliers. Nous attendons avec impatience la concrétisation de ces mesures, afin que la profession agricole puisse connaître en 2010 une situation meilleure que celle à laquelle elle a été confrontée en 2009.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

Monsieur le ministre, vous avez fait état d’un redressement relatif des cours du prix du lait payé aux producteurs. Du point de vue de ces derniers, le compte n’y est pas, loin s’en faut ! Ils ne partagent sûrement pas votre sentiment en la matière, de nombreuses exploitations dégageant toujours des résultats négatifs.

Vous avez regretté ne pas avoir pu fournir de plus amples informations sur le dossier Entremont-Sodiaal. J’avais prévu de vous interroger sur un autre sujet, mais je préfère revenir à cette question, qui est aujourd’hui au cœur de l’actualité.

Vous ne l’ignorez pas, la tension est extrêmement vive chez les producteurs laitiers concernés : ils ont le sentiment de ne pas être informés et de se voir imposer des décisions prises sans eux. Alors qu’ils sont les premiers concernés, ils se sentent écartés de toute discussion. Voilà, résumée en quelques mots, l’ambiance actuelle.

Par le nombre de producteurs concernés, ainsi que par le poids économique de l’entreprise dans le territoire des Côtes-d’Armor, et plus largement en Bretagne, la mesure qui sera finalement retenue, quelle qu’elle soit, affectera nécessairement l’économie régionale. L’inquiétude des agriculteurs est donc partagée par l’ensemble des responsables départementaux et régionaux.

Monsieur le ministre, puisque vous y avez fait allusion tout à l’heure, nous attendons avec intérêt que vous puissiez nous faire un point sur la situation actuelle, au regard, notamment, du rapprochement envisagé d’Entremont avec Sodiaal.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Monsieur Botrel, je ferai deux remarques.

La première porte sur le prix du lait. Je n’ai jamais dit, soyons très clairs, que le prix payé aujourd’hui aux producteurs était satisfaisant.

Chacun doit prendre ses responsabilités. Il revient au ministre de l’agriculture de plaider auprès de la Commission européenne pour une intervention sur les marchés en vue de faire remonter les prix. C’est ce que j’ai fait. La Commission est intervenue – et Dieu sait que ce fut difficile à obtenir ! –, les prix ont commencé à remonter, mais doucement. Pour le moment, ils sont toujours insuffisants. Il reste maintenant à fixer le prix du lait, pour que cette hausse se répercute sur les producteurs. Je le répète, il serait juste et équitable que ces derniers en tirent bénéfice : cela suppose que les prix fixés pour 2010 soient supérieurs aux prix observés en 2009.

Toutefois, une telle décision ne relève pas de la responsabilité de l’État. Il appartient aux organisations syndicales de producteurs et aux industriels d’en discuter pour trouver les solutions les plus favorables possible.

Ma seconde remarque concerne le dossier Entremont-Sodiaal, que j’ai également étudié de près, en veillant aux intérêts des 6 000 producteurs de lait, comme à ceux des 4 600 salariés du groupe en Bretagne. Il était en effet hors de question de prendre des décisions susceptibles d’entraîner des difficultés sociales majeures.

Lorsque, en juillet, je me suis rendu en Bretagne pour rencontrer les producteurs, j’ai pris l’engagement de leur proposer une solution industrielle au début du mois de septembre. J’ai donc travaillé sur cette question pendant tout le mois d’août.

La seule proposition crédible que j’ai reçue, faut-il le rappeler, fut celle de Sodiaal. Le groupe Entremont risquait la mise en liquidation judiciaire, qui aurait entraîné une casse sociale inacceptable.

Après de nombreuses discussions, un accord d’exclusivité a été signé au début du mois d’octobre, puis renouvelé au début du mois de novembre. À la fin de ce mois, le groupe Lactalis a finalement fait état de son intérêt pour ces discussions, se déclarant prêt, pour la première fois – je le dis très clairement – à déposer une offre. Jusqu’alors, entendons-nous bien, la seule proposition formelle et constructive adressée aux pouvoirs publics émanait de Sodiaal.

Lactalis veut maintenant faire une offre. Très bien ! Nous attendons donc la proposition de ce groupe – elle reste toutefois hypothétique à ce stade –, et les parties intéressées pourront ensuite choisir, entre l’offre de Sodiaal et l’offre de Lactalis, celle qui leur semble la plus satisfaisante.

Je tiens à souligner que ce processus se déroule dans la plus totale transparence avec les producteurs, qui, selon les régions, se sont exprimés à 60 %, 70 % ou 80 % en faveur du projet de Sodiaal.

En tout état de cause, nous devons avoir d’ici à la fin de l’année 2009 une perspective industrielle claire et définitive pour la reprise du groupe Entremont. Nous la devons aux producteurs comme aux salariés du groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

Je souhaiterais apporter deux précisions, monsieur le ministre.

Tout d’abord, vous avez implicitement confirmé que l’augmentation actuelle du prix du lait ne bénéficiait pas directement aux producteurs, ce qui nous ramène à la question que je souhaitais initialement vous poser sur la contractualisation. Il reste du chemin à faire pour que des relations équitables s’instaurent entre producteurs et transformateurs.

Bien évidemment, les pouvoirs publics et le Gouvernement ne peuvent pas se dédouaner de leur responsabilité, qui est grande en la matière.

Ensuite, sur le dossier Entremont-Sodiaal, dans lequel Lactalis entre maintenant en scène, vous faites état d’un certain nombre d’informations dont je prends acte. En revanche, je ne me retrouve pas complètement dans vos propos sur le sentiment qu’éprouveraient les personnes concernées par ce dossier. En effet, les agriculteurs et les producteurs laitiers ont l’impression de ne pas être associés ou, tout du moins, d’être insuffisamment informés sur la teneur des discussions et des négociations en cours.

Par conséquent, je ne sais pas quelle peut être véritablement la signification des votes qui ont eu lieu. Il y aurait sûrement beaucoup à dire à leur propos, mais, en tout cas, ils sont loin de rassurer les agriculteurs concernés.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Soulage

L’année 2009 restera une année noire pour l’agriculture française.

Le secteur des fruits et légumes est toujours en crise aujourd’hui, ce malgré le plan exceptionnel de soutien à l’agriculture présenté le 27 octobre dernier par le Président de la République, et en dépit de votre engagement et de votre détermination en faveur de l’agriculture et des agriculteurs, monsieur le ministre.

Ce secteur des fruits et légumes – production, commercialisation, transformation –, qui est l’un des piliers du développement de nos territoires, aura beaucoup de mal à retrouver sa place, son dynamisme et son rôle d’entraînement.

Les actions conjoncturelles, bien qu’importantes, ne suffiront pas. Il faut agir sur les structures et, en particulier, réorganiser la filière.

Vous avez déclaré, lors de votre intervention devant la commission de l’économie, vouloir aller au bout de la réforme programmée, qui passe par la mise en place d’AOP nationales par produit et la création d’un organisme fédérateur, dénommé Gouvernance économique des fruits et légumes, ou GEFEL, qui a vocation à représenter cette profession.

Quelle est la situation aujourd’hui ?

En matière d’AOP par produit, sept sont constituées, sur quinze programmées.

Sur le plan territorial, la représentativité des comités économiques n’ayant pas été renouvelée, les territoires ne sont pas représentés en tant que tels. Les « petites » productions locales restent donc dans la région en ordre dispersé. Les discussions avec les collectivités régionales ou locales sont plus difficiles. Surtout, les financements professionnels disparaissent et, avec eux, les possibilités d’action, en matière tant de centres de recherche que de promotion de produits.

Monsieur le ministre, j’apprécie beaucoup le fait que vous vous investissiez dans le secteur. Il y a urgence, en effet, et la création d’AOP, comme le regroupement, me semblent d’excellentes initiatives.

Je pense que ce nouvel organisme doit fédérer toute la production. Aujourd’hui, ceux qui sont structurés dans le nouveau cadre ne représentent que le quart de la production regroupée dans la précédente organisation. Il faut absolument, me semble-t-il, reconnaître les organisations territoriales. Votre prédécesseur a commencé en décembre 2008, en reconnaissant en tant qu’organisation de producteurs l’organisation économique de la Bretagne et de la Corse ; vous avez poursuivi, par arrêté du 10 novembre 2009, en leur donnant la possibilité de se doter de moyens financiers importants grâce à la mesure dite « d’extension des règles ». C’est une excellente décision, qu’il faut absolument étendre à tout le territoire.

Aujourd’hui, finalement, seuls les Bretons et les Corses pourront payer et poursuivre leurs efforts en matière de centres de recherche et de promotion de produits. C’est une bonne chose, mais le reste du territoire est aussi concerné.

La question est grave, car, avec la crise, la famille professionnelle se déchire. Cela complique votre mission déjà délicate, monsieur le ministre. Mais nous savons que vous êtes déterminé, et nous avons confiance en vous.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Je partage entièrement votre analyse, monsieur Soulage ; vous l’aviez déjà développée dans votre intervention à la tribune.

La filière des fruits et légumes en France a connu une année 2009 extraordinairement difficile. Elle a un problème conjoncturel, mais aussi, comme certains d’entre vous l’ont souligné, un véritable problème structurel de compétitivité. Il faut lui redonner de l’air ; nous l’avons fait avec le plan d’urgence. Il faut également répondre aux questions structurelles de compétitivité. Une nouvelle fois, je rejoins entièrement les propos que vous avez tenus, monsieur le sénateur.

Si nous voulons gagner en compétitivité, il faut, au moins, que nous avancions dans deux directions complémentaires.

Il convient, tout d’abord, de mieux structurer l’offre, via la constitution d’associations d’organisations de producteurs à l’échelle nationale. Sur ce plan, je me félicite des actions engagées par la filière elle-même. Nous irons au bout de la réforme qui a été proposée par les professionnels pour renforcer les associations nationales de producteurs. C’est en effet le bon échelon pour agir et la meilleure façon de défendre les productions de manière efficace.

Plusieurs rapports d’audit ont été rendus sur la filière en France. La Bretagne constitue un très bon exemple : on s’aperçoit en effet que, même sur des produits de base, avec une bonne organisation, la filière bretonne s’en sort très bien sur un certain nombre de produits.

Nous devons ensuite réussir à réduire l’écart de compétitivité entre la France et les pays européens en matière de coût du travail. Pour les fruits et légumes, ce dernier représente entre 40 % et 70 % du coût final du produit. Bien entendu, s’il existe un écart de coût trop important par rapport à nos voisins européens, on ne s’en sort pas.

Nous allons apporter une première réponse dans le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, par une réduction du coût du travail occasionnel pour l’ensemble des filières agricoles. On va passer de plus de 11 euros à un peu plus de 9 euros de l’heure pour le travail occasionnel, et se rapprocher ainsi de nos voisins européens, l’Italie, l’Espagne et l’Allemagne, qui sont aux alentours de 6 ou 7 euros de l’heure.

Se pose ensuite la question du coût du travail pour le travail permanent. J’ai indiqué que j’étais ouvert à toutes les propositions permettant d’améliorer la compétitivité de la filière en matière de coût du travail permanent sous réserve, j’y insiste, de rester dans le cadre du droit du travail français et de respecter les règles européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Soulage

Une nouvelle fois, monsieur le ministre, je vous remercie de votre engagement. Je partage votre point de vue sur la Bretagne, mais je voudrais que l’organisation qui a cours dans cette région soit celle de l’ensemble du pays. Il faut absolument encourager la reconstitution de ces organisations territoriales, notamment pour les besoins de financement professionnel.

Nous devons pouvoir mener des actions au niveau régional, notamment en faveur de la recherche et de la promotion.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur la filière des fruits et légumes. En 2008, cette filière a subi la plus forte baisse de revenus du secteur agricole, avec une diminution de 37 %.

En dehors des crises sanitaires ou climatiques, les prix payés aux producteurs sont scandaleusement bas, souvent inférieurs à leurs prix de revient. Ce n’est pas acceptable !

Vous pointez, à juste titre, le coût du travail saisonnier comme un facteur de distorsion de concurrence avec les autres pays européens. Vous avez proposé des mesures pour y remédier ; je m’en réjouis, car c’est un vrai pas en avant. Mais la solution à cette crise ne passe pas uniquement par la réduction du coût du travail.

Lors d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement, en septembre dernier, je vous avais déjà interrogé sur ce sujet. Il y a quelques semaines, lors du déplacement que vous avez effectué avec le Président de la République dans la Drôme, notamment dans le canton où je suis élu, vous vous êtes adressé à la filière des fruits et légumes.

Nous constatons qu’en France les agriculteurs ne fixent pas leurs prix – c’est sans doute la seule profession à connaître une telle situation. L’écart est beaucoup trop important entre le prix payé au producteur et, en bout de chaîne, le prix payé par le consommateur.

C’est la raison pour laquelle, en concertation avec les représentants de cette filière, j’ai souhaité, avec mon groupe politique, déposer une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur l’organisation de la chaîne de commercialisation des produits agricoles et le mécanisme de formation des prix agricoles.

Nous ne pouvons nous résigner à la fin de la filière des fruits et légumes : elle a encore beaucoup d’avenir et, comme les autres filières, elle nourrit les Français.

Les arboriculteurs veulent vivre non pas de subventions ou de subsides, mais de prix rémunérateurs, capables de faire vivre une famille.

Monsieur le ministre, pensez-vous que l’enveloppe d’urgence de 15 millions d’euros, avec un taux de spécialisation réduit de 50 % à 30 %, sera suffisante pour permettre aux producteurs de fruits et légumes de sortir de cette crise ?

Pouvez-vous nous donner votre position sur la mise en place d’une assurance récolte obligatoire dans ce secteur des fruits et légumes ?

Pouvez-vous, enfin, faire un point d’étape précis sur le plan « sharka », et nous dire comment le Gouvernement compte, aux côtés des collectivités locales, le prolonger en 2010 ?

En tout état de cause, ne faut-il pas repenser de fond en comble la formation des prix agricoles ?

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Dans le prolongement de ce que disait Daniel Soulage tout à l’heure, je voudrais apporter quelques précisions complémentaires sur la filière des fruits et légumes.

Il n’existe pas de solution miracle, quelle que soit la filière ! En revanche, il y a une accumulation de bonnes décisions et de bons choix politiques qui, je l’espère, apporteront, dans les meilleurs délais possibles, des réponses à des filières qui sont effectivement en crise.

La filière fruits et légumes connaît un problème d’organisation, et je suis convaincu que les associations d’organisations de producteurs dites « nationales », ou AOPn, sont la bonne solution.

Il y a également un problème de compétitivité, sur lequel nous travaillons, en nous attaquant d’abord au coût du travail occasionnel ; toutes les propositions relatives au coût du travail permanent seront les bienvenues.

Se pose ensuite la question de la commercialisation. Il est évident que des progrès sont à réaliser dans ce domaine, d’abord pour valoriser le produit « fruits et légumes ». Dans les grands magasins, ceux-ci sont traités comme les derniers des produits. Ils sont présentés en vrac, mal valorisés, mal étiquetés, et leur origine n’est généralement pas suffisamment indiquée. Nous devons travailler sur ce dossier de l’étiquetage, de la valorisation et de la meilleure commercialisation du produit avec la grande distribution.

Il faut ensuite s’attaquer au problème des marges, qui subsiste, en particulier pour cette filière, comme chacun le sait. Pour prendre un exemple très précis, on a vu des taux de marge tout à fait inacceptables sur la carotte. Pour y répondre, il faut renforcer le statut et les capacités d’intervention de l’Observatoire des prix et des marges, ce que nous proposons de faire dans le projet de loi de modernisation.

Il faut, enfin, remédier à un certain nombre de pratiques. Les remises, rabais et autres ristournes sont inacceptables en période de crise. Lorsque les producteurs trinquent, je ne vois pas pourquoi l’effort ne serait pas plus équitablement réparti. Je suggère donc, dans le cadre de la loi, d’interdire ces pratiques en période de crise.

De la même façon, les contrats verbaux en matière de commercialisation sont trop nombreux dans la filière des fruits et légumes. Je pense qu’il faut mettre un terme à ces accords, pour leur substituer des contrats écrits. Je note d’ailleurs que tout le monde dans la filière y est favorable, aussi bien les producteurs que les distributeurs. Cela permettra en effet de clarifier un certain nombre de pratiques.

La publicité sur les lieux de vente mérite également d’être encadrée.

En prenant simultanément toutes ces décisions, tant structurelles que conjoncturelles, nous arriverons à mieux valoriser le produit « fruits et légumes », à le vendre dans de meilleures conditions, et à garantir un revenu plus stable et plus juste pour les producteurs.

J’en viens aux autres questions que vous m’avez posées.

En ce qui concerne la sharka, je me suis en effet rendu dans la Drôme avec le Président de la République, et je vous annonce que nous maintiendrons le dispositif en 2010, ce qui permettra de rembourser les producteurs.

S’agissant de l’assurance récolte, nous l’encouragerons fortement, toujours dans le cadre du dispositif de garantie d’État que je vous ai indiqué précédemment.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Didier Guillaume, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Monsieur le ministre, je vous remercie de vos réponses, qui vont dans la bonne direction, me semble-t-il.

Il faut que l’ensemble du monde agricole, toutes filières confondues, puisse se développer. La filière qui me tient particulièrement à cœur, parce qu’elle est très majoritaire dans mon département, est sûrement la plus touchée en termes de revenus et de situations. Les jeunes ne peuvent plus s’installer, et ceux qui sont aujourd’hui en place sont tellement endettés qu’ils ne peuvent pas s’en sortir.

Aussi, je me permets d’insister à nouveau sur l’Observatoire des prix et des marges, qui est indispensable à la survie de cette filière. Aujourd’hui, la loi ne devrait pas rendre possible la vente à perte. Les agriculteurs et les arboriculteurs sont les seuls à ne pas établir leurs prix. Il n’est pas acceptable de voir des pommes vendues sur un marché cinq à huit fois le prix de départ.

C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, lors du débat sur la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, nous serons très attentifs à ces questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Depuis quelques années, on observe des épisodes climatiques extrêmes : gel, sécheresse, inondations, tempêtes. Est-ce là une conséquence du réchauffement climatique ? Quoi qu’il en soit, nous en constatons les effets dévastateurs sur les récoltes et, in fine, sur les revenus des exploitants.

À ces caprices du ciel s’ajoutent d’autres aléas, sanitaires et économiques. La production agricole doit faire face à de multiples agents pathogènes émergents. Elle est aussi, depuis les réformes successives de la politique agricole commune, plus exposée aux fluctuations des marchés et à la spéculation.

Ces deux dernières années, les agriculteurs ont été mis à rude épreuve : influenza aviaire, fièvre catarrhale, esca pour la vigne, tempête Klaus, sécheresse, effondrement des prix, etc. Pour beaucoup d’entre eux se joue la survie de leur outil de travail. On assiste à de plus en plus de faillites agricoles.

Comment se fait-il que nos entreprises agricoles soient les plus exposées, les plus vulnérables et les moins bien protégées de nos entreprises ?

Nous avons mis en place, à côté de l’indemnisation publique au travers du fonds national de garantie des calamités agricoles, ou FNGCA, l’assurance récolte et l’épargne de précaution défiscalisée. À l’évidence, ces mécanismes sont encore trop limités.

Certes, l’assurance récolte s’est développée, mais elle est restée concentrée sur les productions les moins risquées. Vous avez obtenu, lors du bilan de santé de la PAC, un cofinancement communautaire qui permettra une prise en charge publique des primes jusqu’à 65 % ; je m’en félicite. Il aurait été plus équitable, géographiquement et socialement, que cette assurance soit obligatoire et mutualisée.

Quant à la dotation pour aléas, ou DPA, elle n’a pas vraiment fonctionné jusqu’à présent. Après l’avoir rénovée cette année, vous misez sur sa montée en puissance. Je doute de la capacité des exploitants à épargner en ces temps de crise. Je suis convaincu, monsieur le ministre, que nous devons saisir l’occasion du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche pour améliorer ces outils et réfléchir à un système ambitieux et juste de garantie des revenus des agriculteurs. Quelles propositions entendez-vous faire en ce sens ?

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Monsieur le sénateur, vous venez d’un département qui est cher à mon cœur, le Gers.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Ligardes, Condom… J’écoute donc avec beaucoup d’attention ce que vous dites, et je partage totalement votre analyse. Je parlerai d’ailleurs d’un autre sujet que la récolte, à savoir celui de l’élevage, quitte à vous surprendre.

Tout à l’heure, dans son intervention, Jacques Blanc faisait allusion aux éleveurs de la Lozère : pas un seul n’est assuré, parce qu’il n’existe pas de dispositif assurantiel aujourd’hui. Par conséquent, en cas de calamité agricole, seul le FNGCA permet d’y faire face. Si, dans le département de Jacques Blanc, des centaines d’exploitants agricoles et d’éleveurs sont touchés, il faut abonder le FNGCA pour subvenir à leurs besoins, ce qui pose des problèmes budgétaires importants et, finalement, cela ne satisfait personne. Nous nous retrouvons donc systématiquement en situation de crise, et le ministre de l’agriculture est obligé de gérer la crise au lieu de tracer des perspectives pour l’avenir.

La première solution réside dans la mise en place d’un dispositif assurantiel universel pour l’ensemble des agriculteurs, que ce soit pour les grandes cultures du Gers, pour les éleveurs de la Lozère chers à Jacques Blanc, …

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

… ou d’ailleurs pour toutes les autres filières concernées. Comment pouvons-nous y parvenir ? Nous venons de mettre sur pied un dispositif qui va porter à 65 % le taux de subvention par la Communauté européenne en 2011, ce qui va alléger considérablement la charge financière pour l’exploitant agricole.

La deuxième solution, c’est l’extension de la dotation pour aléas, qui, fiscalement, présente beaucoup d’avantages, aux aléas économiques. Mais cette DPA, j’en ai parfaitement conscience, ne concerne que les exploitants agricoles en mesure d’épargner une somme annuelle suffisamment importante. Dans la situation actuelle, malheureusement, je ne connais pas beaucoup d’agriculteurs, en particulier dans le Gers, qui soient capables d’épargner 23 000 euros dans l’année, ce qui correspond au plafond annuel ; le plafond global s’élève à 150 000 euros.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Il nous faut donc trouver une troisième solution. Et, là, je me permets d’insister sur le caractère tout à fait novateur, voire révolutionnaire, du dispositif qui sera introduit dans la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Il faut une réassurance publique ; je vous donne entièrement raison, monsieur de Montesquiou : c’est la clé de tout !

Si nous arrivons à réfléchir à la mise en place d’une réassurance publique dans le cadre de ce qui sera proposé dans la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, nous débloquerons un système assurantiel universel pour toutes les filières en France. Nous apporterons ainsi une réponse essentielle à la question des revenus agricoles en France, et nous prendrons une décision qui sera probablement aussi importante que celle qui a été prise le jour où nous avons mis en place la mutualité sociale agricole dans notre pays.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre ; vous avez conscience de la difficulté à laquelle se heurtent certains agriculteurs. Dans mon département, les volumes et les prix ont baissé de 30 % à 40 %. Cela signifie que certains agriculteurs seraient en faillite s’il n’y avait pas une solidarité familiale.

Il nous faut instaurer une véritable péréquation au niveau national, parce que des écarts gigantesques existent entre les régions, entre les productions et entre les revenus. Je suis convaincu que cette assurance doit être mutualisée.

À travail égal, on peut facilement produire cent quintaux dans certaines zones, et seulement la moitié dans d’autres ; ce n’est pas une injustice, mais il faut essayer de corriger de telles différences. Celles-ci tiennent à la qualité des sols, à laquelle nous ne pouvons rien changer. Mais nous avons la possibilité d’introduire un élément pondérateur, et l’assurance en est un.

Nous ne pouvons pas prendre le risque de voir des campagnes dévastées en raison de mauvaises récoltes une année. Les disettes du temps de Louis XV et de Louis XVI doivent appartenir au passé !

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

Monsieur le ministre, je voudrais vous parler brièvement de la forêt, qui, elle aussi, fait partie de vos attributions.

Le programme 149 « Forêt » marque dans le projet de loi de finances pour 2010 - une fois n’est pas coutume ! - une hausse par rapport à l’année précédente : les crédits progressent de 26, 8 % en autorisations d’engagement, puisqu’ils atteignent 368, 7 millions d’euros, contre 290, 9 millions d’euros dans la loi de finances initiale de 2009.

Mais si l’on déduit du total du programme les sommes exceptionnelles qui ont permis de venir au secours des sinistrés landais de la tempête Klaus du 24 janvier 2009, on s’aperçoit que le financement des actions forestières de fond, c’est-à-dire de la politique forestière elle-même, est en baisse de 6 %, puisque le programme est alors doté de 273, 4 millions d’euros.

Notre forêt est la troisième forêt d’Europe en surface et peut-être la première - du moins nous en flattons-nous - en qualité et en diversité des peuplements. Elle mérite donc l’attention des pouvoirs publics, lesquels lui demandent beaucoup.

Dans le prolongement du Grenelle de l’environnement, des assises de la forêt, du rapport Puech, de la déclaration historique du Président de la République à Urmatt le 19 mai dernier, les promesses n’ont pas manqué.

Cependant, la forêt et le bois appellent un soutien pécuniaire davantage en phase avec les objectifs annoncés. Et ces objectifs sont nombreux : récolter plus de bois – plus 21 millions de mètres cubes par an, soit une augmentation de 40 % de la récolte actuelle en 2020 ; mieux préserver la biodiversité ; mieux valoriser nos bois dans l’énergie et la construction ; lutter contre le réchauffement climatique ; enfin, redresser le bilan de la balance commerciale « bois », qui, scandaleusement, est l’une des plus mauvaises.

L’ambition est forte ; les forestiers la saluent et sont prêts à s’y associer. Mais pour relever le défi, pour gravir toutes ces marches, il faut des moyens supplémentaires, et non pas la baisse des soutiens permanents de l’État, ce que traduit le programme 149.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Monsieur le sénateur, nous avions prévu à l’origine une baisse du budget « forêt » en loi de finances initiale à hauteur de 37, 4 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 23, 9 millions d’euros en crédits de paiement.

Cela s’expliquait par un certain nombre d’éléments : la fin des aides aux chablis, les efforts de productivité qui avaient été demandés à l’Office national des forêts, la montée en puissance de nouvelles mesures fiscales, et les amendements au projet de loi de finances qui avaient été adoptés par l’Assemblée nationale et le Sénat en 2009 : un million d’euros supplémentaires en crédits de paiement pour le financement de la desserte forestière.

Toutefois, afin de tenir compte du caractère stratégique de la forêt - souligné par le Président de la République dans son discours d’Urmatt - et pour faire face aux conséquences de la tempête Klaus, 108 millions d’euros en autorisations d’engagement et 70 millions d’euros en crédits de paiement ont été ouverts par la loi de finances rectificative de 2009.

J’ai veillé très attentivement, tout au long de l’année 2009, à ce que, dans les départements concernés - je pense en particulier à votre département, monsieur Gaillard -, tous ces crédits arrivent directement aux exploitants forestiers qui en avaient besoin.

Ces efforts seront poursuivis en 2010 avec une enveloppe de 105 millions d’euros – un peu plus ! – en autorisations d’engagement et 50 millions d’euros en crédits de paiement, auxquels s’ajoutent des fonds en provenance du Fonds de solidarité de l’Union européenne, des mesures de nettoyage et de reconstitution des forêts, de bonification des prêts, de renforcement du personnel technique, qui sont indispensables pour mieux gérer la forêt : tout cela doit nous permettre de nous engager dans la politique que vous défendez, monsieur Gaillard, et que nous soutenons pleinement, celle d’une meilleure valorisation des forêts en France.

Je rappelle que les forêts représentent aujourd’hui un tiers du territoire français, ce qui constitue, en termes de puissance économique, un atout considérable pour le pays. C’est également, en matière de développement durable - je recevais hier à ce propos les représentants des différentes institutions et entreprises qui travaillent sur le lien entre le bois et le développement durable -, une filière qui peut être très valorisante pour l’ensemble de l’économie française.

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. J’ajouterai simplement un petit détail : il s’agit du produit de la taxe additionnelle collectée par les chambres d’agriculture sur les terrains classés « bois ». Les forestiers souhaiteraient récupérer un peu plus que ce qu’ils paient à cet égard. C’est une négociation qui dure depuis des années, et que mènent notamment les communes forestières. Je sais que les chambres d’agriculture sont des puissances tout à fait respectables, mais si vous pouviez nous aider à progresser dans cette voie, monsieur le ministre, nous en serions très satisfaits.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Danglot

Monsieur le ministre, face au développement de l’aquaculture industrielle intensive, on assiste en Europe à la mainmise de certains pays sur la quasi-totalité des quotas de pêche pour une même espèce de poissons.

En ce qui concerne le cabillaud, la Norvège détient 90 % des taux admissibles de captures, contre 1, 22 % pour la France. Cette situation de net déséquilibre met en péril la pêche artisanale.

Par manque de quotas de soles et de cabillauds, les bateaux des pêcheurs dunkerquois et d’Étaples - pour ne citer que ces exemples sur le Nord-Pas-de-Calais - se retrouvent régulièrement à quai, et ce depuis plusieurs mois, laissant sans couverture sociale et sans ressources les professionnels du secteur, et remettant en cause plusieurs centaines d’emplois induits.

Le Président de la République avait déclaré que la présidence européenne serait une opportunité pour instaurer « un dialogue très fort avec la Commission européenne », et qu’il faudrait « une réponse plus souple sur les quotas ».

Aujourd’hui, Bruxelles préconise des quotas individuels transférables à l’échelle européenne. Cela risque de conduire à une concentration des quotas au détriment des entreprises les plus fragiles.

Il est urgent, si l’on veut sauver la pêche artisanale côtière, de mettre en place une protection particulière. Les représentants des professionnels du secteur, en s’appuyant sur des documents émanant de la Commission européenne, proposent trois mesures phares : la mise en place d’un régime côtier, la réservation de la bande des douze miles nautiques aux navires de pêche artisanale, une gestion plus fondée sur l’effort de pêche.

La réponse gouvernementale à la crise a été de proposer un plan « casse » qui consiste à adapter la flottille aux quotas en cassant des bateaux. Cela n’est acceptable ni économiquement ni socialement !

Monsieur le ministre, quelle action allez-vous engager et quelles positions défendrez-vous, notamment auprès des instances européennes, pour sauver la pêche artisanale et permettre aux professionnels concernés de vivre de leur métier ?

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Monsieur Danglot, soyez assuré que j’accorde une importance équivalente à la pêche et à l’agriculture ; ce propos s’adresse aussi à Charles Revet, qui est très sensible à cette question. Je me bats avec la même détermination pour les intérêts de la pêche française et pour les intérêts de l’agriculture française.

Je serai à Bruxelles dans quelques jours pour participer à la négociation annuelle sur les totaux autorisés de capture, les TAC, et sur les quotas. Je suis en contact avec les organisations professionnelles depuis plusieurs jours, afin d’envisager les moyens de défendre au mieux les quotas qui seront attribués à la France, que ce soit pour la pêche de la sole, du cabillaud, de la lingue ou de toutes autres espèces.

Par ailleurs, lors des assises de la mer, qui se sont tenues à Brest, nous avons clairement défini la manière dont la France voit l’avenir de la politique commune de la pêche. Nous sommes le seul État d’Europe à avoir engagé une concertation de cette ampleur depuis le mois de septembre.

Les assises de la pêche ont été organisées sur mon initiative. Elles ont réuni tous les acteurs concernés : scientifiques, ONG, professionnels de la pêche, afin de déterminer quels axes notre pays allait défendre en matière de réforme de la politique commune de la pêche. Quatre axes essentiels se sont dégagés.

Le premier axe est notre attachement au maintien de quotas de capture. J’ai indiqué très clairement à Brest, lundi, que j’étais défavorable à des quotas individuels transférables. Ce système permettrait le transfert de quotas aux organisations de pêche industrielle au détriment de la pêche artisanale. Or la pêche artisanale fait partie de l’identité de nos ports de pêche. Il est hors de question de la fragiliser par la mise en place de quotas individuels transférables.

Je suis également défavorable à des quotas d’effort de pêche. Cela reviendrait à concentrer la pêche sur les espèces les plus valorisées et pourrait mettre en difficulté la pêcherie française.

Le deuxième axe concerne la réforme de la gouvernance. Il faut se fonder sur l’avis des pêcheurs et des professionnels plutôt que sur celui de la Commission ou des ministres qui sont, par définition, moins bien informés.

Le troisième axe est lié au développement durable, avec le lancement de certaines expérimentations telles que les aires marines protégées. Je suis très favorable à cette démarche, qui va dans le bon sens.

Le quatrième et dernier axe – et je sais que vous-même et votre groupe y serez sensibles, monsieur Danglot – tient à la prise en considération, dans la pêche européenne, de données de nature sociale qui font aujourd’hui cruellement défaut.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Danglot

Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Je prends acte de vos intentions et de vos prises de position.

Le monde de la pêche souffre beaucoup. Dans mon département, le Pas-de-Calais, les pêcheurs d’Étaples-sur-mer se trouvent dans une situation catastrophique. Il est grand temps de ramener Bruxelles à la raison, au respect de la France et de sa pêche artisanale traditionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

Madame la présidente, permettez-moi d’associer à mon propos Jean-Paul Amoudry, sénateur de la Haute-Savoie, qui ne peut malheureusement être parmi nous cet après-midi.

Le budget relatif à la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » permet de garantir l’exécution des contrats relatifs à la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE, en cours, mais pas de financer de nouveaux engagements ni de renouveler les anciens contrats. Ces derniers, dont le nombre est compris entre 7 000 et 10 000, représentent 10 à 15% des contrats souscrits à ce jour. J’ajoute que des agriculteurs récemment installés pourraient être intéressés par cette forme de soutien.

Le présent projet de loi de finances crée donc une fracture importante entre les agriculteurs concernant leur éligibilité à cette aide essentielle.

Une nouvelle prime à l’herbe, octroyée sur la base du premier pilier de la PAC, pourrait permettre d’assurer le relais jusqu’à la mise en œuvre d’une mesure unique pour l’ensemble des agriculteurs. Ce soutien ne sera pas du même ordre que la PHAE, ni dans son principe ni dans son montant. Le montant de cette prime devrait être compris entre 20 et 80 euros par hectare, en fonction du taux de chargement et de la surface en herbe. Pour en bénéficier, il faudra un chargement minimal de 0, 5 à 0, 8 unité de gros bétail, ou UGB, à l’hectare.

Ces nouveaux critères d’éligibilité écarteront d’emblée les agriculteurs de zones typiques d’élevage dans des départements de montagne fragiles présentant des taux de chargement très faibles ; c’est le cas dans les Alpes-du-Sud, avec un taux de chargement de 0, 43 UGB par hectare, en Corse, en Lozère et sans doute dans le Cantal et en Haute-Loire.

Monsieur le ministre, comment le Gouvernement envisage-t-il de procéder pour financer le maintien de ce soutien à tous les agriculteurs qui bénéficiaient de la prime herbagère agro-environnementale, notamment dans les zones de montagne ?

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Monsieur Boyer, vous soulevez une question majeure, que j’ai évoquée dans mon propos liminaire, et qui correspond aux préoccupations exprimées, entre autres, par MM. César et Jarlier. Je comprends l’inquiétude qui se fait jour dans tous les départements, ceux de montagne en particulier, quant à la reconduction de la prime herbagère agro-environnementale.

À ce stade, je peux vous donner deux garanties.

En premier lieu, les critères que nous avons retenus en ce qui concerne les taux d’unité de gros bovins par hectare resteront intéressants pour tous les agriculteurs, y compris pour ceux des zones de montagne dans lesquelles les taux de chargement sont de 0, 5 UGB par hectare.

En second lieu, comme je l’ai indiqué dans mon intervention à la tribune, le versement sera maintenu pour chaque exploitant. Cette prime représente 3 000, 4 000 ou 5 000 euros par exploitation. Il s’agit d’une somme considérable ! Nous devons donc impérativement trouver les moyens de sécuriser le dispositif juridique de la PHAE.

J’ai présenté une proposition à la Commission. Dans l’échange oral qui s’est ensuivi, cette dernière nous a fait savoir que cette proposition n’était pas satisfaisante. Toutefois, la Commission a apprécié qu’on la saisisse et que l’on présente une proposition. Elle nous a alors suggéré à son tour de remettre les compteurs à zéro et de reconduire les contrats jusqu’en 2014. Je suis en train d’étudier la faisabilité de ce dispositif, qui me semble a priori constituer une très bonne option ; c’est une véritable ouverture.

J’examinerai avec la Commission les moyens de sécuriser le dispositif. Je le soumettrai ensuite à l’arbitrage du Premier ministre avant d’inscrire, dans le projet de loi de finances rectificative, les 30 millions d’euros qui sont nécessaires à son financement.

Je comprends les inquiétudes des exploitants agricoles des zones de montagne et des zones défavorisées, qui craignent la suppression de la prime. Je redis donc avec force que les versements seront maintenus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

Monsieur le ministre, je crois sincèrement que chacun de nous ne peut qu’apprécier les connaissances remarquables que vous avez dans tous les domaines.

Vous souhaitez sécuriser les exploitants agricoles qui se trouvent dans des situations difficiles. C’est un message important en direction de l’agriculture.

La prime à l’herbe concerne les agriculteurs des territoires les plus défavorisés ; ce n’est ni Jacques Blanc ni Pierre Jarlier, tous deux avocats de la montagne, qui me contrediront.

La référence est d’une UGB par hectare. Lorsque le taux descend à 0, 50 UGB, il ne peut que s’agir de territoires qui risqueraient de se transformer en garrigues si cette prime venait à être supprimée.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Monsieur le ministre, ma question a trait à l’avenir de l’agriculture biologique.

Une enquête récente a montré que les produits issus de l’agriculture biologique sont 72 % plus chers que les produits issus de l’agriculture conventionnelle.

Les professionnels du secteur « bio » mettent en avant la faiblesse des subventions dont ils bénéficient, en précisant qu’en France 60 000 exploitations agricoles concentrent à elles seules 80 % des aides de l’Europe. Ils soulignent également, à juste titre, qu’il est essentiel de répercuter les coûts techniques et sociaux engendrés par les productions intensives : dépollution de l’eau, des sols, et traitement des conséquences sur la santé d’une alimentation surchargée en pesticides.

Au début de l’année 2009, le ministre Michel Barnier avait annoncé devant le Conseil d’orientation de l’économie agricole et alimentaire que 18 % des aides directes reçues par les agriculteurs seraient orientées en 2010 vers quatre objectifs : consolider l’économie agricole et l’emploi sur l’ensemble du territoire, instaurer un nouveau mode de soutien pour l’élevage à l’herbe, accompagner un mode de développement durable de l’agriculture, instaurer des outils de couverture des risques climatiques et sanitaires.

Ce dispositif risque d’être insuffisant pour répondre aux objectifs de développement durable.

Lors des débats sur le Grenelle de l’environnement tant le Gouvernement que les sénateurs ont affiché dans leur discours, contrairement au Président de la République qui n’a dit mot sur l’agriculture biologique, en octobre dernier, leur volonté de promouvoir cette agriculture respectueuse des objectifs de développement durable. Ainsi est-il prévu de tripler les surfaces actuelles cultivées en « bio » et de les porter à 6 % de la surface agricole française d’ici à 2012.

À l’heure actuelle, s’agissant de l’agriculture biologique, force est de constater que les agriculteurs connaissent de grandes difficultés pour se maintenir ou se lancer dans le secteur ; de leur côté, les consommateurs se trouvent découragés par les prix pratiqués.

C’est pourquoi nous vous demandons, monsieur le ministre, de bien vouloir nous indiquer les mesures financières et techniques concrètes que le Gouvernement entend prendre pour assurer le développement et la promotion de l’agriculture biologique au regard des objectifs qu’il s’est fixés.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Monsieur le sénateur, nous avons fait le maximum pour soutenir l’agriculture biologique, qui reste un axe structurant de la politique du Gouvernement.

Permettez-moi de citer quelques chiffres. Notre objectif est de tripler la surface cultivée selon un mode biologique d’ici à 2012 pour la porter à 6 % de la surface agricole utile. Cet objectif, nous le tiendrons. À cette fin, nous avons pris des mesures de nature structurelle.

Tout d’abord, nous souhaitons renforcer la structuration de la filière. Nous consacrerons 3 millions d’euros par an sur cinq ans au soutien de projets de restructuration et de conversion des exploitations.

Ensuite, nous voulons encourager la recherche et l’innovation. Nous affecterons 2 millions d’euros à des projets qui nous ont été soumis et qui visent à développer l’agriculture biologique.

Enfin, il me paraît essentiel d’encourager la consommation de produits issus de l’agriculture biologique ; nous en aurons la possibilité lors de la discussion du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. L’objectif est d’atteindre 20 % de produits biologiques dans la restauration collective de l’État d’ici à 2012.

L’alimentation sera le fil directeur du futur projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, parce que c’est le sens politique que nous donnons à l’activité agricole et à la pêche. Ce texte nous permettra aussi de nous fixer d’autres objectifs en matière de consommation de produits « bio » dans la restauration collective.

Nous avons également développé la formation. Je me suis récemment rendu au lycée agricole d’Yvetot, et j’ai constaté que la formation en matière d’enseignement « bio » faisait partie des sujets sur lesquels l’attention se focalise de plus en plus ; c’est une bonne chose !

J’en viens au soutien à la production.

Nous avons décidé, en octobre 2008, de déplafonner les aides à la conversion – le plafond est de 7 600 euros par exploitation –, et une enveloppe supplémentaire de 12 millions d’euros par an sur trois ans a été dégagée.

Enfin, le crédit d’impôt a été doublé et le plafond porté à 4 000 euros, et nous avons prévu 50 millions d’euros supplémentaires de soutien dans le cadre du bilan de santé de la PAC.

Ces aides interviennent alors que le marché est porteur et que les consommateurs suivent. Le plan que nous avons choisi pour cette filière devrait donc montrer son efficacité dans les années à venir.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Monsieur le ministre, je vous remercie de toutes ces précisions.

Concernant la restauration collective, nous sommes effectivement souvent confrontés, nous élus, au problème du coût, lequel se répercute sur le prix du repas des enfants à la cantine.

Je me réjouis de l’arrivée de nouveaux ménages, qui parviennent, avec l’agriculture « bio », à tirer un revenu très correct de surfaces réduites. C’est assez encourageant, et c’est pourquoi ce type d’agriculture mérite d’être pris en compte totalement.

J’espère que nous atteindrons les objectifs qui sont fixés sur le plan national. Nous venons de vivre, pendant plusieurs décennies, une course effrénée à l’agrandissement et à la concentration ; ce contre-exemple est intéressant et mérite tout l’intérêt du Parlement et du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Monsieur le ministre, ma question concerne les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER.

C’est dans le contexte d’un budget agricole en grisaille, et sur fond d’inquiétude de toute une profession que je voudrais aborder un sujet qui est non pas conjoncturel, mais structurel, celui des SAFER, et ce avec l’espoir d’être utile à tous ceux de nos collègues qui, un jour ou l’autre, ont été confrontés à ces institutions.

Chacun le sait bien, les SAFER, sociétés anonymes à but non lucratif, qui comptent quelque 1000 collaborateurs et 980 membres de comités techniques départementaux, achètent et revendent chaque année environ 80 000 hectares de terres, soit 22, 9 % du marché, tout en conservant 18 000 hectares pour les collectivités publiques. C’est, de ce fait, une véritable puissance économique avec laquelle il faut compter dans nos territoires.

Au reste, j’ai bien noté que, dans le projet de loi de finances pour 2010, les crédits qui leur sont attribués demeurent à peu près identiques à ce qu’ils étaient en 2009.

Je ne conteste ni le bien-fondé de l’action des SAFER ni leur utile contribution à l’économie locale, mais je m’interroge parfois, d’abord sur leur représentativité, ensuite sur le droit de préemption que leur donne la loi et qui leur permet d’acheter à la place de l’acquéreur initial pour revendre à un autre acquéreur, dont le projet leur paraît répondre mieux aux enjeux d’aménagements locaux.

Et c’est là, monsieur le ministre, que le bât blesse. Qui est véritablement le garant des enjeux d’aménagements locaux ? Les SAFER ou ceux qui portent un projet précis ? Qui possède la légitimité pour trancher en cas de litige ? Il y a, chaque année, quantité de contestations sur ce point, dès lors que la SAFER exerce ce droit, certes au bénéfice d’un agriculteur, mais aussi au détriment d’un autre.

Ma question est donc la suivante : le Gouvernement envisage-t-il de modifier un jour la loi pour permettre une plus grande transparence, en même temps qu’une plus grande équité dans la vente des terres agricoles, et éviter les trop nombreux conflits d’usage ? On ne fera pas, selon moi, l’économie d’une réforme des SAFER, surtout à l’heure où la profession agricole envisage son avenir avec inquiétude.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Madame la sénatrice, pour vous répondre très clairement, il n’est pas prévu de modifier d’une quelconque façon le statut des SAFER, ni dans le projet de loi de finances ni dans le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Nous avons besoin d’une régulation des terres agricoles. Les SAFER y participent et le font en concertation avec les autorités locales. Leur budget a été maintenu exactement en l’état dans le projet de loi de finances pour 2010.

Nous estimons, en revanche, que, compte tenu de ce qui s’est passé depuis plusieurs années en France, nous ne pouvons accepter une déprise agricole aussi importante et aussi rapide que celle que nous connaissons depuis tant d’années sans réagir à une échelle plus globale.

Je vous soumettrai plusieurs propositions dans le cadre du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.

Nous devons tout d’abord être capables d’évaluer le capital agricole français. Aujourd’hui, il n’est pas possible de savoir ce que représentent les terres agricoles en France : où sont les bonnes terres, les moins bonnes, quels sont les rendements ?

Je proposerai, dans le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, la mise en place d’un Observatoire national des terres agricoles, qui permettra d’avoir une approche plus globale, afin d’évaluer le capital agricole français.

Il est également important que soient renforcées à l’échelle départementale les commissions qui sont chargées d’évaluer le transfert des terres agricoles et d’émettre un avis sur leur transfert.

Je proposerai que des commissions départementales soient créées autour du préfet, associant tous les acteurs concernés. Il est important que tout le monde participe à la décision, non seulement les propriétaires, mais également les associations et les élus locaux. Il faut que chacun puisse donner son avis sur le changement d’usage d’une terre.

Enfin, il conviendra d’étudier les mesures à prendre concernant la valeur ajoutée liée au transfert de ces terres. Vous savez parfaitement, dans votre département comme dans d’autres, que la valeur ajoutée d’une terre agricole rendue constructible peut parfois atteindre dix fois, vingt fois, cinquante fois, voire cent fois le prix de la terre. Cette question suscite des interrogations auxquelles nous devons répondre dans le cadre du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Monsieur le ministre, je vous remercie de la clarté de votre réponse.

Si j’ai posé cette question, c’est parce que nous sommes nombreux à avoir analysé les difficultés auxquelles vous apporterez des réponses dans le cadre du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.

Je me félicite de votre volonté de mettre en place un Observatoire national des terres agricoles et d’instituer au niveau départemental des commissions qui réuniront l’ensemble des partenaires. La représentativité au sein de ces commissions est en effet un vrai problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Monsieur le ministre, je souhaite, comme plusieurs de nos collègues, attirer votre attention sur le problème de la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE. C’est un sujet extrêmement préoccupant, notamment pour les agriculteurs de montagne, qui connaissent actuellement une crise sans précédent.

Si le projet de loi de finances pour 2010 a bien prévu les crédits nécessaires pour honorer les contrats PHAE en cours, les crédits budgétaires pour le renouvellement de ceux qui arrivent à échéance en 2010 n’ont, en revanche, pas été prévus.

Les agriculteurs sont très inquiets : si, dans le cadre du bilan de santé de la PAC, la réorientation d’une partie des aides du premier pilier a permis la création d’un droit à paiement en soutien à la production à l’herbe, revendiquée depuis longtemps par les éleveurs, cette nouvelle aide semble venir en substitution de la PHAE en 2010, alors que, s’agissant d’une aide à la production, elle n’est en rien assimilable à des modes d’exploitation agro-environnementales telles qu’elles sont prévues dans les conventions PHAE. Si tel était le cas, l’État reprendrait d’une main ce que l’Europe a concédé de l’autre.

Cette situation est très préoccupante, notamment en zone de montagne. Dans le Cantal, par exemple, sur 5 000 exploitations, 3 700 sont concernées par la PHAE, qui représente plus de 10 % des aides publiques allouées aux agriculteurs cantaliens ; 2 500 d’entre elles sont des exploitations laitières, dont les revenus ont baissé de plus de 25 % cette année en raison de la crise. La perte de la PHAE représenterait une chute supplémentaire de 5 % de ce revenu, ce qui pourrait leur être fatal.

Monsieur le ministre, vous avez été sensible à ce problème majeur en assurant les agriculteurs de votre volonté de répondre favorablement à leur requête. Vous avez engagé à cet effet une consultation auprès de la Commission européenne, mais force est de constater que les crédits prévus sont insuffisants pour assurer le renouvellement de ces conventions. Encore faut-il pouvoir le faire juridiquement !

Ma question est la suivante : avec quel dispositif et dans quel délai serez-vous en mesure de proposer une solution garantissant le maintien de la PHAE ? Vous avez répondu tout à l’heure à mon collègue Jean Boyer à ce sujet. Mais je souhaiterais que vous nous précisiez que ces aides seront bien distinctes des nouvelles aides à la production herbagère qui seront mises en place par l’Union européenne.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Les éleveurs de montagne pourront ériger une statue aux sénateurs qui, comme Pierre Jarlier, Jean Boyer et Jacques Blanc, ont défendu la PHAE : si vous n’aviez pas tiré la sonnette d’alarme, nous n’aurions pas pu avoir cet échange avec la Commission européenne, nous n’aurions pas trouvé les solutions juridiques que nous sommes en passe de retenir, et nous n’aurions pas alerté suffisamment tôt Matignon pour disposer des crédits budgétaires nécessaires.

Je formulerai juste deux remarques complémentaires.

En premier lieu, je souhaite que nous trouvions une solution avant la fin de l’année 2009, …

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

… et que les questions soient tranchées, aussi bien juridiquement que financièrement, avant que nous partions tous prendre des vacances bien méritées. Cela permettra de rassurer les éleveurs du Cantal, comme ceux de la Lozère ou du Jura.

En second lieu – et c’est le plus important à mes yeux –le maintien d’une agriculture de la diversité, au-delà des difficultés et d’un environnement peu favorable, est un choix politique. La valorisation des produits de qualité suppose que l’on fasse des efforts pour maintenir l’activité agricole dans ces secteurs. Ce doit être l’un des axes directeurs de notre action.

Nous ne voulons pas d’une agriculture qui serait la même partout en Europe, avec de grands ensembles industriels concentrés uniquement dans quelques bassins de production limités et clairement identifiés.

Nous défendons au contraire une agriculture compétitive, qui occupe les espaces, capable de se battre à armes égales avec ses concurrents, y compris lorsque l’environnement n’est pas favorable, parce qu’elle produit des produits de qualité, parfois tout à fait exceptionnels, qui méritent d’être valorisés et développés ; les AOC du Cantal en sont la meilleure preuve. §

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier de votre réponse, qui est extrêmement claire, notamment sur le délai : nos agriculteurs pourront être rassurés, puisque ce problème sera réglé avant la fin de l’année 2009.

La seconde partie de votre réponse est aussi très importante, parce que vous nous assurez qu’il n’y aura pas d’amalgame entre la nouvelle prime à la production herbagère européenne et l’encouragement, par la prime herbagère environnementale, à des modes d’exploitation respectueux de l’environnement, comme nous y invitent les grands enjeux du Grenelle de l’environnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Monsieur le ministre, ma question vous paraîtra peut-être un peu décalée par rapport à vos préoccupations habituelles. Elle est pourtant d’importance pour les communes du sud de la France, parce qu’elle porte sur les crédits affectés à la prévention des incendies de forêts, et plus spécialement sur ceux qui sont réservés au Conservatoire de la forêt méditerranéenne, le CFM, et sur leur utilisation.

Je ferai un bref rappel historique.

Lors de sa création en 1987, après de vastes incendies dans le sud de la France, le CFM disposait d’un budget de 100 millions de francs, soit, en monnaie constante, l’équivalent de 22, 8 millions d’euros. Il était alimenté par des ressources propres : une taxe nouvelle sur les briquets et une taxe additionnelle sur les tabacs.

Ce budget a été détourné de son objectif de deux manières.

D’une part, ses crédits ont été diminués : 9 millions d’euros pour le prochain exercice, sans changement par rapport à 2009, soit deux fois et demie de moins qu’initialement.

D’autre part, ces crédits résiduels ont été affectés à un autre projet que celui du CFM, à savoir le financement dans quinze départements du sud de la France, en partenariat avec les collectivités locales, des investissements de défense des forêts contre l’incendie, ou DFCI – pistes, pare-feux, coupures agricoles –, de leur entretien, et le préfinancement de l’exécution du débroussaillement d’office, qui relève de la responsabilité des maires.

Comme l’avait déjà observé la Cour des comptes en 2000 et sans que cela ait changé, ces crédits servent désormais essentiellement à financer les missions de surveillance et l’investissement à la charge de l’État, et seulement de façon résiduelle les actions qui intéressent directement les collectivités, ce qui était pourtant l’essentiel au départ.

Or la plupart des communes forestières, qui sont des communes rurales, n’ont les moyens ni de préfinancer le débroussaillement d’office ni de faire face à leurs obligations découlant des plans de protection des risques d’incendie de forêt, ou PPRIF.

Ma question est donc très simple, monsieur le ministre : comment expliquez-vous ce détournement des fonds du CFM vers d’autres missions que celles qui devraient être les siennes ? S’agissant de ce qu’il en reste, pensez-vous le réorienter vers le financement d’opérations menées en partenariat avec les communes, notamment celles qui sont soumises à un plan de prévention des risques d’incendie de forêt ?

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Cette question est elle aussi tout à fait majeure et ne sort absolument pas du champ de mes responsabilités.

Notre objectif est bien de garantir, en particulier grâce au travail du Conservatoire de la forêt méditerranéenne, une défense contre les feux de forêt qui soit la plus efficace possible. Le ministère de l’agriculture est pleinement engagé dans cette tâche, aux côtés des collectivités locales.

Vous avez noté avec raison, monsieur le sénateur, une diminution des crédits de mon ministère en faveur de cet emploi, de l’ordre de 1, 5 million d’euros. Je tiens à préciser que cette baisse devrait être compensée par de nouveaux moyens provenant du FEADER, le Fonds européen agricole pour le développement rural, au titre des nouveaux défis de la PAC.

Les préfets de la zone de défense sud sont chargés, dans le cadre de leur mission de coordination des politiques de prévention et de lutte contre les risques d’incendie, d’optimiser ces crédits de l’État et du FEADER, en liaison étroite avec les collectivités locales, de façon qu’ils soient employés de la manière la plus efficace possible.

Nous suivons cette question avec vigilance, et je vous remercie, monsieur le sénateur, d’avoir attiré mon attention sur ce sujet. Je le répète, nous ferons en sorte que tous les moyens soient disponibles, qu’ils soient issus du FEADER ou du ministère de l’agriculture, pour prévenir, en liaison avec les collectivités locales, les incendies de forêt dans le sud de la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Monsieur le ministre, j’aimerais vous adresser des louanges, comme l’ont fait les collègues qui m’ont précédé, car c’est plus agréable. Mais je dois dire que votre réponse me laisse sur ma faim.

Les préfets font déjà ce qui leur paraît être le mieux, mais cela ne correspond pas aux attentes des communes – communes forestières, petites communes – qui doivent faire face à des obligations exorbitantes en matière de protection. Si vous n’intervenez pas pour préciser explicitement que les crédits en question ne sont pas destinés à faire reluire les carrosseries des SDIS, mais ont pour vocation de financer des investissements de protection, cela ne bougera pas !

Je sais bien qu’il serait extrêmement difficile de récupérer les crédits utilisés, je ne suis pas naïf à ce point ; mais qu’au moins ceux qui existent encore soient employés conformément à leur destination originelle !

Je pose régulièrement cette question ; les murs de Jéricho ne sont pas encore tombés, mais je compte sur vous, monsieur le ministre.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Monsieur le ministre, toutes les filières agricoles françaises sont en difficulté, chacun a pu l’exprimer au cours de ce débat. Du fait de la baisse du pouvoir d’achat des consommateurs, du fait du poids des charges issues pour partie des contingences environnementales successives, mais souvent du fait, avouons-le, des choix de mécanisation décidés par les agriculteurs eux-mêmes, l’agriculture française n’a pas échappé à la crise économique et financière mondiale.

Qu’il me soit permis de me concentrer sur la seule filière laitière.

Face à la crise du lait, la Commission européenne, si souvent accusée, s’est montrée à la fois digne et maladroite. Durant toute cette période, elle est intervenue sur le marché. Son action a été relayée par des mesures gouvernementales fortes dont vous avez été, monsieur le ministre, le principal instigateur : je voulais vous en féliciter et vous en remercier.

Aujourd’hui, que constate-t-on ? La crise a amplifié et mis en lumière le mouvement d’internationalisation du marché laitier. La grève du lait a accentué la baisse des exportations françaises, qu’ont relayées celles d’autres pays, reconnaissons-le, plus compétitifs.

En définitive, si la France sort politiquement renforcée, au niveau européen, de la gestion de cette crise – et c’est à vous que nous le devons, monsieur le ministre –, sa filière laitière en sort économiquement affaiblie. Mais personne, pas plus les pouvoirs publics que d’autres, ne peut gérer les prix des marchés.

Disposant des trois leaders mondiaux de la transformation laitière, la France – qui, je le précise, ne produit que 4 % du lait mondial – doit restructurer sa filière, tant en amont qu’en aval, pour rester présente sur les marchés. Ce pays aux 365 fromages qu’est la France doit moderniser encore davantage sa filière laitière. Cette évidence ne sera pas facile à faire admettre dans nos campagnes, mais elle est incontournable. Elle doit être évoquée et réalisée dans le respect des hommes et des femmes de nos territoires, et de leurs spécificités.

Monsieur le ministre, nous arrivons au terme de ce débat, si bien que vous avez déjà répondu à certaines de mes interrogations.

À très court terme, j’aurais souhaité que vous puissiez rassurer les producteurs quant à l’évolution des prix du lait ; vous l’avez fait.

En revanche, j’aimerais savoir où vous en êtes dans l’élaboration du document devant instituer les nouveaux rapports entre les producteurs et les transformateurs, savoir aussi où en est le contentieux qui oppose les services de l’État à la grande distribution, qui n’a pas respecté certaines exigences de la loi de modernisation de l’économie, la LME.

À plus long terme, quelles seraient à votre avis les grandes lignes de la restructuration de la filière laitière qui doit permettre d’assurer la pérennité tant des éleveurs que des transformateurs français et, ne l’oublions jamais, de ces millions de salariés qui, au sein des entreprises de transformation agroalimentaire, assurent à la balance commerciale un excédent de 9 à 10 milliards d’euros chaque année ?

M. Auguste Cazalet applaudit.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Si vous le permettez, madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je commencerai par apporter une précision complémentaire à Pierre-Yves Collombat : nous lui transmettrons dans les meilleurs délais une réponse écrite plus détaillée à la question qu’il a posée et aux remarques qu’il a formulées dans la deuxième partie de son intervention.

Monsieur Jean Bizet, sur la question majeure du lait et de la production laitière en France, j’essaie de combiner une grande lucidité dans l’analyse de la situation et les réponses les plus appropriées et les plus immédiates qui permettent aux producteurs de s’en sortir du mieux possible.

La lucidité consiste à être capable de constater, comme vous le faites vous-même, monsieur le sénateur, que, mois après mois, la France perd des parts de marché laitier au profit de son grand voisin allemand. C’est pour moi une situation inacceptable. Nous n’avons pas vocation à voir nos industries laitières s’approvisionner en Allemagne parce que l’Allemagne est plus compétitive que nous ! Il est donc indispensable que nous fournissions des efforts afin que la production laitière reste en France et que les industries laitières françaises s’alimentent auprès de producteurs français.

Ces efforts doivent être accomplis à l’échelle de bassins régionaux. Vous êtes mieux placés que personne pour le savoir, mesdames, messieurs les sénateurs, vous qui avez rédigé sur la situation de la filière laitière en France un rapport qui fait autorité : la situation de la production de lait en Bretagne n’a absolument rien à voir avec la production de lait en Savoie ou au Pays basque, où les volumes sont plus faibles et les produits fromagers plus valorisés. La réflexion doit donc être menée à l’échelle régionale, et c’est ce que je me propose de faire pour renforcer la compétitivité de la filière et améliorer la situation de la production laitière en France.

Par ailleurs, sur le long terme, je le redis avec beaucoup de force, ma politique, c’est la régulation.

La régulation, elle s’opère à l’échelle nationale, par le biais de contrats portant sur un volume, sur un prix, sur une durée. C’est le seul moyen de garantir un revenu décent aux producteurs dans les années à venir.

La régulation, ce sont aussi des instruments européens renforcés, ce sont de nouveaux instruments européens qu’il nous faut mettre en place, c’est une réflexion sur des volumes indicatifs à l’échelle européenne.

Personne ne m’ôtera de la tête l’idée que la suppression des quotas d’ici à 2015 ne nous dispense pas d’engager une réflexion sur des indications de volume à l’échelle européenne, seules à même d’éviter les surproductions que nous avons connues dans les années passées.

M. Auguste Cazalet applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

J’apprécie, monsieur le ministre, la clarté de vos réponses, dont je vous remercie.

J’insiste toujours sur la contractualisation entre les producteurs et les transformateurs. Je veux qu’il soit très clair qu’elle ne s’apparente absolument pas à une intégration et que, si l’État doit en être le garant, il ne doit surtout pas en être le gérant. Il est important que les agriculteurs soient rassurés : un nouveau système de régulation sera en place à l’horizon 2015.

Puisque se tiendra ici même, le 12 janvier prochain, un débat sur la loi de modernisation de l’économie, je voudrais rappeler la fermeté des services de l’État à l’égard de la grande distribution, qui a utilisé la LME pour se laisser aller à des dérives inacceptables. De nouveaux rapports de confiance doivent s’élaborer entre producteurs, transformateurs et distributeurs, et nous comptons sur vous, monsieur le ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le ministre, je voulais évoquer l’installation des jeunes : on répète sans cesse que c’est une ardente priorité, mais la réalité n’est pas toujours conforme aux déclarations.

Aider la cessation d’activité est une manière de faciliter l’implantation des jeunes. Or il ne vous a pas échappé, monsieur le ministre, que les aides à la cessation d’activité se réduisent à la portion congrue : l’aide à la transmission a été supprimée, le congé de formation institué par la loi d’orientation agricole du 5 janvier 2006 a été supprimé, de même que le dispositif de préretraite.

Mais je veux en venir aux crédits qui permettent d’aider les jeunes à s’installer et de leur apporter tout le soutien pour que leur installation soit bien préparée, bien accompagnée et bien réussie.

Vous me répondrez peut-être que les crédits affectés directement à l’installation des jeunes ne diminuent pas. Optiquement, c’est vrai. Mais les crédits des ADASEA, les associations départementales pour l’amélioration des structures des exploitations agricoles, chutent dans des proportions tout à fait considérables. Monsieur le ministre, je me permettrai de rappeler ce qui s’est passé ces dernières années : en 2003, il y avait 28 millions d’euros ; on n’en comptait plus que 26, 4 millions en 2004 ; 24, 5 millions en 2005 ; 22, 4 millions en 2006 ; 20, 48 millions en 2007 ; 19, 5 millions en 2008 ; 16, 5 millions en 2009. Et pour cette année 2010, vous nous proposez 14 millions d’euros, c’est-à-dire exactement la moitié des crédits pour 2003. Pourquoi cet acharnement contre ces structures, qui remplissent un rôle extrêmement utile ?

Je citerai une déclaration conjointe de la FNSEA, de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture, des Jeunes Agriculteurs et des ADASEA de France : « En abandonnant la politique d’accompagnement des candidats agriculteurs, l’État condamne purement et simplement la politique de renouvellement des générations dont il dit pourtant qu’elle constitue l’une de ses priorités. Cet abandon est totalement inacceptable dans la situation actuelle difficile que traverse l’agriculture. »

Monsieur le ministre, j’aurai l’honneur de présenter tout à l’heure un amendement, et je sais que d’autres collègues ont déposé des amendements allant dans le même sens : j’espère que vous pourrez alors revoir la position qui est inscrite dans le projet de loi de finances quant au financement des ADASEA.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Monsieur Sueur, je suis évidemment très attentif à la question de l’installation des jeunes agriculteurs, de par mes fonctions, bien sûr, mais aussi comme ancien député d’un département, l’Eure, où cette question est particulièrement sensible.

Vous l’avez vous-même souligné, l’examen des budgets globaux consacrés à l’installation des jeunes agriculteurs montre que nous avons maintenu un effort financier très important, de l’ordre de 155 millions d’euros, qui me semble tout à fait substantiel et largement significatif.

Par ailleurs, nous avons choisi d’inclure les ADASEA dans la révision générale des politiques publiques et de les faire évoluer.

C’est un choix qui me paraît raisonnable : les structures ne peuvent pas être gardées telles quelles.

Nous avons d’abord proposé de faire évoluer la dotation en fonction du calcul de la subvention. Celui-ci s’effectue en fonction non plus de la rémunération forfaitaire du nombre d’équivalents temps plein, ce qui, mécaniquement, aboutissait à reconduire chaque fois la même subvention, mais du nombre de dossiers effectivement traités par les ADASEA. Cela me paraît un principe de bonne gestion.

Par ailleurs, nous avons prévu la fusion des structures des ADASEA et des chambres d’agriculture. Dans un département, lorsque vous allez à la chambre d’agriculture, l’ADASEA se trouve dans le bureau d’à côté. Il ne me paraît pas illogique de fusionner les deux structures et que là où cinq personnes étaient nécessaires, il n’y en ait plus que deux ou trois, de façon à être plus opérationnel à un meilleur coût. D’après mes observations sur le terrain, une telle fusion ne me paraît pas déraisonnable.

Enfin, certaines ADASEA se sont positionnées sur le marché concurrentiel ; elles fonctionnent plutôt bien et donnent de bons résultats. Cela explique aussi la baisse des crédits. Cela ne traduit pas un désengagement de l’État en faveur de l’installation des jeunes agriculteurs : il s’agit simplement d’un mouvement de rationalisation des activités de soutien à l’installation des jeunes.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le ministre, vous avez employé la formule magique : « RGPP » ! Puis vous avez évoqué la rationalisation. Mais nous connaissons bien, dans nos départements, l’action concrète des ADASEA, que vous avez quelque peu caricaturée dans votre réponse.

Dans mon département, je peux en attester, le taux de réussite de l’installation des jeunes qui ont été suivis et aidés par l’ADASEA est de 95 %. Ce n’est donc pas de l’argent mal placé !

En quelques années, les crédits sont passés de 28 millions d’euros à 14 millions d’euros, et l’on nous dit que tout va bien parce que les autres crédits restent stables. Cependant, même si les autres crédits restent stables, il s’agit indubitablement d’une diminution.

Vous dites vouloir inclure les ADASEA dans la RGPP pour rationaliser leurs moyens. Cela ne respecte pas le travail très professionnel, j’y insiste, de ces associations, qui ont permis à de nombreux jeunes, qui n’étaient pas forcément issus d’une famille d’agriculteurs, de s’implanter en milieu rural et de créer des exploitations nouvelles. Si des économies doivent être réalisées, ce n’est pas sur le dos des ADASEA qu’il faut les faire !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Monsieur le ministre, la crise de l’encéphalopathie spongiforme bovine, l’ESB, de 1996 avait conduit l’État à mettre en place un service public de l’équarrissage, le SPE, destiné à sécuriser la collecte et la destruction des cadavres d’animaux, service public financé d’abord par une taxe payée par la grande distribution, puis, à partir de 2004, par des subventions d’État et par une taxe d’abattage acquittée par les abattoirs.

En 2005, les pouvoirs publics ont souhaité faire évoluer le SPE, en concertation avec les fédérations professionnelles, afin d’améliorer son fonctionnement.

La loi de finances pour 2009 a, dans son article 140, opéré un changement radical en ouvrant à la concurrence le service public de l’équarrissage, qui restait en vigueur pour la collecte des cadavres d’animaux en ferme.

Cette disposition est entrée en vigueur le 18 juillet 2009. Depuis cette date, les éleveurs doivent « être en mesure de présenter à tout moment les documents attestant qu’ils ont conclu un contrat ou qu’ils cotisent à une structure ayant un contrat leur garantissant l’enlèvement et le traitement de leurs cadavres ».

Pour permettre à des éleveurs de conclure un contrat individuel avec des équarrisseurs, anciens ou nouveaux entrants, sans s’exposer à un double paiement, il est nécessaire d’apporter des modifications au code rural et au code général des impôts.

Il conviendrait tout d’abord de modifier l’article L. 226-3 du code rural, pour poser le principe d’une exonération totale ou partielle de cotisation interprofessionnelle ou de taxe d’abattage sur le bétail et les viandes, à destination des éleveurs qui ont conclu un contrat d’enlèvement des cadavres.

Parallèlement, il est nécessaire de modifier l’article 1609 du code général des impôts, pour exonérer de la taxe d’abattage les viandes issues d’élevages ayant déjà fait l’objet d’un contrat d’enlèvement.

Je n’ignore pas les difficultés que ce nouveau dispositif pose, notamment pour assurer la pérennité et l’équilibre du financement de l’ancien service de l’équarrissage. En effet, il est à craindre que les sociétés privées ne puissent pas proposer des contrats abordables aux éleveurs situés en zone d’élevage extensif, par exemple dans les zones de montagne. Une solidarité entre les territoires est donc nécessaire.

Aussi, monsieur le ministre, je souhaiterais savoir où en sont les discussions avec les filières professionnelles porcine et bovine, l’INAPORC et l’INTERBEV.

Par ailleurs, quelles dispositions envisagez-vous de prendre pour assurer une solidarité entre les territoires ?

Enfin, pensez-vous intégrer le règlement de cette question dans la future loi de modernisation agricole ?

M. Auguste Cazalet applaudit.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Monsieur le sénateur, nous avons lancé cette réforme du service public de l’équarrissage en 2007. C’est un sujet à la fois complexe et très sensible. Nous pensions que seuls des systèmes collectifs et mutualisés étaient à même de répondre aux nouveaux problèmes de sécurité sanitaire – sur lesquels il n’y a évidemment aucune marge de manœuvre – et d’équilibre financier.

Nous avons progressé : chaque filière a mis en place sa structure de gestion et sera maintenant en mesure d’honorer le contrat signé avec les équarrisseurs et entré en vigueur le 18 juillet dernier.

On peut estimer que, six mois après son entrée en vigueur, cette réforme est globalement un succès. Les nouveaux marchés passés pour deux ans arriveront à terme en juillet 2011.

Pour répondre très précisément à votre question, il faut bien distinguer la cotisation de l’éleveur et le nombre d’opérateurs. Il est effectivement tout à fait envisageable que les éleveurs continuent à payer une cotisation unique et mutualisée à une interprofession nationale. Vous avez cité l’INAPORC et l’INTERBEV ; nous sommes en discussion avec ces interprofessions sur le sujet. Il faut évidemment que celles-ci puissent tirer le bénéfice d’une concurrence accrue en concluant des contrats avec un nouvel opérateur lors du prochain appel d’offres, mais à l’issue des contrats de deux ans, c’est-à-dire en 2011.

Par ailleurs, les nouveaux systèmes collectifs mis en place par ces deux filières présentent de nombreux avantages. Le premier, c’est évidemment le coût à la charge du producteur, qui est aujourd’hui inférieur à 15 %. Un éleveur qui sortirait de ce système pour essayer de se débrouiller seul se verrait dans l’obligation d’assumer un coût d’équarrissage beaucoup plus élevé et déstabiliserait, de ce fait, l’équilibre financier de son activité.

Tels sont les quelques éléments que je peux vous apporter aujourd'hui. Il faudra évidemment refaire le point au fur et à mesure, notamment à l’échéance des contrats en 2011. Mais nous avons, me semble-t-il, pris la bonne direction : la mutualisation et la sécurité sanitaire la plus grande sur tout le territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Dominique de Legge, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Je souhaite simplement insister sur le fait qu’il existe un décalage entre les dispositifs qui ont été votés en loi de finances de 2009 et la situation actuelle. J’ai pris bonne note que vous en étiez parfaitement conscient. Par conséquent, nous suivrons avec attention l’évolution du dossier.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

Monsieur le ministre, je tiens d’abord à vous dire que j’ai tout particulièrement apprécié vos propos lorsque vous avez dit que vous ne prendriez pas de décisions qui ne seraient pas euro-compatibles, à la différence de certains de vos prédécesseurs.

Il convient cependant de rechercher la responsabilité de ceux qui font des promesses inconsidérées. Plusieurs d’entre nous ont fait allusion au discours prononcé le mois dernier par le Président de la République. Il n’a toutefois pas rassuré totalement un monde agricole toujours légitimement inquiet face à la baisse de ses revenus, aux incertitudes planant sur la future PAC et à l’approche « dérégulatrice » de la Commission européenne. La nomination d’un nouveau commissaire, qui connaît parfaitement les enjeux de notre modèle agricole, nous réjouit tout particulièrement. Peut-être cela permettra-t-il de revenir sur certaines décisions.

Monsieur le ministre, ma question concerne le secteur agroalimentaire. Depuis deux ans, l’État a commencé à se retirer du soutien aux investissements des PME, laissant les régions cofinancer les investissements dans le cadre du plan de développement rural hexagonal, le PDRH, en complément du financement du Fonds européen agricole pour le développement rural, le FEADER.

Les crédits du Fonds d’intervention stratégique des industries agroalimentaires, le FISIAA, s’élèvent seulement à 7, 5 millions d’euros en autorisations d’engagement, contre 14, 5 millions d’euros en 2009. Cette coupe dans le budget est difficilement compréhensible, car la crise que traverse le secteur devrait vous inciter, au contraire, à développer des aides visant à conforter l’ensemble de la filière, donc l’industrie agroalimentaire, et à la rendre plus compétitive.

Certes, l’État est resté présent dans quelques grands projets d’entreprises en 2007 et 2008, mais sur des montants relativement faibles. En 2009, le FISIAA a été rouvert aux PME, mais sans véritables moyens complémentaires et sans cofinancements possibles avec le FEADER.

L’État est encore présent dans le domaine de la communication, comme les assises de l’agroalimentaire. Toutefois, pour tout le reste, ce sont bien les conseils régionaux, notamment, qui soutiennent la quasi-totalité des dossiers de modernisation des PME et apportent pratiquement seuls les cofinancements.

Monsieur le ministre, ma question est la suivante : le Gouvernement continuera-t-il à se désengager sur ce dossier ? Telle est l’interrogation de nombreux élus régionaux, mais également de tous ceux qui, sur les territoires, sont porteurs de projets.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Madame la sénatrice, j’apporterai deux réponses à vos interrogations.

Tout d’abord, l’avenir de l’agriculture française – cela n’a échappé à personne, mais je le redis clairement – se joue en Europe. Les crédits d’intervention dont dispose mon ministère sont de 2 milliards d’euros environ et les crédits d’intervention de l’Union européenne versés chaque année aux agriculteurs s’élèvent à près de 10 milliards d’euros…

Si nous voulons être à la tête du mouvement de modernisation de la politique agricole commune – je le souhaite et je le manifeste en organisant une réunion le 10 décembre prochain –, il faut être irréprochable sur les règles européennes : on ne peut pas vouloir prendre la tête du mouvement de modernisation de l’agriculture européenne et ne pas respecter les règles européennes.

De ce point de vue, je me félicite que le plan de 1, 6 milliard d’euros ait été validé aussi rapidement par la Commission européenne. Cela résulte du travail très important que nous avons réalisé en amont avec la Commission pour nous assurer que les décisions que nous prenions étaient conformes.

Par ailleurs, je n’hésite pas à dire que la nomination de Dacian Ciolos, le nouveau commissaire européen à l’agriculture, est une bonne chose. Il connaît parfaitement les enjeux et les différentes visions de l’agriculture en Europe ; il aura à cœur de les concilier et de moderniser la politique agricole commune. Je l’ai déjà eu à plusieurs reprises au téléphone, et encore tout à l’heure. Il sera un partenaire à la fois équitable et coopératif, qualités que l’on peut attendre d’un commissaire européen.

J’ai parfaitement conscience que l’industrie agroalimentaire représente un enjeu stratégique pour la France : elle a dégagé, en 2008, près de 9 milliards d’euros d’excédent commercial. Peu d’industries en France sont capables d’avoir le même résultat.

Il faut gagner en compétitivité ; c’est pour moi un sujet de préoccupation majeure. J’ai reçu mon homologue espagnol lundi dernier. Nous avons décidé de relancer, à l’échelon européen, le groupe chargé de réfléchir au renforcement de la compétitivité des industries agroalimentaires en Europe. La France doit y participer activement, afin de prendre les décisions nécessaires pour notre industrie agroalimentaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à Mme Odette Herviaux, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.

Je souhaite insister sur la nécessité d’aider l’ensemble des acteurs d’une même filière : bien sûr, les producteurs – ce que nous faisons ; les interventions d’aujourd’hui en témoignent –, mais également les industries agroalimentaires qui, notamment dans les régions les plus agricoles, représentent la colonne vertébrale de toute l’économie. Les petites et moyennes entreprises irriguent tout le territoire et leur disparition mettrait à mal l’ensemble de l’économie des régions agricoles.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Nous en avons terminé avec les questions-réponses-répliques.

Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », figurant à l’état B.

En euros

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales

Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation

Dont titre 2

286 620 688

286 620 688

Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture

Dont titre 2

689 258 419

689 258 419

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° II-217, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation

Dont Titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture

Dont Titre 2

883 796

883 796

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Il s'agit d’un amendement technique, qui vise à tirer les conséquences d’ajustements et de transferts de compétences aux collectivités territoriales pour l’année 2010 sur les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ».

Les crédits du programme « Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture » seraient ainsi minorés de 1 082 296 euros en raison des transferts qui sont prévus par les articles 82 et 104 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

Cette minoration correspond au transfert de la rémunération d’agents des services d’aménagement foncier qui ont opté pour l’intégration ou pour le détachement dans la fonction publique territoriale, mais dont le rattachement au département n’a pu être pris en compte au moment de l’élaboration du présent projet de loi de finances, compte tenu des délais d’exercice de leur droit d’option.

Les dépenses relatives à ces transferts de personnel sont compensées par l’attribution d’une part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers, votée dans le cadre de la discussion de la première partie du projet de loi de finances.

Par coordination avec le présent amendement, le plafond des autorisations d’emploi du ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche figurant à l’article 39 du projet de loi de finances pour 2010 fera l’objet d’une réduction de vingt-cinq équivalents temps plein travaillés par voie d’amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

La commission n’a pas émis d’avis particulier sur cet amendement, puisqu’il a été déposé seulement hier soir. Toutefois, à titre personnel, je suis tout à fait favorable à cette mesure de coordination, qui est neutre pour l’équilibre budgétaire.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° II-124 rectifié, présenté par MM. J. Blanc, Gouteyron, Amoudry et Carle, Mme Bruguière et MM. Huré, Faure, Juilhard, Laménie, B. Fournier et Alduy, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation

Dont Titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture

Dont Titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. Jacques Blanc.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Cet amendement vise à traduire les sentiments exprimés par plusieurs intervenants, notamment nos collègues Pierre Jarlier, Jean Boyer et d’autres membres du groupe d’études sur le développement économique de la montagne.

Des dispositions ont été adoptées en faveur de la production herbagère ; à l’époque, il fallait être courageux pour les mettre en place, et nous rendons donc hommage à M. Barnier, qui a pris ces décisions.

Toutefois, dans le présent projet de budget, les moyens financiers ne sont pas à la hauteur des objectifs fixés ; ils ne permettent pas de soutenir ceux dont les contrats arriveront à terme cette année ou les jeunes susceptibles de s’installer.

Le droit à paiement unique, ou DPU, sur les surfaces en herbe constitue une mesure positive, certes, mais il ne se substitue pas à la prime herbagère. Surtout, il nous inquiète quelque peu, d’une part, parce que le niveau de l’aide est trop faible, et, d'autre part, parce que n’y sont pas éligibles les exploitations dont le taux de chargement est inférieur à 0, 5 unité de gros bétail à l’hectare, comme l’a souligné tout à l'heure notre collègue Jean Boyer dans sa question.

Certes, monsieur le ministre, vous nous avez déjà apporté un certain nombre d’éléments de réponse. En outre, je sais bien que vous ne faites pas ce que vous voulez, que vous devez respecter certaines règles et qu’il vous faut négocier avec nos partenaires, dès lors que 75 % de ces crédits sont versés par l’Union européenne – pour une fois, rendons à l’Europe ce que nous lui devons !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Cependant, nous ne voulons pas que soient créées des distorsions entre les agriculteurs. Ceux qui bénéficiaient de cette prime doivent continuer à la percevoir jusqu’en 2014 et l’entrée en vigueur de la nouvelle PAC. Il faut aussi que les jeunes souhaitant s’installer puissent toucher cette aide, qui ne doit pas disparaître quand le DPU s’appliquera, sauf si d’autres solutions sont trouvées.

Enfin, monsieur le ministre, en répondant tout à l'heure à notre collègue Pierre Jarlier, vous avez souligné, à juste titre, que ces interventions financières attestaient d’une volonté politique de maintenir une activité agricole authentique et diversifiée dans ces territoires, en particulier dans les zones de montagne, où les paysages ne pourront être sauvés et où il ne pourra y avoir de développement durable sans agriculture. Les enjeux de l’économie, de l’aménagement du territoire et du développement durable sont ici indissociables !

Nous espérons donc, monsieur le ministre, que vous nous confirmerez les intentions que vous avez exprimées. Il est capital de rassurer nos agriculteurs, en particulier ceux du Massif Central.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° II-133, présenté par M. Repentin, Mme Herviaux, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Fauconnier, Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation

Dont Titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture

Dont Titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

M. le ministre s’est longuement expliqué tout à l’heure sur ce sujet. Il s’agit de prendre en compte les conséquences d’un nouveau dispositif ; des engagements ont été pris.

Je souhaite entendre l’avis du Gouvernement sur ces amendements, mais j’imagine qu’en une demi-heure il n’aura pas changé de point de vue et que je vous demanderai donc, mes chers collègues, de bien vouloir retirer votre amendement.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Je ne suis pas hostile sur le fond à ces amendements, vous le comprendrez aisément.

Toutefois, je m’engage à maintenir le même dispositif d’aide jusqu’en 2014, sur la base de l’accord juridique donné par la Commission. Dans cette perspective, la loi de finances sera rectifiée en 2010, un abondement de crédits permettant alors de maintenir ces primes jusqu’en 2014.

Le Gouvernement demande donc le retrait de ces amendements, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Monsieur Jacques Blanc, l'amendement n° II-124 rectifié est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

M. Jacques Blanc. Monsieur le ministre, vous venez de prendre un engagement très fort

M. le ministre acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Nous comptons sur vous, nous vous faisons confiance. Vous nous avez d’ailleurs donné des délais, ce qui nous permettra de rassurer les exploitants agricoles, et même le monde rural dans son ensemble, car ces aides ont des retombées importantes dans ces zones, où elles permettent de maintenir la vie.

N’oublions pas que pour être éleveur en zone de montagne, aujourd'hui, il faut bien du courage et de l’audace ! Nous devons accompagner ces agriculteurs, qui accomplissent des efforts importants. Ils sont aujourd'hui souvent traumatisés, mais nous les rassurerons grâce à cet engagement.

Je retire donc cet amendement, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° II-124 rectifié est retiré.

Monsieur Sueur, l'amendement n° II-133 est-il maintenu ?

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° II-65, présenté par MM. César, Soulage, Pastor et Fortassin, au nom de la commission de l'économie, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation

Dont Titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture

Dont Titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. Gérard César, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Cet amendement, déposé par les quatre rapporteurs pour avis de la commission de l’économie, vise les crédits consacrés au plan de modernisation des bâtiments d’élevage, qui s’inscrivent en nette baisse dans le projet de budget pour 2010, et ce au moment même où la crise du lait frappe durement les exploitations.

C'est pourquoi la commission propose de diviser par deux la réduction de crédits envisagée à cette ligne budgétaire. Ainsi offrirons-nous aux éleveurs, qui croient encore en leur avenir, un soutien public important, qui leur permettra d’investir de nouveau dans les bâtiments d’élevage.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

Les dispositions de cet amendement sont intéressantes. Toutefois, d’après nos évaluations, le nombre des demandes de subventions au titre du PMBE, c'est-à-dire du plan de modernisation des bâtiments d’élevage, serait en forte diminution, après une période de sollicitation assez intense.

Les 30 millions d'euros prévus dans le budget pour 2010 correspondent, selon nos estimations, au respect de la programmation pluriannuelle du dispositif. Il faut également observer que les 38 millions d'euros consacrés au plan de performance énergétique des exploitations permettront normalement aux exploitants agricoles de bénéficier d’un dispositif d’aide à l’investissement lié à la performance énergétique.

Avant de donner mon avis, je souhaiterais entendre celui du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Monsieur le rapporteur pour avis, ce plan de modernisation pluriannuel répondait à une réelle nécessité. Toutefois, nous avons observé une bosse dans les statistiques de mise en œuvre de ce plan : alors que plus de 200 millions d'euros avaient été dépensés au cours des deux premières années, le nombre des demandes a connu ensuite un très net fléchissement. Nous estimons donc que les 30 millions d'euros budgétés permettront de répondre à la demande.

J’ajoute que les 38 millions d'euros du plan « Énergie » doivent également permettre de moderniser les bâtiments d’élevage.

Pour ces deux raisons, il me semble nécessaire de nous en tenir à la proposition du Gouvernement. Je demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi j’émettrais un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Je demande moi aussi à l’excellent rapporteur pour avis de la commission de l’économie de bien vouloir retirer son amendement, même s’il est d’une qualité exceptionnelle.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° II-65 est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

M. Gérard César, rapporteur pour avis. Je n’ignore pas que cet amendement est d’une qualité exceptionnelle.

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° II-65 est retiré.

Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° II-132, présenté par M. Sueur, Mmes Herviaux et Bourzai, MM. Bourquin, Courteau, Chastan, Guillaume, Fauconnier, Peyronnet, Mazuir et Marc, Mme Blondin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation

Dont Titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture

Dont Titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Les quatre amendements en discussion commune vont dans le même sens, me semble-t-il. J’espère donc qu’une suite favorable leur sera réservée.

De toutes parts, on affirme qu’il faut maintenir les crédits destinés aux ADASEA, parce que celles-ci constituent des outils essentiels de la politique des structures agricoles : elles aident les jeunes à s’installer, elles les accompagnent et contribuent à leur formation.

Je vous rappelle, monsieur le ministre, que vous avez subrepticement revu à la baisse vos objectifs en matière d’établissement des jeunes : alors qu’il était question, il y a encore peu de temps, de 7 000 installations, vous en évoquez à présent 6 000...

J’ai souligné tout à l'heure combien les financements permettant la transmission des exploitations étaient aujourd'hui fortement en baisse.

Or il est vraiment nécessaire d’aider les ADASEA à accomplir leurs missions, tout simplement pour lutter contre la concentration et l’agrandissement des exploitations agricoles, qui sont malheureusement des tendances naturelles dans certains secteurs. Toute la profession agricole, si j’en crois les grandes organisations nationales, considère qu’il vaut mieux aider des jeunes à s’installer de manière viable et efficace plutôt que d’augmenter les surfaces de ceux qui sont déjà établis.

Monsieur le ministre, nous vous demandons donc de prendre en considération le travail réalisé par les ADASEA ; nous pouvons témoigner de l’efficacité de leur action sur le terrain.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° II-125 rectifié, présenté par MM. J. Blanc, Gouteyron, Amoudry, Faure et Huré, Mme Bruguière et MM. Juilhard, Laménie, B. Fournier, Couderc et Alduy, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation

Dont Titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture

Dont Titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. Jacques Blanc.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Chacun reconnaît l’action positive des ADASEA, en particulier l’accompagnement des agriculteurs qui s’installent et la reconnaissance de pratiques agricoles de qualité. Peut-être existera-t-il demain un label « qualité environnementale » ou « haute qualité naturelle ».

Nous comprenons les contraintes budgétaires. Il n’en reste pas moins, monsieur le ministre, qu’il faut veiller à créer une dynamique nouvelle entre les chambres d’agriculture et les ADASEA.

Certaines chambres d’agriculture ont les moyens de faire face, et personne ne peut s’opposer à cette logique d’action partagée avec les ADASEA. En revanche, il est des chambres d’agriculture – et le sénateur de la Lozère ne peut manquer de le souligner – qui sont dans l’impossibilité totale d’apporter les financements nécessaires : alors qu’elles comptent un grand nombre d’exploitations, elles ne peuvent augmenter les cotisations, car elles sont déjà au plafond, et elles voient leur capacité de ressources complètement bloquée.

Monsieur le ministre, nous souhaitons tous que soient maintenus les crédits alloués à la mission des ADASEA. Tel est l’objet de l’ensemble de ces amendements. Mais l'amendement n° II-125 rectifié tend également à provoquer une prise de conscience des mesures qu’il convient de mettre en place afin de permettre à l’ensemble des chambres d’agriculture de remplir leurs missions vis-à-vis des ADASEA.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Les amendements n° II-116 rectifié ter et II-155 rectifié bis sont identiques.

L'amendement n° II-116 rectifié ter est présenté par MM. Lefèvre, Frassa, P. André et Trillard, Mme Malovry, MM. Dulait, Bizet et Milon, Mme Henneron, MM. Doublet, Laurent, J.P. Fournier, Juilhard, Gouteyron, Pierre, Couderc et Chauveau, Mme Bruguière, MM. Bécot et Faure, Mmes Des Esgaulx et N. Goulet, M. de Montesquiou, Mme Papon, MM. Martin, Carle, Fouché et Lardeux, Mme Hummel, M. Pinton, Mmes Bout et Panis, M. Pointereau, Mme Troendle, M. Mayet, Mme Sittler, MM. Cléach, Beaumont, Laménie, Zocchetto et Détraigne, Mme Desmarescaux, MM. Deneux, Vasselle et Paul et Mlle Joissains.

L'amendement n° II-155 rectifié bis est présenté par MM. Mézard, Collin, Charasse, Plancade et Tropeano.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation

Dont Titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture

Dont Titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à Mme Catherine Troendle, pour présenter l'amendement n° II-116 rectifié ter.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Comme l’a évoqué notre collègue Antoine Lefèvre lors de son intervention dans la discussion générale, cet amendement vise à abonder de 700 000 euros les crédits affectés à l’installation agricole au bénéfice des ADASEA, ce pour les raisons qui viennent d’être évoquées.

Cet amendement, qui compte un grand nombre de cosignataires, présente l’avantage d’être plus raisonnable que les deux amendements précédents.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Michel Charasse, pour présenter l'amendement n° II-155 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

M. Michel Charasse. Cet amendement a exactement le même objet que celui qui vient d’être présenté. Il vise à soutenir financièrement l’installation des jeunes agriculteurs en abondant de 700 000 euros les crédits prévus à cet effet, par prélèvement sur des dépenses administratives dont on nous dit qu’elles ne sont pas véritablement indispensables. Quand on modernise et informatise des services et des procédures, il faut savoir en tirer les conséquences au niveau des dépenses de fonctionnement. Si cela ne se traduit pas par des économies, ce n’est pas la peine d’engraisser les sociétés américaines d’informatique !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Par conséquent, nous proposons le transfert de ces 700 000 euros. Puisque nombreux sont les jeunes qui souhaitent se lancer dans ce métier difficile et de souffrance qu’est l’agriculture, on ne va pas les décourager ! Plus les paysans sont malheureux, plus les jeunes veulent s’installer !

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

Ces quatre amendements ont le même objet, mais l'amendement n° II-132 prévoit un abondement des crédits de 2, 5 millions d'euros, l'amendement n° II-125 rectifié de 1, 8 million d'euros, et les amendements identiques n° II-116 rectifié ter et II-155 rectifié bis de700 000 euros.

M. le ministre s’est déjà largement exprimé sur le fond. Malheureusement, l’installation des jeunes agriculteurs a plutôt tendance à diminuer. Vouloir à tout prix augmenter les crédits sans avoir la certitude que ceux-ci seront utilisés n’est pas opportun, d’autant que, M. le ministre l’a affirmé tout à l’heure, s’il y avait un rebond d’installations de jeunes agriculteurs en cours d’année, un effort serait consenti pour faciliter leur établissement. En outre, dans le cadre de la RGPP, le rapprochement qui est souhaité entre les ADASEA et les chambres d’agriculture va dans le bon sens.

L'amendement que nous examinerons tout à l’heure et qui porte sur le financement des chambres d’agriculture s’inscrit dans cette logique. Son adoption permettra de soutenir différentes actions, notamment l’aide à l’installation des jeunes agriculteurs.

Avant de me prononcer définitivement, je souhaite connaître l’avis du Gouvernement. M. le ministre apportera sans doute des précisions.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements. Je souhaite expliquer la logique qui sous-tend cet avis.

Jean-Pierre Sueur l’a souligné, l’installation des jeunes agriculteurs reste un objectif essentiel. J’en veux pour preuve la dotation pour les prêts à l’installation des jeunes agriculteurs, qui augmente de 4, 5 millions d’euros en crédits de paiement pour 2010. Le Gouvernement fait des efforts en la matière. C’est un choix clairement affirmé !

Par ailleurs, il faut garder un point de contact dans les chambres d’agriculture – je l’ai constaté dans mon département de l’Eure – pour que les jeunes agriculteurs qui souhaitent s’installer puissent disposer d’un interlocuteur qui suive leur dossier et les aide dans leurs choix. Une telle démarche prend plusieurs mois.

Cela étant, il importe d’améliorer l’organisation actuelle. Aujourd'hui, un tiers des chambres d’agriculture ont déjà opéré ce processus de rapprochement et de fusion avec les ADASEA. Il est donc possible d’agir différemment et de manière beaucoup plus efficace en économisant l’argent public.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

M. Bruno Le Maire, ministre. Par cohérence, j’annonce d’emblée que le Gouvernement émettra un avis favorable sur l’amendement que présentera tout à l’heure Gérard César et qui vise à augmenter de 1, 5 % les moyens de fonctionnement des chambres d’agriculture. Mais on ne peut pas avoir le beurre, l’argent du beurre et la crémière !

Sourires

Rires.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

On ne peut pas augmenter le budget des chambres d’agriculture sans demander, dans le même temps, un effort de regroupement des services de celles-ci et de ceux des ADASEA afin de réduire les coûts.

De surcroît, prendre de l’argent dans le programme 215 me pose problème. Je demande énormément aux services de mon ministère. Ainsi, le 1er octobre dernier, il a été procédé au versement anticipé de 70 % des aides de la PAC, ce qui a permis un soulagement majeur pour les exploitants. Cela a exigé des traitements informatiques accélérés et un travail supplémentaire de la part des agents de mon ministère. Il m’est impossible de leur expliquer que nous sommes en période de crise, qu’ils doivent travailler plus et plus rapidement et que je retire néanmoins 2, 5 millions d’euros ou 700 000 euros sur les crédits qui leur sont consacrés !

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Pour répondre aux demandes qui ont été formulées et pour témoigner de l’état d’esprit constructif qui est le mien, je m’engage à prendre, pour 2010, 700 000 euros au bénéfice des ADASEA sur le programme 154, pour solde de tout compte, plutôt que sur le programme 215, au regard des efforts accomplis par les agents de mon ministère.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

Dans la mesure où M. le ministre vient d’accepter d’accorder des crédits supplémentaires pour améliorer le fonctionnement des ADASEA, je ne puis qu’être d’accord avec lui.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Gérard César, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

M. Gérard César, rapporteur pour avis. Dans une vie antérieure, j’ai été président d’une chambre d’agriculture. Dans une vie plus antérieure encore, j’ai été président des jeunes agriculteurs de mon département.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

M. Michel Charasse. C’était il y a longtemps !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

J’ai été membre du centre départemental des jeunes agriculteurs et du centre national des jeunes agriculteurs.

Aujourd'hui, compte tenu des difficultés du monde agricole, il convient de rationaliser les services relatifs à l’agriculture. La dotation jeune agriculteur a été augmentée voilà plusieurs années. Il faut un rapprochement entre les chambres d’agriculture et les ADASEA afin d’offrir un meilleur service aux agriculteurs.

M. le ministre vient de prendre un engagement important. C'est la raison pour laquelle je demande le retrait de ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Je tiens à saluer les efforts de M. le ministre, aidé par Françoise Férat, en matière d’enseignement agricole. La filière a été renforcée, qu’il s’agisse de l’enseignement agricole ou de la fiscalité, notamment grâce à un certain nombre d’amendements déposés par M. Gérard César dans la première partie du projet de loi de finances pour 2010.

J’en viens à l’installation des jeunes agriculteurs. Dans les contributions des jeunes agriculteurs au projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche qui doit nous être prochainement soumis, le premier point porte sur les moyens de faciliter l’installation des jeunes ; les procédures doivent être simplifiées.

La proposition que vient de formuler M. le ministre devrait satisfaire les auteurs de ces amendements et donner un signal très positif aux jeunes qui s’engagent dans cette voie difficile.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Monsieur Charasse, l'amendement n° II-155 rectifié bis est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Les membres du groupe du RDSE, qui souhaitent une augmentation de 700 000 euros des crédits d’aides à l’installation des jeunes agriculteurs, ont proposé un amendement visant à permettre ce transfert de crédits. M. le ministre donne son accord, mais en procédant d’une autre manière. Pour ma part, je considère que les auteurs de cet amendement ont satisfaction.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

(M. le ministre acquiesce.) Dans ce cas, je retire l’amendement ! Si j’avais su, j’aurais demandé un million d'euros !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Si M. le ministre nous le confirme, nous pourrons dès ce soir annoncer à celles et ceux qui nous ont saisis de cette question que 700 000 euros de moyens supplémentaires seront bien mis en œuvre dans le cadre de l’exécution du budget pour 2010. §

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° II-155 rectifié bis est retiré.

Monsieur Jacques Blanc, l'amendement n° II-125 rectifié est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Cet amendement visait à permettre l’échange et le dialogue, mais surtout à vous sensibiliser, monsieur le ministre. Vous avez répondu positivement. Je souhaite malgré tout que les problèmes des chambres d’agriculture qui disposent de peu de ressources soient pris en compte.

Cela étant, je retire cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° II-125 rectifié est retiré.

Madame Troendle, l'amendement n° II-116 rectifié ter est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La raison l’a emporté et je vous en remercie, monsieur le ministre.

Par conséquent, je retire cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° II-116 rectifié ter est retiré.

Monsieur Sueur, l'amendement n° II-132 est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je salue le geste de M. le ministre. Il eût été tout aussi simple d’adopter les amendements identiques.

L'amendement n° II-132 vise à maintenir les crédits au niveau de l’année dernière, sans même tenir compte de l’inflation, afin que les moyens accordés aux ADASEA soient constants.

Pour le principe, je le maintiens, tout en soulignant le pas positif qui vient d’être franchi.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° II-66, présenté par MM. Fortassin, César, Soulage et Pastor, au nom de la commission de l'économie, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

en euros

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation

Dont Titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture

Dont Titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. Gérard César, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Cet amendement, qui a été déposé sur l’initiative de notre collègue François Fortassin, vise à abonder de 200 000 euros les crédits destinés au soutien aux associations foncières pastorales.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

Les associations foncières pastorales jouent un rôle important dans certaines régions en mettant à disposition des éleveurs des terrains. La commission émet un avis favorable.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Là encore, j’aurais préféré que les crédits soient pris sur un autre programme. Je ne saurais trop insister sur les efforts que je demande à mon administration ! Néanmoins, convaincu par l’argumentation de M. César et étant moi-même sensible à la question des associations foncières pastorales, je donne un avis favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

Ces crédits sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural », figurant à l’état D.

en euros

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Développement agricole et rural

Développement et transfert en agriculture

Recherche appliquée et innovation en agriculture

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

Ces crédits sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

J’appelle en discussion les amendements tendant à insérer un article additionnel avant l’article 51, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ».

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° II-64, présenté par MM. César, Soulage, Fortassin et Pastor, au nom de la commission de l'économie, est ainsi libellé :

Avant l'article 51, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le II de l'article 1604 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Au titre de l'exercice budgétaire 2010, une part du produit de la taxe est reversée par les chambres départementales d'agriculture aux chambres régionales d'agriculture à hauteur de 4 % minimum de la recette fiscale totale régionale, déduction faite des versements au fonds national de péréquation des chambres d'agriculture. Cette part est portée à 7 % minimum à compter de l'exercice 2011 et 10 % minimum en 2012. »

II. - Les sixième à dernier alinéas de l'article L. 221-9 du code forestier sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :

« Une part du produit de la taxe perçue sur tous les immeubles classés au cadastre en nature de bois est reversée par les chambres départementales d'agriculture aux chambres régionales d'agriculture à hauteur de 33 % de la recette fiscale, déduction faite des versements au fonds national de péréquation et d'action professionnelle des chambres d'agriculture mentionnés au deuxième alinéa du présent article et à l'article L. 141-4.

« Cette part est portée à 43 % en 2011.

« Ces crédits sont affectés à la réalisation d'un plan pluriannuel régional de développement forestier établi et mis en œuvre par les acteurs de la production forestière et par les chambres d'agriculture. Le contenu de ce plan et les modalités de sa validation par l'autorité administrative sont fixés par décret. »

III. - Au deuxième alinéa de l'article L. 514-1 du code rural, après les mots : « pour 2009 » sont insérés les mots : « et pour 2010 ».

IV. - En conséquence faire précéder cet article de l'intitulé :

Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales

La parole est à M. Gérard César, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Nous souhaitons donner aux chambres d’agriculture les moyens d’exercer leurs missions. À cette fin, nous proposons d’augmenter de 1, 5 % le taux de la taxe afférente, qui, je le rappelle, est payée par les agriculteurs. C’est une mesure très raisonnable, mais nécessaire pour tenir compte de l’inflation.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

M. Michel Charasse. Pour une fois que M. César propose d’augmenter les taxes payées par les paysans !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

Le présent amendement a un double objet.

Il s’agit, d’une part, de fixer le taux d’augmentationmaximal de la taxe que chaque chambre départementale d’agriculture peut inscrire à son budget. Le dispositif tend, en fait, à reconduire le taux d’augmentation existant, qui est déjà de 1, 5 %.

Il s’agit, d’autre part, d’accroître le taux de reversement du produit de la taxe aux chambres régionales d’agriculture. Le choix de le porter à 4 % en 2010, à 7 % en 2011 puis à 10 % en 2012 répond à une montée en puissance de l’échelon régional au sein des chambres d’agriculture. Le degré de mutualisation a été négocié par les professionnels et il correspond à l’approche du Gouvernement.

La commission émet un avis favorable.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Pour les raisons indiquées par M. César et par M. le rapporteur spécial, le Gouvernement émet un avis favorable.

Cet amendement est d’autant plus justifié que des missions nouvelles sont confiées aux chambres d’agriculture, liées au Grenelle de l’environnement ou relatives à la collecte de la taxe d’équarrissage.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, avant l'article 51.

L'amendement n° II-134, présenté par M. Repentin, Mme Herviaux, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Fauconnier, Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Avant l'article 51, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement présente au Parlement avant le 31 mars 2010 un rapport sur les conditions de mise en œuvre sur le territoire national de la prime à la surface herbagère et sur les conséquences de sa décision de non renouvellement des contrats de prime herbagère agroenvironnementale sur la situation économique des exploitations notamment celles situées en zones de montagne.

II. - En conséquence, faire précéder cet article de l'intitulé :

Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Dans le cadre du bilan de santé de la politique agricole commune, le Gouvernement français a pris la décision d’augmenter les soutiens à l’élevage à l’herbe et aux zones fragiles.

Comme nous l’avons déjà vu au cours de ce débat, le Gouvernement devait d’abord prélever à cette fin 760 millions d’euros sur les aides découplées en 2010, 700 millions d’euros étant destinés à revaloriser les droits à paiement unique sur les surfaces en herbe.

Il devait également faire en sorte que l’augmentation progressive de la modulation des fonds du premier au deuxième pilier libère des moyens supplémentaires, de l’ordre de 584 millions d’euros, pour la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE, soit 110 millions d’euros pour 2009 et 474 millions d’euros au total pour 2010, 2011 et 2012.

Or, monsieur le ministre, contrairement à ce qui avait été annoncé, vous avez décidé de ne plus renouveler les contrats PHAE à partir de 2010 et de les remplacer par la nouvelle prime à l’herbe, sur laquelle nous n’avons malheureusement que très peu d’informations.

C’est déjà plutôt une mauvaise nouvelle, puisque nous attendions des moyens supplémentaires.

Le remplacement de la prime herbagère agro-environnementale par cette prime à l’herbe risque, de surcroît, de désavantager les zones d’élevage extensif, notamment, mais non exclusivement, dans les départements de montagne, puisque la surface et le taux de chargement en bétail seront pris en compte.

Ainsi, on prévoirait un taux maximal pour un seuil de chargement égal ou supérieur à 0, 8 unité de gros bétail par hectare sur les cinquante premiers hectares, soit 75 euros par hectare, puis un taux dégressif au-delà.

Certains départements ont déjà fait leurs comptes et estiment que l’entretien des prairies permanentes risque d’en souffrir et que l’équilibre économique de certaines exploitations pourrait être compromis.

Monsieur le ministre, vous vous êtes engagé, lors de votre audition par la commission au Sénat, le 24 novembre dernier, à ce que les exploitants qui touchaient la prime herbagère agro-environnementale ne perdent pas un euro avec la nouvelle prime. Mais ce genre de promesses, comme dans le cas de la taxe professionnelle, nous laisse quelque peu méfiants…

Selon vous, monsieur le ministre, la revalorisation de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels, ou ICHN, devrait, par ailleurs, permettre de maintenir les grands équilibres dans les zones de montagne.

Des doutes et des incertitudes subsistant, nous pensons qu’il serait salutaire et utileque le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur les conditions de mise en œuvre de ce nouveau paiement à l’herbe et sur les conséquences de la suppression de la prime herbagère agro-environnementale, notamment dans les zones d’élevage extensif.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

Ce sujet a été évoqué à plusieurs reprises cet après-midi. Quelque bonne que soit l’intention de faire procéder à une évaluation de l’application du nouveau dispositif, il me paraît difficile et pour le moins prématuré de fixer l’échéance au 31 mars 2010, soit dans trois mois. De surcroît, nous venons de réduire les crédits de l’administration centrale du ministère.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

Néanmoins, c’est un sujet qui mériterait d’être réexaminé lors de la discussion budgétaire de l’année prochaine. En tant que rapporteur spécial, je suis disposé à inclure les résultats d’une enquête sur pièces et sur place dans le prochain rapport de la commission des finances.

Pour l’heure, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Sur cette question sensible et importante de la PHAE, j’ai pris un engagement lourd, et les actes plaideront mieux qu’un rapport.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » et des crédits du compte spécial « Développement agricole et rural ».

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Sécurité ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Sécurité » est dotée, pour 2010, de 16, 649 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et de 16, 397 milliards d’euros de crédits de paiement, soit une augmentation de 1, 3 % par rapport à 2009.

Avec 14, 084 milliards d’euros, les dépenses de personnel constituent 85, 9 % de ces crédits. La mission « Sécurité » est donc, avant tout, une mission de personnel, et cette caractéristique forte induit une vraie rigidité de son pilotage.

En 2009, la mission a connu une évolution importante avec le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur. Cette évolution ne remet en cause ni le statut militaire de la gendarmerie ni le dualisme policier ; elle consiste en un rattachement organique et opérationnel en vue d’améliorer l’efficacité de la politique de sécurité.

Du point de vue de la lutte contre la délinquance, un infléchissement notable de la performance doit être relevé depuis les mois de mars et d’avril 2009.

En effet, le nombre de crimes et délits constatés entre janvier 2009 et septembre 2009 a crû de 0, 45 % par rapport à la même période de 2008.

Plus particulièrement, sur la même période, le nombre des atteintes volontaires à l’intégrité physique a progressé de 4, 08 %. En zone police, cet indicateur s’est plus fortement dégradé, avec une augmentation de 4, 61 %, qu’en zone gendarmerie, où elle a atteint 2, 12 %.

Ces résultats rompent certes avec la tendance à l’amélioration continue et incontestable des résultats depuis 2002, mais il est encore trop tôt pour savoir si cette dégradation est passagère ou destinée à être durable. Les données tout récemment rendues publiques par l’Observatoire national de la délinquance, l’OND, incitent d’ailleurs à beaucoup de mesure dans le jugement.

Ainsi, en octobre 2009, la délinquance générale a de nouveau reculé, de 5, 94 %, par rapport au mois d’octobre 2008, tandis que le nombre des escroqueries et des infractions économiques et financières, notamment, a chuté de 9, 75 %.

Concernant cette mission, je veux une nouvelle fois souligner l’importance de la coopération internationale qu’elle sous-entend, via le service de coopération technique internationale de police, le SCTIP. Le savoir-faire, l’expérience et la maîtrise technologique des forces de sécurité françaises constituent un atout à valoriser à l’échelon international. La coopération en matière de sécurité produit non seulement des conséquences positives sur la sécurité intérieure, mais elle permet aussi de créer ou d’entretenir des relations avec des pays qui sont parfois tenus en marge des relations internationales. Il s’agit donc là d’un levier diplomatique à ne pas sous-estimer.

Le programme « Police nationale » comporte 8, 915 milliards d’euros de crédits de paiement, soit une hausse de 1, 9 %. Ce programme enregistre une réduction de ses effectifs de 1 390 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, avec un plafond d’emplois fixé à 144 790 ETPT. Cette baisse des effectifs s’inscrit dans une programmation triennale portant sur la période 2009-2011 et prévoyant, à son terme, la suppression de 4 000 postes de policier.

Un motif de satisfaction réside dans la reprise de l’effort d’investissement au sein du programme : les crédits de paiement progressent de 5, 8 % et les autorisations d’engagement enregistrent une très forte hausse, de 88, 2 %.

Cette augmentation des autorisations d’engagement s’explique essentiellement par la mobilisation de 61 millions d’euros supplémentaires pour l’investissement immobilier et de 88 millions d’euros supplémentaires consacrés à la modernisation technologique de la police.

Il faut souhaiter que ces mesures soient de nature à dissiper un certain malaise au sein de la profession de policier, malaise qui s’est encore aujourd’hui même exprimé par des rassemblements syndicaux, monsieur le ministre.

Le programme « Gendarmerie nationale » est doté de 7, 665 milliards d’euros de crédits de paiement, soit une légère hausse de 0, 7 %.

Comme la police, la gendarmerie connaîtra, en 2010, une réduction de ses effectifs : son plafond d’emplois est fixé à 98 155 ETPT, soit une baisse de 1 354 ETPT. Ici aussi, ce mouvement s’inscrit dans une programmation triennale prévoyant, à son terme, la suppression de 3 000 emplois de gendarme.

Il faut toutefois le souligner, le projet de loi de finances pour 2010 prévoit les mesures nécessaires permettant un déroulement de carrière identique pour les sous-officiers et les officiers de gendarmerie et pour les fonctionnaires des corps actifs de la police nationale.

La réalisation du plan d’adaptation des grades aux responsabilités exercées, le PAGRE, rénové, débouchera sur un équilibre entre la police et la gendarmerie en 2012, date de la mise en œuvre complète du protocole « corps et carrières » de la police nationale. Cette information me semble tout à fait importante.

Par ailleurs, l’opération en Afghanistan explique, pour une très large part, les surcoûts prévisionnels des opérations extérieures, les OPEX, pour la gendarmerie nationale en 2009. Alors que l’autorisation initiale de dépense était fixée à 15 millions d’euros, un surcoût de 21, 7 millions d’euros est à déplorer.

En matière de sécurité, il convient de sortir des querelles sémantiques qui ont trop souvent brouillé la réflexion sur la question de la police de proximité. La récente mise en place des unités territoriales de quartier, les UTEQ, et des compagnies de sécurisation illustre une façon plus moderne d’aborder ce sujet : de manière dépassionnée et essentiellement pragmatique.

Les premiers résultats de ces unités sont d’ailleurs encourageants. À l’inverse de la police de proximité telle qu’on a pu la connaître dans sa version précédente, dont le fonctionnement induisait, en particulier, la création de locaux de police coûteux en effectifs et peu utiles au regard, notamment, du nombre de plaintes, ce nouveau mode d’action ne fige pas la capacité opérationnelle des forces de police. Il ne la disperse pas non plus ! Or la police de proximité doit avant tout être évaluée du point de vue de l’efficacité opérationnelle.

Les crédits consentis aux programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » contribueront d’autant plus à l’efficacité de nos forces de sécurité que celles-ci continueront d’avancer sur la voie de la rationalisation de leurs moyens. Je veux ici insister très fortement sur ce point. En effet, le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur ne peut en aucun cas être une fin en soi : il constitue une étape sur un chemin encore long.

Dans le cadre du rapprochement entre les deux forces, la priorité doit désormais être donnée à la chasse aux doublons. Les gains espérés du rattachement de la gendarmerie ne pourront être pleinement perçus qu’à cette seule condition, impérative.

Dans le domaine du renseignement et de la collecte de l’information, par exemple, est-il encore judicieux d’éparpiller nos moyens entre deux structures parallèles ?

De même, en matière de police scientifique et technique, est-il rationnel de conserver six laboratoires de police nationale et un laboratoire de gendarmerie nationale, l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale, l’IRCGN ? Une plus grande concentration des moyens s’imposerait pourtant dans ce domaine particulièrement sensible et porteur de résultats en termes d’amélioration du taux d’élucidation des affaires.

Nos forces de sécurité s’appuient aujourd’hui sur des unités d’intervention de très haut niveau, qui ont su faire, à maintes reprises, la démonstration de leur efficacité, de leur maîtrise technique et de leur sang-froid. Mais comment justifier aujourd’hui la superposition redondante de l’unité « Recherche, assistance, intervention, dissuasion », ou RAID, et du Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale, le GIGN ? Je sais que de tels propos blessent certaines oreilles, mais il faut rationnaliser l’organisation et ne pas s’attacher uniquement aux symboles !

La police et la gendarmerie ne sont pas au terme de leur processus de mutation. En aucun cas elles ne peuvent rester au milieu du gué. Le scénario souhaitable me paraît être, au minimum, une spécialisation de ces deux forces sur des secteurs géographiques et de compétences distincts : à la police, par exemple, la police judiciaire et le renseignement ; à la gendarmerie, la sécurisation des zones non urbaines et la lutte contre la délinquance routière.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

La réflexion mérite certes d’être poursuivie, mais le statu quo n’est pas permis. Au-delà des traditions et des situations historiquement établies, il s’agit aujourd’hui d’imaginer une nouvelle étape dans la modernisation de nos forces de sécurité, de faire bouger les lignes en fonction d’une analyse précise et objective des besoins et, finalement, de concevoir une gendarmerie encore plus efficace dans des missions repensées.

En conclusion, la commission des finances propose au Sénat l’adoption des crédits proposés pour la mission « Sécurité » et pour chacun de ses deux programmes.

M. le président de la commission des finances applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. le président de la commission des lois, en remplacement de M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Sécurité » seront encadrés en 2010, comme ils l’étaient déjà en 2009, par trois textes : la loi de programmation des finances publiques, qui tend à plafonner, à l’horizon de 2011, les dotations en autorisations d’engagement et en crédits de paiement de la mission ; la révision générale des politiques publiques, la RGPP, qui implique une participation de l’ensemble des services de l’État à l’objectif de maîtrise des dépenses publiques ; le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dit LOPPSI.

Monsieur le ministre, ce dernier texte, qui encadre les moyens de la sécurité intérieure pour la période 2009-2013, a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 27 mai 2009, mais n’a toujours pas été inscrit à l’ordre du jour ! Pourtant, 2010 est sa deuxième année d’exécution et une partie importante des crédits d’investissement de cet exercice est adossée à ce projet de loi.

Le projet annuel de performance du budget pour 2010 renvoie ainsi à de nombreuses reprises à un texte que nous sommes encore loin de connaître sous sa forme définitive. Je sais que vous n’y êtes pour rien, monsieur le ministre, mais il serait fort souhaitable qu’il puisse être enfin examiné par le Parlement le plus rapidement possible. Sinon, il faudra élaborer un nouveau texte !

Les crédits de la mission ayant déjà été exposés, j’insisterai sur trois points particuliers.

Tout d’abord, le contexte actuel de contrainte budgétaire implique, pour maintenir de bons résultats, davantage d’efficacité encore dans l’action des forces de l’ordre. Cela passe nécessairement par une collaboration plus approfondie entre la gendarmerie et la police. À cet égard, il ne me semble pas souhaitable, je tiens à le dire, d’aller au-delà de la loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale, qui est un texte d’équilibre. Pour ma part, monsieur le rapporteur spécial, je m’oppose à ce qu’il y ait une seule force de police judiciaire. Cela ne me semble pas correspondre à la volonté du Gouvernement et du Parlement.

M. Jean Faure, rapporteur pour avi

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

La loi de finances de 2009 et la loi du 3 août 2009 ont organisé le rattachement budgétaire, organique et fonctionnel de la gendarmerie nationale au ministre de l’intérieur. La coopération passe déjà par une mutualisation de plus en plus poussée des moyens.

Cependant, comme j’ai pu le constater, il existe encore des incompréhensions entre policiers et gendarmes sur le rapprochement qui est en train de s’opérer. Regrouper, comme vous envisagez de le faire, monsieur le ministre, les forces d’intervention de la police nationale serait déjà un grand progrès.

Tout en allant plus loin dans la coopération sur le terrain, il conviendra donc de poser clairement les limites du rapprochement, afin qu’aucune des deux forces ne se sente menacée dans sa spécificité.

Par ailleurs, je voudrais insister sur la nécessité d’une amélioration des outils technologiques dont disposent la police et la gendarmerie pour lutter contre la délinquance.

Le constat en a été fait : la période de janvier à septembre 2009 a été marquée par une légère augmentation des faits de délinquance – la situation s’est toutefois améliorée depuis – et la délinquance de proximité a également cessé de baisser cette même année.

Cette stabilisation n’est pas particulièrement étonnante, tant la baisse a été forte au cours des dernières années. Néanmoins, il faut y voir le signe qu’il est nécessaire de poursuivre dans la voie de la modernisation des moyens employés par la police et la gendarmerie. M. Courtois met l’accent sur le recours aux moyens modernes, notamment l’utilisation des empreintes digitales et des empreintes génétiques, pour améliorer le taux d’élucidation des délits et des crimes.

Bien entendu, une telle évolution implique davantage de moyens. Il convient d’explorer la possibilité d’instaurer une taxe sur les assurances, qui permettrait à la police scientifique et technique, lorsqu’elle retrouve le butin d’un cambriolage, par exemple, de récupérer une partie de la somme que les assurances, sans son intervention, auraient eu à débourser. Comme M. Courtois a pu le constater, les compagnies d’assurances elles-mêmes ne sont pas hostiles à cette idée. Un tel dispositif pourrait-il être prochainement élaboré, monsieur le ministre ?

Je voudrais enfin évoquer la vidéosurveillance. Comme le montre le rapport d’information élaboré par MM. Jean-Patrick Courtois et Charles Gautier, la vidéosurveillance a trop souvent été développée de manière empirique, voire anarchique, sans réflexion approfondie sur son utilisation et sans que les images filmées soient suffisamment exploitées dans des procédures judiciaires.

C’est pourquoi je note avec satisfaction que les futures mises en œuvre de cette technologie s’appuieront sur des principes de bon sens, tels qu’un maillage suffisant du territoire surveillé et une liaison systématique avec les forces de l’ordre. Seront ainsi déployés, en 2010, soixante-quinze systèmes municipaux « types » de vidéosurveillance urbaine, raccordés à des centres de supervision eux-mêmes reliés au commissariat ou à la gendarmerie.

Le rapport précité concluait également à la nécessité d’informer davantage le public de l’existence des systèmes de vidéosurveillance, afin que le contrôle démocratique indispensable à la préservation des libertés publiques puisse s’exercer.

Il préconisait, enfin, de confier à la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la mission d’autoriser et de contrôler l’ensemble de ces systèmes. Le rapport d’information de M. Yves Détraigne et de Mme Anne-Marie Escoffier sur la vie privée et les mémoires numériques a également repris cette préconisation. Pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, de quelle manière il sera tenu compte de ces recommandations ?

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Sécurité ».

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Faure

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, après avoir perdu 1 200 emplois en 2009, la gendarmerie devrait encore en perdre 1 300 en 2010, par la stricte application de la révision générale des politiques publiques. Cette évolution nous inquiète pour le maillage du territoire, qui nous paraît essentiel, et certains d’entre nous se sont déjà fait l’écho de réductions d’effectifs ou de menaces de fermeture de brigades. Il ne faudrait pas mettre en péril l’équilibre actuel, même si nous ne nous opposons nullement à la RGPP.

En ce qui concerne la participation de la gendarmerie aux opérations extérieures, les OPEX, il est de tradition d’inscrire au budget des sommes qui ne correspondent pas à la réalité des dépenses, monsieur le ministre. Les effectifs concernés sont nombreux : actuellement, près de 430 gendarmes français participent à des OPEX, notamment dans les Balkans, en Afrique ou en Géorgie. De plus, 150 gendarmes vont partir en Afghanistan. Or, 15 millions d’euros de crédits sont prévus au titre des OPEX, et l’on sait très bien que cette dotation sera tout à fait insuffisante pour couvrir les dépenses. En effet, pour la seule mission en Afghanistan, on prévoit déjà un surcoût de 15 millions d’euros en 2009 et de 12 millions d’euros en 2010. Faute de financement suffisant, ces crédits seront prélevés sur d’autres postes, par redéploiements.

Je considère donc, monsieur le ministre, qu’il serait souhaitable de mieux évaluer le coût prévisible des OPEX et, en cas de dépassement, de les financer sur un fonds interministériel, à l’image de ce qui est prévu pour les armées.

Enfin, j’évoquerai la lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane. J’ai eu la chance d’effectuer un « stage d’immersion » d’une semaine dans ce département français grand comme le Portugal ou le Népal, recouvert à 96 % par la forêt amazonienne et qui accueille la base spatiale de Kourou. Les quelque 900 gendarmes présents sur place accomplissent un travail colossal. Je tiens à saluer leur dévouement, leur humanisme et leur compétence, d’autant que les moyens dont ils disposent ne me semblent pas être à la mesure de leur mission.

Si l’opération « Harpie » a donné des résultats, on ne détruit qu’une dizaine de sites d’orpaillage illégaux par an alors que 800 ont été dénombrés. De plus, les orpailleurs illégaux reviennent quelques jours après avoir été chassés. Un véritable problème de souveraineté se pose donc, et le retrait des 350 soldats chargés d’accompagner la mission « Harpie » et de participer à la surveillance de la base de Kourou constituerait à mon sens un signal très négatif.

Je terminerai en exprimant mon désaccord avec certaines des conclusions de M. de Montesquiou. Si j’approuve pleinement votre jugement sur les crédits, mon cher collègue, votre analyse me paraît ne pas tenir compte de tout le travail accompli par le Sénat lors de l’élaboration de la loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale. L’encre de ce texte n’est pas encore sèche que déjà sont remises en cause un certain nombre des dispositions que nous avions réussi à imposer, notamment au travers de l’adoption ou de la reprise des dix-huit amendements qu’avait déposés la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Certes, vous avez raison de dénoncer les doublons, mais l’exercice a ses limites : à force d’en voir partout, on pourrait en venir à remettre en cause le bicaméralisme ! Il faut savoir que la démocratie a un prix et qu’il est très important d’avoir une force de sécurité à statut militaire et une force de sécurité à statut civil. La gendarmerie ne doit pas être cantonnée à sanctionner les excès de vitesse : l’exercice de la police judiciaire, qui a toujours fait partie de ses missions, doit lui être conservé. Une authentique démocratie doit laisser à l’autorité judiciaire le libre choix entre deux services !

Applaudissements au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Gautier

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette année encore, le budget de la sécurité n’augmente pas.

Même si les rapporteurs pour avis se félicitent de la légère hausse du budget de la mission « Sécurité », ils reconnaissent néanmoins qu’elle est absorbée immédiatement par l’augmentation du poste des pensions, étant donné le nombre important de policiers partant à la retraite. Certes, l’année qui vient de s’écouler appartient à une période de crise, mais la prévention de la délinquance et la sécurité relèvent essentiellement de politiques de long terme, pour lesquelles les efforts consentis ne devraient pas faiblir.

J’avais tenté de démontrer, lors de l’examen du projet de budget pour 2009 de la mission « Sécurité », pourquoi cette politique n’était plus une priorité pour le Gouvernement. Il apparaît aujourd’hui clairement qu’il en va de même cette année. Malgré les annonces du Gouvernement et du Président de la République, l’État ne manifeste pas de réelle volonté politique d’assurer la sécurité des Français dans les années à venir.

Cette année encore, le Gouvernement se félicite de la suppression de postes de policier et de gendarme, alors que les chiffres de la délinquance ne montrent aucune amélioration de la situation.

S’il est déjà paradoxal de réduire les effectifs des forces de l’ordre tandis que les chiffres de la délinquance tendent à augmenter – je ne reviendrai pas sur l’éternel débat de la véracité des chiffres –, il est surtout assez incompréhensible que cette réduction des effectifs intervienne alors que de nouvelles missions sont attribuées aux forces de l’ordre !

Ainsi, prenons l’exemple des unités territoriales de quartier : si nous nous félicitons de ce que, après avoir supprimé la police de proximité, vous la rétablissiez sous une autre dénomination, il est curieux de le faire dans un contexte de réduction des effectifs !

Mais par-dessus tout, monsieur le ministre, les fonctionnaires de police souffrent, ce qui les amène à descendre dans la rue, comme hier à Toulouse et aujourd’hui dans toute la France.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

C’est le fait d’un seul syndicat…

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Gautier

Ils vous disent régulièrement le malaise qu’ils ressentent au quotidien. Ils nous alertent nous aussi, parlementaires !

Les policiers en ont assez de la politique du chiffre – ils parlent d’ailleurs de « bâtonite » ! Cela pourrait prêter à sourire si le sujet n’était aussi grave. De plus en plus de fonctionnaires s’interrogent sur leur utilité sociale et sur la manière dont on leur demande d’accomplir leurs missions. Ils déplorent la logique de production imposée depuis sept ans, qui laisse très peu de temps à l’investigation, creuse le fossé avec la population et finit même par saper l’efficacité des services de police. En 2010, les policiers devront continuer à faire toujours plus avec moins d’effectifs, pour gagner la même chose, contrairement à ce qui avait été promis…

La situation est alarmante. Cette année encore, le projet de budget qui nous est soumis nie, dans sa présentation, l’existence du Parlement. En effet, le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure est censé encadrer les moyens alloués à la sécurité intérieure pour la période 2009-2013. Or ce texte n’a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale que le 27 mai dernier et, qui pis est, il n’a même pas encore été inscrit à l’ordre du jour ! Nous devons donc nous prononcer sur la deuxième année d’exercice d’un projet de loi qui n’a pas encore été adopté par le Parlement ! Cette absurdité est assez révélatrice de la façon dont le Gouvernement considère les travaux des parlementaires !

Cette année encore, le Gouvernement se repose sur la bonne volonté des maires des communes les plus défavorisées, qui doivent faire face au quotidien aux violences. Les élus locaux sont de plus en plus seuls face aux citoyens qui les sollicitent sur ces questions. Les maires sont les pivots des politiques de prévention de la délinquance, et vous avez renforcé leur rôle en la matière. Lorsqu’ils constatent que les effectifs de police sont insuffisants, ils créent une police municipale !

À cet égard, les chiffres sont éloquents : en 2008, les forces de l’ordre ont perdu 6 000 agents ; dans le même temps, les communes se sont dotées de 6 000 agents affectés à la sécurité publique… Vous pouvez bien vous féliciter de la meilleure répartition des effectifs sur le territoire : dans les faits, ce sont les municipalités qui subissent les baisses d’effectifs qui sont obligées de pallier les carences de l’État. En cette période de réforme des collectivités territoriales, ces chiffres sont tout à fait frappants !

Et c’est aussi vrai pour la vidéosurveillance ! Les élus répondent à la pression du Gouvernement, qui présente la vidéosurveillance comme l’outil magique en matière de sécurité. Ils se dotent donc de tels systèmes, mais qui les finance ? Certes, le Fonds interministériel de prévention de la délinquance, le FIPD, va encore servir à 80 %, comme l’année passée, à financer ces installations, bien qu’il ait été créé à d’autres fins, désormais négligées ! Mais qui financera l’entretien du matériel ? Qui financera les emplois qui doivent nécessairement accompagner la mise en place de la vidéosurveillance ? Là encore, les collectivités locales financent des politiques essentielles pour les citoyens, mais dont l’État se désengage presque totalement !

Le Gouvernement continue d’annoncer la multiplication du nombre de caméras de vidéosurveillance, le Président de la République s’étant exprimé en ces termes le 24 novembre dernier : « Le ministre de l’intérieur a prévu, et je le soutiens totalement, […] que si un maire refuse l’installation de vidéosurveillance sur son territoire, le préfet puisse se substituer à ce maire. »

La question n’est plus, aujourd’hui, de savoir si l’on est pour ou contre la vidéosurveillance, mais de savoir comment nous la mettons en œuvre en France.

Plusieurs études montrent que c’est non pas le nombre de caméras qui assure son efficacité, mais l’intelligence des systèmes mis en place.

Le rapport d’information que M. Courtois et moi-même avons rédigé démontre aussi que l’encadrement juridique actuel de la vidéosurveillance est totalement désuet. Il est donc urgent, avant de pousser les élus locaux à se doter de systèmes de vidéosurveillance, de réformer les textes afin de garantir tous les droits de nos concitoyens.

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, notre groupe est en désaccord avec vos orientations politiques en matière de sécurité et votera donc contre les crédits de la mission « Sécurité ».

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la mission « Sécurité » est en hausse, avec 16, 6 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 16, 3 milliards d’euros de crédits de paiement.

Si l’on ne constate pas la baisse de la délinquance que vous ne cessez de mettre en avant et qui est l’objectif premier de cette mission, monsieur le ministre, on observe en revanche une forte baisse des effectifs de policiers.

Aujourd’hui, chose suffisamment rare pour être relevée, les policiers manifestent dans plusieurs grandes villes de notre pays : c’est dire l’ampleur de leur mécontentement ! Ils expriment ainsi leur colère d’être sacrifiés sur l’autel de la RGPP et des réductions d’effectifs qui l’accompagnent, mais ils manifestent aussi pour dire qu’ils refusent votre politique du chiffre qui transforme le policier en « un robot qui doit placer en garde à vue et verbaliser de manière automatique », selon les mots de M. Nicolas Comte, secrétaire général du premier syndicat de gardiens de la paix.

Ainsi, votre projet de budget prévoit la suppression de 1 390 équivalents temps plein travaillé dans la police nationale et de 1 354 dans la gendarmerie nationale. Or, comme vous le dites, monsieur le ministre, malgré la baisse des effectifs, les dépenses de personnel augmentent encore. De nouvelles suppressions d’emplois sont donc à attendre pour l’année prochaine…

En effet, la baisse des effectifs s’inscrit dans un processus triennal qui vise à supprimer environ 4 000 ETPT de policier, en particulier dans le corps d’encadrement et d’application, et 3 000 de gendarme, essentiellement parmi les sous-officiers.

Nous allons d’ailleurs nous prononcer sur des crédits qui vont servir à l’application de la LOPPSI 2, alors même que ce texte n’a pas été examiné par les assemblées, ce qui montre au passage votre profond attachement aux prérogatives du Parlement, que vous avez prétendument renforcées.

Vous avez donc pour objectif d’améliorer la productivité des policiers, mais même le syndicat Alliance a dénoncé cette politique du chiffre, qu’il juge, fort justement, contre-productive. Votre politique visant à « faire mieux pour moins cher » ne peut réussir en supprimant massivement les postes.

Or, lorsque vous mettez en avant l’objectif de mutualisation des structures et des formations, la politique d’achats groupés, le regroupement des fichiers, c’est bien vers une réduction des moyens offerts aux forces de l’ordre que l’on s’achemine.

Il est ainsi incroyable que votre budget, qui suit donc le plan triennal de réduction des effectifs, supprime tous les emplois créés à la suite de la LOPSI 1 : le manque de cohérence est flagrant.

Comment pouvez-vous, dans ces conditions, prétendre faire durablement baisser la délinquance et renforcer la lutte contre les violences aux personnes, ainsi que contre le phénomène des bandes ?

S’agissant de l’extension de l’utilisation de la vidéosurveillance – pudiquement appelée « vidéo-protection » –, qui serait, selon certains, une « technique d’avenir », le projet de budget prévoit notamment l’installation de 1 200 caméras dans Paris, pour un coût de 120 millions d’euros. À mon avis, monsieur le ministre, vous devriez écouter les critiques que formulent ceux qui ont expérimenté la vidéosurveillance, en particulier les policiers britanniques, qui soulignent son inefficacité !

Votre projet de budget, qui fait une grande place à l’utilisation de la technologie, néglige le contact avec la population, alors même que celui-ci est essentiel pour trouver des remèdes durables – mais encore faut-il en avoir la volonté – aux problèmes liés à la délinquance.

Dans cette optique, le développement d’une police de quartier, proche des préoccupations des populations, doit prévaloir sur l’organisation occasionnelle d’opérations « coup de poing », largement médiatisées mais qui se révèlent inefficaces dans la durée.

Je profite de cette occasion, monsieur le ministre, pour vous demander où en est la mise en place de la police d’agglomération parisienne. Pouvez-vous nous donner quelques précisions sur ses missions, notamment en matière de lutte contre les trafics de drogue, sur le territoire dont elle a désormais la charge ?

La police technique et scientifique est le seul secteur qui voie ses effectifs augmenter, avec 249 ETPT supplémentaires. À première vue, cela peut paraître une bonne chose, à ceci près que cette augmentation d’effectifs aura manifestement pour conséquence un développement des fichiers d’identification, y compris pour lutter contre la petite et moyenne délinquance. Des dérives pouvant porter atteinte aux libertés individuelles sont donc à craindre.

L’autre nouvelle « grande idée » est l’instauration d’un couvre-feu pour les mineurs délinquants de moins de treize ans, alors même que de nombreux tribunaux administratifs ont invalidé les arrêtés municipaux instituant un couvre-feu pour les mineurs.

Nous voici donc devant un exemple typique de votre politique de pur affichage pour occuper le terrain sécuritaire ! Si elle devait être adoptée, cette idée, vous le savez, serait inapplicable. Surtout, elle aurait pour conséquence, sur le terrain, de détourner les policiers de tâches plus importantes, alors même qu’ils ont déjà reçu pour mission prioritaire, de votre part, de faire la chasse aux étrangers et aux sans-papiers. En détournant la police de ses missions premières, c’est vous, monsieur le ministre, qui permettez la hausse de la délinquance !

Vous continuez ainsi votre offensive sur le terrain sécuritaire avec des propositions qui remettent en cause les libertés publiques, mais n’apportent rien sur le plan de la lutte contre la délinquance. D’ailleurs, les chiffres que vous avancez pour démontrer une baisse de la délinquance nous laissent aussi dubitatifs que nombre de magistrats et de policiers.

On est donc en droit de s’inquiéter lorsque l’on vous entend dire, monsieur le ministre, que vous reportez l’examen de la LOPPSI 2 pour « la muscler dans sa partie normative »…

La délinquance trouve ses racines dans les difficultés sociales et économiques que nos concitoyens endurent. Or vous ne faites rien pour remédier à ces difficultés. Bien au contraire, votre politique détruit le lien social et le désengagement de l’État dans tous les secteurs de la vie quotidienne en est devenu le symbole. Surtout, elle ne cesse d’aggraver les inégalités, en favorisant les plus riches.

Bien sûr, nous n’excusons pas les délinquants, mais, pour traquer la délinquance, il faut d’abord, nous semble-t-il, en définir les causes et s’y attaquer. Puisque vous faites fi d’une telle démarche, votre politique, dont ce projet de budget est une illustration, ne pourra qu’échouer. C’est pourquoi, sans grande surprise, notre groupe votera contre les crédits alloués à la mission « Sécurité ».

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Sécurité », cela ne fait nul doute, est au cœur des problématiques de société les plus actuelles, non pas seulement sur notre territoire, mais aussi, de façon plus large et plus globale, bien au-delà des frontières européennes. Chaque pays cherche à appliquer à ces phénomènes, avec sa culture, ses traditions, ses appareils juridiques, sa propre conception de la sécurité.

Je voudrais pouvoir me féliciter de l’application, au pays des droits de l’homme, d’une politique équilibrée, généreuse, forte des valeurs de respect de la dignité de tout un chacun. Ce vœu me paraît être pleinement partagé, mais sa mise en œuvre trouve des voies divergentes.

En premier lieu, je veux relever, monsieur le ministre, la détermination de votre administration à donner une meilleure cohérence et, dès lors, une meilleure efficience aux structures.

La fusion entre la Direction de la surveillance du territoire et les Renseignements généraux, par exemple, est effective à l’échelon central, même si, dans les départements et les régions, il semble bien que chacun cherche encore à définir son nouveau cœur de métier.

Le rapprochement – vous m’aviez reprise, monsieur le ministre, lorsque j’avais utilisé de façon erronée le mot « fusion » – entre police et gendarmerie s’est opéré sans grand retentissement. Il est vrai que la police et la gendarmerie avaient pris, depuis plusieurs années déjà, l’habitude de mieux coopérer, selon une meilleure complémentarité, dans leurs domaines communs d’intervention. La loi du 3 août dernier, dont on peut regretter la promulgation tardive, ne faisait en fait que rendre effectives les mesures arrêtées dans la loi de finances de 2009.

La réorganisation en cours des structures de police à Paris et dans les départements de la petite couronne vient conclure une réflexion depuis longtemps engagée et qui a pour mérite de s’adapter aux nouvelles modalités de la délinquance.

Comment ne pas se satisfaire, également, du retour de ce que l’on appelait, dans les années 1997-2002, la police de proximité, et qui a été rebaptisée « unités territoriales de quartier » ? Aujourd'hui comme hier, les policiers affectés à ces entités ont pour mission de développer la connaissance des quartiers et de leur population, et de créer des liens de confiance.

En deuxième lieu, je voudrais saluer les efforts faits par votre ministère pour donner, tant à la police qu’à la gendarmerie, les moyens techniques modernes nécessaires pour assurer leurs missions : développement de la vidéosurveillance, équipement des voitures de patrouille pour participer à la lutte contre la criminalité routière, amélioration des capacités d’investigation par l’utilisation de nouvelles technologies, renouvellement du parc automobile et du parc de motos… Autant d’outils qui améliorent le fonctionnement des services, mais aussi qui se voient et donnent une meilleure image de la police à l’extérieur.

Mais, en troisième lieu – il faut bien, monsieur le ministre, que j’en vienne à ce « mais » –, le budget de la mission « Sécurité » est-il à la hauteur de vos ambitions ?

Je mesure pleinement les contorsions auxquelles donne lieu l’élaboration du budget de l’État et j’imagine qu’aucun ministre n’accepte de gaité de cœur de voir brider ses moyens : tous les domaines sont essentiels pour le développement harmonieux de notre territoire. C’est notamment le cas de la sécurité, mais l’augmentation de 1, 3 % des crédits de paiement qui y sont affectés par rapport à l’exercice 2009 est bien faible rapportée à des projets qui impliquent, avant tout, la mobilisation des hommes.

Tout d’abord, comment concilier le principe de réduction des effectifs inscrit dans la RGPP avec la nécessité de déployer, dans le même temps, des moyens nouveaux pour faire fonctionner les unités territoriales de quartier, les compagnies de sécurisation des banlieues, la nouvelle police d’agglomération, les brigades de protection des familles ? Dans ce contexte, la suppression de plus de 2 600 emplois de policier ou de gendarme est très durement ressentie au sein des services.

Ensuite, ces projets nécessitent le développement de tous les moyens technologiques adaptés aux nouvelles formes de délinquance. Le déploiement du réseau de radiocommunication ACROPOL, qui a connu bien des vicissitudes, arrive à cet égard fort opportunément, moyennant 8 millions d'euros supplémentaires. C’est l’outil incontournable pour permettre à la police et à la gendarmerie, mais aussi aux services départementaux d’incendie et de secours et aux services d’aide médicale urgente, de bénéficier d’un degré de sécurisation optimal de leurs moyens de communication.

Les services de police ne disposent pas encore des moyens embarqués leur permettant de consulter efficacement les fichiers des contrevenants aux règles de la sécurité routière. Pourtant, les atteintes à cette sécurité-là constituent bien un des plus grands fléaux pour notre pays.

Parmi les nouvelles formes de délinquance, je ne voudrais pas manquer de citer la cybercriminalité.

Police et gendarmerie ont créé des services d’enquête adaptés à la traque des dévoiements de l’utilisation d’internet, outil dont on ne saurait nier l’intérêt. Mais, pour faire rendre raison à d’ingénieux criminels qui détournent l’outil informatique de sa vocation, il faut des hommes formés, ingénieux eux aussi et dotés de moyens performants. Quels moyens ont été réservés à cette mission, monsieur le ministre ?

Je pourrais bien entendu allonger la liste des domaines dans lesquels les besoins de financement sont criants, mais je suis sûre que vous disposez déjà de cette liste, sur laquelle vous avez dû cocher des priorités, « au cas où », et que vous saurez défendre vos ambitions.

Je voudrais, en dernier lieu, évoquer non pas tant des chiffres que des comportements, des habitudes de gestion, des modes de réflexion, et en particulier l’utilisation des statistiques. Qui pourrait nier que l’on fait dire aux statistiques ce que l’on veut, comme on le veut et quand on le veut ? Sur ce point, les statistiques de la délinquance sont éclairantes. La façon dont on « entre » les données, l’interprétation que l’on donne des notions de « fait constaté » et de « fait élucidé », l’importance accordée aux diverses catégories d’infractions, les outils statistiques utilisés, qu’ils appartiennent à la police ou à la gendarmerie : autant d’éléments qui peuvent jeter la suspicion sur les résultats présentés.

Je ne peux donc que me féliciter de ce que la collecte, la mise en cohérence et l’harmonisation des statistiques de la délinquance aient été confiées à l’Observatoire national de la délinquance. Je ne peux que me féliciter, également, de la volonté de cet observatoire de partager et d’échanger les analyses avec les autres administrations de l’État, en particulier l’éducation nationale. Je me demande, néanmoins, s’il n’y aurait pas intérêt à donner à cet instrument d’analyse un véritable statut indépendant, qui le mettrait à l’abri des critiques.

Les fichiers sont une autre source de préoccupation. Certes, ce thème est récurrent, mais il faut bien admettre que depuis l’affaire du trop fameux fichier EDVIGE, la vigilance est de mise. Nous sommes tous attachés à notre sécurité, mais aussi à notre liberté ; d’où les débats sur la vidéosurveillance, opportunément rebaptisée « vidéo-protection ». La multiplication des fichiers de police pose problème : ils étaient au nombre de cinquante-huit, l’an dernier ; on en compte sans doute soixante aujourd’hui. Ces fichiers, nous les voudrions tous nécessaires, tous opérants, mais pas tous interopérables ! C’est la raison pour laquelle nous sommes nombreux à nous interroger sur les protections juridiques à mettre en œuvre avant toute création de fichier. Je sais que ce problème fait aujourd’hui débat, et je suis de celles et de ceux qui souhaitent ardemment que l’on sorte d’un flou nuisible aux valeurs républicaines de liberté et de justice.

Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Monsieur le ministre, le groupe RDSE, particulièrement attaché à ces valeurs, n’ignore pas pour autant les contraintes et les contradictions auxquelles vous être confronté. Nous aurions tous souhaité un meilleur budget, qui soit à la hauteur de l’estime et du respect que nous portons aux personnels placés sous votre autorité. Certains d’entre nous s’abstiendront pour exprimer leur insatisfaction, d’autres n’approuveront pas les crédits pour dire leur déception.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à associer à mes propos M. Antoine Lefèvre, qui vous prie de bien vouloir excuser son absence.

Je souhaite tout d’abord saluer le travail des trois rapporteurs et de M. le président de la commission des lois, ainsi que celui de l’ensemble des gendarmes et des policiers, dont les missions sont de plus en plus difficiles. Ces professionnels assurent au quotidien, avec dévouement et courage, souvent au péril de leur vie, la sécurité des personnes et des biens.

Le nombre des gendarmes et des policiers décédés en mission ne peut que nous interpeller. Ainsi, dans mon département des Ardennes, deux motards de la gendarmerie ont trouvé la mort, en 2007 et 2008, à cause de l’irresponsabilité et de l’inconscience de certains individus. Avant-hier, deux gendarmes ardennais de l’escadron de Vouziers ont été grièvement blessés au cours d’une mission à Mayotte. Incontestablement, l’aspect humain doit être privilégié, en insistant sur le respect et la reconnaissance dus à ceux qui se mettent au service des autres, de la collectivité tout entière.

L’examen des crédits de la mission « Sécurité » est pour nous l’occasion de constater que les engagements pris par le Président de la République alors qu’il était encore ministre de l’intérieur sont tenus. Nous nous approchons concrètement de cette sécurité durable que les Français ont appelée de leurs vœux lors de l’élection présidentielle.

Grâce à votre détermination, monsieur le ministre, la délinquance a diminué, au mois d’octobre 2009, de 6, 21 % par rapport à octobre 2008. Mais si les chiffres sont résolument encourageants, si les choses vont mieux, nous avons encore du chemin à parcourir pour garantir une vie paisible et tranquille à tous les honnêtes gens dans nos villes, dans nos quartiers et dans nos campagnes.

Le projet de budget pour 2010 atteste que la sécurité est toujours une priorité de l’action gouvernementale, puisque plus de 16 milliards d’euros sont prévus pour financer cette mission budgétaire qui regroupe les crédits de la police et de la gendarmerie nationales.

Le projet de budget que vous nous présentez, monsieur le ministre, est équilibré. Tout en augmentant les autorisations d’engagement de 3, 29 %, vous avez su vous adapter à un contexte budgétaire difficile. Avec la crise sans précédent que nous connaissons, l’effort de rigueur doit être partagé par tous. Aussi les objectifs prioritaires sont-ils la réorganisation et la mutualisation des moyens, dans la perspective d’une optimisation de la dépense publique.

Ce projet de budget témoigne, en effet, de votre volonté de participer pleinement à la révision générale des politiques publiques et de votre engagement dans la dynamique du non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux, qui se traduit par la suppression de 2 632 postes cette année. Malgré cela, le nombre de recrutements demeure particulièrement satisfaisant en 2009, avec 4 400 emplois, dont 900 de cadet.

Ainsi, sans jamais affecter la capacité des forces de l’ordre, ce projet de budget répond à l’objectif essentiel de faire mieux à moindre coût. Force est de constater que les représentants de l’ordre l’ont bien compris, les syndicats de la police nationale étant globalement satisfaits.

M. Charles Gautier sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Ce projet de budget de la sécurité pour 2010 est bon, monsieur le ministre, car il vous donnera les moyens d’atteindre l’objectif que vous vous êtes assigné : garantir la sécurité partout et pour tous.

Votre politique de sécurité intérieure a pour ambition de faire reculer durablement toutes les formes de délinquance et de criminalité. Pour cela, elle tend à renforcer la lutte contre les violences faites aux personnes, notamment les violences intrafamiliales ou en milieu scolaire, ainsi que celles commises par les bandes, visées par la proposition de loi de M. Christian Estrosi que nous venons d’adopter.

Votre politique, par ailleurs, a pour objet de mieux réprimer les dégradations de biens, les cambriolages, les trafics de drogue, et de mieux prévenir l’insécurité routière, qui demeure un véritable fléau.

Votre projet de budget dote notre pays des moyens humains, de fonctionnement et d’équipement nécessaires pour lutter contre ces formes de violences.

La première ambition est d’amorcer les évolutions envisagées dans le cadre de la LOPPSI 2, qui est centrée sur la recherche de la performance.

Les moyens alloués à la sécurité, grâce à la LOPSI 1, adoptée le 29 août 2002, ont permis sur le terrain une réussite incontestable en matière de lutte contre la délinquance. Les objectifs quantitatifs de la LOPSI 1 ayant été remplis, il est donc légitime qu’ils cèdent désormais la place aux objectifs plus qualitatifs prévus dans le cadre de la LOPPSI 2. Le groupe UMP se réjouit de la présentation prochaine de ce nouveau projet de loi d’orientation et de programmation, qui mettra l’accent sur la modernisation, la mutualisation et le management, avec une dotation de 2, 5 milliards d’euros.

La seconde ambition est de poursuivre les efforts engagés en termes de modernisation de la sécurité intérieure.

Nous nous félicitons du recours intensif aux nouvelles technologies, qui permettra de renforcer l’efficacité des forces de sécurité. Les systèmes d’information et de communication doivent être améliorés en permanence pour répondre aux performances croissantes des criminels, comme l’a rappelé Mme Escoffier.

À cet égard, le programme de développement accéléré de la vidéosurveillance apporte une pierre supplémentaire à un édifice d’une importance majeure pour la sécurité de nos concitoyens. L’efficacité de tels dispositifs pour améliorer de façon significative la sécurité quotidienne n’est plus à démontrer ; des expériences étrangères l’ont largement prouvée et des expériences locales menées en France l’attestent quotidiennement. L’opinion publique est d’autant plus prête à les accepter que de nombreux progrès ont été accomplis pour protéger la vie privée.

C’est pourquoi nous soutenons la volonté affirmée par le Président de la République, lors de son discours du 24 novembre dernier prononcé au Perreux-sur-Marne, de tripler d’ici à 2012 le nombre de caméras de vidéosurveillance sur la voie publique. L’utilisation de la vidéo-protection constitue un véritable instrument de prévention, puisqu’elle intervient avant que les faits de violence ou les dégradations ne surviennent.

Le projet de budget que vous nous proposez, monsieur le ministre, concilie ainsi les deux impératifs de prévention et de répression sur lesquels toute politique de sécurité doit se fonder.

Nous nous félicitons en outre des efforts engagés pour poursuivre la modernisation de la police technique et scientifique de masse afin d’accroître les capacités d’investigation et d’améliorer ainsi le taux d’élucidation.

Pour cette deuxième annuité de programmation, le projet de loi de finances privilégie les programmes d’investissement, notamment en matière de modernisation technologique, d’équipement et de logistique. Dans cette perspective, la police est dotée de 133 millions d’euros et la gendarmerie de 111 millions d’euros.

Une autre ambition majeure est le regroupement des moyens humains qui sont au service de la protection des Français, ainsi que le renforcement des coopérations entre la police et la gendarmerie.

La loi du 3 août 2009 consacre le rattachement organique et opérationnel de la gendarmerie au ministère de l’intérieur. Pour des raisons d’efficacité, mais aussi de bonne utilisation de l’argent public, des synergies devaient être recherchées afin que l’unité de commandement des forces de l’ordre se trouve placée entre les mains d’un seul ministre. Ce rapprochement s’est opéré, dans le respect toutefois des spécificités propres à chacun de ces deux corps, qui doivent demeurer. Il ne remet en aucun cas en cause les missions, la répartition territoriale et le statut militaire de la gendarmerie, …

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

… auxquels les sénateurs de notre groupe sont particulièrement attachés.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

La gendarmerie représente désormais 34 % du personnel du ministère. Nous nous réjouissons que lui soit reconnue, dans le cadre de ce projet de budget, une véritable place, avec une répartition équilibrée des crédits entre les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale », dotés respectivement de 8, 8 milliards d’euros et de 7, 6 milliards d’euros.

S’agissant de la gendarmerie nationale, il convient d’apporter des assurances sur le maintien de ses missions de renseignement et de police judiciaire. Je rappelle également que les élus ruraux, souvent isolés face aux actes d’incivilité, sont très attachés aux petites brigades, qui doivent conserver leurs moyens humains afin de pouvoir leur apporter une aide.

Je me félicite de ce que le Gouvernement ait respecté, à l’occasion de cette deuxième année d’exécution du budget triennal, le cadre défini, démontrant ainsi sa volonté de conforter la place qui revient à chacun des deux corps. Le présent projet de budget met en cohérence les cadres d’action de la police et de la gendarmerie, dans la continuité du travail en commun engagé depuis 2002 afin de mieux s’adapter aux nouveaux enjeux de la délinquance.

Votre projet de budget est bon, enfin, parce qu’il prévoit un effort important en faveur de la formation permanente, du déroulement des carrières et d’un recentrage des missions sur les tâches qui ne peuvent être assurées que par des agents en uniforme. Ce volet est particulièrement important, car la police et la gendarmerie sont composées de femmes et d’hommes dont les compétences doivent être renforcées et valorisées.

Le personnel est au cœur des priorités du ministère, puisque 85 % des crédits de la mission, soit 14 milliards d’euros, sont alloués aux charges de personnel. Dans le cadre de la LOPPSI 2, 30 % des dépenses seront consacrées à celui-ci. Nous nous réjouissons qu’une attention particulière soit portée, au travers de ce projet de budget, au déroulement des carrières, aux rémunérations, à l’accompagnement dans l’exercice des missions. Il prévoit, en outre, une amélioration de l’équipement, afin de garantir une meilleure protection des policiers et des gendarmes. Comme vous l’avez souligné à juste titre, monsieur le ministre, nous ne saurions accepter « qu’ils puissent être agressés, dans l’exercice de leurs missions ou en dehors de leur service ».

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Nous devons constamment rappeler que l’ensemble des policiers et des gendarmes qui, tous les jours, assurent la tranquillité publique et la sécurité de nos concitoyens, garantissent ainsi l’unité de notre République.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Comme vous le souligniez avec force, monsieur le ministre, la baisse de la délinquance générale est « le fruit de l’action de près de 300 000 hommes et femmes, qui ont le service public chevillé au corps, qui sont les garants de nos vies, de nos biens et de nos institutions, et dont le seul et unique souci, jour comme nuit, est de protéger nos concitoyens ».

Pour conclure, je souhaite insister sur le fait que le recentrage des missions est absolument nécessaire, car trop de policiers et de gendarmes exercent aujourd’hui des tâches administratives qui ne relèvent pas de leur compétence.

Fondé sur une optimisation de la gestion des ressources humaines, ce projet de budget a ainsi pour objet de permettre aux forces de l’ordre de se recentrer sur leur cœur de métier, la protection des citoyens, en réduisant leurs missions périphériques et en renforçant leur présence dans les quartiers difficiles.

Au bénéfice de ces quelques observations, le groupe UMP votera naturellement les crédits de la mission « Sécurité ».

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à adresser un hommage appuyé à nos deux forces de sécurité, aux femmes et aux hommes qui se dévouent tous les jours pour assurer notre sécurité.

J’axerai mon propos sur le programme qui regroupe les dotations dévolues à la gendarmerie nationale. Que dire de ce projet de budget ?

Avant tout, je veux encore croire, monsieur le ministre, qu’il ne reflète pas la considération que vous affirmez avoir pour nos gendarmes, car cette considération serait alors bien faible…

Je veux croire que vous êtes seulement atteint de surdité ou de cécité, ou encore que vous êtes simplement mal informé quand vous affirmez que le présent projet de budget, le premier exercice que nous ayons à examiner depuis le rattachement de la gendarmerie nationale à votre ministère, est présenté à des militaires sereins, confiants dans leur avenir, œuvrant dans un climat apaisé de mutualisation et de rapprochement avec leurs collègues civils de la police nationale, …

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

… et que, qui plus est, il fixe en toute transparence à chacun des objectifs, des priorités et des missions clairement définis, pour lesquels les moyens nécessaires seront mis en œuvre.

Il me semble que le dévouement des personnels et les risques qu’ils prennent mériteraient beaucoup mieux que ce projet de budget en trompe-l’œil, fondé sur une analyse tronquée tant de leurs interrogations et de leurs inquiétudes légitimes que de la réelle évolution de la délinquance.

Les gendarmes mériteraient mieux que ce projet de budget, non sincère eu égard à l’évaluation selon des critères éminemment discutables de l’efficacité des mesures présentées, en matière de vidéosurveillance notamment.

M. Paul Blanc proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Ils mériteraient mieux, enfin, que ce projet de budget dont les économies attendues ne sont que de court, voire de très court terme. Ainsi, les coûts sociaux et financiers de l’abandon progressif de la prévention par la proximité ne sont pas pris en compte.

Les investissements nécessaires au renouvellement ou à l’entretien tant du patrimoine immobilier que du matériel lourd étant toujours repoussés à demain – les véhicules blindés à roues de la gendarmerie auraient dû être remplacés voilà deux ans –, ils deviennent de plus en plus inaccessibles aux finances publiques, dont on connaît l’état. Cela remet gravement en cause la sécurité comme l’efficacité de nos gendarmes.

Certes, le contexte budgétaire est difficile ; certes, il importe de se préoccuper de l’essentiel. Mais qu’est-ce que l’essentiel ? Qui, au sein du Gouvernement, peut définir précisément ce qu’est le cœur de métier des gendarmes ? Selon une tradition que l’on peut trouver bonne ou mauvaise, la gendarmerie nationale fait ce que les services relevant d’autres ministères ne peuvent ou ne veulent pas faire.

Supprimer certaines missions est sans doute souhaitable, mais surtout pas celles qui relèvent des fonctions régaliennes de l’État ou de l’obligation de réussite imposée, de façon générale, aux militaires, au nombre desquels comptent encore les gendarmes. L’essentiel est-il, pour ces derniers, de tout mettre en œuvre pour que ni sifflets ni quolibets ne parviennent aux oreilles du Président de la République lors de ses déplacements, ou d’assurer la sécurité de tout citoyen, en tout temps et en tout lieu ?

Le projet de budget que vous nous présentez, monsieur le ministre, est une accumulation de chiffres.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Ce n’est pas une anomalie en soi, mais cela devient un défaut majeur quand ces chiffres ne sont pas adossés à un vrai projet politique. Cela devient même un défaut rédhibitoire, en matière de sécurité, quand ils sont l’application d’un dogme, celui de la suppression d’un poste de fonctionnaire partant à la retraite sur deux.

Monsieur le ministre, les défenseurs de la LOPSI 1, qui militent aujourd’hui pour la LOPPSI 2, argumentaient à l’époque de l’examen de ce texte avec force détails sur la nécessité de créer 7 000 emplois dans la gendarmerie nationale. Mais voilà, les vents et la girouette ont tourné, sans doute, et la LOPPSI 2 prévoit que l’évolution de la délinquance permettra la suppression de 3 500 postes de gendarme d’ici à 2012 !

Ah, la LOPPSI 2, monstre du Loch Ness dont on parle beaucoup, sans jamais la voir ! Espérons qu’elle finira par montrer le bout de son nez avant 2013…

Mais laissons de côté, pour l’heure, ce problème de forme, et revenons au fond.

J’ai beaucoup de mal à comprendre l’évolution de la délinquance telle que vous nous la présentez. On fait dire aux chiffres ce que l’on veut, selon l’adage. Aussi rigueur et honnêteté sont-elles indispensables quand on commence à manier les statistiques.

Il reste pour moi surprenant d’entendre soutenir à l’approche d’une échéance électorale, chiffres à l’appui, que l’insécurité augmente et qu’il est urgent de confier les rênes du pays à un gouvernement qui s’en préoccupe vraiment, prônant la tolérance zéro, ainsi que des créations de postes et l’attribution de moyens, puis de voir, en période de discussion budgétaire, que les mêmes chiffres servent à démontrer que l’efficacité se conjugue désormais avec une diminution d’effectifs et de moyens… Lorsque la discussion budgétaire est proche d’une échéance électorale, le discours devient totalement inaudible : comprenne qui pourra ce que signifie un « ralentissement d’augmentation » de la délinquance, évalué sur un seul mois qui plus est – une unité de temps qui est totalement inadéquate en l’espèce –, cette appréciation ne concernant en outre ni les mêmes infractions, ni les mêmes territoires, ni les mêmes moyens, et étant exprimée parfois en pourcentage, parfois en valeur absolue.

Enfin, en matière de statistiques, la moindre des honnêtetés consisterait à rappeler que, en tout état de cause, une corrélation significative n’est pas synonyme d’un lien de cause à effet. Mais vous ou vos services, monsieur le ministre, le savez certainement bien mieux que moi…

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Il serait intéressant, par ailleurs, de vérifier l’incidence réelle de l’inflation législative en la matière, que vous brandissez souvent comme l’étendard de la sécurité : quel critère d’efficacité, en effet, que le simple dénombrement de gardes à vue dont nul ne sait combien étaient utiles, sinon indispensables !

Comment, dès lors, engager le vrai débat auquel nos concitoyens, mais plus encore nos gendarmes, ont pourtant droit, si, dès le premier mot, votre discours est empreint de subjectivité flagrante, voire de mauvaise foi ?

Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Monsieur le ministre, même la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a voté contre les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2010 pour la gendarmerie nationale, le 25 novembre dernier ! C’était une première ! Comment pouvez-vous ne pas entendre cet avertissement, ce sérieux coup de semonce à votre gouvernement et à sa politique de sécurité, très insuffisante et insatisfaisante ?

Les postes supprimés, nous dites-vous parfois, étaient affectés à des missions administratives générales qui seront désormais confiées à des agents civils dépendant du ministère de l’intérieur. Admettons ! Ce ministère sera donc épargné par la RGPP et la dure loi du « un poste sur deux » ? Ces missions ne seront donc pas remises à la charge, comme par un effet de boomerang, des gendarmes, dont les effectifs auront été réduits et auxquels auront été fixés des objectifs nouveaux, comme la constitution d’unités territoriales de quartier, l’exploitation des données de la vidéosurveillance, la lutte contre les violences familiales, les interventions en centres de rétention, etc. ? Ne s’agirait-il pas plutôt une nouvelle fois de promesses qui, comme tant d’autres, de plan Marshall en plan « Espoir banlieues », ne seront jamais tenues ?

Comment expliquer que le général Roland Gilles ait lui-même hésité, lors de son audition à l’Assemblée nationale, sur l’ampleur et la répartition des suppressions de postes ? Toucheront-elles, pour plus de la moitié d’entre elles, les brigades territoriales, les états-majors, les zones sous contrôle de la police ? Combien de brigades territoriales seront affectées, voire fermées ? Leur nombre sera-t-il égal, supérieur ou inférieur à 175 ? N’oublions pas non plus la suppression annoncée de 15 escadrons de gendarmerie mobile sur 123. Mais toutes ces mesures, bien entendu, n’altéreront pas la capacité opérationnelle de la gendarmerie nationale, ni le maillage territorial !

La précipitation qui prévaut dans votre recherche d’économies à court terme, appelée « accroissement des complémentarités et mise en commun des compétences », a provoqué, force est de le constater une fois de plus, des dysfonctionnements. Ainsi, Mme Bourzai a indiqué que certains gendarmes ne pratiquaient qu’une séance d’entraînement au tir par an, ce qui nous semble tout aussi insuffisant qu’aux instructeurs. Est-ce le temps ou les stands de tir qui manquent ?

Autre exemple de politique de gribouille : pourquoi fermer quatre écoles, celles du Mans, de Montargis, de Châtellerault et de Libourne, alors qu’elles avaient été inaugurées en grande pompe voilà peu de temps, au titre de la réutilisation efficace de sites militaires désertés ?

Ainsi, tant la formation que les investissements immobiliers, qui devraient faire l’objet d’une politique de long terme, sont encore laissés pour compte.

Outre leur insuffisance évidente, témoignant d’un manque de considération criant pour les conditions de logement et de travail des gendarmes, les crédits affectés à l’immobilier non seulement ne tiennent pas compte de la vétusté unanimement reconnue des locaux, mais encore font l’objet d’une présentation très opaque. La disparition du régime particulier lié aux cessions du ministère de la défense, depuis le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur, rend en effet impossibles les comparaisons avec les années antérieures ! Les seules certitudes sont l’insuffisance des moyens et la délégation aux collectivités locales dans des conditions extrêmement désavantageuses pour elles : enfin de la constance dans votre politique !

Les experts nous ont expliqué que les crédits de paiement augmentent de 0, 61 %. Certes ! Cependant, il n’a pas pu vous échapper que les charges de personnel représentent près de 83 % des crédits en 2010. Hors titre 2, les crédits de paiement pour les missions de sécurité elles-mêmes sont en baisse de 0, 88 %, et encore cette analyse ne tient-elle pas compte de la complexité supplémentaire induite, pour toute comparaison, par l’élargissement du périmètre des crédits du titre 3.

Monsieur le ministre, je ne crois pas qu’un tel projet de budget puisse être de nature à rassurer les gendarmes, les élus et les citoyens quant à la volonté réelle du Gouvernement d’améliorer la sécurité de tous. Vous ne vous étonnerez donc pas que le groupe auquel j’appartiens vote contre.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC -SPG.

M. Roger Romani remplace Mme Catherine Tasca au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Berthou

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à exprimer l’inquiétude que m’inspire le programme 152 « Gendarmerie nationale » du projet de loi de finances pour 2010. En effet, il semble qu’il y ait une inadéquation flagrante entre les besoins et les moyens consentis.

Les derniers résultats parus montrent que la période de janvier à septembre 2009 a été marquée par une augmentation de la criminalité et de la délinquance de 0, 45 %. Fait particulièrement significatif, le nombre d’atteintes volontaires à l’intégrité physique, qui avait déjà augmenté de 2, 40 % en 2008, progresse de 4, 08 % en 2009. Les vols à main armée, la violence scolaire ou encore la violence de proximité augmentent également. J’arrêterai là cette énumération, car, en réalité, la plupart des indicateurs sont au rouge, et ce pas seulement dans les zones urbaines, mais également dans les zones rurales, qui connaissent à leur tour une dégradation de la situation en matière de sécurité.

Alors même que le Gouvernement se sert de ces chiffres pour rejouer le thème de l’insécurité, il décide de réduire les effectifs de la gendarmerie, en appliquant la règle mécanique du non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux. Sur trois ans, 3 500 postes disparaîtront, dont 1 303 en 2010, s’ajoutant aux 1 426 postes supprimés en 2009. Il faut, de plus, prendre en compte les transformations d’emplois qui interviendront, notamment dans la gendarmerie. Il paraît évident que ce n’est pas le moment de procéder à de tels allégements. Il y a là, me semble-t-il, un véritable hiatus.

Outre la réduction des effectifs, le rattachement organique de la gendarmerie au ministère de l’intérieur, résultant de la loi du 3 août 2009, est préoccupant. Ce rattachement met en danger l’existence même de la gendarmerie. Dans les prochaines années, la tentation sera forte de regrouper au sein de ce ministère l’organisation de la sécurité et les moyens qui y sont consacrés.

Ma préoccupation s’accroît encore lorsque je constate le mécontentement de la police urbaine, qui manifeste aujourd’hui partout en France pour dénoncer la culture du chiffre et l’obligation de résultats. Ces manifestations, peu courantes de la part des forces de l’ordre, traduisent un malaise profond. L’état d’esprit actuel, contre lequel les policiers se mobilisent aujourd’hui, ne manquera pas de gagner demain la gendarmerie.

On peut craindre en outre que la réduction des effectifs et le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur ne remettent en cause la présence vingt-quatre heures sur vingt-quatre de la gendarmerie sur certains territoires. Déjà, on constate des regroupements d’activités dans certaines brigades : certaines sont spécialisées dans l’enregistrement des plaintes, d’autres dans la circulation routière, etc. Ainsi se perd déjà en partie cette proximité qui fait la force et l’efficacité de la gendarmerie.

Je tiens à souligner le rôle précieux des gendarmes, proches à la fois des élus et des populations, ce qui leur permet de savoir tout ce qui se passe sur un territoire.

Cette connaissance, permise par la proximité et la présence continue de la gendarmerie sur le terrain, est très efficace pour assurer la sécurité et la résolution d’un grand nombre d’affaires.

Le maillage des brigades sur l’ensemble du territoire sera remis en cause. Certaines seront fermées, tandis que d’autres se verront regroupées, alors même que l’ensemble des élus locaux des différentes collectivités ne cessent de réclamer des effectifs supplémentaires.

Les maires des petites communes et les populations des territoires ruraux s’inquiètent des fortes inégalités entre ruraux et urbains qui découleront de ces mesures. Il s’agit d’une rupture d’égalité dans le service de proximité de la sécurité.

En fait de complémentarité entre deux forces de sécurité, si chère à M. le ministre de l’intérieur, on assiste à une rationalisation des moyens et à la suppression de services publics, notamment en milieu rural.

D’ailleurs, point n’est besoin d’être devin pour affirmer qu’il est vraisemblable que l’on assistera à de grandes joutes et à des parties de cache-cache entre le ministère de l’intérieur, chargé de l’organisation de la sécurité, et le ministère de la défense, chargé de la gestion des ressources humaines.

Enfin, si les crédits pour 2010 de la mission « Sécurité » sont pratiquement constants, ils masquent des disparités.

En matière d’investissement, pour ne parler que de ce poste, je déplore que l’accent soit mis sur les nouvelles technologies, en particulier la vidéosurveillance, rebaptisée « vidéo-protection », alors que le renouvellement des matériels lourds, qui permettent le maintien en condition opérationnelle de la gendarmerie, est encore repoussé. Monsieur le ministre, une caméra n’a jamais remplacé, et ne remplacera jamais, l’action d’un gendarme présent sur le terrain !

Alors que la gendarmerie est confrontée à une aggravation de la délinquance, vous lui donnez, pour répondre à cet enjeu de société, moins de moyens et moins d’effectifs ! Cela est contradictoire, et les élus locaux que nous sommes sont inquiets des conséquences de ces mesures.

Une fois de plus, sous couvert du dogme de l’efficacité, la logique comptable l’emporte sur toute autre considération. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste ne votera pas les crédits de la mission « Sécurité ».

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord rappeler brièvement quelques éléments de contexte.

Outre la révision générale des politiques publiques, à laquelle beaucoup d’entre vous ont fait référence, mon action doit intégrer trois données fondamentales.

Premièrement, elle s’inscrit dans le cadre fixé par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009-2012. Pour l’année 2010, il était prévu d’affecter près de 24 milliards d’euros aux missions « Sécurité », « Sécurité civile », « Administration générale et territoriale de l’État », « Outre-mer » et « Relations avec les collectivités territoriales ». C’est exactement la somme qui figure dans ce projet de loi de finances : le Gouvernement a donc respecté le cadre fixé par la loi de programmation.

Deuxièmement, mon action doit tenir compte de la LOPPSI 2. Ainsi que plusieurs intervenants l’ont relevé, je souhaite, en étroite collaboration avec la commission des lois, « muscler » la partie normative de ce projet de loi, que j’aimerais voir venir en discussion devant le Parlement le plus tôt possible en 2010, vraisemblablement au cours de la dernière semaine de janvier ou de la première semaine de février.

Le projet de loi de finances intègre exactement, pour la police, la tranche 2010 de la LOPPSI 2, c’est-à-dire 133 millions d’euros de crédits de paiement fléchés vers la modernisation technologique, l’équipement et la logistique. Il en va de même pour la gendarmerie, avec 111 millions d’euros.

Troisièmement, ce projet de budget est marqué par le rattachement de la gendarmerie nationale à mon ministère. Je sais, madame Klès, que vous suivez activement ce dossier. Il me semble d’ailleurs que la construction d’une nouvelle caserne pour la brigade de Châteaubourg est un projet qui vous tient à cœur. Je puis vous confirmer que mon cabinet est attentif à ce dossier.

Murmures sur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

M. Brice Hortefeux, ministre. Vous aurez remarqué, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce fait, connu de Mme Klès, n’a eu aucune incidence sur la conclusion de son intervention !

Riressur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Blanc

M. Paul Blanc. À votre place, Georges Frêche lui aurait coupé les crédits !

Sourires

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

M. Brice Hortefeux, ministre. Un bienfait n’est pas toujours récompensé !

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Plusieurs sénateurs l’ont souligné, les militaires de la gendarmerie représentent désormais plus d’un tiers du personnel du ministère de l’intérieur, avec très exactement 98 155 gendarmes sur 283 449 agents, soit 34 % des effectifs.

Ce rapprochement ne remet aucunement en cause le principe de répartition territoriale des compétences entre la police et la gendarmerie, ni le maillage territorial de celle-ci, qui couvre 95 % du territoire national. Il implique, en revanche, la recherche permanente de rapprochements et de mutualisations.

À cet égard, je voudrais rassurer M. le rapporteur spécial, qui a évoqué la « redondance » du RAID et du GIGN.

J’ai inauguré avant-hier la nouvelle force d’intervention de la police nationale, qui réunit désormais le RAID, les groupes d’intervention de la police nationale et la brigade anti-commando de la préfecture de police, soit 500 policiers qui seront placés sous le commandement unique de M. Amaury de Hautecloque. Le GIGN avait procédé à la même démarche l’an dernier, pour réunir en son sein plus de 400 gendarmes d’élite sous l’autorité d’un seul chef.

Cette nouvelle organisation s’explique par l’évolution des formes de terrorisme. Autrefois, un acte de terrorisme était généralement centré sur une cible unique. Aujourd’hui, outre l’apparition de kamikazes, on observe, notamment depuis les attentats de Bombay, que le terrorisme peut frapper simultanément en des lieux multiples. Il était donc devenu nécessaire d’adapter la taille des unités aux mutations de la menace, d’où cette évolution de l’organisation.

J’ai demandé aux directeurs généraux de la police et de la gendarmerie de me faire des propositions pour développer de nouvelles synergies, avant peut-être d’envisager, ultérieurement, des mutualisations.

Je ne reviendrai pas sur la politique menée, car j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet, devant la commission des lois notamment.

Notre objectif est de faire baisser significativement et durablement la délinquance. La mission qui m’a été confiée par le Président de la République et le Premier ministre est claire : assurer la sécurité de nos compatriotes partout et pour tous. Cela signifie qu’il ne doit y avoir ni population oubliée, ni territoire négligé, ni forme de délinquance tolérée.

Face aux nouvelles formes de délinquance, nous devons nous donner les moyens d’agir. Pour ce faire, j’ai mobilisé l’ensemble des acteurs de la sécurité en leur fixant des objectifs, mais aussi en étant à leur écoute. Ces objectifs sont simples mais élevés : d’ici à la fin de l’année, ils doivent faire mieux, chacun dans son département, que sur la période correspondante de 2008. Il sera facile de juger du résultat.

Je relève avec amusement que les orateurs qui dénoncent les statistiques dont j’ai fait état en produisent eux-mêmes beaucoup dans leurs interventions ! Celles qui proviennent de l’Observatoire national de la délinquance – et non pas du Gouvernement, je le souligne – seraient sujettes à caution, mais les leurs, c’est du « béton » ! Soyons raisonnables !

En réalité, les agrégats de la délinquance n’ont pas évolué, ce qui serait d’ailleurs sans doute souhaitable. En effet, les opérations assez lourdes que nous avons lancées contre les trafiquants de drogue ont eu pour conséquence de gonfler les statistiques de la délinquance !

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Quoi qu’il en soit, les agrégats statistiques, pour l’heure, n’ont pas été modifiés, et il me paraît donc difficile, dans ces conditions, de considérer que les données seraient fiables dans un cas mais pas dans un autre : vous pourrez aisément juger si les objectifs fixés par le Gouvernement ont été ou non atteints. Si d’aventure ils étaient atteints – je compte naturellement sur l’honnêteté intellectuelle, dont je ne doute pas une seule seconde, de l’ensemble des intervenants –, cela signifierait que la délinquance a diminué pour la huitième année consécutive. Mais nous n’en sommes pas encore là : donnons-nous rendez-vous au début de l’année prochaine !

Pour mieux lutter contre la délinquance, nous avons aussi perfectionné notre organisation.

Devant la recrudescence préoccupante des cambriolages, en particulier de résidences principales, qui ont connu une hausse de 14 % en juillet dernier et de 13 % au mois d’août – ces statistiques sont peu favorables, je le reconnais bien volontiers –, nous avons mis en place, à partir du début du mois d’octobre dernier, des cellules anti-cambriolages, qui sont aujourd’hui présentes dans chaque département. Ce dispositif commence à donner des résultats.

Par ailleurs, nous avons créé une division nationale de lutte contre le hooliganisme, afin de réprimer les agissements des cinglés qui viennent au stade non pour assister à un match de football, mais pour casser. La situation était devenue totalement inacceptable, aussi avons-nous pris des mesures. Certes, tous les problèmes ne sont pas réglés, mais le match OM-PSG qui s’est déroulé voilà quelques jours à Marseille, par exemple, n’a pas donné lieu à des débordements.

Les premiers résultats sont donc là. La tendance à la hausse de la délinquance que l’on enregistrait depuis le mois de mars, pour des raisons multiples, a été cassée dans un premier temps, en septembre dernier, puis inversée au mois d’octobre, avec une baisse de 5, 94 % de la délinquance générale, ainsi qu’une baisse très nette, de 6, 56 %, de la délinquance de proximité, et un recul du nombre des cambriolages de résidences principales de 5, 13 % par rapport au mois d’octobre 2008.

Oui, nous le revendiquons et l’assumons sereinement, mais avec une grande détermination : nous avons la culture de la performance et du résultat ! Cela me paraît plus satisfaisant que d’avoir celle de l’échec absolu…

Nous voulons non seulement conforter ces bons résultats, mais les amplifier grâce à cinq chantiers prioritaires.

Le premier d’entre eux est de parvenir à une plus grande efficacité opérationnelle. À cet égard, j’ai été particulièrement sensible aux propos de M. Laménie. Le Premier ministre m’a chargé de piloter le plan gouvernemental de prévention de la délinquance et d’aide aux victimes, qui porte notamment sur le développement de la vidéo-protection, en association, bien sûr, avec les maires. Nos concitoyens sont totalement favorables à cette action, monsieur Gautier : selon une enquête parue en août dernier, 81 % d’entre eux estiment que l’installation de caméras est de nature à améliorer la sécurité.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Cela est en effet assez clair : un rapport de l’Inspection générale de l’administration montre que la délinquance diminue deux fois plus vite dans les communes équipées d’un système de vidéo-protection que dans les autres. Je tiens naturellement cette étude à votre disposition.

Bien évidemment, la vidéo-protection doit être utilisée dans le respect des droits et libertés individuels. Je crois que nous sommes tous d’accord sur ce point.

Un autre objectif du plan gouvernemental de prévention de la délinquance et d’aide aux victimes est d’assurer la sécurité de nos enfants dans les collèges et les lycées. C’est dans cette perspective que j’ai mis en place, en liaison avec Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, un nouveau dispositif destiné à sécuriser l’intérieur et les abords des établissements scolaires. Concrètement, 1 058 correspondants sécurité-école ont été désignés dans tous les établissements scolaires du second degré et dans certains du premier degré.

De la même manière, Éric Woerth et moi-même avons décidé de frapper les délinquants au portefeuille. L’objectif est simple et clair ! Pour cela, une cinquantaine d’agents du fisc ont été affectés sur quarante-trois sites sensibles, répartis entre dix-sept départements. Ces agents ne travaillent pas de façon isolée : ils sont installés au sein des directions départementales de la sécurité publique et se déplaceront sur le terrain pour repérer et surtout sanctionner ceux dont le train de vie ne correspond manifestement pas aux revenus déclarés. Lorsqu’un « caïd » se lève à midi, ne travaille pas de la journée et roule le soir en 4x4, il est légitime de s’interroger sur la source de ses revenus.

Par ailleurs, monsieur Gautier, je suis pour ma part favorable à une collaboration opérationnelle renforcée avec les polices municipales. Cela passe notamment par une professionnalisation de la filière, j’en ai bien conscience, qui pourra être obtenue grâce à une amélioration de la formation des agents et par le développement de la coopération au quotidien.

Le renforcement de la sécurité passe aussi par une coordination avec nos partenaires étrangers, surtout européens. L’entrée en vigueur du traité de Lisbonne permettra de nouvelles collaborations et offre de nouvelles chances pour l’Europe de la sécurité.

Lorsque j’étais ministre chargé de l’immigration, j’avais proposé la création d’un pacte européen sur l’immigration et l’asile. Nous avions alors abouti avec nos partenaires, lors de la présidence française de l’Union européenne, à une position commune assez juste, efficace et équilibrée. Je serais assez favorable à l’idée d’appliquer au domaine de la sécurité intérieure une démarche similaire.

Le deuxième chantier consiste à adapter notre approche aux bassins de vie et aux territoires.

J’ai lancé la police d’agglomération, point sur lequel je reviendrai tout à l’heure. À la lumière des résultats obtenus à Paris, peut-être conviendra-t-il d’étendre cette expérience à d’autres collectivités, toujours en partenariat avec les élus locaux : je pense notamment à Lyon, à Lille, à Marseille ou à Nice.

Dans le même esprit, la gendarmerie nationale va développer une « police des territoires ». Je voudrais rassurer MM. Faure et Berthou : le maillage territorial assuré par les brigades territoriales continuera à être adapté pour garantir l’efficacité opérationnelle de la gendarmerie. La rationalisation que vous avez évoquée, monsieur Berthou, n’est nullement incompatible avec l’efficacité, au contraire : elle peut permettre une amélioration, dans le respect du maillage.

Le troisième chantier concerne la lutte contre les trafics de drogue.

Depuis quelques semaines, nous donnons des coups de pied dans la fourmilière. Nous arrêtons actuellement environ quatre-vingts dealers par jour, et nous allons renforcer encore notre action, notamment en nous appuyant sur les groupes d’intervention régionaux, les GIR, qui peuvent être très efficaces dans ce combat.

J’ai confié au préfet Jean-Paul Bonnetain la mission de coordonner la lutte contre les trafics de drogue. Conformément aux décisions du Président de la République, il coordonnera, sous mon autorité, l’ensemble des services qui contribuent à cette lutte, notamment contre les trafics de proximité.

Le quatrième chantier consiste à faire reculer de manière significative les différentes sortes de violences contre les personnes.

Il est vrai que nous sommes confrontés à un phénomène de société avec l’augmentation de la délinquance des mineurs, qui représente aujourd’hui près d’un acte de délinquance sur cinq. Elle est de plus en plus violente et se féminise : le nombre de filles mises en cause pour atteinte aux personnes a augmenté de 408 % entre 1996 et 2008.

Face à ce constat, j’ai avancé l’idée d’un couvre-feu ciblé sur les mineurs délinquants de moins de treize ans. J’observe que, selon une enquête récente, 68 % de nos concitoyens y seraient favorables. Je préciserai les modalités d’application de ce couvre-feu dans le cadre de la LOPPSI 2.

Parallèlement, nous renforçons aussi notre lutte contre l’insécurité routière. Entre 2002 et 2008, le nombre de décès sur les routes avait baissé de 44 %. Si les chiffres du mois de septembre n’étaient pas bons, ils ont été meilleurs au mois d’octobre, avec une baisse de 4, 5 % du nombre de tués. J’attends de connaître les chiffres de novembre, qui seront rendus publics dans quelques jours, pour pouvoir apprécier la tendance générale.

Le cinquième et dernier chantier est celui de la préparation de l’avenir.

Cela passe, tout d’abord, par la modernisation des moyens des services de police. Je suis très attaché au développement de la police technique et scientifique de masse. La modernisation des moyens des services de police passe aussi par les équipements des véhicules. En 2010, 500 véhicules seront équipés d'un lecteur automatisé des plaques d’immatriculation, dit LAPI. Dans le cadre de vos mandats, je vous encourage à participer à des opérations avec les services qui en sont équipés ; vous constaterez que ce système est extrêmement performant !

Préparer l’avenir, c’est ensuite nous protéger contre les menaces extrémistes ou terroristes. Par exemple, je suis avec la plus grande attention la résurgence d’une ultragauche de plus en plus violente. Les opérations de guérilla urbaine conduites à Strasbourg, lors du sommet de l’OTAN, les événements de Poitiers, plus récemment, ou encore l’alerte à la bombe à l’Assemblée nationale, hier, nous ont montré que nous devons être vigilants.

Vigilants, nous devons également l’être à l’égard des mouvements racistes, antisémites et xénophobes qui menacent la cohésion de notre société. Après ma prise de fonctions, l’une de mes premières actions a d’ailleurs été de dissoudre un groupement de fait dénommé « Jeunesse Kémi Séba », qui était en fait une résurgence de la « Tribu Ka ».

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Dans la même optique, Bernard Kouchner et moi-même avons confié à M. Patrick Lozès, président du Conseil représentatif des associations noires, le CRAN, une mission de réflexion sur la lutte contre le racisme et le communautarisme.

Je le dis très sincèrement, je disposerai des moyens humains et financiers nécessaires pour mener cette politique.

Je remercie M. de Montesquiou d’avoir souligné la rupture avec la tendance à la hausse de la délinquance enregistrée ces derniers mois.

En ce qui concerne la police technique et scientifique, 800 experts de haut niveau travaillent au sein des laboratoires de la police et de la gendarmerie. La Cour des comptes a affirmé, dans son rapport de 2009, qu’elle n’était pas convaincue que la concentration et le regroupement des structures soient synonymes d’efficacité et d’économie. Peut-être le maintien de structures distinctes est-il même source d’émulation ? Mon ambition, très simplement, est d’amener la police technique et scientifique au meilleur niveau, en améliorant la complémentarité et la coordination des laboratoires. J’ai d’ailleurs demandé aux directeurs généraux de la police et de la gendarmerie de me faire des propositions pour développer les synergies et améliorer les mutualisations.

Je confirme à M. Hyest mon souhait que la LOPPSI 2 soit examinée le plus tôt possible, dès les premières semaines de 2010. Nous avons retravaillé le texte pour l’adapter, car le domaine de la sécurité, loin d’être figé, évolue. Dès ma prise de fonctions, j’ai donc voulu le muscler, le « bodybuilder », même si le terme n’est pas très beau…

En ce qui concerne le rapprochement de la police et de la gendarmerie, il ne s’agit ni d’une fusion ni d’un statu quo. Notre démarche est pragmatique et se fonde notamment sur une réflexion conjointe des deux directions générales. L’objectif est d’obtenir une amélioration dans tous les domaines.

J’ai pris bonne note de l’idée, qui avait été présentée par M. Courtois, d’associer les compagnies d’assurances au financement de la police scientifique et technique. Nous devons y travailler, en liaison avec la Fédération française des sociétés d’assurances. Je ne suis pas sûr que ces sociétés manifesteront un enthousiasme délirant, mais j’aborde cette question sans tabous. La réflexion n’est pas encore aboutie, mais je prends en compte cette suggestion.

Monsieur Faure, je vous remercie encore une fois de votre soutien. Je tiens à vous rassurer à nouveau : le dispositif territorial continuera à être adapté pour garantir l’efficacité de la gendarmerie départementale. Il y a, d’un côté, le concept de police d’agglomération, et, de l’autre, celui de police des territoires, auquel nous sommes très attachés. Quelques ajustements peuvent effectivement être opérés, ici ou là, en termes d’effectifs, d’implantation ou de zone de compétence des unités, mais, en tout état de cause, j’ai demandé qu’ils soient décidés en concertation avec les élus concernés.

S’agissant des OPEX, 525 gendarmes participent actuellement à des opérations extérieures, principalement en Afghanistan, où ils prennent part à des missions extrêmement complexes, dans les Balkans et en Afrique. Nous avons prévu 15 millions d’euros pour financer les OPEX. Cette dotation ne sera pas suffisante, car l’engagement des gendarmes en Afghanistan voulu par le Président de la République engendre un important surcoût, qui est en cours de compensation.

Monsieur Charles Gautier, je vous le dis sans esprit polémique : en dénonçant l’évolution de l’insécurité, vous vous êtes trompé de gouvernement et de régime !

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

C’est bien au cours de la période 1997-2002, sous le gouvernement de Lionel Jospin, qu’il y a eu aggravation de l’insécurité, avec une augmentation de 15 % de la délinquance. Pour notre part, nous l’avons fait reculer de 14 % !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Gautier

Pour quelqu’un qui ne voulait pas polémiquer, c’est réussi !

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

M. Brice Hortefeux, ministre. On peut discuter à l’infini de bien des choses, mais, en termes de statistiques pures, avec les mêmes agrégats, les choses sont très claires !

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

En ce qui concerne la LOPPSI 2, monsieur le sénateur, je me réjouis de votre impatience : j’espère que votre attente sera de courte durée et, surtout, que vous voterez ce texte !

S’agissant de la police municipale, vous êtes très réservé, pour dire le moins. Cela étant, notre pays compte 25 000 policiers municipaux, qui jouent un rôle tout à fait important. L’action des 3 500 polices municipales est très utile, surtout lorsqu’elle est coordonnée avec celle de la police nationale. Vous le savez certainement, 800 conventions ont déjà été signées entre police nationale et polices municipales.

Concernant la vidéo-protection, je me réjouis très sincèrement que les références idéologiques aient évolué. En disant cela, je me tourne naturellement vers Mme Assassi, dont j’apprécie l’enthousiasme, bien qu’il se focalise exclusivement sur la critique de toutes les actions du Gouvernement !

Rires sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

S’agissant des effectifs, le ministre de l’intérieur ne peut se dispenser de l’effort qu’impose la RGPP, mais la mutualisation et une meilleure organisation permettront d’améliorer l’efficacité des services.

Vous m’avez en outre interrogé sur la lutte contre le trafic de drogue. Cela fait deux mois que le plan drogue en vigueur à Paris depuis octobre 2007 a été étendu aux départements de la petite couronne, dans le cadre de la police d’agglomération.

Madame Escoffier, je vous remercie d’avoir souligné que l’action des forces de sécurité intérieure s’inscrivait dans un cadre républicain. Vous avez parfaitement raison : cette action est au service des valeurs portées par la République. La police de la République respecte naturellement les droits de l’homme.

Je vous remercie également d’avoir insisté sur l’effort technologique majeur effectué par le ministère de l’intérieur dans un cadre budgétaire que vous avez, à juste titre, qualifié de contraint. La crise économique mondiale pèse effectivement sur notre pays, et il faut avoir à l’esprit que les ressources de l’État ont diminué de 20 %. Or la mission « Sécurité » bénéficie néanmoins de moyens stabilisés.

J’ai bien noté le dépôt récent de votre proposition de loi visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l’heure du numérique. Dans le même ordre d’idées, le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, M. Jean-Luc Warsmann, a fait adopter un nouvel encadrement juridique auquel j’ai donné mon accord, car il respecte les exigences opérationnelles, ce dont je suis garant en tant que ministre de l’intérieur. Dès lors que ces exigences ne sont pas remises en cause, je suis tout à fait favorable à un encadrement protecteur qui apporte des garanties et assure le respect des libertés.

Monsieur Laménie, je vous remercie de votre soutien affirmé. Vous avez eu parfaitement raison de souligner la qualité du dialogue social au sein du ministère de l’intérieur. Je note d’ailleurs que c’est à l’appel d’un seul syndicat que certains policiers ont fait part aujourd’hui de leurs préoccupations. Ce mouvement s’explique aussi, très normalement, par le fait que nous entrons dans une période d’élections syndicales… J’ai reçu, hier encore, les syndicats, avec lesquels je suis en contact permanent.

Madame Klès, les remerciements que je vous adresserai seront plus ténus !

Rires sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

En ce qui concerne l’investissement immobilier en faveur de la gendarmerie nationale, j’ai personnellement veillé à ce que 140 millions d’euros d’autorisations d’engagement y soient consacrés en 2010, ce qui permettra notamment la livraison de 2 300 logements neufs pour les militaires de la gendarmerie et leurs familles. Voilà qui devrait vous faire plaisir !

Pour le reste, il serait trop long de répondre à tous vos propos polémiques. En tout état de cause, il n’y a aucun plan de fermeture de brigades, les évolutions étant décidées au cas par cas.

Pour les escadrons de gendarmerie mobile, nous travaillons selon des hypothèses, mais aucune décision n’est arrêtée ce jour. Par conséquent, n’anticipez pas ! Les principes sont simples : pas de suppression sur des sites déjà touchés par des restructurations ; préservation des unités ayant bénéficié récemment d’une évolution immobilière ; respect absolu des besoins opérationnels.

Par ailleurs, si nous avons effectivement procédé, en 2009, à la fermeture des écoles de gendarmerie de Montargis, de Libourne, du Mans et de Châtellerault, je vous dis très directement qu’aucune autre fermeture n’est envisagée, l’adaptation des structures de formation nous paraissant aujourd’hui pertinente et satisfaisante. J’espère vous avoir rassurée sur ce point, mais ne cherchez pas en tout cas à faire peur.

Monsieur Berthou, il me semble avoir répondu à vos interrogations au fil de mon intervention.

En conclusion, nous avons des réformes très importantes à mettre en œuvre, des objectifs à atteindre et, surtout, des résultats à obtenir. Mesdames, messieurs les sénateurs, ces résultats, nous les obtiendrons !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste. – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Sécurité », figurant à l’état B.

en euros

Missions

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Sécurité

Police nationale

Dont titre 2

7 717 769 783

7 717 769 783

Gendarmerie nationale

Dont titre 2

6 366 860 977

6 366 860 977

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de la mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

J’appelle en discussion l’amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 59 ter, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Sécurité ».

L'amendement n° II-193, présenté par M. Faure, est ainsi libellé :

I. - Après l'article 59 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la fin de l'article 119 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008, l'année : « 2009 » est remplacée par l'année : « 2010 ».

II. - En conséquence, faire précéder cet article de l'intitulé :

Sécurité

La parole est à M. Jean Faure.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Faure

Un certain nombre de nos collègues ont fait part de leurs inquiétudes sur les difficultés de logement rencontrées par les gendarmes. Ces inquiétudes me semblent fondées.

Cet amendement vise précisément à permettre la mise sur le marché, sur l’initiative des collectivités territoriales, de cinquante-trois projets immobiliers, qui seront mis à disposition par le biais de baux emphytéotiques.

Il s’agit de proroger le dispositif ad hoc, qui devait initialement prendre fin au 31 décembre 2007. Cela permettra de régler une petite partie des problèmes d’hébergement auxquels les gendarmes sont actuellement confrontés.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Cet amendement vise à permettre de lisser les financements et de maintenir en état des gendarmeries qui sont souvent, hélas, très dégradées.

La commission est, par conséquent, tout à fait favorable à cette mesure, qui pourra éventuellement être reconduite l’année prochaine.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Cet amendement vise à sécuriser un certain nombre d’opérations qui ont été agréées. Je profite d’ailleurs de cette occasion pour saluer l’engagement des collectivités territoriales en faveur de l’habitat destiné aux gendarmes.

Le Gouvernement a donc émis un avis tout à fait favorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Charles Gautier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Gautier

Si j’ai bonne mémoire, c’est la troisième fois que nous prolongeons d’un an ce dispositif ! Devons-nous prendre un abonnement ou bien tenter de régler définitivement la question ?

Monsieur le ministre, ma question est directe, simple et technique. Au demeurant, nous ne sommes pas opposés à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Faure

Il s’agit de réaliser cinquante-trois projets !

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Monsieur Gautier, j’entends bien votre remarque. Cette disposition pourra être utilement inscrite dans la LOPPSI 2, que nous examinerons à la fin du mois de janvier prochain.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 59 ter.

La parole est à M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Monsieur le ministre, vous avez évoqué l’arrivée d’agents du fisc au sein des directions départementales de la sécurité publique. Auront-ils la qualité d’officier de police judiciaire ?

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Ce n’est pas le cas à ce stade.

Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, ces agents seront déployés dans un certain nombre de départements sensibles. L’idée est en fait assez ancienne ; la nouveauté consiste en ce que ces fonctionnaires seront physiquement présents aux sièges des directions départementales de la sécurité publique.

La semaine dernière, le Président de la République, que j’ai accompagné à cette occasion, s’est rendu à Bobigny, en Seine-Saint-Denis. Au sein du nouvel hôtel de police sont prévus des espaces destinés à un certain nombre d’inspecteurs du fisc.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Sécurité ».

Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Roland du Luart.